Contestation des objectifs et rémunération variable

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Contestation des objectifs et rémunération variable
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Nos Conseils :

– Il est important pour les employeurs de respecter les dispositions légales en matière de rédaction des documents liés au contrat de travail, notamment en ce qui concerne la langue utilisée. Tout document comportant des obligations pour le salarié doit être rédigé en français, sauf s’il est reçu de l’étranger ou destiné à des étrangers. Il est donc essentiel de veiller à la conformité des documents contractuels pour éviter tout litige ultérieur.

– Les objectifs fixés unilatéralement par l’employeur doivent être réalistes et réalisables. Il est primordial de communiquer clairement les objectifs, les éléments pris en compte pour les calculer, ainsi que les modalités de suivi des résultats. Il est également recommandé de mettre en place des outils de suivi des objectifs pour permettre au salarié de vérifier le calcul de sa rémunération et d’évaluer sa performance.

– En cas de litige lié à la rémunération variable ou aux objectifs fixés, il est essentiel de respecter les droits du salarié et de veiller à ne pas introduire de clauses abusives dans les documents contractuels ou les négociations de rupture conventionnelle. Il est recommandé de faire preuve de transparence et de bonne foi dans les relations avec les salariés pour éviter tout contentieux.

Résumé de l’affaire

Mme [U], salariée de la société Amoena, a saisi le conseil de prud’hommes de Lyon pour obtenir un rappel de salaire au titre de primes d’objectifs non versées. Le conseil a partiellement fait droit à ses demandes, condamnant la société à lui verser certaines sommes. La société a interjeté appel pour contester la décision.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

20 mars 2024
Cour d’appel de Lyon
RG n°
21/00161
AFFAIRE PRUD’HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 21/00161 – N° Portalis DBVX-V-B7F-NKU7

Société AMOENA

C/

[U]

APPEL D’UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de Lyon

du 17 Décembre 2020

RG : 19/00412

COUR D’APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 20 MARS 2024

APPELANTE :

Société AMOENA

[Adresse 4]

[Localité 2]

représentée par Me Alexis VANDELET de la SELARL VANDELET & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Thierry PERON, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

[G] [U]

née le 11 Octobre 1984 à [Localité 5]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Hervé ROCHE, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 16 Janvier 2024

Présidée par Catherine MAILHES, Présidente magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Morgane GARCES, Greffière.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

– Catherine MAILHES, présidente

– Nathalie ROCCI, conseillère

– Anne BRUNNER, conseillère

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 20 Mars 2024 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Catherine MAILHES, Présidente et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Mme [U] (la salariée) a été engagée par la société Amoena (la société) par contrat à durée indéterminée du 28 septembre 2015, à effet du 29 septembre 2015, en qualité de ‘sales manager’, de statut cadre, niveau 8, de la convention collective nationale de fabrication et commerce des produits à usage pharmaceutique, para pharmaceutique et vétérinaire.

Les parties ont conclu le 29 novembre 2018 une convention de rupture homologuée et la relation contractuelle a pris fin le 11 janvier 2019.

Le 12 février 2019, Mme [U] a saisi le conseil de prud’hommes de Lyon aux fins de voir la société condamnée à lui verser un rappel de salaire au titre de la prime d’objectifs relatifs à la période 2016/2017 (19 406,64 euros), au titre de la prime sur objectifs relatifs à la période 2017/2018 (16 000 euros), au titre de la prime sur objectifs relatifs à la période 2018/2019 (5 589,04 euros), des dommages et intérêts pour exécution déloyale de son contrat de travail (5 000 euros), ainsi qu’une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile (2 500 euros).

La société a été convoquée devant le bureau de conciliation et d’orientation par courrier recommandé avec accusé de réception signé le 15 février 2019.

La société s’est opposée aux demandes de la salariée et a sollicité à titre reconventionnel la condamnation de celle-ci au versement de la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice subi du fait du caractère abusif des demandes de cette dernière, et 1 500 euros à titre d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 17 décembre 2020, le conseil de prud’hommes de Lyon a :

dit que la société Amoena a manqué à ses obligations contractuelles en matière de fixation des primes d’objectifs ;

débouté Mme [U] de sa demande visant à faire condamner la société Amoena à lui verser 19 406,64 euros au titre de la prime d’objectifs relative à la période 2016/2017 ;

condamné la société Amoena à verser à Mme [U] les sommes suivantes :

16 000 euros au titre de la prime d’objectifs relative à la période 2017/2018 ;

5 589,04 euros au titre de la prime d’objectifs relative à la période 2018/2019 ;

dit que la société Amoena a manqué partiellement à ses obligations de loyauté dans l’exécution du contrat de travail ;

condamné la société Amoena à verser 5 000 euros à Mme [U] au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail ;

condamné la société Amoena à verser la somme de 1 700 euros à Mme [U] au titre de 1’article 700 du code de procédure civile ;

débouté les parties de leurs plus amples demandes et prétentions ;

débouté la société Amoena de sa demande visant à faire constater le caractère abusif des demandes de Mme [U] ;

rappelé qu’aux termes des dispositions de l’article R.1454-28 du code du travail, sont exécutoires de droit à titre provisoire, les jugements ordonnant la délivrance de toutes pièces que l’employeur est tenu de remettre (bulletins de paie, certificat de travail…) ainsi que les jugements ordonnant le paiement des sommes au titre des rémunérations et indemnités visées à l’article R.1454-14 du code du travail dans la limite de neuf mensualités, étant précisé que la moyenne brute des salaires des trois derniers mois doit être fixée à la somme de 5 753,79 euros ;

rappelé que les intérêts courent de plein droit au taux légal à compter de la convocation de la partie défenderesse devant le bureau de conciliation en ce qui concerne les créances de nature salariale et à compter du prononcé de la présente décision pour les autres sommes allouées ;

condamné la société Amoena aux entiers dépens.

Selon déclaration électronique de son avocat remise au greffe de la cour le 7 janvier 2021, la société Amoena a interjeté appel dans les formes et délais prescrits de ce jugement, en mentionnant ‘appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués (cf fichier pdf joint)’.

L’annexe jointe a précisé que l’appel était aux fins d’infirmation du jugement en ce qu’il a : DIT ET JUGE que la société Amoena a manqué à ses obligations contractuelles en matière de fixation des primes d’objectifs ; DEBOUTE Mme [U] de sa demande visant à condamner la société Amoena à lui verser 19 406,64 euros au titre de la prime d’objectifs relative à la période 2016/2017 ; CONDAMNE la société Amoena à verser à Mme [U] les sommes suivantes : – 16 000 euros au titre de la prime d’objectifs relative à la période 2017/2018 ; – 5 589.04 euros au titre de la prime d’objectifs relative à la période 2018/2019 ; DIT ET JUGE que la société Amoena a manqué partiellement à ses obligations de loyauté dans l’exécution du contrat de travail ; CONDAMNE la société Amoena à verser 5 000 euros à Mme [U] au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail ; CONDAMNE la société Amoena à verser la somme de 1 700 euros à Mme [U] au titre de l’article 700 du code de procédure civile ; DEBOUTE les parties de leurs plus amples demandes et prétentions ; DEBOUTE la société Amoena de sa demande visant à faire constater le caractère abusif des demandes de Mme [U] ; CONDAMNE la société Amoena aux entiers dépens.

Aux termes des dernières conclusions de son avocat remises au greffe de la cour le 6 avril 2021, la société Amoena demande à la cour de :

confirmer le jugement du conseil de prud’hommes qui a : débouté Mme [U] de sa demande visant à condamner la société Amoena à lui verser 19 406,64 euros au titre de la prime d’objectifs relative à la période 2016/2017 ;

statuant à nouveau,

débouter Mme [U] de toutes ses demandes ;

constater le caractère abusif des demandes de Mme [U] et la condamner à lui payer la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice subi ;

condamner Mme [U] à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Selon les dernières conclusions de son avocat remises au greffe de la cour le 24 juin 2021, ayant fait appel incident en ce que le jugement l’a déboutée de sa demande au titre de la prime sur objectifs relatifs à la période 2016/2017, Mme [U] demande à la cour d’infirmer partiellement le jugement entrepris et statuant à nouveau de :

dire que la société Amoena a manqué à ses obligations contractuelles en matière de fixation des primes d’objectifs ;

confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Lyon rendu le 17 décembre 2020 en ce qu’il a condamné la société Amoena à lui payer les sommes suivantes :

16.000 euros au titre de la prime sur objectifs relative à la période 2017/2018 ;

5.589,04 euros au titre de la prime sur objectifs relative à la période 2018/2019 ;

dire que la société Amoena n’a pas exécuté loyalement son contrat de travail ;

confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Lyon en ce qu’il a condamné à verser à lui verser la somme de 5.000 euros au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail ;

statuant à nouveau,

réformer le jugement du conseil de prud’hommes de Lyon en ce qu’il l’a déboutée de sa demande au titre de la prime sur objectifs 2016/2017 ;

condamner la société Amoena à lui verser la somme de 19 406,64 euros au titre de la prime sur objectifs 2016/2017 ;

condamner la société Amonea au paiement d’une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

condamner la société Amoena aux entiers dépens.

La clôture des débats a été ordonnée le 14 décembre 2023 et l’affaire a été évoquée à l’audience du 16 janvier 2024.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties il est fait expressément référence au jugement entrepris et aux conclusions des parties sus-visées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les primes d’objectifs

La société conteste le jugement l’ayant condamnée au versement d’un reliquat au titre des primes d’objectifs pour les périodes 2017/2018 et 2018/2019, en faisant valoir que :

– son exercice court du 1er octobre de l’année N au 30 septembre de l’année N+1 ; elle doit attendre les résultats validés et consolidés de l’exercice précédent afin de pouvoir fixer certains objectifs, et chaque année la salariée avait quatre objectifs déterminant sa prime de rémunération variable ; les objectifs étaient certes rédigés en anglais, mais la salariée indique et prouve au travers de ses échanges constants avec le groupe ou dans le cadre de son curriculum vitae qu’elle est parfaitement bilingue ; la salariée ne tire aucune conséquence de l’usage de cette langue étrangère au sein du dispositif ou des motifs de ses conclusions, en sorte que la juridiction n’est pas saisie sur ce point ;

– le principe d’une rémunération fixe et variable était prévu à l’article 6 du contrat de travail et un document intitulé ‘targets’, contresigné par l’employeur et la salariée, de nature contractuelle, venait préciser les objectifs à atteindre et les modalités de calcul de la prime d’objectifs ;

– la salariée ne peut se prévaloir d’objectifs déraisonnables et irréalisables, alors qu’en sa qualité de ‘sales manager’, il lui revenait d’élaborer une prévision du chiffre d’affaires pour la France, présentée à sa hiérarchie puis à son équipe après validation ;

– la salariée a signé ses objectifs au titre de l’année 2017/2018 sans aucune remarque ni manifestation de son désaccord ;

– contrairement aux affirmations de Mme [U], une réponse a été donnée à son courriel du 24 septembre 2018 portant sur la demande d’un bonus, quelques jours avant la fin de l’exercice concerné ;

– la salariée argue d’un changement de réglementation pour justifier du caractère irréalisable de ses objectifs, alors que celui-ci datait d’avril 2016, et s’appuie également sur sa position de leader du marché, alors que le marché potentiel existant est équivalent au marché actuel ;

– les absences de certaines collègues commerciales évoquées par la salariée porte sur une baisse de 0,144 % du chiffre d’affaires et ne sauraient justifier le caractère irréalisable de ses objectifs ou le manque de moyens, alors même qu’elle n’a jamais fait de proposition pour trouver des solutions comme cela lui incombait en sa qualité de directrice commerciale ;

– la salariée n’a pas été discriminée par rapport aux autres salariés de sa catégorie ;

– au titre des objectifs pour l’exercice 2018/2019, en raison de la chronologie des événements, aucun objectif ne pouvait être attribué à la salariée entre octobre et décembre 2018, et cette dernière connaissait en réalité une partie de ses objectifs puisqu’elle élaborait le sales plan dès le mois de juin 2018 ; la salariée, qui a consenti à ses objectifs en signant le document ‘targets’ et les a contractualisés, ne peut arguer de la communication tardive du dit document ;

– au titre des objectifs pour l’exercice 2015/2016, ils ont été communiqués et signés par la salariée quelques semaines après le début de l’exercice ;

– au titre des objectifs pour l’exercice 2016/2017, ils ont été communiqués dans le mois du début de l’exercice fiscal ;

– au titre des objectifs pour l’exercice 2017/2018, non seulement le contexte de la société était particulier en raison de la baisse de son chiffre d’affaires et de celui du groupe auquel elle appartient, mais la salariée qui avait une connaissance parfaite de ses prochains objectifs, contractualisés et précisément notés à l’occasion de son entretien annuel du 26 novembre 2017, avant la période concernée, ne peut se prévaloir d’un préjudice ; seule leur formalisation faisant défaut ;

– au titre des objectifs pour l’exercice 2018/2019, la salariée avait une parfaite connaissance de ses objectifs bien avant la date formelle à laquelle elle entend se référer ;

– contrairement aux affirmations de la salariée, elle était parfaitement informée des modifications des critères pris en compte pour l’octroi de la prime et les validait par sa signature ;

– elle mettait à la disposition de l’ensemble de ses salariés, dont Mme [U], un logiciel intitulé ‘OLAP’ leur permettant d’avoir accès 24 heures sur 24 au suivi de l’activité et à l’évolution de l’atteinte des objectifs, et des échanges de fichiers étaient effectués à intervalles très réguliers afin qu’ils puissent être informés en temps réels de l’évolution de leur activité.

La salariée fait valoir que :

– les documents intitulés ‘Targets’, dans lesquels ses objectifs étaient non seulement fixés unilatéralement par la société, mais rédigés en anglais avec des termes économiques abscons ne facilitant pas leur compréhension, ne répondent pas aux conditions de rédaction en langue française prévue par l’article L.1221-3 du code du travail et lui sont donc inopposables ;

– la condition liée au caractère réaliste et réalisable de ses objectifs n’est pas réunie, ce dont elle a alerté son employeur concernant ses objectifs au titre de l’année 2017/2018 par un courriel resté sans réponse ; le changement de réglementation évoqué dans son courriel a bien eu un effet significatif sur l’activité des années 2016 à 2018, ainsi que l’absence de plusieurs salariés sur l’exercice ;

– bien qu’en sa qualité de chef des ventes elle élabore les prévisionnels des ventes, elle ne déterminait pas ses propres objectifs, lesquels lui étaient imposés par la direction allemande et la directrice des ressources humaines de la société, en contradiction avec les dispositions de son contrat de travail ;

– ses objectifs relatifs à l’exercice 2016/2017, ils lui ont été transmis trois semaines après le début de l’exercice, ceux relatifs à l’exercice 2017/2018 n’ont été portés à sa connaissance que sept mois après le début de l’exercice concerné et ceux de l’exercice 2018/2019 ne lui avaient toujours pas été communiqués à la date de fin de son contrat de travail.

***

Aux termes du contrat de travail, la rémunération de la salariée était composée d’un salaire brut annuel de 60 000 euros outre d’une part variable annuelle de 0 à 20 000 euros par an, calculées en fonction de la réalisation des objectifs fixés annuellement et communiqués préalablement au début de la période d’application. Cette part variable est déterminée unilatéralement par la direction de l’entreprise qui fixe les objectifs de chiffre d’affaires à atteindre, taux de progression et pénétration et les montants des primes versées liées à la réalisation à 100% des objectifs définis par sa hiérarchie.

Le montant brut des primes pour chacun des objectifs prévus par la direction lui est communiqué en début d’exercice par son responsable hiérarchique.

Il est ainsi détaillé, pour chaque objectif, sa nature, les éléments pris en compte pour le calculer et au moyen de quelles informations il est chiffré. Il prévoit aussi les modalités du suivi périodique des résultats de la salariée par rapport à l’objectif prévu.

Ces informations sont communiquées à la salariée dans les toutes premières semaines du début de la période concernée.

Aussi, au regard du contrat de travail, les objectifs étaient fixés unilatéralement par l’employeur.

Selon l’article L.1321-6 du code du travail, tout document comportant des obligations pour le salarié ou des dispositions dont la connaissance est nécessaire pour l’exécution de son travail doit être rédigé en français. Cette règle n’est pas applicable aux documents reçus de l’étranger ou destinés à des étrangers.

Pour exclure la règle, il appartient au juge de constater que les documents écrits en langue étrangère ont été reçus de l’étranger, notamment de la société mère, étant précisé que l’usage courant de l’anglais au sein de l’entreprise ou la maîtrise de la langue utilisée par le salarié de nationalité française est inopérant.

La salariée a sollicité l’infirmation du jugement et la condamnation de la société au paiement de somme au titre des objectifs 2016/17 outre la confirmation du jugement en ce qu’il a condamné la société au paiement des primes d’objectifs pour les années suivantes, en sorte que la cour est saisie des conséquences du moyen tiré du non-respect de l’article L.1321-6 du code du travail.

En l’occurrence, les fiches ‘smart targets’ précisant les objectifs de la salariée pour chacune des trois périodes concernées (2016/17, 2017/18, 2018/19) étaient écrites en langue anglaise. Or en application du contrat, les objectifs sont définis par la direction de l’entreprise. La société est de droit français et les fiches ‘smart targets’ n’étaient pas reçues de l’étranger.

Ce faisant, les objectifs ainsi définis ne sont pas opposables à la salariée, de nationalité française, et celle-ci est en droit de percevoir l’intégralité de la rémunération variable pour les années considérées. Il sera donc fait droit à l’intégralité de ses demandes au titre des rémunérations variables.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu’il a condamné la société au paiement des sommes de 16 000 euros au titre de la prime sur objectifs relative à la période 2017/2018 et de 5 589,04 euros au titre de la prime sur objectifs relative à la période 2018/2019. Il sera en revanche infirmé en ce qu’il a débouté la salariée de sa demande au titre de la rémunération variable de l’année 2016/2017 et la société sera condamnée au versement de la somme réclamée de 19 406,64 euros réclamée.

Sur la demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

La société fait grief au jugement de la condamner au versement de dommages et intérêts au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail, faisant valoir qu’elle n’a fait preuve ni de mauvaise foi ni de déloyauté à l’égard de la requérante, et cette dernière se contente de procéder par affirmations alors qu’il incombe à celui qui se prévaut d’un préjudice de rapporter la preuve de l’existence de celui-ci, outre des éléments de nature à permettre son évaluation.

La salariée sollicite la confirmation du jugement sur ce point en faisant valoir que :

– le salarié doit être en mesure de pouvoir vérifier le calcul de sa rémunération, et malgré que son propre contrat de travail mette à la charge de l’employeur un devoir d’information, la société ne lui a jamais communiqué les objectifs avant le début de chaque exercice, ni les éléments pris en compte pour les calculer ou encore des informations au moyen desquelles ils sont chiffrés ;

– ses objectifs, qui lui ont été fixés unilatéralement par l’employeur, sont en contradiction avec les dispositions de son contrat de travail ;

– aucun outil de suivi des objectifs n’a été mis en place par la société malgré que la mise à disposition de tels moyens soit prévue à l’article 6 de son contrat de travail ; le logiciel OLAP visé par la société permettait le suivi de l’activité commerciale et non la réalisation des objectifs qui lui étaient imposés ; seul l’aspect qualitatif et non quantitatif des objectifs était traité lors des entretiens individuels ;

– la société a cherché à introduire dans son projet de rupture conventionnelle une clause spécifiant sa renonciation à réclamer le paiement de sa rémunération variable, alors qu’elle la savait non remplie de ses droits, en toute mauvaise foi.

La salariée ne justifie pas d’un préjudice distinct de celui qui est réparé par l’intérêt moratoire au titre de la rémunération variable.

Par ailleurs, dans le cadre des négociations de rupture conventionnelle, la société a effectivement tenté de faire renoncer la salariée à réclamer toute autre somme que l’indemnité de rupture conventionnelle, comme il ressort de l’article 5 du projet de convention de rupture du 18 octobre 2018, émanant de l’employeur. Toutefois, l’employeur a supprimé ladite clause de renonciation, en sorte qu’il n’est pas justifié d’un préjudice à ce titre.

La salariée sera donc déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale et le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a condamné la société au versement de la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.

Sur la demande reconventionnelle de la société Amoena

La société sollicite la condamnation de la salariée au versement d’une somme au titre de la procédure abusive dont elle est l’objet, et affirme que :

– en sa qualité de directrice commerciale, Mme [U] était parfaitement informée des objectifs fixés, dont elle avait la charge ; les modalités de calcul de la prime afférente lui ont été expliquées dans un document signé par elle ;

– la salariée n’a jamais contesté, au cours de l’exécution de son contrat, les montants alloués au titre de ses objectifs.

La salariée fait valoir que la société ne démontre pas un abus de sa part dans l’exercice de son droit à agir en justice.

La salariée a obtenu gain de cause même partiel, en sorte qu’aucun abus du droit d’ester en justice n’est avéré. Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu’il a débouté la société de sa demande de dommages et intérêts à ce titre.

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

La société succombant sera condamnée aux entiers dépens de l’appel. Elle sera en conséquence déboutée de sa demande d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

L’équité commande de faire bénéficier la salariée de ces mêmes dispositions et de condamner la société à lui verser une indemnité complémentaire de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Statuant contradictoirement et publiquement par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions de l’article 450 du code de procédure civile ;

Dans la limite de la dévolution,

INFIRME le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Mme [U] de sa demande en paiement de la prime d’objectif de la période 2016/2017 et en ce qu’il a condamné la société Amoena à verser à Mme [U] la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

Statuant à nouveau dans cette limite,

CONDAMNE la société Amoena à verser à Mme [U] la somme de 19 406,64 euros au titre de la prime d’objectifs pour la période 2016/2017 ;

DÉBOUTE Mme [U] de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

RAPPELLE que les sommes allouées par la cour sont exprimées en brut ;

CONFIRME le jugement entrepris sur le surplus,

Y ajoutant,

CONDAMNE la société Amoena à verser à Mme [U] la somme complémentaire de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société Amoena aux entiers dépens de l’appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


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