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AFFAIRE : N° RG 21/00523 – N° Portalis DBWB-V-B7F-FQWS
Code Aff. :P.B
ARRÊT N°
ORIGINE :JUGEMENT du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de SAINT-DENIS en date du 08 Mars 2021, rg n° 20/00232
COUR D’APPEL DE SAINT-DENIS
DE LA RÉUNION
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 01 SEPTEMBRE 2022
APPELANTE :
Madame [N] [D]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentant : Me Vanessa SEROC, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION
INTIMÉE :
SARL POLE REUSSITE SCOLAIRE PRESCO
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentant : Me Jérôme BACHOU de la SELARL BACHOU AVOCAT, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
Clôture : 4 avril 2022
DÉBATS : En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 9 mai 2022 en audience publique, devant Philippe BRICOGNE, président de chambre chargé d’instruire l’affaire, assisté de Monique LEBRUN, greffière, les parties ne s’y étant pas opposées.
Ce magistrat a indiqué à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition au greffe le 1er septembre 2022 ;
Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Président :Philippe BRICOGNE
Conseiller:Laurent CALBO
Conseiller :Aurélie POLICE
Qui en ont délibéré
ARRÊT : mis à disposition des parties le 1er septembre 2022
* *
*
LA COUR :
EXPOSÉ DU LITIGE
1. Par le biais de deux contrats de travail à durée déterminée en dates respectives du 29 septembre 2018 et du 28 août 2019, Madame [N] [D] a été embauchée en qualité d’enseignante par la S.A.R.L. Presco, spécialisée dans le soutien scolaire.
2. Madame [N] [D] a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts exclusifs de la S.A.R.L. Presco pour les motifs suivants :
– non-remise de ses bulletins de paie,
– absence de traitement durant le confinement dû à la crise sanitaire Covid 19,
– absence de déclaration à l’embauche à l’URSSAF pour les deux contrats à durée déterminée qu’elle a conclus avec la S.A.R.L. Presco,
– divulgation d’informations sur elle par l’employeur à tous les autres salariés et sous-traitants dont l’un d’entre eux l’aurait prise à partie.
3. La salariée a ensuite saisi le conseil de prud’hommes de Saint-Denis le 7 août 2020 en requalification de son contrat de travail, en constat de sa prise d’acte aux torts de l’employeur et en paiement de diverses indemnités.
4. Par jugement du 8 mars 2021, le conseil a :
– dit que la prise d’acte de Madame [N] [D] est considérée comme une démission et en produit les effets,
– rejeté la demande de requalification des contrats de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée,
– débouté Madame [N] [D] du reste de ses demandes,
– condamné Madame [N] [D] aux dépens.
5. Par déclaration au greffe de la cour d’appel de Saint-Denis de La Réunion du 23 mars 2021, Madame [N] [D] a interjeté appel de cette décision.
* * * * *
6. Dans ses dernières conclusions régulièrement notifiées déposées au greffe via RPVA le 7 février 2022, Madame [N] [D] demande à la cour de :
– infirmer le jugement entrepris,
– en conséquence,
– requalifier les deux contrats de travail à durée déterminée en contrat à
durée indéterminée,
– juger que la S.A.R.L. Presco n’a pas versé ses salaires pendant la période de confinement, ni eu recours au chômage partiel pendant cette période,
– juger que la S.A.R.L. Presco a commis une faute en divulguant à tous les salariés et sous-traitants des informations sur elle,
– juger que la S.A.R.L. Presco est responsable de sa prise à partie par l’une de ses sous-traitantes suite à la divulgation de ces informations,
– juger que la S.A.R.L. Presco, en ne procédant pas à la déclaration préalable à son embauche tant pour le premier contrat de travail à durée déterminée que sur le deuxième, a commis une faute,
– juger que sa prise d’acte de rupture de contrat de travail doit être considérée comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– en conséquence,
– condamner la S.A.R.L. Presco à lui verser la somme de 24.410,50 € correspondant à la différence entre ce qu’elle a effectivement perçu et ce qu’elle aurait dû percevoir, au titre du rappel de salaire,
– condamner la S.A.R.L. Presco à lui verser la somme de 1.564,20 € au titre de l’indemnité de requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée,
– condamner la S.A.R.L. Presco à lui verser la somme de 3.128,40 € au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– condamner la S.A.R.L. Presco à lui verser la somme de 1.564,20 € au titre de l’indemnité de préavis,
– condamner la S.A.R.L. Presco à lui verser la somme de 1.564,20 € au titre de l’indemnité de licenciement,
– condamner la S.A.R.L. Presco à lui verser la somme de 9.385,20 € au titre de l’indemnité pour travail dissimulé,
– condamner la S.A.R.L. Presco à lui verser la somme de 5.000,00 € au titre de la réparation de son préjudice moral pour harcèlement moral,
– condamner la S.A.R.L. Presco à lui verser la somme de 3.128,40 € au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés,
– condamner la S.A.R.L. Presco à lui verser la somme de 5.000,00 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,
– ordonner la remise par la S.A.R.L. Presco des bulletins pour les périodes
suivantes :
* d’octobre 2018 à décembre 2018
* de septembre à décembre 2019
sous astreinte de 100,00 € par jour de retard,
– condamner la S.A.R.L. Presco à lui verser la somme de 1.800,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
7. À l’appui de ses prétentions, Madame [N] [D] fait en effet valoir :
– que ses contrats n’indiquent pas le motif précis du recours au contrat de travail à durée déterminée, obligatoire même pour un contrat de travail à durée déterminée ‘d’usage’, et ne comportent pas certaines mentions pourtant obligatoires, la convention collective rappelant le principe général d’embauche via un contrat de travail à durée indéterminée,
– qu’elle dispensait un cycle scolaire complet, peu important qu’il soit inférieur à l’année scolaire définie par l’Etat,
– qu’elle n’a reçu son contrat que le 5 octobre 2019 au lieu du 30 août 2019 au plus tard,
– que, embauchée par l’Éducation Nationale en tant qu’agente contractuelle à temps non complet exerçant des fonctions à temps incomplet à partir du 1er septembre 2019, elle pouvait exercer une ou plusieurs activités privées lucratives en dehors de ses obligations de service en faisant une simple déclaration écrite à l’autorité hiérarchique dont elle relevait pour l’exercice de ses fonctions, ce qu’elle a fait,
– que la S.A.R.L. Presco s’est manifestée par plusieurs manquements graves à son égard qui ont justifié sa prise d’acte (absence de paiement de ses salaires, absence de communication de ses bulletins de salaire, absence de déclaration à l’URSSAF, absence de mention du nombre d’heures dans son contrat de travail à durée déterminée à temps partiel),
– qu’elle a fait l’objet de harcèlement par son employeur (messages intempestifs à des heures indécentes, diffusion à toute l’équipe de certains éléments de sa vie privée, exclusion physique de l’entreprise), ce qui a entraîné une dégradation de ses conditions de travail, porté atteinte à sa dignité et altéré sa santé physique et mentale.
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8. Dans ses dernières conclusions régulièrement notifiées déposées au greffe via RPVA le 24 janvier 2022, la S.A.R.L. Presco demande à la cour de :
– prononcer que Madame [N] [D], en sa qualité d’agent contractuel de droit public, assimilée fonctionnaire, ne bénéficiait d’aucune autorisation de cumul d’activité afin d’exercer une activité accessoire de cours de soutien scolaire au sein de l’entreprise, attestation qui ne lui a été délivrée que tardivement et qui relève un dépassement de son quota horaire autorisé par l’administration, l’appelante ayant aussi déclaré bien trop tardivement son activité accessoire auprès de son administration, soit du rectorat de La Réunion,
– rappeler le caractère temporaire d’un contrat d’enseignement et donc d’un contrat d’usage, qui doit être renouvelé en début de chaque année scolaire,
– prononcer le caractère inopérant d’une demande de requalification des deux contrats de travail à durée déterminée d’usage en contrat à durée indéterminée au titre du caractère temporaire de l’activité de cours de soutien scolaire et de la nature du contrat qui définit l’objet du contrat de travail à durée déterminée d’usage au corps des deux contrats ainsi que sa courte durée de 9 à 10 mois,
– condamner Madame [N] [D] au paiement de la somme de 5.000,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– statuer ce que de droit sur les dépens.
9. À l’appui de ses prétentions, la S.A.R.L. Presco fait en effet valoir :
– que Madame [N] [D], qui intervenait en tant que mandataire, n’a jamais eu la qualité de salarié,
– que Madame [N] [D] n’était plus éligible au dispositif du chômage partiel pour avoir déjà dépassé son quota horaire au jour de sa demande, étant précisé qu’elle n’a effectué sa demande d’autorisation de cumul auprès de son administration que très tardivement,
– que l’appelante n’a pas daigné l’informer qu’elle était à temps partiel au moment de sa demande de chômage partiel, alors qu’elle-même devait vérifier sa situation avant de mobiliser des fonds publics,
– que le contrat de travail à durée déterminée d’usage est autorisé notamment pour dispenser des matières à option comme le faisait Madame [N] [D], l’enseignement étant un domaine expressément visé par le code du travail comme faisant partie des secteurs d’activité dans lesquels des contrats à durée déterminée peuvent être conclus pour les emplois pour lesquels il est d’usage constant de ne pas recourir aux contrats à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois,
– qu’il n’y a jamais eu de communication tardive du contrat de travail.
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10. L’ordonnance de clôture a été rendue le 4 avril 2022.
11. Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il convient de se reporter à leurs écritures ci-dessus visées figurant au dossier de la procédure.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la requalification des contrats de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée
12. Aux termes de l’article L. 1242-2 du code du travail, ‘un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire, et seulement dans les cas suivants :
1° Remplacement d’un salarié (…)
2° Accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise ;
3° Emplois à caractère saisonnier, dont les tâches sont appelées à se répéter chaque année selon une périodicité à peu près fixe, en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie collectifs ou emplois pour lesquels, dans certains secteurs d’activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois. Lorsque la durée du contrat de travail est inférieure à un mois, un seul bulletin de paie est émis par l’employeur (…)’.
13. L’article L. 1242-12 dispose que ‘le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif. À défaut, il est réputé conclu pour une durée indéterminée’.
14. Ainsi, il doit notamment comporter :
– le nom et la qualification professionnelle de la personne remplacée lorsqu’il est conclu au titre des 1°, 4° et 5° de l’article L. 1242-2,
– la date du terme et, le cas échéant, une clause de renouvellement lorsqu’il comporte un terme précis,
– la durée minimale pour laquelle il est conclu lorsqu’il ne comporte pas de terme précis,
– l’intitulé de la convention collective applicable.
15. L’article D. 1242-1 range ‘l’enseignement’ parmi ‘les secteurs d’activité dans lesquels des contrats à durée déterminée peuvent être conclus pour les emplois pour lesquels il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois’.
16. En l’espèce, tant le contrat de travail du 29 septembre 2018 que celui du 28 août 2019 utilisent les formules stéréotypées suivantes : ‘le salarié sera chargé d’assurer des cours particuliers ou collectifs d’aide aux devoirs en atelier’ ; ‘le présent contrat à durée déterminée est conclu pour pourvoir un emploi pour lequel il est d’usage constant de ne pas embaucher en contrat à durée indéterminée’.
17. Toutefois, le seul rappel de l’usage constant de ne pas embaucher en contrat de travail à durée indéterminée ne constitue pas ‘la définition précise du motif’ prévue à l’article L. 1242-12 du code du travail.
18. La convention collective nationale de l’enseignement privé indépendant du 27 novembre 2007, applicable aux contrats en litige qui ne la rappellent d’ailleurs pas, mentionne le principe général du contrat de travail à durée indéterminée tout en admettant le recours aux contrats de travail à durée déterminée dont ‘le motif (…) doit être inscrit au contrat’ (article 3.3.3).
19. Aux termes de l’article L. 1242-13 du code du travail, ‘le contrat de travail est transmis au salarié, au plus tard, dans les deux jours ouvrables suivant l’embauche’.
20. En l’espèce, Madame [B] [L] rapporte la preuve, à travers des messages téléphoniques dont la sincérité n’a pas été contestée, qu’elle n’a été mise en possession de son second contrat de travail du 28 août 2019 que le 5 octobre 2019 alors qu’il aurait dû lui être transmis au plus tard le 30 août 2019.
21. La S.A.R.L. Presco plaide vainement -dès lors qu’elle ne propose pas d’autre explication- qu’il ne ressort pas clairement du message en cause qu’il s’agirait de son contrat de travail. Cette autre irrégularité est susceptible d’entraîner la requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée en application des dispositions de l’article L. 1245-1 du code du travail.
22. Dans ces conditions, il conviendra de faire droit à la demande de requalification des contrats de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée.
23. L’article L. 1245-2 du code du travail prévoit en son 2ème alinéa que, ‘lorsque le conseil de prud’hommes fait droit à la demande (de requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée) du salarié, il lui accorde une indemnité, à la charge de l’employeur, ne pouvant être inférieure à un mois de salaire. Cette disposition s’applique sans préjudice de l’application des dispositions du titre III du présent livre relatives aux règles de rupture du contrat de travail à durée indéterminée’.
24. En l’espèce, il conviendra de faire droit à la demande de Madame [N] [D] et de condamner la S.A.R.L. Presco, à partir de son salaire de référence (infra n° 44) à lui payer la somme de 638,35 € au titre de l’indemnité de requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée.
25. Le chef du jugement ayant débouté Madame [N] [D] sur ce point sera donc infirmé.
Sur la rupture de la relation de travail
26. Lorsqu’un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison des faits qu’il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d’une démission.
27. En l’espèce, l’avocate de Madame [N] [D] a adressé le 18 mai 2020 un courrier recommandé à la S.A.R.L. Presco ainsi rédigé :
‘Madame [N] [D] prend acte de la rupture de son contrat de travail à vos torts exclusifs.
En effet, par le biais de deux contrats de travail à durée déterminée en dates respectives du 29.09.2018 et du 28.08.2019, Madame [N] [D] a été embauchée sans qu’aucune mention des cas de recours au contrat à durée déterminée n’apparaisse dans les deux contrats de travail.
Madame [N] [D] vous a d’ores et déjà demandé à plusieurs reprises oralement puis par courrier en recommandé avec accusé de réception et à nouveau par mail en date du 13.04.2020 de lui fournir ses bulletins de paie de janvier 2020 et d’octobre 2018 à juin 2019.
À ce jour, Madame [N] [D] n’a toujours les bulletins demandés.
Si vous lui avez indiqué avoir fait le nécessaire sur le serveur TESE de l’URSSAF pour générer ses bulletins de paie, je vous informe qu’après avoir pris attache auprès de l’URSSAF, Madame [N] [D] a eu la désagréable surprise d’apprendre (…) qu’aucun volet social la concernant avec l’employeur ‘S.A.R.L. Presco’ n’est en leur possession.
Également, sur son relevé de carrière pour ses droits à la retraite, aucune mention de la ‘S.A.R.L. Presco’ en tant qu’employeur n’apparaît, de sorte que Madame [N] [D] n’a cumulé pour son travail effectué pour la ‘S.A.R.L. Presco’ aucun point de retraite.
En outre, depuis le confinement dû à la crise sanitaire, Madame [N] [D] n’a reçu aucun salaire directement de vous ni bénéficié du chômage partiel qui selon vos dires (…) aurait été faite.
Puis, sous prétexte fallacieux que Madame [N] [D] travaille déjà pour l’Education Nationale dans votre courrier recommandé avec accusé de réception non daté, vous justifiez du défaut de tout versement de salaire à ma cliente.
Ensuite, vous lui adressez dans le même temps un courrier en recommandé par lequel vous subordonnez la reprise des fonctions de Madame [N] [D] à la transmission d’une autorisation par l’Education Nationale du cumul d’activités.
Je vous rappelle, les deux contrats de travail en main, que :
– La seule clause de non concurrence y apparaissant stipule que ‘Le salarié s’engage (…) à ne pas exercer une activité identique ou similaire pour son propre compte ou pour le compte d’une entreprise concurrente et ce dans un rayon de 20 kilomètres’ ;
– Il ne s’agit pas d’activités similaires puisque l’une ayant attrait au soutien
scolaire et I’autre à l’enseignement et elles ne concernent pas les mêmes
matières ;
– Madame [N] [D] n’exerce ni pour son compte, ni pour une entreprise concurrente, mais bien pour l’Education Nationale ;
– Madame [N] [D] travaille pour l’Education Nationale à [Localité 5], soit à plus de 20 kilomètres de la commune de [Localité 6].
Enfin, en dépit du fait que vous vous dites désolé de ce que l’une de vos sous-traitante ait pris à partie Madame [N] [D] le 12 Mai 2020 au sujet de sa demande de chômage partiel, je m’étonne de ce que cette personne sous-traitante et non en charge des ressources humaines ait pu avoir connaissance de la demande de chômage partiel faite par ma cliente. Néanmoins, et contrairement à ce que vous prétendez, vous êtes tenu à une obligation de sécurité de résultat envers vos salariés’.
1 – l’irrégularité des contrats :
28. Il a été vu que le recours à des contrats de travail à durée déterminée n’avait pas été effectué de façon régulière (supra n° 22). Il s’agit d’un manquement de l’employeur.
2 – l’absence de remise des bulletins de salaire :
29. En application des dispositions de l’article L. 3243-2 du code du travail, l’employeur a l’obligation de remettre un bulletin de paie au salarié et en cas de contestation, il lui appartient d’établir qu’il a exécuté son obligation.
30. En l’espèce, il ressort d’un courrier électronique de la caisse générale de sécurité sociale de La Réunion du 29 mars 2021 que la S.A.R.L. Presco n’avait toujours pas établi de bulletins de salaire pour l’année 2018. Au dernier état des pièces produites par l’employeur, il apparaît que les bulletins de salaire de l’année 2019 ont tous été édités en avril 2020. Ce retard est imputable à l’employeur.
3 – l’absence de déclaration :
31. Il n’est pas justifié d’une déclaration préalable à l’embauche de Madame [N] [D] auprès de l’URSSAF qu’en date du 9 avril 2020, soit d’ailleurs peu de temps avant l’édition des bulletins de salaire de l’ensemble de l’année 2019, ce qui constitue un manquement de l’employeur à ses obligations.
4 – l’absence de paiement du chômage partiel :
32. L’article 21 du décret n° 2017-105 du 27 janvier 2017 relatif à l’exercice d’activités privées par des agents publics et certains agents contractuels de droit privé ayant cessé leurs fonctions, aux cumuls d’activités et à la commission de déontologie de la fonction publique, dans sa version applicable au litige, intégré dans un chapitre IV relatif au ‘cumul d’activités des agents à temps non complet ou exerçant des fonctions à temps incomplet’ dispose que ‘l’agent mentionné au 2° du II de l’article 25 septies de la loi du 13 juillet 1983 précitée peut exercer, outre les activités accessoires mentionnées à l’article 6 du présent décret, une ou plusieurs activités privées lucratives en dehors de ses obligations de services et dans des conditions compatibles avec celles-ci et les fonctions qu’il exerce ou l’emploi qu’il occupe’.
33. Aux termes de l’article 22, ‘l’intéressé présente une déclaration écrite à l’autorité hiérarchique dont il relève pour l’exercice de ses fonctions.
Cette déclaration mentionne la nature de la ou des activités privées ainsi que, le cas échéant, la forme et l’objet social de l’entreprise, son secteur et sa branche d’activités.
Cette autorité peut à tout moment s’opposer au cumul d’une activité privée qui serait incompatible avec l’exercice des fonctions exercées par l’agent ou l’emploi qu’il occupe ou qui placerait ce dernier en situation de méconnaître les dispositions de l’article 432-12 du code pénal’.
34. En l’espèce, Madame [N] [D], au-delà de son dernier contrat auprès de la S.A.R.L. Presco du 28 août 2019, a souscrit avec l’Education Nationale un contrat de travail à durée déterminée d’enseignante le 10 septembre 2019, moyennant 9 heures hebdomadaires.
35. Outre le fait que le contrat de travail signé auprès de la S.A.R.L. Presco était des plus vagues en ce qui concerne son volume horaire (‘heures de travail par semaine réparties selon le calendrier d’intervention communiqué au salarié’ mais non joint au contrat), il ressort des textes précités que Madame [N] [D], qui n’avait qu’un contrat de 9 heures hebdomadaires auprès de l’Education Nationale, avait pour seule obligation de déclarer son activité privée auprès de l’Education Nationale, ce qu’elle a fait par mail du 3 octobre 2019 et ce dont elle a justifié auprès de la S.A.R.L. Presco à première demande.
36. Dans ces conditions, les atermoiements observés par la S.A.R.L. Presco dans le traitement de la déclaration de chômage partiel de Madame [N] [D] dans le cadre de la crise sanitaire, injustement tirés de l’absence d’autorisation mais explicables par un défaut de déclaration de la salariée, ont causé un paiement tardif de ses indemnités (virement du 23 juillet 2020 relatif au chômage partiel de mars, avril et mai 2020), imputable à l’employeur.
5 – la divulgation d’informations personnelles :
37. Dans sa réponse du 18 juin 2020 à la prise d’acte adressée par l’avocate de Madame [N] [D], la S.A.R.L. Presco a admis avoir ‘informé le personnel de la situation’ de la salariée, ce qui aurait entraîné une brouille avec une collègue, sans toutefois que ces circonstances établissent un manquement particulier de l’employeur.
38. Quoi qu’il en soit, il ressort du tout que les différents manquements de l’employeur à ses obligations essentielles justifient la prise d’acte de la rupture de la relation de travail aux torts de la S.A.R.L. Presco opérée par Madame [N] [D].
39. Le chef du jugement l’ayant déboutée sur ce point sera donc infirmé.
Sur l’indemnité pour rupture abusive du contrat
40. L’article L. 1235-3 du code du travail dispose que, ‘si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge (…) octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre (des) montants minimaux et maximaux’, soit entre un et deux mois de salaire brut pour des salariés comptant moins de deux années d’ancienneté dans les entreprises comptant au moins 11 salariés. La prise d’acte aux torts de l’employeur a les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
41. L’article R. 1234-4 prévoit que ‘le salaire à prendre en considération pour le calcul de l’indemnité de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié :
1° Soit la moyenne mensuelle des douze derniers mois précédant le licenciement, ou lorsque la durée de service du salarié est inférieure à douze mois, la moyenne mensuelle de la rémunération de l’ensemble des mois précédant le licenciement ;
2° Soit le tiers des trois derniers mois. Dans ce cas, toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel, versée au salarié pendant cette période, n’est prise en compte que dans la limite d’un montant calculé à due proportion’.
42. En l’espèce, pour demander le paiement de la somme de 3.128,40 € au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, Madame [N] [D] se fonde sur un salaire brut de 1.564,20 € au motif que, lorsque le contrat est conclu à temps partiel l’employeur doit mentionner la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue ainsi que la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois et qu’en l’absence de ces mentions, le contrat est présumé être un contrat à temps plein.
43. S’il a été vu (supra n° 35) que le contrat de travail de Madame [N] [D] ne précisait pas son volume horaire de travail, la présomption de contrat de travail à temps plein est combattue par l’aveu judiciaire de la salariée qui expose dans ses conclusions pouvoir affirmer, ‘grâce aux fiches d’émargement des heures réellement effectuées fournies par la S.A.R.L. Presco’, avoir travaillé 136,75 heures entre septembre 2019 et mai 2020.
44. En écartant la période liée à la crise sanitaire à compter de mars 2020, le salaire brut de référence de Madame [N] [D] s’établit, à partir des bulletins de salaire produits, à 638,35 €.
45. Dans ces conditions, il sera alloué à Madame [N] [D] la somme de 1.276,70 € au titre de l’indemnité pour rupture abusive du contrat de travail.
46. Le chef du jugement l’ayant déboutée à ce titre sera donc infirmé.
Sur l’indemnité de préavis
47. Aux termes de l’article L. 1234-1 du code du travail, ‘lorsque le licenciement n’est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit (…) s’il justifie chez le même employeur d’une ancienneté de services continus comprise entre six mois et moins de deux ans, à un préavis d’un mois’.
48. En l’espèce, il pourra être alloué à Madame [N] [D] la somme de 638,35 € au titre de l’indemnité de préavis.
49. Le chef du jugement l’ayant déboutée sur ce point sera donc infirmé.
Sur l’indemnité légale de licenciement
50. L’article L. 1234-9 du code du travail prévoit en son 1er alinéa que ‘le salarié titulaire d’un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu’il compte 8 mois d’ancienneté ininterrompus au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement’.
51. Aux termes de l’article R. 1234-2, ‘l’indemnité de licenciement ne peut être inférieure (au) quart de mois de salaire par année d’ancienneté pour les années jusqu’à dix ans’.
52. En l’espèce, il sera alloué à Madame [N] [D], qui ne compte qu’une année pleine d’ancienneté, la somme de 159,59 € à partir de son salaire de référence.
53. Le chef du jugement l’ayant déboutée à ce titre sera donc infirmé.
Sur l’indemnité compensatrice de congés payés
54. Madame [N] [D] sollicite le paiement de la somme de 3.128,40 € au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés.
55. Dès lors qu’elle a perçu, au cours de la relation de travail, la somme totale de 6.873,50 € sans bénéficier d’aucun congé, il lui sera alloué à ce titre la somme de 687,35 €.
56. Le chef du jugement l’ayant déboutée sera donc infirmé.
Sur le rappel de salaire
57. La demande de rappel de salaire faite par Madame [N] [D] se fonde sur le postulat erroné d’un contrat de travail à temps plein, ce qui ne résiste pas à l’analyse, ainsi qu’il a déjà été vu (supra n° 43).
58. Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a débouté Madame [N] [D] de ce chef.
Sur l’indemnité pour travail dissimulé
59. Aux termes de l’article L. 8221-5 du code du travail, ‘réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur :
1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ;
2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d’un bulletin de paie ou d’un document équivalent défini par voie réglementaire’.
60. L’article L. 8223-1 prévoit qu’ ‘en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l’article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire’.
61. En l’espèce, il a été vu (supra n° 30 et 31) que la S.A.R.L. Presco avait manqué à ses obligations concernant la communication des bulletins de salaire et la déclaration de sa salariée.
62. Toutefois, elle ne
démontre pas que la S.A.R.L. Presco aurait ainsi volontairement agi afin de se soustraire à ses obligations.
63. Le chef du jugement l’ayant déboutée sera donc confirmé.
Sur le harcèlement moral
64. Aux termes de l’article L. 1152-1 du code du travail, ‘aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel’.
65. En l’espèce, Madame [N] [D] indique à l’appui de sa demande indemnitaire pour harcèlment moral qu’elle a été ll’objet de messages intempestifs à des heures indécentes, d’une diffusion à toute l’équipe de certains éléments de sa vie privée et d’une exclusion physique de l’entreprise qui a entraîné une dégradation de ses conditions de travail, porté atteinte à sa dignité et altéré sa santé physique et mentale.
66. Ces éléments pris dans leur ensemble laissent présumer l’existence d’une situation de harcèlement moral.
67. Toutefois, si la S.A.R.L. Presco admet avoir évoqué la situation de Madame [N] [D] avec l’ensemble du personnel, il s’agissait de sa situation professionnelle et de l’impact que pouvait présenter la cumul de deux activités, sans malveillance. Les échanges par mail et téléphone s’expliquent par la période de tension occasionnée par la crise sanitaire qui s’est cristallisée à partir de la demande de bénéfice du chômage partiel faite par la salariée. Enfin, Madame [N] [D] ne justifie pas avoir été ‘exclue physiquement’ de l’entreprise dans laquelle elle ne s’est plus présentée à partir de sa prise d’acte.
68. La S.A.R.L. Presco justifie ainsi que ses agissements ne sont pas constitutifs d’un harcèlement. Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a débouté Madame [N] [D] de ce chef.
Sur les dommages et intérêts en réparation du préjudice moral
69. À l’appui de sa demande de dommages et intérêts, Madame [N] [D] produit un certificat médical du Dr. [F] du 12 mai 2020 faisant état d’un ‘état d’anxiété aiguë’ qu’elle met en rapport avec un mail reçu ce jour-là par la S.A.R.L. Presco.
70. Or, la lecture de ce mail n’indique aucune agressivité de la part de l’employeur qui puisse être à l’origine de cet état d’anxiété.
71. Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a débouté Madame [N] [D] de ce chef.
Sur la remise des documents
72. Madame [N] [D] admet dans ses écritures avoir reçu de la S.A.R.L. Presco la communication de ‘certains’ bulletins de paie à l’exception de ceux d’octobre à décembre 2018, l’employeur ne justifiant de cette remise.
73. Il sera ordonné la remise des bulletins de salaire d’Octobre 2018 à Décembre 2018 ainsi que du dernier bulletin de salaire et de l’attestation Pôle emploi rectifiés, conformes à la décision, sans qu’il y ait lieu au prononcé d’une astreinte.
74. Le chef du jugement ayant débouté Madame [N] [D] sur ce point sera donc infirmé.
Sur les dépens
75. La S.A.R.L. Presco, partie perdante, sera condamnée aux dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière sociale et en dernier ressort, par mise à disposition au greffe conformément à l’article 451 alinéa 2 du code de procédure civile,
Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a débouté Madame [N] [D] de ses demandes au titre du rappel de salaires, du harcèlement moral, travail dissimulé et du préjudice moral,
Statuant à nouveau,
Requalifie les contrats de travail à durée déterminée de Madame [N] [D] en contrat de travail à durée indéterminée,
Dit que le contrat de travail a été rompu de façon abusive par la S.A.R.L. Presco,
En conséquence,
Condamne la S.A.R.L. Presco à payer à Madame [N] [D] les sommes de :
– 638,35 € (six cent trente huit euros et trente cinq centimes) au titre de l’indemnité de requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée,
– 1.276,70 € (mille deux cent soixante seize euros et soixante dix centimes) au titre de l’indemnité pour rupture abusive du contrat de travail,
– 638,35 € (six cent trente huit euros et trente cinq centimes) au titre de l’indemnité de préavis,
– 159,59 € (cent cinquante neuf euros et cinquante neuf centimes) au titre de l’indemnité légale de licenciement,
– 687,35 € (six cent quatre vingt sept euros et trente cinq centimes) au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés,
Ordonne la remise à Madame [N] [D] par la S.A.R.L. Presco des bulletins de salaire pour la période d’octobre 2018 à décembre 2018 ainsi que du dernier bulletin de salaire et de l’attestation Pôle emploi rectifiés, conformes à la décision,
Déboute Madame [N] [D] de sa demande tendant au prononcé d’une astreinte,
Vu l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la S.A.R.L. Presco à payer à Madame [N] [D] la somme de 1.500,00 € (mille cinq cents euros) au titre des frais non répétibles d’instance,
Condamne la S.A.R.L. Presco aux dépens.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Laurent CALBO, conseiller, pour le président empêché, et par Madame Monique LEBRUN, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat.
LA GREFFIÈRE,LE PRÉSIDENT,