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Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 3
ARRET DU 01 FEVRIER 2023
RENVOI APRES CASSATION
(n° , 6 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/05612 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCI7H
Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 juillet 2016 rendu par le conseil de prud’hommes de Paris , infirmé par un arrêt de la cour d’appel de Paris en date du 28 novembre 2018, cassé partiellement par un arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation en date du 08 juillet 2020.
DEMANDEUR À LA SAISINE SUR RENVOI APRES CASSATION
Monsieur [L] [K]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté par Me Stéphane FERTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0075
DEFENDEUR À LA SAISINE SUR RENVOI APRES CASSATION
S.A. FRANCE TELEVISIONS
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Eric MANCA, avocat au barreau de PARIS, toque : P0438
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 29 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’étant pas opposés à la composition non collégiale de la formation, devant Madame Véronique MARMORAT, Présidente, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Véronique MARMORAT, présidente
Madame Fabienne ROUGE, présidente
Madame Anne MENARD, présidente
Lors des débats : Madame Sarah SEBBAK, greffière en préaffectation sur poste
ARRÊT :
– contradictoire
– mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
– signé par Madame Véronique MARMORAT, présidente et par Madame Sarah SEBBAK, greffière en préaffectation sur poste à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Monsieur [L] [K], né le 29 juin 1948, a été embauché par la société France 2, devenue la société France Télévisions selon des contrats à durée déterminée d’usage successifs, au nombre de 597, du 3 avril 1986 au 4 août 2013 en qualité de réalisateur, en charge des émissions religieuses, le dernier jour travaillé correspondant à l’externalisation de la production des émissions religieuses par la société. Le salarié après avoir été mis en pré-retraite en 2010, a fait valoir ses droits à la retraite le 1er janvier 2011.
Après avoir mis en demeure le 1er avril 2015, la société France Télévisions, monsieur [K] a saisi, le 28 mai 2015, en requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et en diverses demandes indemnitaires et salariales le Conseil des prud’hommes lequel par jugement du 4 juillet 2016 l’a débouté de toutes ses demandes.
Monsieur [K] a interjeté appel de cette décision le 8 novembre 2016.
Par arrêt du 28 novembre 2018, la cour d’appel de Paris a, principalement, requalifié la relation de travail entre les parties en un contrat à durée indéterminée à temps complet à effet au 3 avril 1986 et la rupture de contrat de travail du 4 août 2013 en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamné la société France Télévisions aux dépens et à verser à monsieur [L] [K] les sommes suivantes :
485, 06 euros bruts à titre de rappel de prime d’ancienneté,
8 058 euros bruts à titre de rappel de prime de fin d’année
1 320, 88 euros bruts à titre de rappel de supplément familial,
5 000 euros à titre d’indemnité de requalification,
13 675, 50 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre congés payés afférents de 1 376, 50 euros,
98 759, 90 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,
30 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
47 693, 39 euros bruts de rappel de salaire et congés payés afférents de 4 769, 34 euros.
2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par arrêt du 8 juillet 2020, la chambre sociale de la Cour de cassation a cassé et annulé sauf en ce qu’il a requalifié les contrats de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée et requalifié la rupture du contrat du 4 août 2013 en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, l’arrêt rendu le 28 novembre 2018, entre les parties, par la cour d’appel de Paris et remis, sauf sur ces points, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Paris autrement composée.
Monsieur [K] a saisi la cour d’appel de Paris sur renvoi après cassation le 12 août 2020.
Par conclusions signifiées par voie électronique le 23 septembre 2022, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, monsieur [K] demande à la cour de requalifier les contrats à durée déterminée d’usage de monsieur [K] avec la société France Télévisions en contrat à durée indéterminée à temps plein, niveau de qualification 9S, niveau de placement 18, avec reprise d’ancienneté au premier contrat irrégulier du 3 avril 1986 et de
Fixer le salaire mensuel de monsieur [L] [K] à la somme de 4.558,50 euros bruts (hors prime d’ancienneté, hors prime de fin d’année) ;
Condamner la société France Télévisions aux dépens au paiement des sommes suivantes
titre
Somme en euros
rappel de salaires durant les périodes intercalaires
Et congés payés afférents
47.693,39
4.769,33
rappel de prime d’ancienneté
776,10
rappel de primes de fin d’année
8.058
rappel de supplément familial
1.320,88
indemnité de requalification
30 000,00
indemnité compensatrice de préavis
congés payés afférents
13.675,50
1.367,55
indemnité conventionnelle de licenciement
98.759,90
indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
200 000,00
article 700 du code de procédure civile
4 000,00
Ordonner la remise de bulletins de paie rectifiés, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la notification de l’arrêt.
Par conclusions signifiées par voie électronique le 26 septembre 2022, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, la société France Télévisions demande à la cour de confirmer le jugement prononcé le 4 juillet 2016 par le conseil de prud’hommes de Paris, en ce qu’il a débouté M. [K] de sa demande en rappel de salaire sur temps plein et en conséquence
débouter de plus fort monsieur [L] [K] de sa demande visant à obtenir le bénéfice d’un temps plein (rappel de salaire sur périodes interstitielles)
fixer à 2 463,32 euros (moyenne des 12 derniers mois de salaire) le salaire de référence de monsieur [K]
fixer à 2 463,32 euros le montant de l’indemnité de requalification,
fixer à 7 389,96 euros le montant de l’indemnité de préavis, augmenté de 738,99 euros au titre des congés payés y afférents
fixer l’indemnité de licenciement à 52 647,02 euros
fixer à 6 mois de salaire (15 000 euros) l’indemnité prévue à l’article L1235-3 du Code du Travail
fixer à 736,80 euros la prime d’ancienneté
fixer à 7 389,96 euros la prime de fin d’année ;
condamner monsieur [K] à la somme de 3 000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.
Motifs
Sur l’assiette de la saisine de la cour d’appel
Dans son arrêt du 8 juillet 2020, la Cour de Cassation a formulé la motivation suivante : ‘Pour condamner l’employeur à payer au salarié un rappel de salaire pour les périodes dites ‘inter contrats’ l’arrêt retient que les bulletins de salaire démontrent que la durée légale mensuelle de 151, 67 heures a été dépassée plusieurs mois à compter des mois de mai et juin 2010 de même que la durée annuelle de 1607 heures dès 1997, 1998, et 2002, tout comme le nombre de jours travaillés maximum des salariés à durée indéterminée fixé à 204 jours annuels par l’article 2.1.3.2 de l’accord collectif d’entreprise France Télévisions, que le recours à l’employeur à des heures complémentaires ayant eu pour effet de porter, fût-ce pour une période limitée, la durée de travail du salarié au-delà de la durée légale, entraîne la requalification du contrat à temps partiel en un contrat à temps plein, d’autant que la régularité de ces dépassements démontrent que le salarié est resté constamment à la disposition de son employeur dès sa première collaboration. Il en conclut, en conséquence que la requalification du contrat de travail à temps partiel en un contrat à temps plein est fixée dès le 3 avril 1986.
En se déterminant ainsi, par des motifs inopérants relatifs à la durée de travail pendant les périodes effectivement travaillées, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le salarié établissait s’être effectivement tenu à la disposition de l’employeur durant les périodes non travaillées, la cour d’appel a privé sa décision de base légale.”
Ainsi, la cour dans sa présente composition doit trancher si pendant les périodes inter-contrats, monsieur [K] se tenait effectivement à la disposition de son employeur au vu des pièces produites par les parties et d’en tirer tous les effets.
Sur la durée du travail
Principe de droit applicable :
Selon l’article 1 353 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.
Selon l’article L 3 121-1 du code du travail, la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles.
Application en l’espèce
Monsieur [K] soutient qu’il se tenait à disposition permanente de la société France Télévisions pendant les périodes intercalaires. Il fait valoir que ses CDD auraient tous été conclus à temps plein puisqu’ils étaient conclus pour des journées complètes et non pour un nombre d’heures déterminées, qu’il régulièrement dépassé la durée légale du travail mensuelle de 151, 67 heures. Par exemple, en juin 2012, il aurait travaillé 231 heures. En ce sens, il aurait travaillé annuellement plus qu’un salarié à temps plein. De même, il aurait dépassé le forfait jours de 204 jours travaillés auxquels sont soumis les salariés cadres de la société France Télévisions. Par exemple, en 2002, il aurait travaillé 235 jours et en 2004, 221 jours.
Le salarié expose que son niveau de qualification est assimilable à un niveau 9S, de placement 18 et une rémunération conventionnelle minimale de 4558, 50 euros bruts mensuel, ce niveau de qualification correspondant à celui d’un cadre supérieur spécialisé, l’emploi de réalisateur n’étant pas visé par la nomenclature des emplois permanents de l’accord d’entreprise France Télévisions. Il affirme que le placement au niveau 18 résulterait de ses 27 ans d’ancienneté.
Concernant sa disponibilité, monsieur [K] indique qu’il aurait disposé très tardivement de ses dates et horaires de travail : aucun planning prévisionnel ne lui aurait été communiqué et souligne le fait qu’en 27 ans de collaboration, il n’aurait jamais refusé le moindre jour de travail proposé par la société France Télévisions. Il affirme que ses fonctions auraient nécessairement impliqué une disposition permanente à l’égard de son employeur. Certains projets se seraient étalés sur de longues périodes discontinues. Par exemple, en janvier 2010, il aurait réalisé un documentaire à Jérusalem du 30 janvier 2010 au 18 février. Mais le montage et les finitions du documentaire auraient eu lieu postérieurement, de mars à juin. Autre exemple, en avril 2011, pour réaliser un « documentaire interreligieux », il aurait conclu un seul CDD de 13 jours mais contenant 4 périodes de travail.
Monsieur [K] expose qu’il aurait été soumis à une obligation d’exclusivité à l’égard de son employeur, y compris en dehors des jours travaillés pour lui. Tous ses CDD d’usage contiendraient en leur article 9 une clause d’exclusivité. La société France Télévisions aurait été son unique employeur. Ses seules rémunérations extérieures à son travail pour France Télévisions étaient des congés spectacles acquis au titre de son activité pour France Télévisions ainsi que des droits d’auteurs liés à la diffusion et à la rediffusion de ses émissions. Sur conseil de la SACEM, il aurait opté pour le régime de micro-BNC afin d’éviter le régime de retenue de TVA sur les droits d’auteurs. Mais il n’aurait jamais été auto-entrepreneur.
Les développements de monsieur [K] relatifs aux journées travaillées sont inopérants, étant situés hors de la saisine de la cour. De la même manière, la clause d’exclusivité contenue dans les CDD d’usage ne s’applique que pendant les périodes travaillées. Enfin, le fait de n’avoir pas eu d’autres employeurs ne peut être retenu comme l’unique critère d’un manque de disponibilité.
Il n’est pas contesté que pendant la période non couverte par la prescription, le salarié était en pré-retraite en 2010 et en retraite en 2010, qu’ainsi il était dans une situation de cumul emploi/ retraite et qu’il avait en charge d’une part la réalisation d’une émission récurrente ” Le Jour du Seigneur” et d’autre part, des documentaires dont il préparait lui-même la réalisation. Ainsi, la délivrance tardive des plannings est sans effet.
Ainsi, au vu de l’ensemble des pièces de la procédure, il convient de confirmer le jugement prononcé le 4 juillet 2016 par le conseil de prud’hommes de Paris, en ce qu’il a débouté monsieur [K] de sa demande en rappel de salaire sur temps plein, de le débouter de sa demande visant à obtenir le bénéfice d’un temps plein (rappel de salaire sur périodes interstitielles), de fixer à la somme de 2 463,32 euros (moyenne des 12 derniers mois de salaire) le salaire de référence de monsieur [K], à 2 463,32 euros le montant de l’indemnité de requalification, à 7 389,96 euros le montant de l’indemnité de préavis, augmenté de 738,99 euros au titre des congés payés y afférents, à 52 647,02 euros l’indemnité de licenciement, 15 000 euros l’indemnité prévue à l’article L1235-3 du code du travail, 736,80 euros la prime d’ancienneté et à 7 389,96 euros la prime de fin d’année.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par l’article 450 du code de procédure civile,
Vu l’arrêt de la Cour de cassation du 8 juillet 2020,
CONFIRME le jugement prononcé le 4 juillet 2016 par le conseil de prud’hommes de Paris, en ce qu’il a débouté monsieur [K] de sa demande en rappel de salaire sur temps plein,
Statuant de nouveau,
DÉBOUTE monsieur [K] de sa demande visant à obtenir le bénéfice d’un temps plein (rappel de salaire sur périodes interstitielles) et fixe à la somme de 2 463,32 euros (moyenne des 12 derniers mois de salaire) le salaire de référence de monsieur [K]
FIXE aux sommes suivantes
– 2 463,32 euros le montant de l’indemnité de requalification
– 7 389,96 euros le montant de l’indemnité de préavis outre celle de 738,99 euros au titre des congés payés afférents
– 52 647,02 euros l’indemnité de licenciement
– 15 000 euros l’indemnité prévue à l’article L1235-3 du code du travail
– 736,80 euros la prime d’ancienneté
– 7 389,96 euros la prime de fin d’année
Vu l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE monsieur [K] à verser à la société France Télévisions la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile
DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes.
CONDAMNE monsieur [K] aux dépens.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE