Contrat à durée déterminée d’usage : 17 février 2021 Cour d’appel de Paris RG n° 18/08364

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Contrat à durée déterminée d’usage : 17 février 2021 Cour d’appel de Paris RG n° 18/08364
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Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 9

ARRET DU 17 FEVRIER 2021

(n° , 5 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 18/08364 – N° Portalis 35L7-V-B7C-B6A3P

Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Mars 2018 -Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de CRETEIL – RG n° 15/02386

APPELANT

Monsieur [W] [N]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Michel HENRY, avocat au barreau de PARIS, toque : P0099

INTIMEE

SAS NOMAD

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Astrid GENTES, avocat au barreau de PARIS, toque : D0248

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 05 Janvier 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Valérie BLANCHET, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Mme Françoise SALOMON, présidente de chambre

Mme Graziella HAUDUIN, présidente de chambre

Mme Valérie BLANCHET, conseillère

Greffier : Mme Anouk ESTAVIANNE, lors des débats

ARRÊT :

– contradictoire

– mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

– signé par Madame Françoise SALOMON, présidente et par Madame Anouk ESTAVIANNE, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. [N] a été engagé par la société Saint Laurent Gastronomie, aux droits de laquelle intervient la société Nomad, selon ‘contrats de travail d’extra temporaire par nature’, à durée déterminée, à partir du 1er mai 2007, en qualité de maître d’hôtel extra, statut extra-employé, niveau III, échelon 1.

La société Nomad a une activité de traiteur et d’organisateur de réceptions.

Elle compte au moins 11 salariés et relève de la convention collective des hôtels, cafés et restaurants du 30 avril 1997.

Le 21 septembre 2015, M. [N] a pris acte de la fin de son contrat de travail au motif que l’employeur ne lui proposait plus de travail depuis septembre 2015.

Sollicitant notamment la requalification de la relation contractuelle en un contrat à durée indéterminée à temps plein, M. [N] a saisi la juridiction prud’homale le 29 septembre 2015.

Par jugement du 29 mai 2018, le conseil de prud’hommes de Créteil a rejeté les demandes du salarié à l’exception de celle relative au non respect de la durée maximale journalière de travail et condamné la société Nomad à payer au salarié la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non respect de la durée maximale journalière avec intérêts au taux légal à compter de la décision, 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Le 4 juillet 2018, M. [N] a relevé appel du jugement.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 26 septembre 2018, M. [N] sollicite la confirmation du jugement en ce qui concerne le non respect de la durée maximale journalière mais son infirmation sur le quantum de la condamnation qu’il demande de porter à 10 000 euros.

Il demande à la cour de l’infirmer pour le surplus, de requalifier les contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée à temps plein à compter du 1er mai 2007, de dire que la rupture de la relation de travail du 21 septembre 2015 produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de condamner l’employeur à lui payer 5 422 euros à titre d’indemnité de requalification, 58 423, 44 euros à titre de rappel de salaire d’octobre 2012 à septembre 2015 outre 5 842, 34 euros au titre des congés payés afférents, 5 422 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre 542 euros au titre des congés payés afférents, 4 337, 60 euros à titre d’indemnité de licenciement et 32 532 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Enfin, il sollicite la remise des bulletins de salaire, de l’attestation Pôle Emploi et d’un certificat de travail conformes à la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par document et par jour de retard pendant 60 jours, et la condamnation de l’employeur au paiement de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 10 décembre 2018, la société Nomad demande à la cour de débouter M. [N] de ses demandes, de le condamner au paiement de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

L’instruction a été clôturée le 15 décembre 2020 et l’affaire a été plaidée le 5 janvier 2021.

MOTIFS

Sur la demande de requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée

Le salarié soutient que les contrats de travail mentionnent des motifs qui prêtent à confusion, puisqu’ils font état d’un contrat d’usage et de l’accroissement temporaire d’activité, ces contrats ne correspondent pas à un emploi par nature temporaire dès lors qu’ils sont liés à l’activité normale et permanente de l’entreprise, compte tenu de leur nombre et de leur fréquence.

L’employeur conteste la demande en faisant valoir que les contrats conclus avec le salarié sont des contrats à durée déterminée d’usage, autorisés par l’article D 1242-1 du code du travail et par l’article 14 de la convention collective. Il précise que son activité principale consiste à confectionner des plats revendus à des professionnels, que son activité événementielle pour laquelle elle a recours à des extras est ponctuelle, irrégulière et par nature variable et que le salarié réalisaient ponctuellement des vacations d’une durée de 6 à 7 heures.

L’article L.1242-12 du code du travail prévoit que le contrat à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif. A défaut, il est réputé conclu pour une durée indéterminée.

S’il résulte de la combinaison des articles L. 1242-1, L. 1242-2, L. 1245-1 et D. 1242-1 du code du travail, que dans les secteurs d’activité définis par décret ou par voie de convention ou d’accord collectif étendu, certains des emplois en relevant peuvent être pourvus par des contrats à durée déterminée lorsqu’il est d’usage constant de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois, et que des contrats à durée déterminée successifs peuvent, en ce cas, être conclus avec le même salarié, l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée conclu le 18 mars 1999, mis en oeuvre par la directive numéro 1999/70/CE du 28 juin 1999, en ses clauses 1 et 5, qui a pour objet de prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats à durée déterminée successifs, impose de vérifier que le recours à l’utilisation de ces contrats est justifié par des raisons objectives qui s’entendent de l’existence d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi concerné. Ainsi, la détermination par accord collectif de la liste précise des emplois pour lesquels il peut être recouru au contrat de travail à durée déterminée d’usage ne dispense pas le juge, en cas de litige, de vérifier concrètement l’existence de ces raisons objectives.

En l’espèce, l’employeur produit les ‘contrats de travail d’extra temporaire par nature’ conclus avec le salarié qui mentionnent tous un engagement en qualité d’extra, pour une vacation, correspondant à la durée d’une réception, ce type d’événement relevant d’un secteur d’activité pour lequel la convention collective des hôtels, cafés et restaurant autorise le recours à des contrats à durée déterminée. Il s’ensuit que le cadre de recours en qualité d’extra est sans ambiguïté.

Les contrats de travail mentionnent que l’employeur fait appel à un extra dont l’emploi est par nature temporaire, puisqu’il est engagé pour une durée de 6 ou 7 heures correspondant à la durée d’une réception.

La société Nomad produit le tableau des effectifs qui établit que sur un effectif total de 72 salariés, 19 salariés sont affectés à l’activité de réception, 16 sont des extras, et 3 sont fixes. L’activité de réception occupe 19 salariés, celle du laboratoire de fabrication des repas traiteur 38 salariés, 4 salariés sont affectés à la logistique et 11 salariés au fonctionnement de la structure.

Elle établit que la prestation d’organisateur de réception pour laquelle elle a recours à des maîtres d’hôtel extra présente un caractère accessoire puisque cette activité représente 17% de son chiffre d’affaires global, et par nature temporaire, sans qu’il puisse être déterminé à l’avance la fréquence et le volume d’activité et d’effectif, ces paramètres étant variables en fonction de la demande, du type d’événement, de la nature de la prestation, du nombre de participants et de la saison.

Ces variations d’activité nécessitent le recours à une main d’oeuvre ponctuelle d’emploi de maître d’hôtel, ce qui est corroboré par les bulletins de paie produits par le salarié à compter de 2010, qui font apparaître qu’il travaillait de manière irrégulière selon les saisons et les besoins de l’employeur, avec des pointes d’activité en juin, septembre, octobre et janvier et des périodes creuses en hiver.

En 2010, il a travaillé 1 091 heures sur 106 jours, en 2011, il a travaillé 1 111 heures sur 102 jours, en 2012, 1 365 heures sur 126 jours, en 2013, 1 225 heures sur 121 jours, en 2014, 659 heures sur 63 jours et en 2015, 104 heures sur 13 jours.

Il ressort de ces éléments que l’employeur fournit les éléments objectifs établissant le caractère ponctuel et accessoire de son activité d’organisateur de réception pour laquelle il a recours à l’emploi d’extra qui est par nature temporaire pour les réceptions qu’il organise de manière irrégulière.

Par ailleurs, l’article 14 de la Convention collective prévoit la requalification uniquement en cas de dépassement du plafond de 60 vacations par trimestre civil qui n’a jamais été atteint par le salarié.

En conséquence, la cour confirme le jugement en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande de requalification des contrats à durée déterminée d’usage en un contrat à durée indéterminée, et ses demandes subséquentes relatives à la rupture et au rappel de salaires sur temps plein.

Sur la demande de dommages et intérêts pour non respect de la durée de travail maximale quotidienne de travail

Le salarié sollicite un rappel de salaire à hauteur de 10 000 euros. Il fait valoir que la durée de sa présence sur ses lieux de travail excédait la durée de 11 heures 30 prévue à l’article 21-C de la convention collective.

L’employeur sollicite la confirmation du jugement qui l’a condamné à payer la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non respect de la durée maximale quotidienne de travail. Il soutient avoir rémunéré le salarié en cas de dépassement de la durée de travail.

La preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le droit de l’Union européenne et des durées maximales de travail fixées par le droit interne incombe à l’employeur.

L’article 21-C de la convention collective dispose que ‘ en tout état de cause, la durée de la présence sur les lieux de travail ne peut être supérieure aux durées maximales suivantes, heures supplémentaires comprises : Durée maximales journalières : cuisiniers :11 heures, autres salariés : 11 heures 30″.

En l’espèce, les bulletins de paye mensuels mentionnent la durée des heures travaillées par jour qui font apparaître des dépassements de la durée maximale conventionnelle de 11 heures 30 de travail de 0, 30 à 4 heures 30, dans près d’un tiers des jours de vacations réalisées par le salarié lors des mois de décembre, janvier et juin.

L’employeur reconnaît ces dépassements.

En conséquence, la cour confirme le jugement en ce qu’il a condamné la société Nomad pour non respect de la durée de travail maximale quotidienne mais l’infirme pour le quantum et condamne la société Nomad à payer à M. [N] la somme de 6 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non respect de la durée maximale quotidienne de travail.

Sur l’imputabilité de la rupture

La prise d’acte est un acte par lequel le salarié prend l’initiative de rompre son contrat de travail en imputant la responsabilité de cette rupture à son employeur, en raison de manquement de ce dernier à ses obligations. Ces manquements doivent être suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail.

En l’absence de requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée, cette demande est sans objet.

Sur les autres demandes

L’équité commande d’allouer au salarié la somme de 1 500 euros au titre de ses frais irrépétibles.

L’employeur, qui succombe, supportera les dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement déféré sauf sur le quantum des dommages et intérêts alloués au titre du dépassement de la durée journalière maximale de travail,

Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,

Condamne la société Nomad à payer à M. [W] [N] la somme de 6 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non respect de la durée journalière de travail,

Condamne la société Nomad à payer à M. [W] [N] la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Nomad aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

 


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