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Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 10
ARRET DU 11 MAI 2022
(n° , 1 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 18/13535 – N° Portalis 35L7-V-B7C-B6257
Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Octobre 2018 -Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de PARIS – RG n° F 14/11041
APPELANT
Monsieur [I] [S]
[Adresse 3]
[Localité 7]
Représenté par Me Hassan GUEMIAH, avocat au barreau de PARIS, toque : C1572
INTIMEES
Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA IDF OUEST prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représentée par Me Sabine SAINT SANS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0426
SELAFA MJA, Prise en la personne de Maître [M] [J] en qualité de mandataire liquidateur de la société ENTREPRISE [P] ET CIE
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Me Alexandra BERGHEIMER, avocat au barreau de PARIS, toque : E0769
SCP SOCIETE CIVILE PROFESSIONNELLE D’ADMINISTRATEURS JUDICIAIRES [R] & ROUSSELET venant aux droits de la SEL [R]-ADMINISTRATEURS JUDICIAIRES SELARL prise en la personne de Me [D] [R] en qualité de « Administrateur judiciaire » de la société « ENTREPRISE [P] ET CIE »
[Adresse 4]
[Localité 5]
n’ayant pas constitué avocat, ni défenseur syndical
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 09 Février 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Véronique BOST, Vice Présidente placée faisant fonction de conseillère par ordonnance du Premier Président en date du 16 décembre 2021,chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Monsieur Nicolas TRUC, Président de la chambre
Madame Gwenaelle LEDOIGT, Présidente de la chambre
Madame Véronique BOST, Vice Présidente placée faisant fonction de conseillère par ordonnance du Premier Président en date du 16 décembre 2021
Greffier : lors des débats : Mme Sonia BERKANE
ARRET :
– par défaut
– mis à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Monsieur Nicolas TRUC, Président et par Sonia BERKANE,Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Entre octobre 2007 et avril 2013, la société [P] et Cie a engagé M. [I] [S] par différents contrats à durée déterminée en qualité de conducteur de grande remise.
A compter du 1er mai 2013, il a été engagé par contrat à durée indéterminée en qualité de conducteur de voiture de tourisme avec chauffeur.
La convention collective applicable est la convention des transports routiers de voyageurs.
Sollicitant divers rappels de salaire, M. [S] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris le 14 août 2014.
Par jugement du 11 juillet 2016, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de sauvegarde au bénéfice de la société [P] et Cie.
M. [S] a été licencié pour motif économique le 11 octobre 2016.
Par jugement du 23 mai 2017, le tribunal de commerce de Paris a prononcé la liquidation de la société [P] et Cie.
Par jugement de départage du 25 octobre 2018, notifié à M. [S] le 30 octobre 2018, le conseil de prud’hommes de Paris a :
– constaté la prescription des demandes portant sur les créances salariales antérieures à août 2009 ;
– fixé la créance de Monsieur [I] [S] au passif de la société ENTREPRISE [P] & Cie aux sommes suivantes :
– à titre d’indemnité de requali’cation : 2 200 euros
– à titre de rappel de prime de précarité (août 2009 à avril 2013) : 4 191,09 euros
– à titre de rappel de prime de 13ème mois (2009 à 2014) : 13 200 euros
– à titre de dommages et intérêts pour non-respect de l’amplitude horaire journalière maximale : 3 000 euros
– à titre de dommages et intérêts pour non-respect du temps de repos quotidien minimum : 3 000 euros
– à titre de remboursement de retenue sur salaire pour le remboursement de contraventions : 430 euros
– en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile : 1 000 euros
– dit que ces sommes produiront intérêt au taux légal conformément aux dispositions de l’article 1153, devenu 1231-6 et 1231-7 du code civil, et que les intérêts seront capitalisés conformément aux dispositions de l’article 1154, devenu 1343-2 du même code ;
– déclaré le présent jugement opposable à Maitre [M] [J], es qualités ;
– rappelé que les intérêts au taux légal cessent de produire effet au jour de l’ouverture de la procédure collective ;
– dit que l’UNEDIC Délégation AGS CGEA IDF OUEST devra garantir ces créances dans la limite du plafond légal ;
– débouté Monsieur [I] [S] du surplus de ses demandes;
– dit que les dépens sont inscrits au passif de la société ENTREPRISE [P] & Cie.
M. [S] a interjeté appel de ce jugement par déclaration électronique déposée le 29 novembre 2018.
Aux termes de sa déclaration d’appel, cet appel est limité au chef de dispositif l’ayant débouté du surplus de ses demandes.
Par dernières conclusions notifiées par RPVA le 25 juin 2019, auxquelles il sera renvoyé pour un exposé complet des faits, moyens et prétentions, il demande à la cour de :
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il :
– fixé sa créance au passif de la société ENTREPRISE [P] & Cie aux sommes suivantes :
* indemnité de requalification : 2 200 euros
* rappel de prime de précarité (août 2009 à avril 2013) : 4 191,09 euros
* rappel de prime de 13ème mois (2009 à 2014) : 13 200 euros
* dommages et intérêts pour non-respect de l’amplitude journalière maximale : 3 000 euros
* dommages et intérêts pour non-respect du temps de repos quotidien minimum : 3 000 euros
* remboursement de retenues sur salaire (remboursement de contraventions) : 430 euros
* article 700 du code de procédure civile : 1 000 euros,
– dit que ces sommes produiront intérêt au taux légal conformément aux dispositions de l’article 1153, devenu 1231-6 et 1231-7 du code civil, et que les intérêts seront capitalisés conformément aux dispositions de l’article 1154, devenu 1343-2 du même code,
– déclaré le présent jugement opposable à Maitre [M] [J], es qualités ;
– rappelé que les intérêts au taux légal cessent de produire effet au jour de l’ouverture de la procédure collective ;
– dit que l’UNEDIC Délégation AGS CGEA IDF OUEST devra garantir ces créances dans la limite du plafond légal ;
– ordonné la remise d’un ultime bulletin de salaire, conforme aux dispositions du présent jugement ;
– rappelé que l’exécution provisoire est de droit en application de l’article R 1454-28 du code du travail, s’agissant des sommes visées au 2 de l’article R 1454-14 du code du travail, dans la limite de neuf mois de salaire ;
– ordonné l’exécution provisoire pour le surplus ;
– dit que les dépens sont inscrits au passif de la société ENTREPRISE [P] & Cie.
– infirmer pour le surplus,
Y ajoutant
– fixer les créances suivantes, au passif de la société [P] & Cie :
* rappel de salaire de mise à pied du 03/06/15 : 476,16 euros
* indemnité pour congés anticipés en mai 2016 : 2 500 euros
* licenciement sans cause réelle et sérieuse : 39 600 euros
* solde de 13ème mois de 2016 : 1 785,44 euros
* congés payés afférents à la prime de précarité : 419,10 euros
* congés payés afférents sur prime de 13ème mois : 1 320 euros
* rappel d’indemnités journalières (août 2011 à novembre 2016) :4 878,70 euros
* congés payés afférents : 487,87 euros
* indemnités de repas unique : 1 438,22 euros
* congés payés afférents : 143,82 euros
* heures d’attente : 4 427,98 euros
* congés payés : 442,80 euros
* heures supplémentaires sur les indemnités journalières : 700,99 euros
* congés payés afférents 70,10 euros
* heures supplémentaires service conducteur : 4 861,62 euros
* congés payés afférents : 486,16 euros
* travail du dimanche et jours fériés : 349,11 euros
* congés payés afférents : 34,91 euros
* dommages et intérêts pour violation d’amplitude : 15 000 euros
* dommages et intérêts pour violation du repos quotidien suffisant : 15 000 euros
* dommages et intérêts pour travail dissimulé : 15 000 euros
* dommages et intérêts pour irrégularité de fiches de paie : 10 000 euros
* dommages et intérêts pour irrégularité de la rémunération : 30 000 euros
* dommages et intérêts pour inégalité et harcèlement moral : 15 000 euros
* remboursement des contraventions : 430 euros
* prime de langues : 632,99 euros
* congés payés : 63,29 euros
– dire que les créances salariales seront assorties des intérêts légaux capitalisés à compter de :
– leurs échéances, à défaut, de la mise en demeure du 28/03/14
– saisine du 14/08/14, pour les créances indemnitaires
– ordonner sous astreinte journalière de 500 euros par document la rectification de l’ancienneté depuis le 12/10/07 sur les fiches de paie,
– ordonner l’exécution provisoire en tant que de besoin (sic)
– condamner la société Entreprise [P] & Cie à lui payer la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Par dernières conclusions notifiées par RPVA le 10 mars 2020, auxquelles il sera renvoyé pour un exposé complet des faits, moyens et prétentions, la société MJA, mandataire liquidateur de la société [P] et Cie, demande à la cour de :
– infirmer le jugement du 25 octobre 2018 en ce qu’il a constaté la prescription des demandes portant sur les créances salariales avant août 2009,
– infirmer le jugement du 25 octobre 2018 en ce qu’il a ‘xé la créance de Monsieur [S] au passif de la société [P] aux sommes suivantes :
* indemnité de requali’cation pour violation des délais de carence : 2 000 euros
* primes de précarité août 2009 à avril 2013 : 4 191,09 euros
* prime de 13ème mois (2009 à 2014) : 13 200 euros
* dommages et intérêts pour non-respect de l’amplitude journalière : 3 000 euros
* dommages et intérêts pour non-respect du repos quotidien minimum: 3 000 euros
* remboursement des contraventions : 430 euros
* article 700 du code de procédure civile : 1 000 euros
– confirmer le jugement du 25 octobre 2018 en ce qu’il a débouté Monsieur [S] du surplus de ses demandes,
Statuant à nouveau,
– déclarer irrecevables les demandes de rappel de salaire antérieures au 18 août 2011,
– déclarer irrevables les demandes nouvelles de Monsieur [S] :
* rappel de salaire de mise à pied du 03/06/15
* indemnité pour congés anticipés en mai 2016
* solde de l3ème mois de 2016
* dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
* rappel de salaire pour le travail du dimanche et des jours fériés
* rappel de salaire pour le service conducteur
* dommages et intérêts pour inégalité et harcèlement moral
* prime de langue et congés payés afférents
– débouter Monsieur [I] [S] de l’intégralité de ses demandes,
– condamner Monsieur [I] [S] au paiement la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner Monsieur [I] [S] en tous les dépens.
Par dernières conclusions notifiées par RPVA le 14 mai 2019, auxquelles il sera renvoyé pour un exposé complet des faits, moyens et prétentions, l’AGS demande à la cour de:
– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a constaté la prescription des demandes portant sur les créances salariales antérieures à août 2009,
– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a fixé la créance de Monsieur [I] [S] au passif de la société ENTREPRISE [P] & Cie aux sommes suivantes :
– à titre d’indemnité de requalification : 2 200 euros
– à titre de rappel de prime de précarité (août 2009 à avril 2013) : 4 191,09 euros,
– à titre de rappel de prime de 13ème mois (2009 à 2014) : 13 200 euros,
– à titre de dommages et intérêts pour non-respect de l’amplitude horaire journalière maximale : 3 000 euros,
– à titre de dommages et intérêts pour non-respect du temps de repos quotidien minimum : 3 000 euros,
– à titre de remboursement de retenues sur salaire pour le remboursement des contraventions : 430 euros,
– en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile : 1 000 euros
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Monsieur [I] [S] du surplus de ses demandes,
Et statuant de nouveau :
– dire et juger irrecevables car prescrites l’ensemble des demandes de rappel de salaire antérieures au 18 août 2011,
– débouter Monsieur [S] de l’ensemble de ses demandes.
– dire et juger que s’il y a lieu à fixation, celle-ci ne pourra intervenir que dans les limites de la garantie légale.
– dire et juger qu’en tout état de cause, la garantie prévue aux dispositions de l’article L. 3253-6 du code du travail ne peut concerner que les seules sommes dues en exécution du contrat de travail au sens dudit article L.3253-8 du code du travail, les astreintes, dommages et intérêts mettant en ‘uvre la responsabilité de droit commun de l’employeur ou article 700 étant ainsi exclus de la garantie.
– dire et juger qu’en tout état de cause la garantie de l’AGS ne pourra excéder, toutes créances confondues, l’un des trois plafonds fixés, en vertu des dispositions des articles L. 3253-17 et D.3253-5 du code du travail.
– statuer ce que de droit quant aux frais d’instance sans qu’ils puissent étre mis a la charge de l’UNEDlC AGS.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 11 mars 2020.
L’audience de plaidoiries était fixée au 7 mai 2020. Les parties ayant refusé la procédure sans audience, l’affaire a été renvoyée à l’audience du 9 février 2022.
MOTIFS
Sur l’irrecevabilité des demandes nouvelles
Aux termes de l’article R.1452-7 du code du travail dans sa rédaction antérieure au décret du 20 mai 2016, les demandes nouvelles dérivant du même contrat de travail sont recevables même en appel.
Cet article a été abrogé par l’article 8 du décret du 20 mai 2016.
L’article 45 de ce décret dispose que l’article 8 est applicable aux instances introduites devant les conseils de prud’hommes à compter du 1er août 2016.
Il résulte de ces articles que les dispositions de l’article R. 1452-7 du code du travail demeurent applicables aux instances introduites devant les conseils de prud’hommes antérieurement au 1er août 2016.
Le mandataire et l’AGS soutiennent qu’une partie des demandes de M. [S] sont irrecevables comme nouvelles en cause d’appel faute d’avoir été soumises aux premiers juges.
Ils soutiennent qu’il convient de faire application de l’article 564 du code de procédure civile et non de l’article R.1452-6 du code du travail, le principe de l’unicité de l’instance ayant été abrogé par le décret du 20 mai 2016.
Ce faisant ils méconnaissent les dispositions de l’article 45 du décret du 20 mai 2016.
Il n’est pas contesté que l’instance prud’homale a été introduite en août 2014.
Les demandes nouvelles en cause d’appel formées par M. [S] dérivant du même contrat de travail, celles-ci sont recevables.
Sur la prescription des demandes
Depuis la loi du 14 juin 2013, les créances salariales se prescrivent par trois ans à compter du jour où celui qui exerce l’action a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit.
Antérieurement à cette loi, les créances salariales se prescrivaient par cinq ans.
En cas de réduction de la durée du délai de prescription, ce nouveau délai court à compter du jour de l’entrée en vigueur de la loi nouvelle sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.
Il en découle que lorsque la prescription quinquennale a commencé à courir antérieurement à la promulgation de cette loi et n’est pas acquise à la date à laquelle l’action a été engagée, le nouveau délai de trois ans s’applique à compter de l’entrée en vigueur de ce texte sans pouvoir excéder la durée de cinq ans prévue par la loi antérieure.
En l’espèce, le mandataire et l’AGS soutiennent qu’au regard de la date de saisine du conseil des prud’hommes le 18 août 2014, toute demande antérieure au 18 août 2011 serait prescrite.
M. [S] forme des demandes à titre de rappel de prime de précarité et de rappel de prime de 13ème mois à compter de 2009. Ces demandes étaient soumises à la prescription quinquennale antérieurement à la loi du 14 juin 2013 et n’étaient pas prescrites lors de l’entrée en vigueur de cette loi. Le nouveau délai de prescription s’appliquait à compter du 16 juin 2013 sans toutefois que la durée totale de prescription ne puisse excéder cinq ans.
En conséquence, les demandes de M. [S] portant sur des créances salariales postérieures au 18 août 2009 sont recevables.
Le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur la requalification
En application de l’article L. 1242-2 3° du code du travail dans sa rédaction applicable à l’espèce, il peut être conclu un contrat de travail à durée déterminée pour des emplois à caractère saisonnier ou pour lesquels, dans certains secteurs d’activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois.
L’article L.1244-4 dans sa rédaction applicable à l’espèce dispose que le délai de carence n’est pas applicable pour ces emplois.
La convention collective des transports routiers et activités auxiliaires du transport en date du 21 décembre 1950 prévoit que les employeurs sont autorisés à embaucher du personnel intermittent et saisonnier.
Le recours à des contrats à durée déterminée dans le secteur des véhicules de grande remise est d’usage.
Le délai de carence n’est pas applicable.
Il n’est pas contesté que les contrats mentionnaient qu’il s’agissait de contrat d’extras caractérisant ainsi la nature temporaire de l’activité et le motif du recours au contrat à durée déterminée d’usage.
Il n’y a donc pas lieu à requalification des contrats de travail à durée déterminée. M. [S] ne peut donc prétendre à une indemnité de requalification.
Le jugement sera infirmé sur ce point.
Sur l’indemnité de précarité
En application de l’article L.1243-10 du code du travail, l ‘indemnité de fin de contrat n’est pas due lorsque le contrat est conclu au titre du 3° de l’article L. 1242-2 3°ou de l’article L. 1242-3, sauf dispositions conventionnelles plus favorables.
M. [S] ne peut donc prétendre à une indemnité de précarité.
Le jugement sera infirmé en ce qu’il y a fait droit.
Sur la demande de rappel au titre du 13ème mois
Le mandataire sollicite l’infirmation du jugement sur ce point. Il soutient que l’accord de réduction du temps de travail du 18 avril 2002 qui a instauré cette prime ne s’applique pas au secteur de la grande remise. Il fait valoir à cet égard que le décret du 22 décembre 2003 relatif à la durée du travail dans les entreprises de transport routier de personnes a exclu de son champ d’application l’activité de location de voiture avec chauffeur et qu’en outre l’article 26 de l’accord du 18 avril 2002 précise qu’il s’applique dans les entreprises de transport routier de voyageurs, catégorie à laquelle n’appartient pas la grande remise.
Les dispositions du décret ne concernent pas la prime au titre du 13ème mois de sorte qu’on ne peut déduire de ce texte que cette prime ne recevrait pas application pour l’activité de location de voiture avec chauffeur. Il n’apparaît d’ailleurs pas que la grande remise constitue une catégorie spécifique distincte du transport routier de voyageurs.
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a alloué à M. [S] un rappel au titre de la prime de 13ème mois.
M. [S] sollicite en outre que lui soit allouée la somme de 1 320 euros au titre des congés payés sur cette prime de 13ème mois.
Toutefois, la prime de 13ème mois est une prime versée annuellement, et qui n’est donc pas affectée par la prise de congés de sorte qu’elle n’entre dans l’assiette ni de l’indemnité de congés payés ni de l’indemnité compensatrice de congés payés.
M. [S] sera débouté de sa demande à ce titre.
Sur les demandes de remboursement de contraventions
C’est par de justes motifs, que le cour adopte, que les premiers juges ont condamné l’employeur au remboursement du montant des contraventions indûment retenues sur le salaire de M. [S].
Le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur le rappel de salaire de mise à pied
M. [S] sollicite la somme de 476,16 euros à titre de rappel de salaire de mise à pied du 3 juin 2015.
Le mandataire et l’AGS ont soulevé l’irrecevabilité de cette demande comme étant nouvelle et n’ont présenté aucune observation sur le fond de la demande.
Ainsi qu’il a déjà été démontré, la demande n’est pas irrecevable.
En l’absence de toute observation sur ce point notamment quant au fait que la mise à pied était justifiée, il sera fait droit à la demande de M. [S].
Sur l’indemnité pour congés anticipés en mai 2016
M. [S] sollicite la somme de 2 500 euros faisant valoir que l’employeur lui a imposé des congés en mai 2016.
Le mandataire et l’AGS ont soulevé l’irrecevabilité de cette demande comme étant nouvelle et n’ont présenté aucune observation sur le fond de la demande.
Ainsi qu’il a déjà été démontré, la demande n’est pas irrecevable.
En l’absence de toute contestation sur ce point et de la justification de ce que les congés payés n’auraient pas été imposés à M. [S], il sera fait droit à la demande de ce dernier.
Sur le licenciement sans cause et sérieuse
M. [S] soutient que son licenciement pour motif économique serait dépourvu de cause réelle et sérieuse, les difficultés économiques trouvant leur origine dans un contrôle fiscal.
Le mandataire et l’AGS ont soulevé l’irrecevabilité de cette demande comme étant nouvelle et n’ont présenté aucune observation sur le fond de la demande.
Ainsi qu’il a déjà été démontré, la demande n’est pas irrecevable.
En l’absence de toute contestation sur ce point de la part du mandataire, alors qu’il ressort des pièces produites par M. [S] que les difficultés économiques de la société ont notamment pour origine un redressement fiscal et ainsi une faute manifeste de gestion de l’employeur, il sera retenu l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement.
L’entreprise comptait plus de onze salariés. Dès lors, en application de l’article L.1235-3 du code du travail dans sa rédaction applicable à l’espèce, M. [S] qui avait plus de deux ans d’ancienneté, a droit à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui ne peut être inférieure au six derniers mois de salaire.
Les derniers bulletins de paie de M. [S] ne sont pas produits aux débats. Aucune des parties ne précise la rémunération mensuelle moyenne de M. [S]. Ce dernier a cependant sollicité la somme de 2 200 euros à titre d’indemnité de précarité correspondant à un mois de salaire.
Il sera alloué à M. [S] la somme de 13 500 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur le solde du 13ème mois de 2016
M. [S] sollicite la somme de 1 785,44 euros au titre de solde du 13ème mois pour l’année 2016.
Le mandataire et l’AGS ont soulevé l’irrecevabilité de cette demande comme étant nouvelle et n’ont présenté aucune observation sur le fond de la demande.
Ainsi qu’il a déjà été démontré, la demande n’est pas irrecevable.
En l’absence de toute contestation sur ce point et de démonstration par le mandataire que M. [S] aurait été rempli de ses droits au titre du 13ème mois, il sera fait droit à la demande de M. [S].
Sur le rappel d’indemnités journalières
Il n’est pas contesté que les relations entre les parties ont débuté en octobre 2007, date d’ancienneté qui figure sur les bulletins de paie de M. [S] jusqu’au mois de décembre 2013. A compter de cette date, il est mentionné une ancienneté au 1er mai 2011, soit deux ans avant la signature du contrat à durée indéterminée.
Les relations contractuelles entre les parties ayant débuté dès 2007, c’est la date qui doit être prise en compte pour déterminer l’ancienneté de M. [S].
Au regard de cette ancienneté, M. [S] aurait pu prétendre à une indemnité journalière d’un montant de 29,04 euros à compter d’octobre 2012.
Le rapport d’expertise privée de M. [V], dès lors qu’il est complété par d’autres éléments de preuve et qu’il a pu faire l’objet d’une discussion contradictoire entre les parties, est opposable au mandataire.
Ce rapport est erroné pour la période antérieure à mai 2013.
Il convient d’allouer à M. [S] la somme de 3 687,24 euros à titre de rappel d’indemnités journalières outre 368,72 euros au titre des congés payés.
Sur l’indemnité de repas
M. [S] sollicite la somme de 1 438,22 euros. Il se fonde sur les calculs réalisés par M. [V] sur les indemnités qui seraient dues au regard des bons de mission dont il a déduit l’indemnité payée.
Cependant, il ressort du tableau établi par M. [V] que celui-ci a retenu des rappels d’indemnité de repas même lorsque le bon de mission ne couvrait aucun créneau de repas.
Dans ces conditions, M. [S] ne justifie pas de sa demande.
Le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur les heures d’attente
Selon l’article L. 3171-4 du Code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées.
En l’espèce, M. [S] produit ses bons de mission et l’analyse qui en a été faite par M. [V]. Il fournit des éléments de nature à justifier qu’il a effectué des heures d’attente.
Le mandataire conteste les conclusions du rapport faisant valoir que l’expert aurait fait un raccourci entre l’amplitude et le temps d’attente.
Au regard des éléments produits, il sera fait droit à la demande de M. [S] à ce titre et il sera alloué à ce dernier la somme de 4 427,98 euros outre 442,80 euros au titre des congés payés.
Le jugement sera infirmé sur ce point.
Sur les heures supplémentaires sur les indemnités journalières
M. [S] ne fournit aucun élément de nature à justifier sa demande.
Le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur les heures supplémentaires sur le service conducteur
Le mandataire et l’AGS ont soulevé l’irrecevabilité de cette demande comme étant nouvelle et n’ont présenté aucune observation sur le fond de la demande.
Ainsi qu’il a déjà été démontrée, la demande n’est pas irrecevable.
En l’absence de toute contestation sur ce point alors que M. [S] présente des élements suffisamment précis sur les heures supplémentaires qu’il prétend avoir accomplies, il sera fait droit à la demande de ce dernier.
Il lui sera en conséquence alloué la somme de 4 861,62 euros outre 486,16 euros pour les congés payés afférents.
Sur le rappel de salaire pour le travail du dimanche
Le mandataire et l’AGS ont soulevé l’irrecevabilité de cette demande comme étant nouvelle et n’ont présenté aucune observation sur le fond de la demande.
Ainsi qu’il a déjà été démontrée, la demande n’est pas irrecevable.
En l’absence de toute contestation sur ce point alors que M. [S] justifie d’avoir travaillé le dimanche, il sera fait droit à la demande de ce dernier.
Il lui sera en conséquence alloué la somme de 349,11 euros outre 34,91 euros pour les congés payés afférents.
Sur la demande de dommages et intérêts pour la violation d’amplitude
M. [S] sollicite la somme de 15 000 euros à ce titre eu égard à la multiplication des violations et leurs réitérations.
Le mandataire soutient que l’employeur a tout mis en oeuvre pour que l’amplitude soit respectée.
Il est constant que l’employeur a été condamné pour non-respect de l’amplitude journalière.
M. [S] n’établit pas le nombre de violations de cette obligation le concernant personnellement. Dans ces conditions, il n’établit pas avoir subi un préjudice à hauteur de sa demande.
Le jugement sera confirmé en ce qu’il lui a alloué la somme de 3 000 euros de dommages et intérêts.
Sur la demande de dommages et intérêts pour la violation du temps de repos quotidien suffisant
M. [S] sollicite la somme de 15 000 euros à ce titre eu égard à la multiplication des violations et leurs réitérations.
Il est constant que l’employeur a été condamné pour non-respect du temps de repos quotidien.
M. [S] n’établit pas le nombre de violations de cette obligation le concernant personnellement. Dans ces conditions, il n’établit pas avoir subi un préjudice à hauteur de sa demande.
Le jugement sera confirmé en ce qu’il lui a alloué la somme de 3 000 euros de dommages et intérêts.
Sur la demande de dommages et intérêts pour travail dissimulé
En l’absence de toute démonstration d’intention de la part de l’employeur de dissimuler l’emploi ou l’activité de M. [S] , il n’y a pas lieu de faire droit à la demande de M. [S] à ce titre.
Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.
Sur la demande de dommages et intérêts pour irrégularité des fiches de paie
Les premiers juges ont justement retenu que M. [S] ne démontrait aucun préjudice résultant de cette irrégularité.
Le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur la demande de dommages et intérêts pour irrégularité de la rémunération
M. [S] soutient que son mode de rémunération ne serait pas conforme aux exigences conventionnelles.
Les bulletins de paye mentionnent une somme dite ‘indemnité jounalière’, correspondant au salaire de base et une seconde somme dite ‘service conducteur’ représentant un pourcentage sur la recette de chaque service. Il résulte par ailleurs d’une note de service en date du 17 mars 2009 que les salariés pouvaient à tout moment solliciter, auprès du service administratif, des informations et/ou explications tenant au montant des services effectués.
Le système mis en place par l’employeur garantissait le paiement du salaire minimum conventionnel garanti. La cour relève à cet égard que M. [S] évoque la possibilité d’être privé du salaire minimum conventionnel sans toutefois soutenir qu’une telle éventualité se serait réalisée.
Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a débouté M. [S] de sa demande à ce titre.
Sur la demande de dommages et intérêts pour inégalité de traitement et harcèlement moral
Le mandataire et l’AGS ont soulevé l’irrecevabilité de cette demande comme étant nouvelle et n’ont présenté aucune observation sur le fond de la demande.
Ainsi qu’il a déjà été démontrée, la demande n’est pas irrecevable.
Aux termes de l’article L.1152-1 du Code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
L’article L.1154-1 du même code prévoit qu’en cas de litige, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement moral et il incombe alors à l’employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
M. [S] n’établit la matérialité d’aucun élément de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement moral.
Il sera débouté de sa demande à ce titre.
Sur la prime de langues
Le mandataire et l’AGS ont soulevé l’irrecevabilité de cette demande comme étant nouvelle et n’ont présenté aucune observation sur le fond de la demande.
Ainsi qu’il a déjà été démontrée, la demande n’est pas irrecevable.
En l’absence de toute contestation sur ce point, il sera fait droit à la demande de M. [S] et il lui sera alloué la somme de 632,99 euros outre 63,29 euros au titre des congés payés afférents.
Sur la remise des documents sociaux
Il convient d’ordonner au liquidateur de la société [P] & cie de remettre au salarié, sans qu’il y ait lieu à astreinte, un bulletin de salaire réctifié conforme à cette décision, la demande visant à la délivrance de tous les bulletins réctifiés étant rejetée.
Sur les frais de procédure
Les dépens seront fixés au passif de la société [P] & cie.
Il sera également fixé au passif de la société la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement en ce qu’il a fixé au passif de la liquidation de la société ENTREPRISE [P] les sommes de :
– à titre de rappel de prime de 13ème mois (2009 à 2014) : 13 200 euros
– à titre de dommages et intérêts pour non-respect de l’amplitude horaire journalière maximale : 3 000 euros
– à titre de dommages et intérêts pour non-respect du temps de repos quotidien minimum : 3 000 euros
– à titre de remboursement de retenues sur salaire pour le remboursement de contraventions : 430 euros
– en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile : 1 000 euros
et débouté M. [S] de ses demandes au titre des indemnités de repas, des heures supplémentaires sur indemnités journalières, de dommages et intérêts pour irrégularité des fiches de paie et pour irrégularité de la rémunération,
L’infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Dit n’y avoir lieu à requalification des relations contractuelles entre novembre 2007 et le 1er mai 2013,
Fixe au passif de la liquidation de la société [P] & Cie les sommes de :
* 476,16 euros à titre de rappel de salaire de mise à pied du 3 juin 2015,
* 2 500 euros à titre d’indemnité pour congés anticipés en mai 2016,
* 13 500 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 1 785,44 euros au titre du solde du 13ème mois de 2016,
* 3 687,24 euros à titre de rappel d’indemnités journalières outre 368,72 euros au titre des congés payés,
* 4 427,98 euros au titre des heures d’attente outre 442,80 euros au titre des congés payés
* 4 861,62 euros au titre des heures supplémentaires sur le service conducteur outre 486,16 euros pour les congés payés afférents,
* 349,11 euros à titre de rappel de salaire pour le travail du dimanche outre 34,91 euros pour les congés payés afférents,
* 632,99 euros au titre de la prime de langue outre 63,29 euros au titre des congés payés afférents,
* 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Rappelle que les créances de nature salariale portent intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation et que les créances de nature indemnitaire portent intérêts au taux légal à compter de la décision jusqu’à l’ouverture de la procédure collective qui arrête le cours des intérêts et que la capitalisation est de droit conformément à l’article 1343-2 du code civil,
Dit cette décision opposable à l’UNEDIC délégation AGS-CGEA Ile de France Ouest dans les limites de sa garantie légale,
Ordonne la remise des bulletins de paie rectifiés quant à l’ancienneté,
Fixe les dépens au passif de la liquidation de la société [P] & Cie.
LA GREFFIERE LE PRESIDENT