Contrat à durée déterminée d’usage : 16 décembre 2022 Cour d’appel de Douai RG n° 20/01424

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Contrat à durée déterminée d’usage : 16 décembre 2022 Cour d’appel de Douai RG n° 20/01424
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ARRÊT DU

16 Décembre 2022

N° 2090/22

N° RG 20/01424 – N° Portalis DBVT-V-B7E-TB7R

MLB/AA

Jugement du

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de Lille

en date du

18 Mars 2020

(RG 18/00629 -section )

GROSSE :

aux avocats

le 16 Décembre 2022

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

– Prud’Hommes-

APPELANTE :

Mme [P] [S] épouse [J]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Laurent ROBERVAL, avocat au barreau de LILLE,

assisté de Me Emmanuel LEBAR, avocat au barreau de COUTANCES

INTIMÉE:

S.A.R.L. KALISIGN

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par Me Julie ALLAIN, avocat au barreau de LILLE,

substituée par Me Noémie DUPUIS, avocat au barreau de LILLE

DÉBATS : à l’audience publique du 02 Novembre 2022

Tenue par Muriel LE BELLEC

magistrat chargé d’instruire l’affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Nadine BERLY

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Soleine HUNTER-FALCK

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Muriel LE BELLEC

: CONSEILLER

Gilles GUTIERREZ

: CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 16 Décembre 2022,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par Soleine HUNTER-FALCK, Président et par Gaetan DELETTREZ, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 12/10/2022

EXPOSE DES FAITS

Mme [P] [J], née le 29 novembre 1984, a été embauchée en qualité d’assistante commerciale par un contrat à durée déterminée d’usage du 4 décembre 2017 au 4 février 2018 « en raison du caractère par nature temporaire de la préparation au poste d’assistante commerciale », moyennant une rémunération mensuelle de 1 850 euros, par la société Kalisign, qui applique la convention collective de commerces de gros et emploie de façon habituelle moins de onze salariés.

Un nouveau contrat à durée déterminée d’usage a été conclu pour le même motif pour la période du 5 février 2018 au 5 avril 2018. Ce contrat prévoit, comme le précédent, une période d’essai de quatre semaines de travail effectif.

La société Kalisign a mis fin au contrat à durée déterminée par lettre du 9 février 2018. L’attestation Pôle Emploi et le certificat de travail ont été établis à cette même date.

Par requête reçue le 28 juin 2018, Mme [J] a saisi le conseil de prud’hommes de Lille pour obtenir la requalification de la relation de travail en contrat de travail à durée indéterminée, des rappels de salaire et des dommages et intérêts pour rupture irrégulière et abusive et travail dissimulé.

Par jugement en date du 18 mars 2020, dont copies adressées aux parties le 3 juin 2020, le conseil de prud’hommes a dit que le recours aux contrats à durée déterminée est régulier et qu’il n’y a pas lieu de requalifier en contrat de travail à durée indéterminée, que la rupture réalisée pendant la période d’essai est valable, qu’il n’y a pas eu intention de dissimuler l’emploi de Mme [J], a débouté Mme [J] de l’ensemble de ses demandes, l’a condamnée à payer à la société Kalisign la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et a débouté les parties de toutes autres demandes.

Le 2 juillet 2020, Mme [J] a interjeté appel de ce jugement.

La clôture de la procédure a été ordonnée le 12 octobre 2022.

Selon ses conclusions reçues le 12 mars 2021, Mme [J] sollicite de la cour qu’elle infirme le jugement, juge que les contrats à durée déterminée doivent être requalifiés en contrat de travail à durée indéterminée, que la rupture du contrat de travail est abusive, qu’il y a lieu d’écarter les dispositions de l’article L.1235-3 du code du travail au bénéfice des dispositions internationales et européennes et qu’elle a été victime de travail dissimulé, requalifie en conséquence les contrats à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée et condamne la société Kalisign à lui verser les sommes de :

1 850 euros à titre d’indemnité de requalification

1 850 euros à titre de rappel de salaire du mois de décembre 2017

185 euros au titre des congés payés afférents

3 700 euros brut outre l’indemnité compensatrice de congés payés y afférents soit 370 euros bruts au titre de la violation de la clause de garantie d’emploi et subsidiairement de la rupture abusive du CDD, à savoir les salaires dus jusqu’au 5 avril 2018

1 850 euros bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis

185 euros bruts au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés

1 850 euros au titre du licenciement irrégulier

5 550 euros au titre du licenciement abusif

11 100 euros au titre du travail dissimulé

3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle demande également à la cour d’ordonner le paiement de l’intérêt légal sur les condamnations à compter de la saisine du conseil de prud’hommes à savoir le 28 juin 2018, d’ordonner à l’employeur de lui remettre le bulletin de paie de décembre 2017, les documents de fin de contrat conformes et plus particulièrement l’attestation Pôle Emploi et le certificat de travail en mentionnant comme date d’embauche le 4 décembre 2017, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du 30ème jour suivant la notification du « jugement » à intervenir, en se réservant la liquidation de l’astreinte et de débouter la société intimée de l’intégralité de ses demandes et de tout appel incident.

Selon ses conclusions reçues le 21 décembre 2021, la société Kalisign demande à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, à titre principal de dire que les motifs des CDD sont réguliers, que la rupture de la période d’essai est valable, qu’elle n’a commis aucun travail dissimulé et de débouter Mme [J] de l’ensemble de ses demandes, à titre subsidiaire, si la cour estimait que la rupture de la période d’essai est abusive, de dire que les demandes de dommages et intérêts ne sont pas cumulables, de la condamner au paiement de la somme de 3 700 euros sur le fondement de l’article L.1243-4 du code du travail et de débouter Mme [J] de l’ensemble de ses autres demandes, à titre infiniment subsidiaire, si la cour estimait que la rupture de la période d’essai était abusive et que les dommages et intérêts pour licenciement abusif étaient dus, qu’elle dise que les indemnités fondées sur les articles L.1232-1 et L.1235-1 du code du travail ne peuvent se cumuler et que seul l’article L.1235-1 s’applique, en tout état de cause de condamner Mme [J] à lui payer la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Il est référé aux conclusions des parties pour l’exposé de leurs moyens, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE L’ARRET

Sur le travail dissimulé et le rappel de salaire de décembre 2017

Mme [J] fait valoir qu’elle a été déclarée à l’Urssaf deux mois après son embauche, qu’elle n’a pas reçu de bulletin de salaire en décembre 2017, que ses heures de travail de décembre 2017 n’apparaissent pas sur le bulletin de salaire de janvier 2018, que la prime dite exceptionnelle versée en janvier 2018 ne peut suppléer le paiement des heures de travail, que l’employeur a mentionné sur le certificat de travail et l’attestation Pôle Emploi qu’elle n’a commencé à travailler que le 4 janvier 2018.

Elle justifie que la société Kalisign a déclaré à l’Urssaf le 6 février 2018 son embauche du 4 décembre 2017 et le 8 février 2018 son embauche du 5 février 2018, qu’elle a adressé son RIB à son employeur le 18 décembre 2017, qu’elle lui a réclamé fin janvier 2018 sa fiche de paie de décembre 2017, que ses bulletins de salaire de janvier et février 2018, l’attestation Pôle Emploi et le certificat de travail établis par l’employeur font tous état d’une date d’embauche au 4 janvier 2018.

La société Kalisign répond qu’elle n’a jamais eu l’intention de dissimuler l’emploi de Mme [J], que les deux déclarations préalables à l’embauche au titre des deux CDD ont bien été faites, que le retard dans l’accomplissement de la déclaration ne peut être assimilé à du travail dissimulé, que M. [E] a recours à une entreprise extérieure pour la réalisation de la paie, qu’il a informé tardivement le cabinet de paye de l’arrivée de Mme [J] dans les effectifs de la société, que le cabinet de paye, informé fin janvier 2018, a répondu qu’il n’était pas possible de revenir en arrière dans la mesure où les charges étaient établies et payées et l’année clôturée, qu’il a proposé d’intégrer le salaire de décembre 2017 sur le bulletin de salaire de janvier 2018 sous la forme d’une prime, qu’il a confirmé l’impossibilité d’établir un bulletin de salaire pour décembre 2017, que Mme [J] a bien été rémunérée de son salaire de décembre 2017, comme le montre son relevé de compte, que le versement de la prime en janvier 2018 n’avait pas pour vocation de dissimuler le non paiement d’heures de travail.

La société produit deux courriers de Mme [C] du cabinet Mazars indiquant avoir été informée par la société Kalisign de l’embauche de Mme [J] le 19 janvier 2018, qu’il n’était plus possible d’établir un bulletin de salaire pour décembre 2017, la période de paie de décembre 2017 étant close, que le salaire de décembre 2017 a été repris sur le bulletin de salaire de janvier 2018 sous forme de prime exceptionnelle correspondant dans les faits au salaire de décembre 2017, ce qui n’affectait en rien les droits de la salariée en matière d’assurance chômage et de retraite, cette rémunération étant soumise aux mêmes charges sociales, qu’il n’était pas possible de revenir sur la déclaration sociale nominative transmise aux organismes sociaux.

Il résulte de ce qui précède que l’employeur s’est intentionnellement soustrait à la délivrance d’un bulletin de salaire au titre du mois de décembre 2017 et qu’il s’est sciemment abstenu de mentionner sur les bulletins de salaire remis à Mme [J] les heures de travail accomplies par elle en décembre 2017, en violation des articles L.3243-2 et R.3243-1 du code du travail. Il revendique en effet ces manquements, qu’il tente d’expliquer par sa carence à informer le cabinet Mazars de l’embauche de Mme [J] en temps et heures, qui n’est pas opposable à la salariée, et par une supposée impossibilité de régulariser la situation dans la déclaration sociale nominative du mois de janvier 2018, qui n’est pas démontrée par une réponse en ce sens de l’Urssaf.

Selon l’article L.8221-5 2° du code du travail, le fait pour la société Kalisign de s’être soustrait intentionnellement à la délivrance du bulletin de salaire de décembre 2017 et d’un bulletin de salaire mentionnant les heures de travail accomplies en décembre 2017 caractérise le travail dissimulé. En application de l’article L.8223-1 du code du travail, la salariée a droit au paiement d’une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire, soit 11 100 euros.

Le jugement sera en revanche confirmé en ce qu’il a débouté Mme [J] de sa demande de rappel de salaire au titre du mois de décembre 2017. En effet, la salariée indique dans ses conclusions qu’elle a reçu un virement de 1 300 euros à la fin du mois de décembre 2017 et son relevé de compte bancaire fait état du virement par Kalisign de la somme de 1 300 euros au titre du « salaire 12 17 ». Il en résulte que son salaire de décembre 2017 lui a déjà été versé. Les bulletins de salaire et l’attestation Pôle Emploi montrent cependant que l’indemnité compensatrice de congés payés n’a pas été versée sur ce salaire. Il sera fait droit à la demande de Mme [J] de ce chef à hauteur de 185 euros.

Sur la demande de requalification en contrat de travail à durée indéterminée

Mme [J] fait valoir qu’elle a répondu à une offre d’emploi d’assistante en contrat de travail à durée indéterminée, que les deux CDD avaient pour objet de la former au poste et qu’il s’agissait de fait d’une période d’essai déguisée, que la société Kalisign ne pouvait pas recourir au CDD d’usage, que son poste n’était pas par nature temporaire, que la convention collective du commerce de gros ne permet pas le recours au CDD d’usage, que les attestations produites par la société Kalisign ne caractérisent pas un surcroît temporaire d’activité, qu’en outre le délai de carence entre les deux contrats n’a pas été respecté.

La société Kalisign répond que les deux CDD se réfèrent aux CDD dits d’usage et que le poste d’assistant commercial avait été créé temporairement pour assister les commerciaux dans l’exécution de leurs tâches compte tenu de l’activité croissante de la société au cours de l’année 2017, que le salon CPRINT – salon de la communication visuelle, textile et des arts graphiques – à [Localité 5] et le nouvel an chinois début février 2018 généraient un pic d’activité pour la société et les commerciaux, que les attestations des salariés en ce sens constituent des modes de preuve valables, au contraire des mentions du site Internet relatives aux embauches.

En application des articles L.1242-1, L.1242-2 et L.1242-12 du code du travail, le contrat à durée déterminée ne peut comporter qu’un seul motif.

Les deux contrats à durée déterminée stipulent : « Il est conclu un contrat de travail à durée déterminée conformément aux dispositions de la convention collective du commerce de gros (et aux conditions particulières ci-après. Emploi temporaire pour lequel il est d’usage constant de recourir au contrat de travail à durée déterminée, conformément à l’article L.1242-2 du code du travail » et au titre du motif : « Ce contrat est conclu en raison du caractère par nature temporaire de la préparation au poste d’assistante commerciale ».

Le motif du recours aux contrats à durée déterminée est donc celui visé par l’article L.1242-2 3° du code du travail.

Les fonctions attribuées à Mme [J] par les deux contrats de travail portent sur des tâches administratives, en « account management », logistiques et commerciales.

Le recours à un contrat à durée déterminée d’usage est autorisé, conformément à l’article L.1242-2 3° du code du travail, dans certains secteurs d’activité fixés par décret ou accord collectif de travail étendu, pour lesquels il est d’usage constant de ne pas recourir au CDI eu égard à la nature de l’activité exercée et de la nature temporaire des tâches à accomplir.

L’article D.1251-1 du code du travail énumère les secteurs d’activité dans lesquels peuvent être conclus des contrats à durée déterminée dits d’usage. La société Kalisign, qui expose dans ses conclusions, avoir pour activité la conception et le négoce d’enseignes lumineuses, s’abstient d’indiquer à quel secteur d’activité visé par l’article précité elle se rattacherait. Elle ne fait pas davantage état d’un accord collectif en ce sens et qui prévoirait le recours au CDD d’usage pour l’emploi d’assistante commerciale.

Ainsi, la société Kalisign ne justifie pas que son secteur d’activité est autorisé à recourir au contrat à durée déterminée d’usage et que les tâches à accomplir par Mme [J] étaient par nature temporaires.

En conséquence la relation de travail doit être requalifiée en un contrat de travail à durée indéterminée à effet du 4 décembre 2017 en application de l’article L.1245-1 du code du travail. L’indemnité de requalification en contrat de travail à durée indéterminée à laquelle la salariée a droit en application de l’article L.1245-2 du code du travail et qui ne peut être inférieure au dernier mois de salaire perçu avant la saisine de la juridiction, sera évaluée à la somme de 1 850 euros.

Sur la rupture du contrat de travail

Les contrats à durée déterminée ayant été requalifiés en contrat de travail à durée indéterminée à effet du 4 décembre 2017, la rupture de la relation de travail le 9 février 2018 s’analyse en un licenciement.

Ainsi que la société Kalisign le soutient justement, les règles propres à la rupture d’un contrat de travail à durée indéterminée s’appliquent seules en application de l’article L.1245-2 du code du travail, à l’exclusion de celles applicables en matière de rupture anticipée d’un contrat à durée déterminée.

Mme [J] ne peut en conséquence arguer d’une prétendue clause de garantie d’emploi et revendiquer, sur le fondement de l’article L.1243-4 du code du travail, le paiement de sommes correspondant aux salaires qu’elle aurait perçus jusqu’au 5 avril 2018 si le contrat de travail à durée déterminé n’avait pas été rompu. Le jugement sera confirmé en ce qu’il l’a déboutée de sa demande en paiement des sommes de 3 700 euros brut et 370 euros bruts.

La lettre du 9 février 2018 par laquelle la société Kalisign a mis fin à la relation de travail n’énonce strictement aucun motif, ce qui prive la rupture du contrat de travail de cause réelle et sérieuse, en application de l’article L.1235-2 du code du travail.

Mme [J] a droit en application des articles L.1234-1 du code du travail et 35 de la convention collective au paiement d’une indemnité compensatrice de préavis d’un mois, soit 1 850 euros bruts et 185 euros bruts au titre des congés payés afférents.

Il résulte de la combinaison des articles L.1235-3 et L.1235-2 du code du travail que si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse et si l’une ou l’autre des parties refuse la réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux exprimés en mois de salaire brut et que l’indemnité en réparation du préjudice subi du fait de l’irrégularité commise au cours de la procédure de licenciement et l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ne se cumulent pas.

Mme [J] ayant droit au paiement d’une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ne peut en conséquence obtenir paiement d’une indemnité pour non respect de la procédure de licenciement.

Au contraire de ce que prétend Mme [J], les dispositions de la Charte sociale européenne ne sont pas d’effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers et l’invocation de son article 24 ne peut conduire à écarter l’application des dispositions de l’article L.1235-3 du code du travail. En revanche, l’article 10 de la Convention n°158 sur le licenciement de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) est d’application directe en droit interne. Il stipule que, si les tribunaux arrivent à la conclusion qu’un licenciement est injustifié et si, compte tenu de la législation et de la pratique nationales, ils n’ont pas le pouvoir ou n’estiment pas possible dans les circonstances d’annuler le licenciement et/ou d’ordonner ou de proposer la réintégration du travailleur, ils devront être habilités à ordonner le versement d’une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée. Le juge judiciaire exerce un contrôle de conventionnalité de nature à permettre de s’assurer que les lois françaises sont bien conformes aux conventions et traités internationaux signés par la France et au droit de l’Union Européenne, qui ont une valeur supérieure à la loi. Ces textes internationaux comprennent notamment la Convention n°158 de l’OIT dont le texte a été déclaré d’application directe. Le principe d’égalité des citoyens devant la loi, qui est garanti par l’article 6 de de la Déclaration des droits de l’homme de 1789, ne s’oppose pas au principe d’individualisation des décisions de justice qui ressort de l’office du juge et de la fonction correctrice de la jurisprudence qui se détermine au cas par cas.

Mme [J] avait une ancienneté de deux mois et était âgée de trente-trois ans lors de la rupture de son contrat de travail. Elle ne produit pas d’élément sur sa situation postérieure à la rupture de son contrat de travail autre que le justificatif de son inscription au Pôle Emploi, qui l’a déclarée indemnisable à partir du 1er mars 2018. Par suite, le montant maximal prévu par l’article L.1235-3 du code du travail (un mois de salaire brut) permet une indemnisation adéquate et appropriée, au sens de la Convention n° 158 de l’OIT sur le licenciement, au regard du préjudice qu’elle a subi du fait de la perte injustifiée de son emploi. Le jugement sera donc infirmé et la société Kalisign condamnée à payer à Mme [J] la somme de 1 850 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les autres demandes

Il convient d’ordonner à la société Kalisign de remettre à Mme [J] son bulletin de paie de décembre 2017 et l’attestation Pôle Emploi et le certificat de travail conformes à l’arrêt et mentionnant comme date d’embauche le 4 décembre 2017, sans qu’il soit nécessaire de prévoir une astreinte à cette fin.

Il ne serait pas équitable de laisser à la charge de Mme [J] les frais qu’elle a dû exposer et qui ne sont pas compris dans les dépens. Il convient de lui allouer une somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Les sommes allouées portent intérêts de retard au taux légal à compter de la date de réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation pour les sommes de nature salariale et à compter de l’arrêt pour les sommes à caractère indemnitaire.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant après débats en audience publique par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement déféré en ce qu’il a débouté Mme [P] [J] de ses demandes de rappel de salaire pour décembre 2017 et jusqu’au 5 avril 2018 et de sa demande d’indemnité pour licenciement irrégulier.

Infirme le jugement déféré et statuant à nouveau :

Requalifie les contrats à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée à effet du 4 décembre 2017.

Dit que la rupture du contrat de travail s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Condamne la société Kalisign à verser à Mme [P] [J] :

185 euros au titre des congés payés afférents au salaire de décembre 2017

1 850 euros à titre d’indemnité de requalification

1 850 euros bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis

185 euros bruts au titre des congés payés y afférents

1 850 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

11 100 euros à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.

Ordonne à la société Kalisign de remettre à Mme [P] [J] son bulletin de paie de décembre 2017 et l’attestation Pôle Emploi et le certificat de travail conformes à l’arrêt et mentionnant comme date d’embauche le 4 décembre 2017.

Déboute la société Kalisign de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamne la société Kalisign à verser à Mme [P] [J] la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Dit que les sommes allouées portent intérêts de retard au taux légal à compter de la date de réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation pour les sommes de nature salariale et à compter de l’arrêt pour les sommes à caractère indemnitaire.

Condamne la société Kalisign aux dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER

Gaetan DELETTREZ

LE PRESIDENT

Soleine HUNTER-FALCK

 


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