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Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 3
ARRET DU 14 DECEMBRE 2022
(n° , 6 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/05246 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFXJY
Décision rendue sur renvoi après cassation : Arrêt du 14 octobre 2020 -Cour d’appem de Paris – pôle 6 chambre 8 – RG 17/13202, rendu sur appel d’un Jugement du 01 Septembre 2017 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° 16/08929
DEMANDEUR A LA SAISINE
Madame [C] [E]
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentée par Me Paul BEAUSSILLON, avocat au barreau de PARIS
DEFENDEUR A LA SAISINE
S.E.L.A.R.L. ACTIS ME [M] [K] ès-qualité de Mandataire ad’hoc de la Sté TERRITORIAL TEAM
[Adresse 2]
[Localité 4]
N’ayant pas constitué avocat dans la procédure sur renvoi après cassation
AGS CGEA IDF OUEST
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représentée par Me Hélène NEGRO-DUVAL, avocat au barreau de PARIS, toque : L0197
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 02 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Véronique MARMORAT, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Véronique MARMORAT, Présidente de chambre
Madame Fabienne ROUGE, Présidente de chambre Madame Anne MENARD, Présidente de chambre
Greffier, lors des débats : Madame Frantz RONOT
ARRÊT :
– RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Véronique MARMORAT, Présidente de chambre, et par Sarah SEBBAK, Greffière stagiaire en préaffectation à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Exposé du litige
Madame [E] a été embauchée par la société Territorial Team gérée par monsieur [V] [N] ayant pour activité la réalisation d’enquêtes, de sondages, de recherches et d’études selon des contrats à durée déterminée d’usage successifs à compter du 1er octobre 2004 en qualité d’enquêtrice puis de chef d’équipe pour en dernier lieu une rémunération moyenne mensuelle brut égale à la somme de 1 769,88 euros. Cette société avait comme client principal la société Sad Marketing, les enquêtes portant sur les restaurants Quick. A compter de juillet 2013 elle a été rémunérée par la société Slh Quali, appartenant au même groupe. La relation de travail a cessé le 30 juin 2015.
Le 2 juillet 2015, une procédure de liquidation judiciaire est ouverte à l’égard de la société Territorial Team par le tribunal de commerce de Paris qui par jugement du 25 janvier 2017 procédera à la clôture des opérations de liquidation pour insuffisance d’actifs.
Le 28 juillet 2016 madame [E] a saisi le Conseil des prud’hommes de Paris afin qu’il soit jugé que la société Territorial Team et la société Slh Quali étaient ses co-employeurs, que ses contrats à durée déterminée soient requalifiés en contrat à durée indéterminée en qualité de chef d’équipe depuis octobre 2004, que la rupture de la relation de travail du 31 juillet 2015 produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner la société Slh Quali et fixer au passif de la société Territorial Team les sommes qu’elle demande.
Le président du tribunal de commerce de Paris, par ordonnance du 15 mai 2017, a désigné la Selarl Actis prise en la personne de maître [M] [K], mandataire ad’hoc.
Par jugement du 1er septembre 2017, le Conseil des prud’hommes de Paris a débouté madame [E] de toutes ses demandes.
Madame [E] a interjeté appel de cette décision le 23 octobre 2017.
Par arrêt du 14 octobre 2020, la cour d’appel de Paris a :
– Requalifié la relation contractuelle entre madame [E] et la société Territorial Team en contrat à durée indéterminée à temps partielle,
– Dit que la rupture du contrat de travail produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ,
– Fixé au passif de la liquidation les sommes suivantes :
500 euros au titre d’indemnité de requalification,
676,62 euros au titre d’indemnité de préavis outre celle de 67,66 euros pour les congés payés afférents,
762,20 euros au titre d’indemnité de licenciement,
3 500 euros au d’indemnité pour licenciement abusif.
– Déclaré l’arrêt opposable au CGEA-AGS dans les limites de la garantie légale et des plafonds applicables,
– Requalifié la relation contractuelle entre madame [E] et la société Slh Quali en contrat à durée indéterminée à temps complet à compter de septembre 2014,
– Dit que la rupture du contrat de travail produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– Condamné la société Slh Quali aux dépens de première instance et d’appel et à payer à madame [E] les sommes suivantes :
1 800 euros au titre d’indemnité de requalification,
9 108,15 euros au titre de rappel de salaire de septembre 2014 à juin 2015 outre celle de 910,81 euros pour les congés payés afférents,
86,62 euros pour les heures supplémentaires outre celle de 8,68 euros pour les congés payés afférents,
3 540 euros au titre d’indemnité de préavis outre celle de 354 euros pour les congés payés afférents,
885 euros au titre d’indemnité de licenciement,
5 500 euros au d’indemnité pour licenciement abusif,
2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
– Ordonné à la Selarl Actif prise en la personne de Maître [H] [K] ès qualité de mandataire représentant la société Territorial Team, d’une part et à la société Slh Quali d’autre part de délivrer à madame [E] les bulletins rectifiés conformes à cet arrêt.
Sur pourvoi formé par la salariée, la Cour de cassation a, par arrêt du 13 avril 2022 :
– Rejeté le pourvoi principal,
– Mis hors de cause la société Slh Quali,
– Cassé et annulé l’arrêt, mais seulement en ce qu’il déboute Madame [E] de sa demande de requalification de la relation de travail avec la société Territorial Team en contrat à temps plein à compter d’octobre 2004 et de ses demandes de rappel de salaires subséquents à compter de janvier 2012, et en ce qu’il limite le quantum des créances fixées au passif de la société Territorial Team à son profit aux sommes de 500 euros à titre d’indemnité de requalification, 676,62 euros à titre d’indemnité de préavis, et 67,66 euros au titre des congés payés afférents, 761,20 euros à titre d’indemnité de licenciement et 3 500 euros à titre d’indemnité pour licenciement abusif.
La présente cour a été saisie par madame [E] selon acte du 11 mai 2022.
Par conclusions signifiées par voie électronique le 14 juin 2022, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, madame [E] demande à la cour d’infirmer le jugement rendu le 1er septembre 2017 en toutes ses dispositions, et statuant de nouveau dans les limites de la cassation intervenu le 13 avril 2022, de prononcer la requalification de la relation de travail avec la société Territorial Team en contrat à durée indéterminée à temps plein en qualité de chef d’équipe depuis octobre 2004, de juger que la rupture de cette relation de travail intervenue le 31 décembre 2013 produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de fixer au passif de la société Territorial Team les dépens et les sommes suivantes :
titre
montant en euros
indemnité de requalification
3 540,00
rappel de salaire sur la base d’un temps complet de janvier 2012 à décembre 2013
congés payés afférents
19 945,96
1 994,59
indemnité compensatrice de préavis
congés payés afférents
3 540,00
354,00
indemnité conventionnelle de licenciement
3 540,00
indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
21 240,00
article 700 du code de procédure civile
3 500,00
et d’ordonner la remise à la salariée des bulletins de salaire correspondant à la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par document et par jour de retard à compter de la notification de l’arrêt.
Par conclusions signifiées par voie électronique le 24 octobre 2022 auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, l’association Unédic délégation Ags Cgea Île-de-France Ouest demande à la cour de
– Confirmer le jugement dont appel ;
– Débouter madame [E] de ses demandes, fins et conclusions ;
– Rejeter les demandes de fixation de créances qui ne sont ni fondées dans leur principe ni justifiées dans leur montant et en tout état de cause, réduire aux seuls montants dûment justifiés les créances susceptibles d’être fixées ;
– Donner acte à la concluante des conditions d’intervention de l’AGS dans le cadre des dispositions du code de commerce rappelées ci-dessus, et des conditions, limites et plafonds de la garantie de l’AGS prévus notamment par les articles L. 3253-6 à L. 3253-17, L. 3253-19 à L. 3253-20 du code du travail ;
– Rejeter toute demande contraire dirigée à l’encontre de l’AGS ;
– Dire en tout état de cause que la décision à intervenir de fixation de créances ne sera opposable à l’AGS que dans les conditions, limites et plafond de sa garantie légale subsidiaire ;
– Dire que l’AGS ne devra procéder à l’avance des créances visées aux articles L. 3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant de ces dispositions, limitées au plafond de garantie applicable, en vertu des articles L. 3253-17 et D. 3253-5 du code du travail, et payable sur présentation d’un relevé de créances par le mandataire judiciaire, et sur justification par ce dernier de l’absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement en vertu de l’article L. 3253-20 du code du travail.
La Selarl Actis prise en la personne de maître [M] [K], mandataire ad’hoc de la société Territorial Team a été régulièrement attrait à la procédure mais ne s’est pas constituée.
La cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.
Motifs
Sur les limites de la saisine de la cour d’appel de Paris
La cour de cassation a cassé l’arrêt de la cour d’appel de Paris rendu le 14 octobre 2020 autrement composé pour les motifs suivants :
” Pour débouter la salariée de sa demande en requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat à temps complet, l’arrêt, après avoir relevé que le mandataire liquidateur ne produisait aucun des contrats et que la salariée en produisait certains, retient que la salariée avait la possibilité de refuser une mission et de travailler pour d’autres organismes ou d’avoir d’autres activités et que tant le tableau établi par la salariée que les contrats produits établissent d’une part une discontinuité, la salariée n’ayant pas travaillé les mois de janvier, juin, septembre et octobre 2013 et surtout un nombre d’heures, sur la période concernée de 2012-2013 compris entre 6,47 heures et 94,15 heures par mois. En statuant ainsi, alors qu’elle avait constaté que le contrat de travail à temps partiel ne répondait pas aux exigences de l’article L. 3123-14 du code du travail, la cour d’appel, qui ne pouvait écarter la présomption de travail à temps complet qui en résultait sans constater que l’employeur faisait la preuve de la durée de travail exacte, mensuelle ou hebdomadaire, convenue pour chacun des contrats, a violé le texte susvisé.”
Il résulte de ce qui précède que la présente cour n’est saisie que des demandes formées par madame [E] relatives à la durée du temps de travail du contrat à durée indéterminée conclu avec la société Territorial Team et ses effets sur les demandes de rappel de salaire à compter de janvier 2012, le montant de l’indemnité de requalification et les demandes indemnitaires relatives à la rupture du contrat de travail. En revanche, cette saisine ne comprend pas la question de la qualité de chef d’équipe ni celle du principe du licenciement sans cause réelle et sérieuse mais seulement du quantum des condamnations.
Sur la durée du travail du contrat à durée indéterminée conclu avec la société Territorial Team et ses effets
Principe de droit applicable :
Selon l’article L 3123-14 du code du travail, le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit.
Il mentionne :
1° La qualification du salarié, les éléments de la rémunération, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et, sauf pour les salariés des associations et entreprises d’aide à domicile et les salariés relevant d’un accord collectif de travail conclu en application de l’article L. 3122-2, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ;
2° Les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification ;
3° Les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié. Dans les associations et entreprises d’aide à domicile, les horaires de travail sont communiqués par écrit chaque mois au salarié ;
4° Les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires au-delà de la durée de travail fixée par le contrat.
L’avenant au contrat de travail prévu à l’article L. 3123-25 mentionne les modalités selon lesquelles des compléments d’heures peuvent être accomplis au-delà de la durée fixée par le contrat.
L’absence d’écrit mentionnant la durée du travail et sa répartition fait présumer que l’emploi est à temps complet. Il incombe à l’employeur d’apporter la preuve d’une part de la durée exacte du travail hebdomadaire ou mensuelle et d’autre part du fait qu’il n’a pas placé le salarié dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il allait travailler et qu’il n’était pas constamment à la disposition de l’employeur.
Application en l’espèce
La cour, à l’examen des contrats produits par la salariée, observe que les contrats conclus entre madame [E] et la société Territorial Team ne comprennent aucune mention sur la durée du travail journalière ou hebdomadaire, mais définissent une période au cours de laquelle l’enquête doit être réalisée en utilisant la formule suivante, commençant à telle date et “devant se terminer au plus tard à telle date.” Cette formulation est en contradiction avec l’obligation de définir la durée hebdomadaire ou mensuelle du travail définie par l’article L 3123-14 du code du travail.
En conséquence, il convient de prononcer la requalification de la relation de travail avec la société Territorial Team en contrat à durée indéterminée à temps plein, de fixer la créance de madame [E] au titre de l’indemnité de requalification à la somme de 2 500 euros et faire droit à ses demandes de rappel de salaires sur la base d’un temps complet de janvier 2012 à décembre 2013 justifiés par les tableaux produits.
Sur les incidences de la durée du travail sur les sanctions prononcées à l’encontre de l’employeur
Les pièces de la procédure et les règles d’indemnisation définies par la Convention collective nationale Syntec justifient de faire droit aux demandes de madame [E] relatives à l’indemnité compensatrice de préavis, aux congés payés afférents, à l’indemnité conventionnelle de licenciement mais de réduire à la somme de 12 500 euros la somme demandée au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur la garantie de l’association Unédic délégation Ags Cgea Île-de-France Ouest
La cour fait droit aux demandes de l’association Unédic délégation Ags Cgea Île-de-France Ouest sur les limites et les conditions de sa garantie.
Par ces motifs :
La cour, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par l’article 450 du code de procédure civile,
Vu l’arrêt de la Cour de cassation du 13 avril 2022,
INFIRME le jugement en ce qu’il a rejeté le demande de requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée à temps plein,
Statuant à nouveau,
REQUALIFIE la relation de travail entre madame [E] et la société Territorial Team en contrat à durée indéterminée à temps plein,
FIXE au passif de la société Territorial Team au profit de madame [E] les sommes suivantes :
– 2 500 euros au titre de l’indemnité de requalification,
– 19 945,96 euros au titre de rappel de salaire de janvier 2012 à décembre 2013 outre celle de 1 994,59 euros au titre des congés payés afférents,
– 12 500 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 3 540 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,
– 3 540 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre celle de 354 euros pour les congés payés afférents.
ORDONNE à la Selarl Actis prise en la personne de maître [M] [K], mandataire ad’hoc de la société Territorial Team la remise de bulletin de salaire conforme,
REJETTE la demande d’astreinte,
REND la présente décision opposable à l’association Unédic délégation Ags Cgea Île-de-France Ouest dans les conditions, limites et plafonds de la garantie prévus notamment par les articles L. 3253-6 à L. 3253-17, L. 3253-19 à L. 3253-20 du code du travail qui ne devra procéder à l’avance des créances visées aux articles L. 3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant de ces dispositions, limitées au plafond de garantie applicable, en vertu des articles L. 3253-17 et D. 3253-5 du code du travail, et payable sur présentation d’un relevé de créances par le mandataire judiciaire, et sur justification par ce dernier de l’absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement en vertu de l’article L. 3253-20 du code du travail
Vu l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la Selarl Actis prise en la personne de maître [M] [K], mandataire ad’hoc de la société Territorial Team à verser à madame [E] la somme de 2000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes,
CONDAMNE la Selarl Actis prise en la personne de maître [M] [K], mandataire ad’hoc de la société Territorial Team aux dépens.
La greffière, La présidente.