Contrat à durée déterminée d’usage : 14 juin 2023 Cour d’appel de Montpellier RG n° 19/08191

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Contrat à durée déterminée d’usage : 14 juin 2023 Cour d’appel de Montpellier RG n° 19/08191
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COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

1re chambre sociale

ARRET DU 14 JUIN 2023

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 19/08191 – N° Portalis DBVK-V-B7D-OOGQ

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 04 DECEMBRE 2019

CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE NARBONNE N° RG 19/00017

APPELANTE :

Association ABAUTISME

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentée par Me CROIZIER avocat de la SCP BLANQUER//CROIZIER/CHARPY, avocat au barreau de NARBONNE

INTIMEE :

Madame [C] [L]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Claude CALVET de la SCP GOUIRY/MARY/CALVET/BENET, avocat au barreau de NARBONNE

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Partielle numéro 2020/000463 du 22/01/2020 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de MONTPELLIER)

Ordonnance de clôture du 29 Mars 2023

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 19 AVRIL 2023, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l’article 804 du même code, devant la cour composée de :

Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre

Madame Caroline CHICLET, Conseillère

Madame Florence FERRANET, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : M. Philippe CLUZEL

ARRET :

– contradictoire

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

– signé par Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre, et par M. Philippe CLUZEL, Greffier.

*

* *

FAITS ET PROCÉDURE

[C] [L] a été embauchée par l’association ABAUTISME à compter du 5 septembre 2016 selon contrat de travail initialement à durée déterminée. Elle exerçait les fonctions d’intervenante comportementale avec un salaire mensuel brut en dernier lieu de 1 982,46€ pour 152 heures de travail.

Les 25 mai 2017 (2018) et 7 juin 2017 (2018), elle était convoquée à un entretien pour ‘faute grave’ et ‘faute professionnelle’ afin de pouvoir s’expliquer sur la blessure d’un enfant pendant une séance de travail.

Ces entretiens n’ont pas eu lieu du fait de deux arrêts de travail pour maladie.

Le 2 juillet 2018, elle était à nouveau convoquée à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement, fixé au 12 juillet suivant, et mise à pied simultanément à titre conservatoire.

Elle a été licenciée par lettre du 27 juillet 2018 pour les motifs suivants, qualifiés de faute grave : ‘Le 22 mai 2018, pendant un temps de prise en charge par l’association et alors qu’il était sous votre garde dans les locaux de l’association, [G] [K] s’est blessé à la main droite. Après avoir constaté cette blessure, vous avez, selon vos dires, nettoyé et désinfecté la plaie. Vous avez par la suite poursuivi vos activités avec les enfants, y compris [G] [K]…

(Ses parents),constatant la blessure de leur fils, l’ont conduit aux urgences… afin de le faire examiner. La blessure de l’enfant a nécessité la pose de points de suture tenant la profondeur de la plaie. Seuls deux points ont pu être réalisés au lieu des quatre nécessaires tenant le fait que l’intervention a été trop tardive.

Vous auriez dû alerter immédiatement l’intervenante référente…

Je vous rappelle que les enfants confiés à l’association sont des enfants autistes dans l’incapacité de verbaliser correctement les souffrances qu’ils endurent, ce qui nécessite une vigilance accrue ainsi qu’une prise en charge immédiate…’

Le 25 janvier 2019, estimant notamment que son licenciement était injustifié, la salariée a saisi le conseil de prud’hommes de Narbonne qui, par jugement en date du 4 décembre 2019, a condamné l’association ABAUTISME à lui payer :

– la somme de 1 982,46€ à titre d’indemnité de requalification,

– la somme de 1 982,46€ à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

– la somme de 198,25€ à titre de congés payés sur préavis,

– la somme de 991,23€ à titre d’indemnité de licenciement,

– la somme de 4 000€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– la somme de 23 551,62€ à titre d’indemnité de non-concurrence,

– la somme de 1 200€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

ainsi qu’à lui adresser sous astreinte un bulletin de paie récapitulatif et des documents de fin de contrat rectifiés.

Le 20 décembre 2019, l’association ABAUTISME a interjeté appel. Dans ses dernières conclusions enregistrées au greffe le 30 juin 2020, elle conclut à l’infirmation, au rejet des prétentions adverses et à l’octroi de la somme de 3 000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions enregistrées au greffe le 23 avril 2020, [C] [L], demande d’accueillir son appel, de lui allouer :

– la somme de 1 982,46€ à titre d’indemnité de requalification,

– la somme de 20 000€ à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

– la somme de 1 982,46€ à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

– la somme de 198,25€ à titre de congés payés sur préavis,

– la somme de 991,23€ à titre d’indemnité de licenciement,

– la somme de 20 000€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– la somme de 23 551,62€ à titre d’indemnité de non-concurrence,

– la somme de 2 500€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

avec intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts pour les sommes allouées à titre de salaire et accessoires, et d’ordonner sous astreinte la remise des documents légaux.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, il y a lieu de se reporter au jugement du conseil de prud’hommes et aux conclusions déposées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la requalification des contrats de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée :

1- Attendu que deux contrats qualifiés de ‘contrat à durée déterminée d’usage’ ont été conclus du 5 septembre 2016 au 28 février 2017 puis du 1er mars au 30 juin 2017 ;

Que pour prétendre à la requalification de ces contrats en contrat à durée indéterminée, [C] [L] expose qu’ils correspondent à un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise et ne comportent pas de définition précise de leur motif ;

Attendu qu’aux termes de l’article L. 1471-1 du code du travail, toute action portant sur l’exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit ;

Que le délai de prescription d’une action en requalification d’un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée court, lorsqu’elle est fondée sur le motif du recours au contrat à durée déterminée énoncé au contrat, à compter du terme du contrat ou, en cas de succession de contrats à durée déterminée, du terme du dernier contrat ;

Attendu que le terme du dernier contrat à durée déterminée étant le 30 juin 2017 et, dès lors que l’action a été intentée le 25 janvier 2019, dans le délai de deux ans, l’action en requalification n’est pas prescrite ;

2- Attendu que le recours au contrat de travail à durée déterminée d’usage ne dispense pas l’employeur d’établir un contrat écrit comportant la définition précise de son motif, en sorte qu’à défaut, il y a lieu de faire droit à l’action en requalification ;

3- Attendu que lorsqu’elle fait droit à la demande de requalification formée par le salarié, la juridiction doit condamner l’employeur à payer au salarié une indemnité qui ne peut être inférieure à un mois de salaire, exactement calculée par le conseil de prud’hommes sur la base d’un travail à temps complet ;

Sur le harcèlement moral :

Attendu qu’il résulte des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail que, pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L. 1152-1 du code du travail. Dans l’affirmative, il revient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;

Qu’ainsi, lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d’apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral et, dans l’affirmative, il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;

Attendu que se bornant à produire une ‘chronologie de ses relations avec ses supérieurs depuis son embauche’ ainsi que des certificats médicaux faisant état de troubles qu’elle ‘déclare avoir vécu dans son milieu professionnel’, [C] [L] n’établit la matérialité d’aucun fait précis et concordant permettant de présumer, même pris dans leur ensemble, l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L. 1152-1 du code du travail,

Attendu que le jugement sera donc confirmé de ce chef ;

Sur le licenciement :

Attendu que la faute grave étant celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, la mise en oeuvre de la rupture du contrat de travail doit intervenir dans un délai restreint après que l’employeur a eu connaissance des faits allégués, dès lors qu’aucune vérification n’est nécessaire ;

Attendu que les lettres des 25 mai 2018 et 7 juin 2018, convoquant la salariée à des entretiens destinés à recueillir ses observations, sans faire état de l’éventualité d’un licenciement, ne correspondent pas à la date de l’engagement des poursuites disciplinaires ;

Attendu que l’association, qui n’a engagé les poursuites disciplinaires que le 2 juillet 2018 en convoquant la salariée à un entretien préalable en vue d’une ‘sanction disciplinaire pouvant éventuellement aller jusqu’à un licenciement’, pour des faits ayant eu lieu le 22 mai 2018 ne nécessitant pas de vérifications particulières, s’est privée de la possibilité d’invoquer la faute grave ;

Attendu qu'[C] [L], qui avait la garde d’un enfant autiste, s’est bornée à inscrire dans le carnet de liaison à destination de la famille, qu’il s’était ‘légèrement égratigné les bras et fait une entaille à la main droite déjà nettoyée et désinfectée’ ;

Qu’en réalité, il résulte du compte rendu établi par le services des urgences de la clinique qu’il s’agissait d’une plaie de trois centimètres ayant nécessité la pose immédiate de deux points de suture ;

Qu’en outre, la faute commise est d’autant plus manifeste qu’il s’agissait d’un enfant autiste de quatorze ans se trouvant dans l’impossibilité de décrire les souffrances qu’il endurait ;

Qu’en dépit de la gravité de la blessure, [C] [L] n’a pas davantage jugé utile d’aviser immédiatement sa supérieure hiérarchique, ce qui aurait permis une prise en charge immédiate de l’enfant ;

Attendu que la cause réelle et sérieuse de licenciement est dès lors caractérisée ;

Attendu que le conseil de prud’hommes a exactement calculé les indemnités de rupture dues à la salariée ;

Sur l’indemnité de non-concurrence :

Attendu qu’en conformité avec le contrat de travail, l’association a précisé dans la lettre de licenciement qu’elle renonçait à l’exécution de la clause de non-concurrence incluse dans le contrat de travail ;

Attendu qu’en conséquence, la contrepartie financière de la clause de non-concurrence n’est pas due ;

* * *

Attendu qu’enfin, l’équité ne commande pas de faire application de l’article 700 du code de procédure civile devant la cour d’appel ;

Attendu qu’à l’exception de l’indemnité de licenciement et de la somme allouée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, dont les intérêts légaux courent à compter du jugement, les sommes accordées emportent intérêts au taux légal dès la date de réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Infirmant le jugement et statuant à nouveau,

Rejette la demande à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Rejette la demande à titre d’indemnité de non-concurrence;

Confirme le jugement pour le surplus ;

Y ajoutant,

Dit qu’à l’exception des indemnités et de la somme allouée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, dont les intérêts légaux courent à compter du jugement, les sommes accordées emportent intérêts au taux légal dès la date de réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation;

Rejette toute autre demande ;

Condamne l’association ABAUTISME aux dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


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