Contrat à durée déterminée d’usage : 14 décembre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 22/04350

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Contrat à durée déterminée d’usage : 14 décembre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 22/04350
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 9

ARRÊT DU 14 DÉCEMBRE 2022

(n° , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S N° RG 22/04350 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFRXA

Décision déférée à la Cour : Jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes de BOULOGNE-BILLANCOURT le 19 Juin 2014 sous le RG n° 13/02207 ; infirmé par un arrêt de la 11ème Chambre de la Cour d’appel de VERSAILLES rendu le7 Juillet 2016 sous le RG n° 14/034584 lui-même partiellement cassé par la Cour de Cassation dans son arrêt n° 66 F-D rendu le 17 Janvier 2018, ayant renvoyé la cause et les parties devant la Cour d’appel de VERSAILLE autrement composée. L’arrêt de renvoi après cassation rendu par la 21ème chambre de la Cour d’appel de VERSAILLE le 21 Novembre 2019 sous le RG n°18/00884 a infirmé le jugement, lui-même cassé par la Cour de Cassation dans son arrêt n°686 FS-P rendu le 2 Juin 2021, ayant renvoyé la cause et les parties devant la Cour d’appel de PARIS.

DEMANDEUR

M. [S] [P]

[Adresse 1]

[Adresse 5] –

[Localité 3]

Représenté par Me Vianney FERAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : C1456

DÉFENDEUR

SA D’EDITION CANAL +

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Eric MANCA, avocat au barreau de PARIS, toque : P0438 substitué par Me Zoé RIVAL, avocat au barreau de PARIS, toque : L0097

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 12 Octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Philippe MICHEL, président, chargé du rapport, et M. Fabrice MORILLO, conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Philippe MICHEL, président de chambre

Mme Valérie BLANCHET, conseillère

M. Fabrice MORILLO, conseiller

Greffier : Mme Pauline BOULIN, lors des débats

ARRÊT :

– contradictoire

– mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

– signé par Monsieur Philippe MICHEL, président et par Madame Pauline BOULIN, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. [P] a été engagé par la société Canal + devenue la Société d’édition de Canal plus, à compter du 4 octobre 2004, en qualité de consultant pigiste par plusieurs lettres d’engagement à durée déterminée accompagnées des ‘conditions générales d’engagement des collaborateurs sous contrat de travail à durée déterminée d’usage constant au sein de la société Canal +’.

Estimant que la relation contractuelle avec la Société d’Édition Canal Plus devait être qualifiée de contrat de travail à durée indéterminée et faisant valoir que la société ne lui a plus confié de travail et ne l’a plus rémunéré depuis le 15 août 2012, M. [P] a saisi le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt, le 22 novembre 2013, afin d’obtenir la condamnation de la Société d’Édition Canal Plus au paiement de diverses sommes au titre de la requalification, de l’exécution et de la rupture du contrat de travail.

Par jugement du 19 juin 2014, le Conseil de Prud’hommes de Boulogne-Billancourt a débouté M. [P] de l’ensemble de ses demandes.

M. [P] a interjeté appel de ce jugement.

Par arrêt du 7 juillet 2016, la Cour d’appel de Versailles a :

– infirmé le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté la demande de requalification des contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée et a débouté M. [P] de ses demandes,

et, statuant à nouveau, a :

– requalifié la relation contractuelle ayant existé entre les parties du 4 octobre 2004 au 15 août 2012 en contrat de travail à durée indéterminée,

– fixé le salaire de référence de M. [P] à la somme de 4 105,02 euros,

– condamné la Société à payer à M. [P] les sommes suivantes :

° 4 105,02 euros au titre de l’indemnité de requalification,

° 24 630,12 euros au titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

° 12 315,06 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et 1 231,50 euros au titre des congés payés y afférents,

° 32 840,16 euros au titre de l’indemnité de licenciement,

° 4 792, 89 euros au titre du 13ème mois.

° 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, et les dépens.

– Ordonné la remise des documents sociaux par la société Canal +.

La Société d’édition de Canal plus a formé un pourvoi en cassation le 30 août 2016.

Par un arrêt du 17 janvier 2018, la Cour de cassation a, au visa de l’article 455 du Code de procédure civile, cassé et annulé partiellement l’arrêt de la Cour d’appel de Versailles mais seulement en ce qu’il a condamné la Société d’édition de Canal plus à payer à M. [P] les sommes de 4 105,02 euros au titre de l’indemnité de requalification, 24 630,12 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de 12 315,06 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, de 1 231,50 euros au titre des congés payés afférents, de 32 840,16 euros au titre de l’indemnité de licenciement, de 4 792,89 euros au titre du treizième mois et a renvoyé les parties devant la Cour d’appel de Versailles autrement composée après avoir relevé que pour condamner la société à payer à M. [P] des sommes au titre de différentes indemnités et au titre du treizième mois, l’arrêt retient qu’il doit être retenu un dernier salaire mensuel de 4 105,02 euros ,compte tenu de la majoration au titre du treizième mois et qu’en statuant ainsi, par des motifs ne permettant pas à la Cour de cassation d’exercer son contrôle, la cour d’appel a méconnu les exigences du texte susvisé.

Par un arrêt du 21 novembre 2019, la Cour d’appel de Versailles a infirmé le jugement rendu par le conseil de prud’hommes en ce qu’il a débouté M. [P] de ses demandes,

statuant de nouveau et y ajoutant,

– Condamné la société à payer à M. [P], les sommes suivantes assorties des intérêts légaux à compter du 4 décembre 2013 :

° 4 792,89 euros bruts à titre de rappel de treizième mois,

° 10 929,44 euros bruts à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,

° 12 315,06 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

° 1 137,52 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur la période de préavis,

° 2 000 euros à titre d’indemnité de requalification,

° 30 000 euros bruts à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

° 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens.

– Ordonné à la société de rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage versées à M. [P] du jour de la rupture du contrat à ce jour, à concurrence de six mois ainsi qu’à remettre à son ancien salarié des documents sociaux de fin de contrat de travail conformes.

La Société d’édition de Canal plus a formé un pourvoi en cassation à l’encontre de cet arrêt.

Par un arrêt du 2 juin 2021, la Cour de cassation, chambre sociale, a, au visa de l’article L.1234-5 du code du travail, cassé et annulé l’arrêt de la Cour d’appel de Versailles, mais seulement en ce qu’il a condamné la Société à payer à M. [P] les sommes de 12 315,06 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis et de 1 137,52 euros brut au titre des congés payés afférents, et renvoyé les parties devant la cour d’appel de Paris après avoir relevé que, pour condamner l’employeur à verser une certaine somme à titre d’indemnité compensatrice de préavis, l’arrêt, après avoir rappelé qu’en raison de la requalification en contrat à durée indéterminée, l’employeur ne pouvait rompre la relation de travail du fait de l’arrivée du terme du dernier contrat conclu et que, dès lors, le défaut d’exécution du délai-congé résultait de son action fautive, retient que l’employeur est tenu de payer une indemnité compensatrice de préavis correspondant à une durée de travail à temps complet, puisque c’est de son fait si aucun travail n’a été fourni au salarié et si ce dernier n’a pas été en mesure de rester à disposition durant cette période et qu’en se déterminant ainsi, sans préciser si au jour de la rupture, le salarié était engagé à temps complet ou à temps partiel, la cour d’appel a privé sa décision de base légale.

M. [P] a saisi la cour d’appel de Paris par déclaration du 28 mars 2022.

L’affaire a été appelée à l’audience du 12 octobre 2022.

Dans ses conclusions soutenues oralement à l’audience, M. [P] demande à la cour de condamner la société à lui verser les sommes de 12 315,06 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, ainsi que celle de 1 231,50 euros, ou subsidiairement, celle de 1 137,52 euros, au titre de congés payés y afférents, et de dire que ces condamnations seront majorées des intérêts au taux légal capitalisés, depuis le 22 novembre 2013 et de condamner la société à lui verser la somme de 4 000 euros en application de l’article 700 Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Dans ses conclusions soutenues oralement à l’audience, la Société d’édition de Canal plus demande à la cour de confirmer le jugement prononcé le 19 juin 2014 par le Conseil de Prud’hommes de Boulogne-Billancourt en ce qu’il a débouté M. [P] de sa demande en fixation d’un salaire de référence à temps complet, et de fixer à 725,51 euros (moyenne des 12 derniers mois de salaire) le salaire de référence de M. [P] pour les besoins du calcul de son indemnité compensatrice de préavis, de fixer à 2 716,53 euros le montant de l’indemnité compensatrice de préavis, outre 271,65 euros au titre des congés payés y afférents et de condamner M. [P] à lui verser la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS

Comme justement rappelé par les deux parties, la requalification d’un contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet ne porte que sur la durée de travail et laisse inchangées les autres stipulations relatives au terme du contrat. Réciproquement, la requalification d’un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ne porte que sur le terme du contrat et laisse inchangées les stipulations contractuelles relatives à la durée du travail.

Selon l’article L.1234-5 du code du travail, lorsque le salarié n’exécute pas le préavis, il a droit, sauf s’il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice. L’inexécution du préavis, notamment en cas de dispense par l’employeur, n’entraîne aucune diminution des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s’il avait accompli son travail jusqu’à l’expiration du préavis, indemnité de congés payés comprise.

Ainsi, M. [P] fait valoir qu’au jour de la rupture du dernier contrat de travail, le 15 août 2012, il était employé à temps plein dès lors que la durée du travail avait été fixée forfaitairement à 8 heures sur la seule journée du 15 août 2012 et que, du fait de la requalification, la durée de travail à temps plein reste inchangée de sorte que la Société d’édition de Canal plus a rompu abusivement un contrat à durée indéterminée à temps plein.

Il sollicite, par voie de conséquence, une indemnité compensatrice de préavis de 12 315,06 euros sur la base d’un salaire mensuel brut horaire de 4 105, 02 euros, hors indemnité de congés payés, calculé selon un taux horaire de 25 euros appliqué à 151,57 h soit 3 789,25 euros, montant auquel s’ajoute la prime de 13ème mois.

La Société d’édition de Canal plus réplique que M. [P] n’a jamais travaillé à temps complet, ce qui est aujourd’hui définitivement acquis, et qu’il ne peut donc s’appuyer sur un salaire de référence pour un temps complet pour fixer l’état de ses demandes au titre de la requalification de sa relation de travail en CDI.

Elle en conclut que l’indemnité compensatrice de préavis revenant à M. [P] doit être fixée selon un salaire de référence calculé à partir de la moyenne des 12 derniers mois travaillés (mois d’août 2011 à août 2012 soit 8 706,18 euros / 12 mois = 725,51 euros) ce qui établit la somme revenant à M. [P] à 2 716,53 euros, outre 271,65 euros au titre des congés payés afférents.

Cela étant, aux termes de l’article L.3123-1 du code du travail, est considéré comme salarié à temps partiel le salarié dont la durée du travail est inférieure :

1° A la durée légale du travail ou, lorsque cette durée est inférieure à la durée légale, à la durée du travail fixée conventionnellement pour la branche ou l’entreprise ou à la durée du travail applicable dans l’établissement ;

2° A la durée mensuelle résultant de l’application, sur cette période, de la durée légale du travail ou, si elle est inférieure, de la durée du travail fixée conventionnellement pour la branche ou l’entreprise ou de la durée du travail applicable dans l’établissement ;

3° A la durée de travail annuelle résultant de l’application sur cette période de la durée légale du travail, soit 1 607 heures, ou, si elle est inférieure, de la durée du travail fixée conventionnellement pour la branche ou l’entreprise ou de la durée du travail applicable dans l’établissement.

Dans le cas d’une requalification d’une succession de contrats de travail à durée déterminée en un seul contrat de travail à durée indéterminée, la durée de travail s’apprécie non au vu du dernier contrat de travail à durée déterminé irrégulier mais sur l’ensemble de la relation contractuelle des parties.

En l’espèce, il ressort des contrats de travail produits que M. [P] a travaillé 92 jours sur l’année 2009, 95 jours sur l’année 2010, 73 jours sur l’année 2011 et 25 jours sur l’année 2012.

Et même au-delà de la période de prescription, il doit être relevé que M. [P] a travaillé

 :

– 10 jours d’octobre 2004 à décembre 2004, soit 80 heures pour un temps plein de 455,01 heures sur la période,

– 44 jours sur l’année 2005, soit, selon un forfait de 8 heures par jour, 352 heures sur l’année,

– 36 jours sur l’année 2006, soit, selon un forfait de 8 heures par jour, 288 heures sur l’année,

– 28 jours sur l’année 2007, soit, selon un forfait de 8 heures par jour, 224 heures sur l’année,

– 66 jours sur l’année 2008, soit, selon un forfait de 8 heures par jour, 528 heures sur l’année.

M. [P] n’établit pas, et ne prétend d’ailleurs pas, qu’en dehors de ses périodes de travail pour le compte de la Société d’édition de Canal plus relevées ci-dessus, il s’est tenu à la disposition permanente de l’entreprise.

En conséquence, le contrat de travail à durée indéterminée de M. [P] à l’égard de la Société d’édition de Canal plus est un contrat de travail à temps partiel.

C’est donc à juste titre que la Société d’édition de Canal plus calcule l’indemnité compensatrice de préavis sur la moyenne la plus favorable au salarié à savoir les 12 derniers mois travaillés pour un montant de 725,51 euros. Toutefois, l’analyse des bulletins de paie ne fait pas apparaître le versement du 13e mois prévu par l’article 25 de la convention collective nationale des journalistes.

En intégrant cette prime, le salaire de référence de M. [P] selon la moyenne des 12 derniers mois s’établit à 785,97 euros.

Pour un préavis d’une durée de trois mois fixé par la convention collective applicable, la Société d’édition de Canal plus sera condamnée à verser à M. [P] la somme de 2 716,53 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis outre celle de 271,65 euros au titre ces congés payés afférents, la cour ne pouvant accorder au salarié une somme moindre que celle offerte par l’employeur.

En vertu de l’article 1231-6 du code du travail, ces sommes, de nature salariale, produiront des intérêts au taux légal à compter du 20 mars 2014, date de la comparution des parties devant le bureau de jugement valant date certaine de la connaissance des demandes du salarié par l’employeur.

Conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du même code, les intérêts dus depuis plus d’une année entière produiront eux-mêmes des intérêts.

Conformément aux dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, la Société d’édition de Canal plus sera condamnée à verser à M. [P] la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par l’appelant qui ne sont pas compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant dans la limite de la cassation prononcée par l’arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 2 juin 2021,

INFIRME le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [P] de sa demande d’indemnité compensatrice de préavis et d’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

Statuant à nouveau sur ce point,

DIT que le contrat de travail entre la Société d’édition de Canal plus et M. [P] est un contrat à temps partiel,

CONDAMNE la Société d’édition de Canal plus à verser à M. [P] la somme de 2 716,53 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, et celle de 271,65 euros au titre des congés payés afférents, et ce avec intérêts au taux légal à compter du 20 mars 2014,

DIT que les intérêts échus depuis plus d’une année produiront eux-mêmes des intérêts,

CONDAMNE la Société d’édition de Canal plus à verser à M. [P] la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la Société d’édition de Canal plus aux dépens de la procédure sur renvoi après cassation.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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