Contrat à durée déterminée d’usage : 17 mai 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 19/05875

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Contrat à durée déterminée d’usage : 17 mai 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 19/05875
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Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 11

ARRET DU 17 MAI 2022

(n° , 8 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/05875 – N° Portalis 35L7-V-B7D-B76NJ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Mars 2019 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOBIGNY – RG n° 17/00234

APPELANT

Monsieur [V] [F]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Carla HERDEIRO, avocat au barreau de PARIS, toque : E1074

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/037681 du 30/09/2019 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de PARIS)

INTIMEE

SASU KEYBRID

[Adresse 4],

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Sandra OHANA, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 27 Janvier 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre,

Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre,

Madame Laurence DELARBRE, Conseillère,

Greffier, lors des débats : Madame Mathilde SARRON

ARRET :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Anne HARTMANN Présidente de chambre, et par Madame Manon FONDRIESCHI, Greffière présente lors du prononcé.

EXPOSE DU LITIGE

La société Keybrid a pour activité la mise à disposition de chauffeurs privés sur des véhicules de haut standing sous l’enseigne de Airport Service Limousine.

M. [V] [F], né en 1977, soutient avoir été engagé par la société Keybrid, selon un contrat de travail à durée déterminée à compter du 1er octobre 2015 au 31 mars 2016 en qualité de chauffeur intermittent pour un salaire mensuel de 1.398,40 euros et un horaire de 151h67 mais avoir travaillé dès le 4 juin 2015 sans contrat écrit et que la relation contractuelle s’est poursuivie au-delà du 31 mars 2016.

La société Keybrid se prévaut de deux autres contrats à durée déterminée du 4 juin 2015 jusqu’au 31 août 2015, puis et du 1er avril 2016 au 30 septembre 2016 que M. [F] conteste avoir signés.

Les relations contractuelles étaient soumises à la convention collective nationale des transports routiers et des activités auxiliaires du transport.

La société Keybrid occupait à titre habituel plus de dix salariés pour les besoins de son activité.

Demandant la requalification de la relation de travail en contrat de travail à durée indéterminée et diverses indemnités consécutives à la rupture du contrat, outre des rappels de salaires, M. [V] [F] a saisi le 27 janvier 2017 le conseil de prud’hommes de Bobigny qui, par jugement rendu le 4 mars 2019 auquel la Cour se réfère pour l’exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a statué comme suit :

– Déboute M. [F] [V] de l’ensemble de ses demandes ;

– Déboute la SASU Keybrid de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 ;

– Condamne M. [F] [V] aux entiers dépens.

Par déclaration du 7 mai 2019, M. [F] a interjeté appel de cette décision, qui lui a été notifiée par lettre du 16 avril 2019.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 7 avril 2021 et l’affaire fixée à l’audience le 11 juin 2021.

Par arrêt rendu le 14 septembre 2021, la cour de céans a ordonné la révocation de l’ordonnance de clôture et ordonné la réouverture des débats, afin de permettre à l’intimée de répliquer aux dernières écritures de l’appelant déposées la veille de l’ordonnance de clôture.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 24 janvier 2022, M. [V] [F] demande à la cour de :

– infirmer le jugement en date du 4 mars 2019 en toutes ses dispositions ;

– juger que la relation de travail doit être requalifiée en un contrat à durée indéterminée;

– juger que la rupture de la relation de travail s’analyse en un licenciement abusif ;

– constater l’étendue du préjudice de M. [F] et en conséquence,

– débouter la société Keybrid de ses demandes reconventionnelles ;

– condamner la société Keybrid à lui verser les sommes suivantes :

* 5.717,20 € au titre de rappel de salaire pour la période du 1er août 2016 au 19 octobre 2016 ;

* 571,72 € à titre de congés y afférents ;

* 1.654,87 € à titre d’indemnité de requalification en contrat à durée indéterminée ;

* 9.929,22 € à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé ;

* 1.654,87 € (1 mois de salaire) indemnité compensatrice de délai-congé ;

* 165,48 € à titre de congés payés y afférents ;

* 13.238,86 € (8 mois de salaire) à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;

* 9.929,22 € (6 mois de salaire) à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral;

* 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– dire que les condamnations porteront intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud’hommes ;

– ordonner la capitalisation des intérêts ;

– condamner la société Keybrid, aux entiers dépens d’instance.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 26 janvier 2022, la société Keybrid demande à la cour de :

– Confirmer le jugement du 04 mars 2018 rendu par le Conseil de Prud’hommes de Bobigny :

Statuant à nouveau

Vu l’article 910-4 du Code de Procédure Civile

– Déclarer irrecevable la demande de M. [F] au titre de ses salaires pour la période allant du 1er août 2016 au 19 octobre 2016

En tout état de cause

– Débouter M.[F] de l’intégralité de ses demandes.

– Condamner M. [F] à payer la somme de 3.000 € à la société Keybrid par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 27 janvier 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites ainsi qu’au jugement déféré.

SUR CE, LA COUR :

Sur l’exception d’irrecevabilité soulevée

La société Keybrid fait valoir que M. [F] est irrecevable par application de l’article 910-4 du code de procédure civile à solliciter des rappels de salaire pour la période allant du 1er octobre 2016 au 19 octobre 2016, puisque dans ses conclusions d’appel sa demande limitait sa réclamation au 30 septembre 2016.

M. [F] n’a pas conclu sur ce point.

L’article 910-4 du code de procédure civile dispose qu’à peine d’irrecevabilité soulevée d’office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l’ensemble de leurs prétentions sur le fond.

Au constat qu’à la faveur d’un nouveau moyen relatif à la rupture des relations contractuelles soutenu par M. [F], lequel invoque désormais une prise d’acte en date du 18 octobre 2016, il réclame, ce qu’il s’était abstenu de faire jusqu’alors, des salaires impayés jusqu’au 19 octobre 2016, demande qu’il a formulée pour la première fois dans ses écritures du 6 avril 2021 alors que ses conclusions d’appel ont été notifiées par voie de RPVA le 7 août 2019, l’appelant est irrecevable à réclamer des rappels de salaire entre le 1er octobre et le 19 octobre 2016.

Sur la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée

Pour infirmation du jugement déféré, M. [F] soutient avoir travaillé pour le compte de la société intimée dès le 4 juin 2015 sans contrat écrit jusqu’au contrat daté du 1er octobre 2015, le seul qu’il reconnaît avoir signé pour la période allant jusqu’au 31 mars 2016 inclus, contestant la signature portée sur les autres contrats produits par l’employeur faisant observer qu’il ne s’agit pas d’originaux, datés pour l’un du 1er juin 2015 et pour l’autre du 29 mars 2016 à valoir jusqu’au 31 (sic) septembre 2016.

Il souligne qu’il a travaillé avant le 1er octobre 2015 et au-delà du 31 mars 2016 sans contrat écrit et que la requalification de travail en contrat à durée indéterminée est encourue pour différents motifs outre le non-respect du formalisme propre aux contrats à durée déterminée, l’absence de précision du motif, le non-respect du délai de carence et la poursuite des relations de travail au-delà du terme prévu.

La société intimée réplique pour confirmation du jugement déféré, que M. [F] a signé son premier contrat de travail à durée déterminée le 1er juin 2015 pour une durée de trois mois jusqu’au 31 août 2015 et qu’il a ensuite travaillé d’octobre 2015 à septembre 2016 en vertu de deux autres contrats à durée déterminée, que tous les contrats ont été signés par l’appelant qui n’est pas recevable à prétendre qu’ils seraient faux puisqu’il ressort du dossier qu’il n’a jamais la même signature (par comparaison avec les bons de missions qu’il a signés).

La cour retient que les parties s’accordent pour considérer que M. [F] a travaillé dès le mois de juin 2015 en qualité de chauffeur comme le confirment d’ailleurs tant la fiche de paye relative au mois de juin 2015 que les bons de missions signés.

La cour relève à la lecture des contrats dont se prévaut la société que ceux-ci sont qualifiés de contrats à durée déterminée mais aussi de contrats de travail intermittent conclus conformément aux dispositions des articles L.3121-31 à L.3123-37 du code du travail autorisés pour certaines entreprises et à certaines conditions afin de pourvoir des emplois permanents qui par nature comportent une alternance de périodes travaillées et non travaillées. A cet égard l’article L.3123-31 du code du travail dans sa version applicable au litige disposait que ce contrat de travail intermittent était un contrat à durée indéterminée écrit.

La cour en déduit que les contrats à durée déterminée dont se prévaut l’employeur se devaient par conséquent de respecter le formalisme légal des contrats à durée déterminée.

La cour rappelle que selon l’article L1242-2 dans sa rédaction applicable, « sous réserve des dispositions de l’article L. 1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire, et seulement dans les cas suivants :

1° Remplacement d’un salarié en cas :

a) D’absence ;

b) De passage provisoire à temps partiel, conclu par avenant à son contrat de travail ou par échange écrit entre ce salarié et son employeur ;

c) De suspension de son contrat de travail ;

d) De départ définitif précédant la suppression de son poste de travail après consultation du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, s’il en existe ;

e) D’attente de l’entrée en service effective du salarié recruté par contrat à durée indéterminée appelé à le remplacer ;

2° Accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise ;

3° Emplois à caractère saisonnier, dont les tâches sont appelées à se répéter chaque année selon une périodicité à peu près fixe, en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie collectifs ou emplois pour lesquels, dans certains secteurs d’activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois ;(…) ».

Toutefois le recours aux contrats à durée déterminée d’usage, ainsi que le revendique désormais l’employeur outre qu’il doit répondre à des conditions propres rappelées plus avant, suppose à tout le moins que le contrat précise qu’il s’agit d’un contrat d’usage faute de quoi le contrat n’est pas motivé et encourt, ainsi que le soutient le salarié, la requalification en contrat à durée indéterminée dès le 4 juin 2015, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres griefs.

En vertu de l’article L. 1245-2, le salarié dont le contrat à durée déterminée est requalifié en contrat à durée indéterminée peut prétendre au paiement d’une indemnité de requalification ne pouvant être inférieure à un mois de salaire. La rémunération contractuelle prévue était d’un montant de 1.398,40 euros bruts pour 151,67 heures par mois et si M. [F] soutient avoir travaillé plus d’heures et avoir été rémunéré en liquide, il ne l’établit pas. Les bons de missions qu’il produit à cet égard qu’il a établis unilatéralement et qui sont contestés par l’employeur ne sont pas convaincants.

Il convient de condamner la société Keybrid à payer à M. [F] une indemnité de requalification de 1.500 euros, le jugement entrepris étant infirmé de ce chef.

Dès lors que la relation de travail a été requalifiée en contrat de travail à durée indéterminée, la rupture de celui-ci par la société intimée, qui n’a plus fourni de travail au salarié et qui a mis fin à la relation de travail le 30 septembre 2016 sans respecter les règles du licenciement, s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ouvrant droit à indemnité, rendant sans objet le courrier daté du 18 octobre 2016 que le salarié revendique désormais comme étant une prise d’acte.

Il s’en déduit que M. [F] peut prétendre au paiement de son salaire jusqu’au 30 septembre 2016 inclus, l’employeur étant tenu de lui fournir du travail jusqu’à cette date sans pouvoir lui opposer l’absence de mission.

La cour infirmant le jugement entrepris, condamne la société Keybrid à payer à M. [F], compte-tenu d’un versement effectué de 451,30 euros en août 2016, un solde de 2.345,50 euros outre 234,50 euros au titre des congés payés afférents à titre de rappels de salaire pour les mois d’août et septembre 2016.

L’article 13 de la convention collective prévoit que pour les salariés ayant moins de deux ans d’ancienneté un préavis d’un mois. Par conséquent, la cour fait droit à M. [F] à ce titre d’une somme de 1.398,50 euros outre 139,85 euros à titre de congés payés afférents.

Compte tenu notamment de l’ancienneté de moins de deux années du salarié, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée, de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu’ils résultent des pièces et des explications fournies, la cour est en mesure de lui allouer, par infirmation du jugement déféré, la somme de 4.500 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif, en application de l’article L.1235-5 du code du travail.

Sur le travail dissimulé

M. [F] soutient que sa déclaration préalable à l’embauche n’a été régularisée que le 31 juillet 2015 alors que son employeur confirme qu’il a été engagé depuis le 4 juin 2015.

De plus, M. [F] soutient que la société Keybrid ne lui a jamais remis ses bulletins de salaire des mois d’août et septembre 2015 et juin 2016 et septembre 2016 et que les bulletins de salaire ne faisaient pas apparaître la totalité de sa rémunération.

La société Keybrid affirme ne pas avoir retrouvé la déclaration préalable à l’embauche de M. [F] et que de ce fait, elle en a réalisé une seconde le 31 juillet 2015, ce qui démontre sa bonne foi. La société verse aux débats de nombreuses déclarations préalables à l’embauche d’autres salariés, prouvant qu’elle n’a pas pour habitude de se soustraire à ses obligations en la matière.

Enfin, la société verse aux débats sa DADS 2015, justifiant le paiement, en particulier, des cotisations sociales de M. [F] et soutient qu’il n’existe aucune intention de dissimulation nonobstant l’erreur qui a pu être commise et que les cotisations sociales ont bien été réglées. Elle conteste tout règlement en liquide.

L’article L. 8221-5 du code du travail dans sa version applicable aux faits dispose: “Est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 3243-2, relatif à la délivrance d’un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.”

L’article L. 8223-1 prévoit qu’en cas de rupture du contrat, le salarié auquel l’employeur a eu recours en commettant les faits prévus au texte susvisé a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Il résulte des éléments produits, en particulier de la DDAS de 2015 et du bulletin de salaire de décembre 2015 de M. [F] que la société Keybrid a bien déclaré à l’URSSAF tous les salaires qu’elle lui a payés de juin à décembre 2015, sans que les paiements en liquide invoqués ne soient établis et que si le salarié indique ne pas avoir été destinataire de certains de ses bulletins de salaire cela ne suffit pas à établir une intention de dissimuler de l’employeur, de sorte que la cour confirmant le jugement entrepris, le déboute de sa demande au titre d’un travail dissimulé.

Sur la demande d’indemnité pour harcèlement moral

L’employeur, tenu d’une obligation de sécurité, doit assurer la protection de la santé des travailleurs dans l’entreprise et notamment prévenir les faits de harcèlement moral.

Dès lors que de tels faits sont avérés, la responsabilité de l’employeur est engagée, ce dernier devant répondre des agissements des personnes qui exercent de fait ou de droit une autorité sur les salariés.

Selon les dispositions de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L’article L.1152-2 dispose qu’aucun salarié ne peut être licencié pour avoir subi des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

Enfin, l’article L. 1154-1 prévoit dans sa version applicable, qu’en cas de litige, si le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement et, au vu de ces éléments, il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

M. [F] soutient qu’il a été agressé à deux reprises par M. [C], autre chauffeur de véhicule de standing, en septembre 2016, avoir subi à plusieurs reprises des pressions psychologiques de l’employeur, en particulier des demandes répétées de restituer les bons et les carnets de mission en sa possession, y compris par l’intermédiaire de deux hommes qui sont venus à son domicile, ce qui a été constaté par les services de police et avoir dénoncé le chantage dont il était victime aux termes de sa lettre du 18 octobre 2016.

M. [F] fait valoir également que la société a cessé de lui fournir du travail à compter du 12 septembre 2016 et de le rémunérer depuis le 29 juillet 2016 et que l’intégralité de ses salaires et congés payés ne lui ont pas été réglés.

Si le lien avec l’employeur des agressions de M. [C] ne ressort pas des plaintes déposées ni du dossier, l’appelant justifie, d’une part, d’une demande par message téléphonique de restitution des carnets de mission et d’autre part, du procès-verbal de plainte du 28 octobre 2016 pour des faits de menace de mort faite sous condition après que deux individus se sont présentés à son domicile de la part de ses employeurs ( Mme [H] et son mari) lui réclamant la remise des bons de missions « sous menace de mort avant d’aller aux Prud’hommes » (pièce 6 salarié)

Ainsi, M. [F] établit des faits laissant présumer l’existence d’un harcèlement et il appartient à la société Keybrid de justifier qu’ils sont étrangers à tout harcèlement.

La société Keybrid réplique que M. [F] ne justifie pas avoir été confronté à une dégradation de ses conditions de travail et que tout au long de son contrat de travail, celui-ci ne s’est jamais plaint d’une situation de harcèlement. Elle ajoute que les pièces versées aux débats par M. [F] sont inopérantes puisqu’elles concernent des prétendues menaces et intimidations sans qu’aucun lien n’ait été rapporté avec la société.

La société ajoute que ces prétendus actes de harcèlement ont été commis postérieurement au 12 septembre 2016, date à laquelle M. [F] a indiqué n’avoir plus travaillé. Enfin, concernant le prétendu défaut de paiement des salaires, la société soutient que tous les salaires ont été payés à M. [F], y compris ceux de juillet et août 2016 et que le salarié ayant cessé de travaillé le 12 septembre 2016, il ne saurait prétendre avoir subi des faits de harcèlement à raison de l’absence de paiement de salaire de septembre, lequel n’était payable qu’à fin septembre.

La cour rappelle qu’il a été jugé plus avant que l’employeur a été condamné à payer un solde de salaire et que celui-ci est tenu d’une obligation de sécurité jusqu’à la fin de la relation contractuelle mais aussi qu’il ressort du dossier que la société entendait bien récupérer les carnets et bons de mission en lien avec le travail de M. [F]. Dès lors, il se déduit de la concomitance entre les agressions et ce contentieux de la restitution dans un contexte de fin de fourniture de travail et d’absence de paiement total du salaire, l’existence d’une pression psychologique dénoncée par M. [F], de sorte que l’employeur échoue à démontrer que les faits déplorés par M. [F] étaient étrangers à tout fait de harcèlement moral, lequel est dès lors établi et le préjudice qui en résulte sera réparé par l’octroi d’une somme de 1.000 euros de dommages et intérêts. Le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur les autres demandes

La cour rappelle qu’aux termes des dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les créances salariales produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de la convocation devant le conseil de prud’hommes, soit le 6 février 2017 et les créances indemnitaires produisent intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant, la capitalisation des intérêts étant ordonnée conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil.

La société Keybrid, qui succombe à l’instance sera condamnée aux dépens ainsi qu’à payer à M [F] la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel et de première instance, elle-même étant déboutée de sa demande sur ce fondement.

PAR CES MOTIFS

DECLARE M. [V] [F] irrecevable à réclamer des rappels de salaire entre le 1er octobre et le 19 octobre 2016.

INFIRME le jugement déféré,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DIT que la relation de travail doit être requalifiée en un contrat à durée indéterminée ;

DIT que la rupture de la relation de travail s’analyse en un licenciement abusif ;

CONDAMNE la SASU Keybrid à verser à M. [V] [F] les sommes suivantes :

* 2.345,50 euros à titre de rappel de salaire pour les mois d’août et septembre 2016 outre 234,50 euros au titre des congés payés afférents.

* 1.500 euros à titre d’indemnité de requalification en contrat à durée indéterminée ;

* 1.398,50 euros outre 139,85 euros à titre de congés payés afférents au titre de l’indemnité conventionnelle compensatrice de préavis ;

* 4.500 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;

* 1.000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;

* 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

DEBOUTE la SASU Keybrid de sa demande sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

RAPPELLE que les créances salariales produisent intérêts au taux légal à compter du 6 septembre 2017 et les créances indemnitaires produisent intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant, la capitalisation des intérêts étant ordonnée.

CONDAMNE la SASU Keybrid aux dépens de première instance et d’appel.

La greffière, La présidente.

 


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