Contrat à durée déterminée d’usage : 13 décembre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/07809

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Contrat à durée déterminée d’usage : 13 décembre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/07809
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Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 4

ARRET DU 13 DECEMBRE 2023

(n° /2023, 5 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/07809 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGKQB

Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Mars 2018 -Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de CRETEIL – RG n° 15/02387

APPELANT

Monsieur [I] [W]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Paul BEAUSSILLON, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

S.A.S. NOMAD

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Bruno REGNIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 12 Septembre 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

M. DE CHANVILLE Jean-François, président de chambre, rédacteur

Mme. BLANC Anne-Gaël, conseillère

Mme. MARQUES Florence, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Alisson POISSON

ARRET :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre et par Clara MICHEL, Greffière, présent lors de la mise à disposition.

Rappel des faits, procédure et pretentions des parties

M. [I] [W] a été engagé par la société Saint Laurent Gastronomie, aux droits de laquelle vient la société Nomad, selon ‘contrats de travail d’extra temporaire par nature’ pour ‘surcroît d’activité’, à durée déterminée, en qualité de maître d’hôtel extra, statut extra employé, niveau III, échelon à partir de juillet 2006.

La société Nomad a une activité de traiteur et d’organisateur de réceptions.

Elle compte au moins 11 salariés et relève de la convention collective des hôtels, cafés et restaurants du 30 avril 1997.

Le 21 septembre 2015, le salarié a pris acte de la rupture de son contrat de travail, au motif que l’employeur ne lui proposait plus de travail depuis septembre 2015.

Sollicitant notamment la requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée à temps plein, il a saisi le conseil des prud’hommes de Créteil le 29 septembre 2015.

Par décision du 29 mai 2018, le juge départiteur a rejeté les demandes du salarié à l’exception de celle relative au non-respect de la durée maximale journalière de travail et condamné la société Nomad à payer au salarié la somme de 3.000 euros de dommages et intérêts pour non respect de la durée maximale journalière avec intérêts au taux légal à compter de la décision et 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Par déclaration du 4 juillet 2018, M. [I] [W] a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Par arrêts du 17 février 2021, la Cour d’appel de Paris a :

– confirmé le jugement déféré sauf sur le quantum des dommages et intérêts alloués au titre du dépassement de la durée journalière maximale de travail,

Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,

– condamné la société Nomad à payer au salarié la somme de 6.000 euros de ce chef,

– condamné la société Nomad à payer au salarié la somme de 1.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la société Nomad aux dépens d’appel.

Sur pourvoi en cassation de M. [I] [W] par arrêt du 6 juillet 2022, la Cour de cassation a cassé et annulé l’arrêt d’appel, mais seulement en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande de requalification de la relation de travail en contrat de travail à durée indéterminée à temps plein, au titre de la prise d’acte de la rupture du contrat de travail et en paiement d’un rappel de salaire pour la période courant d’octobre 2012 à septembre 2015.

Par conclusions signifiées à l’intimée le 22 novembre 2022, M. [I] [W] sollicite l’infirmation du jugement déféré sur les points atteints par la cassation et reprend ses demandes de première instance, sous réserve de l’indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile qu’il élève à la somme de 3 500 euros.

Dans ses uniques conclusions remises au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 20 janvier 2023, la société Nomad demande à la cour :

– de confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré,

– de débouter le salarié de ses demandes,

A titre subsidiaire,

– de limiter le montant des condamnations au titre de la requalification des contrats de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée aux sommes suivantes :

* 1.487,77 euros d’indemnité de licenciement,

* 4.959,24 euros d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 1.653,68 euros d’indemnité compensatrice de préavis,

* 165,31 euros d’indemnité de congés payés afférents,

* 826,54 euros d’indemnité de requalification,

En tout état de cause :

– de condamner chacun des salariés au paiement d’une somme de 3.500 euros en vertu de l’article 700 du Code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 13 juin 2023 et l’affaire a été fixée à l’audience du 12 septembre 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

M. [I] [W] sollicite la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée en application de l’article L. 1242-12 du Code du travail comme fondé sur deux motifs différents, à savoir l’accroissement temporaire d’activité et le contrat à durée déterminée d’usage. Il soutient aussi que le salarié a travaillé pendant 9 ans pour la société Nomad, sans qu’aucune raison objective n’établisse le caractère par nature temporaire de l’activité et ne justifie le recours à des contrats à durée déterminée successifs, tandis que rien ne vient justifier un accroissement temporaire d’activité.

L’employeur répond que le seul motif du recours est le contrat à durée déterminée d’usage, et non l’accroissement temporaire d’activité, qui n’était mentionné qu’à titre de précision sur le caractère ponctuel de l’activité en cause. Il soutient que l’emploi était par nature temporaire, dés lors qu’il était fonction de la demande très variable et imprévisible du client et que M. [I] [W] pouvait exercer librement ses fonctions auprès d’autres sociétés.

Sur ce

Aux termes de l’article L.1242-2 du Code du travail, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire, et seulement dans certains cas dont l’accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise ou encore les emplois pour lesquels, dans certains secteurs d’activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois.

La cour, adoptant les motifs pertinents du premier juge, retient que le seul motif de recours est non pas l’accroissement temporaire d’activité au sens de l’article L. 1242-2 du Code du travail, mais le contrat à durée déterminée d’usage.

L’article L. D 1242-1 du Code du travail précise que l’hôtellerie figure parmi les ‘secteurs d’activité dans lesquels des contrats à durée déterminée peuvent être conclus pour les emplois pour lesquels il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois’.

L’article 14 de la convention collective applicable dispose que l’emploi d’extra, qui est celui du salarié, est par nature temporaire.

Aux termes de l’article L. 1242-1 du Code du travail un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.

Il appartient donc au juge de vérifier si le recours à des contrats à durée déterminée successifs est justifié par des raisons objectives qui s’entendent de l’existence d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi, qui ne peut être lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.

L’analyse du tableau récapitulatif du nombre de maîtres d’hôtel par journée d’activité de la société Nomad pour les années 2012, 2013 et 2014 établit que le recours à cet emploi était fluctuant et imprévisible variant considérablement d’un mois à l’autre, et même d’une semaine à l’autre et encore d’une année à l’autre pour les mêmes mois et semaine, la seule constante étant l’absence de recours à ces professionnels en fin d’année et au cours du mois d’août, ce qui peut, certes, correspondre aux congés.

Ainsi observe-t-on des coupures plurimensuelles de deux à dix jours avec un nombre de maîtres d’hôtel variant pour les périodes où il y est recouru entre 1 et 93.

L’étude du tableau récapitulatif des jours travaillés par l’intéressé lui-même évoluait aussi de manière très irrégulière, entre zéro jour et 19 jours par mois, au cours des années litigieuses, d’une semaine et d’un mois à l’autre de même que pour ces semaines ou ces mois d’une année à l’autre.

Le recours aux maîtres d’hôtel et à M. [I] [W] en particulier était donc grandement irréguliers et imprévisible.

Dés lors la requalification en contrat à durée indéterminée ne saurait être prononcée.

Le salarié dans la continuité de la demande de requalification en contrat à durée indéterminée demande la requalification de sa relation de travail en contrat à temps plein aux motifs que les contrats d’usage successifs ne comportaient aucune mention relative à la durée hebdomadaire de travail et la répartition de cette durée entre les semaines du mois et le les jours de la semaine et qu’il a dépassé certaines fois la durée légale de travail de 35 heures et qu’il devait se tenir constamment à la disposition de l’employeur.

Chaque contrat d’usage stipulait la date de l’exécution du contrat, l’heure de la prise de poste et le nombre d’heures de sorte que cette demande doit être rejetée.

Il suit de l’ensemble de ces observations que seront pareillement rejetées les demandes en paiement d’une indemnité de requalification, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d’indemnité de licenciement, d’indemnité de préavis, d’indemnité de congés payés y afférents, de rappel de salaire et d’indemnité de congés payés y afférents et de délivrance de documents de fin de contrat.

Il est équitable au regard de l’article 700 du code de procédure civile de débouter l’une et l’autre des parties de leurs prétentions au titre des frais irrépétibles et de condamner le salarié qui succombe aux dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

Statuant contradictoirement, par mise à disposition au greffe et en dernier ressort ;

Statuant sur les demandes de requalification de la relation de travail en contrat de travail à durée indéterminée à temps plein, au titre de la prise d’acte de la rupture du contrat de travail, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d’indemnité de licenciement, d’indemnités de préavis, d’indemnités de congés payés y afférents et en paiement d’un rappel de salaire pour la période courant d’octobre 2012 à septembre 2015 et de délivrance des documents de fin de contrat ;

CONFIRME le jugement déféré ;

REJETTE les demandes au titre des frais irrépétibles d’appel ;

CONDAMNE M. [I] [W] aux dépens d’appel.

Le greffe Le président de chambre

 


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