Contrat à durée déterminée d’usage : 16 novembre 2022 Cour de cassation Pourvoi n° 20-17.383

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Contrat à durée déterminée d’usage : 16 novembre 2022 Cour de cassation Pourvoi n° 20-17.383
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SOC.

BD4

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 16 novembre 2022

Cassation partielle

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1229 F-D

Pourvoi n° G 20-17.383

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 16 NOVEMBRE 2022

La société [M] production, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° G 20-17.383 contre l’arrêt rendu le 16 janvier 2020 par la cour d’appel de Versailles (11e chambre civile), dans le litige l’opposant :

1°/ à M. [O] [K], domicilié [Adresse 1],

2°/ à Pôle emploi, dont le siège est [Adresse 3],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Rouchayrole, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société [M] production, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [K], après débats en l’audience publique du 28 septembre 2022 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Rouchayrole, conseiller rapporteur, Mme Monge, conseiller, M. Halem, avocat général référendaire, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Versailles, 16 janvier 2020), M. [K] a été engagé le 16 janvier 2010 par la société [M] production (la société) en qualité de chef monteur, statut cadre, par contrat de travail à durée déterminée.

2. Le 17 mai 2016, le salarié a saisi la juridiction prud’homale de demandes en requalification des contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée à temps complet, ainsi que de diverses demandes liées à l’exécution et à la rupture de ce contrat de travail.

3. La société a cessé de lui fournir du travail le 13 juin 2016.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. L’employeur fait grief à l’arrêt de requalifier la relation contractuelle en un contrat à temps complet, de fixer le salaire mensuel brut du salarié à une certaine somme, de le condamner à verser diverses sommes à titre de rappel de salaire, d’indemnité de requalification, d’indemnité conventionnelle de licenciement, d’indemnité compensatrice de préavis, inclus les congés payés afférents, ainsi qu’à titre de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, alors « que la requalification d’un contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet ne porte que sur la durée du travail et laisse inchangées les autres stipulations relatives au terme du contrat ; que, réciproquement, la requalification d’un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ne porte que sur le terme du contrat et laisse inchangées les stipulations contractuelles relatives à la durée du travail ; qu’il incombe au salarié, engagé en vertu de plusieurs contrats à durée déterminée non successifs requalifiés en contrat à durée indéterminée, d’établir qu’au cours des périodes non travaillées entre les contrats, il s’est tenu à la disposition constante de l’employeur en vue d’effectuer un travail ; qu’en l’espèce, pour prononcer la requalification des contrats à durée déterminée du salarié en un contrat à durée indéterminée à temps complet, fixer le montant du salaire de référence à une certaine somme, le condamner au paiement de rappels de salaire, congés payés afférents, indemnité de requalification, indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, indemnité conventionnelle de licenciement, et dommages et intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse, la cour d’appel a retenu que la société ne justifiait pas de contrats régularisés sur plusieurs périodes travaillées, que le salarié rappelait avoir travaillé entre 175 et 193 jours par an, que les calendriers versés aux débats révélaient l’irrégularité de son rythme de travail, que des attestations confirmaient sa disponibilité et qu’il résultait de ses avis d’imposition qu’il n’avait pas eu d’autre employeur ; qu’en statuant ainsi, sans retenir ni déduire de tels éléments que le salarié faisait la preuve qu’il était demeuré à la disposition de l’employeur durant les périodes d’intercontrats et en se fondant sur des éléments inopérants, tirés notamment de l’irrégularité formelle de contrats à durée déterminée d’usage, de la durée de travail durant les périodes effectivement travaillées ou encore de l’irrégularité du rythme de travail qu’elle n’a pas même imputé à l’employeur, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1245-1 dans leur rédaction issue de la loi n° 2008-67 du 21 janvier 2008, ainsi que des articles 1134 dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 et 1315 devenu 1353 du code civil ».

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1245-1, L. 3121-14 et L. 3123-17 du code du travail, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 et les articles 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et 1315 devenu 1353 du même code :

5. Il résulte du premier de ces textes que la requalification d’un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ne porte que sur le terme du contrat et laisse inchangées les stipulations contractuelles relatives à la durée du travail. Réciproquement, la requalification d’un contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet ne porte que sur la durée de travail et laisse inchangées les autres stipulations relatives au terme du contrat.

6. Par ailleurs, il incombe au salarié qui sollicite un rappel de salaire au titre des périodes interstitielles de rapporter la preuve qu’il est resté à la disposition de l’employeur durant les périodes séparant deux contrats à durée déterminée.

7. Pour prononcer la requalification des contrats de travail à durée déterminée conclus entre le salarié et la société en un contrat à durée indéterminée à temps plein pour la période du 16 janvier 2010 au 13 juin 2016 et condamner l’employeur au paiement d’un rappel de salaire sur toute cette période, l’arrêt retient d’abord que la société ne justifie pas de contrats valablement régularisés sur de nombreuses périodes travaillées.

8. Il relève ensuite que les calendriers versés aux débats révélaient l’absence de régularité de son rythme de travail, qu’il résultait des lettres d’engagement remises au salarié que certains mois ont été presque intégralement travaillés alors qu’au cours d’autres périodes, différentes journées au cours de semaines différentes n’étaient pas travaillées, enfin, que certains jours des périodes estivales ont également été travaillés, certains échanges de courriels faisant ressortir des heures de travail de nuit.

9. L’arrêt constate encore que les plannings prévisionnels des saisons télévisuelles et d’autres échanges produits montraient des ajustements, des annulations de diffusions ou de lancements et des réactualisations de ces plannings, les attestations produites par plusieurs salariés démontrant la disponibilité permanente du salarié, le conduisant en revanche à refuser des sollicitations extérieures pour d’autres émissions.

10. En se déterminant ainsi, par des motifs inopérants relatifs à la durée de travail pendant les périodes effectivement travaillées, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le salarié établissait s’être effectivement tenu à la disposition de l’employeur durant les périodes non travaillées, la cour d’appel a privé sa décision de base légale.

Portée et conséquences de la cassation

11. La cassation des chefs de dispositif susvisés n’emporte pas cassation des chefs de dispositif de l’arrêt condamnant l’employeur aux dépens ainsi qu’au paiement d’une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile, justifiés par d’autres condamnations prononcées à l’encontre de celui-ci et non remises en cause.

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il confirme le jugement ayant fixé le salaire brut mensuel de M. [K] à la somme de 7 095 euros, dit qu’il y a lieu de requalifier les contrats conclus entre le 16 janvier 2010 et le 13 juin 2016 en un contrat à temps complet et condamne la société [M] production à payer à M. [K] les sommes de 7 095 euros à titre d’indemnité de requalification, 8 987 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement, 14 190 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre congés payés afférents, 42 570 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 123 720 euros à titre de rappel de salaire, outre congés payés afférents, l’arrêt rendu le 16 janvier 2020, entre les parties, par la cour d’appel de Versailles ;

Remet, sur ces points, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Versailles autrement composée ;

Condamne M. [K] aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé et signé par Mme Monge, conseiller le plus ancien, en ayant délibéré en remplacement du président empêché, en l’audience publique du seize novembre deux mille vingt-deux, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile.

 


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