Constitution d’avocat : décision du 9 novembre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/10050

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Constitution d’avocat : décision du 9 novembre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/10050
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Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 3

ARRET DU 09 NOVEMBRE 2023

(n° , 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/10050 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDYIT

Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Avril 2021 – Juge des contentieux de la protection de PARIS – RG n° 11-20-4203

APPELANT

Monsieur [M] [V]

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représenté et assisté par Me Laurent HAY, avocat au barreau de PARIS, toque C0916

INTIMEE

Madame [B] [O] épouse [I]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée et assistée par Me Valentin BOURON, avocat au barreau de VAL DE MARNE, toque 107

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 29 Septembre 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Aurore DOCQUINCOURT, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

François LEPLAT, président

Anne-Laure MEANO, président

Aurore DOCQUINCOURT, conseiller

Greffier, lors des débats : Mme Joëlle COULMANCE

ARRET :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Anne-Laure MEANO au lieu et place de François LEPLAT, Président de chambre et par Joëlle COULMANCE, Greffière présente lors de la mise en disposition.

*****

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte sous seing privé en date du 5 mars 1985, M. [L] [A] donnait à bail à M. [M] [V], un studio sis [Adresse 4], moyennant un loyer mensuel de 2000 francs.

Par acte d’huissier de justice en date du 19 mars 2018, M. [M] [V] a assigné Mme [E] [O], venant aux droits de M. [L] [A], devant le juge des référés du tribunal d’instance du 18ème arrondissement de Paris, afin de désigner un expert, au regard des désordres allégués par le locataire.

Par ordonnance de référé du 18 mai 2018, le président du tribunal d’instance de Paris faisait droit à la demande d’expertise sollicitée par M. [M] [V], et désignait M. [Y] [T], avec notamment pour mission d’examiner les désordres allégués et d’estimer les travaux nécessaires à la réfection et à la remise en état des locaux loués.

M. [Y] [T] déposait son rapport d’expertise le 26 novembre 2018.

Par acte d’huissier de justice du 28 février 2020, M. [M] [V] a assigné Mme [E] [A] veuve [O] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris afin de :

– condamner Mme [E] [A], veuve [O] à réaliser les travaux à dire d’expert pour permettre aux locaux d’être à nouveau habitables, sous astreinte de 100 euros par jour,

– dispenser M. [M] [V] du paiement des loyers jusqu’à la réalisation des travaux permettant de rendre à nouveau les locaux litigieux habitables.

– condamner Mme [E] [A], veuve [O], à payer à M. [M] [V], sous le bénéfice de l’exécution provisoire :

– la somme de 23.350 euros, au titre des loyers acquittés pour la période de novembre

2014 à décembre 2018 inclus,

– la somme de 2.857 euros, au titre du coût du remplacement des fenêtres,

– la somme de 63.702 euros au titre de la moitié des frais d’hébergement exposés par le requérant de novembre 2014 à décembre 2018,

– la somme de 10.000 euros de dommages-intérêts pour trouble de jouissance,

– la somme de 2.540 euros au titre des frais de déménagement et garde meubles pendant les travaux à réaliser,

– la somme de 2.013.25 euros au titre des travaux de désengorgement de la canalisation obstruée,

– la somme de 360 euros au titre du procès-verbal de constat,

– la somme de 1471.50 euros au titre des frais et honoraires d’expertise supportés par le requérant.

– la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

A l’audience du 9 février 2021, Mme [B] [O], épouse [I], venant régulièrement aux droits de Mme [E] [A] veuve [O], représentée par son avocat, demande au tribunal de débouter M. [M] [V] de toutes ses demandes et, demande, à titre reconventionnel de :

– prononcer la résiliation du bail d’habitation qui lui a été consenti le 5 mars 1985,

– ordonner l’expulsion de M. [M] [V] des lieux qu’il occupe au [Adresse 4], ainsi que tous occupants de son chef, en la forme ordinaire, et avec l’assistance du commissaire de police et de la force publique, si besoin est, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, à compter du prononcé de la décision, et jusqu’au jour de la libération complète des lieux,

– ordonner le séquestre des meubles et objets mobiliers garnissant les lieux en tel garde meubles qu’il plaira au tribunal de désigner, aux frais risques et périls de M. [M] [V]

– condamner M. [M] [V] à verser à Mme [B] [I] la somme de 5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Par jugement contradictoire entrepris du 9 avril 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris a ainsi statué :

Déboute M. [M] [V] de sa demande de réalisation de travaux ;

Déboute M. [M] [V] de sa demande en paiement de la somme de 23.350 euros, au titre des loyers acquittés pour la période de novembre 2014 à décembre 2018 inclus,

Déboute M. [M] [V] de sa demande en paiement de la somme de 2.857 euros, au titre du coût du remplacement des fenêtres,

Déboute M. [M] [V] de sa demande en paiement de la somme de 63.702 euros au titre de la moitié des frais d’hébergement exposés par le requérant de novembre 2014 à décembre 2018,

Déboute M. [M] [V] de sa demande en paiement de la somme de 2.540 euros au titre des frais de déménagement et garde meubles pendant les travaux à réaliser,

Déboute M. [M] [V] de sa demande en paiement de la somme de 2.013,25 euros au titre des travaux de désengorgement de la canalisation obstruée ;

Condamne Mme [B] [O] à verser à M. [M] [V] la somme de 6.310 euros de dommages-intérêts, pour préjudice de jouissance ;

Prononce la résiliation du bail d’habitation consenti le 5 mars 1985 à M. [M] [V] ;

Autorise, à défaut de départ volontaire des lieux, Mme [B] [O] à faire procéder à l’expulsion de M. [M] [V], ainsi que de tout occupant de son chef, avec l’assistance d’un serrurier et de la force publique si nécessaire, passé le délai de deux mois suivant la délivrance d’un commandement d’avoir à libérer les lieux, conformément aux dispositions des articles L. 412-1 et suivants. R. 411-1 et suivants, R. 412-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution ;

Dit que le sort des meubles sera régi conformement aux dispositions des articles L. 433-1 et L.433-2 du code des procédures civiles d’exécution ;

Dit que les dépens seront partagés par moitié entre Mme [B] [O] et M. [M] [V], en ce compris les frais d’expertise d’un montant de 1.471.50 euros et le procès-verbal de constat du 29 août 2017 d’un montant de 360 euros ;

Dit n’y avoir lieu à condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Rejette toutes autres ou surplus de demande ;

Ordonne l’exécution provisoire.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Vu l’appel interjeté le 28 mai 2021 par M. [M] [V]

Vu les conclusions remises au greffe le 21 décembre 2021 par lesquelles M. [M] [V] demande à la cour de :

Réformer le jugement dont appel en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau,

Condamner Mme [B] [O] épouse [I] à payer à M. [V] :

– 23.350 euros au titre des loyers acquittés pour la période de novembre 2014 à décembre 2018 inclus (sauf compte à parfaire)

– 63.702 euros au titre de la moitié des frais d’hébergement exposés par le concluant de novembre 2014 à décembre 2018, et subsidiairement à hauteur de 40.352 euros

– 10.000 euros à titre de dommages-intérêts pour troubles de jouissance,

– 48.000 euros à titre de dommages-intérêts pour privation du logement suite à l’expulsion entreprise à ses risques et périls par Mme [B] [O] épouse [I] en exécution du jugement de première instance,

– 2.540 euros au titre des frais de déménagement et garde-meuble,

– 2.013,25 euros au titre des travaux de désengorgement de la canalisation obstruée,

– 360 euros au titre du procès-verbal de constat,

– 1.471,50 euros au titre des frais et honoraires d’expertise supportés par le concluant,

Dire Mme [B] [O] épouse [I] mal fondée en toutes ses demandes, fins et écritures, l’en débouter,

Dire, conformément aux préconisations de l’expert, que M. [M] [V] devait être dispensé du paiement du loyer jusqu’à réalisation des travaux permettant de rendre à nouveau les locaux litigieux habitables, et dire qu’en conséquence Mme [B] [O] épouse [I] devra rembourser à M. [M] [V] les loyers perçus à compter du 1er janvier 2019 jusqu’à la date du 31 décembre 2021 (terme 4ème trimestre 2021 payé d’avance même si l’expulsion est intervenue le 20 octobre 2021),

Dire mal fondée Mme [B] [O] épouse [I] en sa demande de résiliation du bail, ainsi qu’en toutes ses autres demandes, l’en débouter,

Condamner Mme [B] [O] épouse [I] au paiement d’une somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

La condamner aux entiers dépens de l’instance, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile, directement par Maître Laurent HAY, avocat.

Vu les conclusions remises au greffe le 11 octobre 2021 au terme desquelles Mme [B] [O] épouse [I] demande à la cour de :

Confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a :

– Condamné Mme [B] [O] épouse [I] à verser à M. [M] [V] la somme de 6.310 euros de dommages-intérêts pour préjudice de jouissance,

– Dit que les dépens seront partagés par moitié entre Mme [B] [O] et M. [M] [V], en ce compris les frais d’expertise d’un montant de 1.471,50 euros et le procès-verbal de constat du 29 août 2017 d’un montant de 360 euros,

– Dit n’y avoir lieu à condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Et, statuant à nouveau :

Dire et juger M. [M] [V], mal fondé en toutes ses demandes, fins et conclusions,

L’en débouter purement et simplement,

Condamner M. [M] [V] à verser à Mme [B] [O] épouse [I], venant aux droits de Mme [E] [O], la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamner M. [M] [V] aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Vu les dernières conclusions remises au greffe le 4 juillet 2023 au terme desquelles Mme [B] [O] épouse [I] maintient l’intégralité de ses demandes.

Vu l’ordonnance de clôture du 6 juillet 2023,

Vu les dernières conclusions remises au greffe le 12 août 2023 par lesquelles M. [M] [V] demande à la cour de :

Rejeter les écritures tardives de Mme [B] [O] épouse [I] du 4 juillet 2023,

A titre subsidiaire, si la Cour n’entendait pas rejeter les écritures tardives de Mme [B] [O] épouse [I] du 4 juillet 2023, prononcer le rabat de l’ordonnance de clôture intervenue le 6 juillet 2023,

Réformer le jugement dont appel, et statuant à nouveau,

Condamner Mme [B] [O] épouse [I] à payer à M. [V] :

– 23.350 euros au titre des loyers acquittés pour la période de novembre 2014 à décembre 2018 inclus (sauf compte à parfaire)

– 63.702 euros au titre de la moitié des frais d’hébergement exposés par le concluant de novembre 2014 à décembre 2018, et subsidiairement à hauteur de 40.352 euros,

– 10.000 euros à titre de dommages-intérêts pour troubles de jouissance,

– 48.000 euros à titre de dommages-intérêts pour privation du logement suite à l’expulsion entreprise à ses risques et périls par Mme [B] [O] épouse [I] en exécution du jugement de première instance,

– 2.540 euros au titre des frais de déménagement et garde-meuble,

– 2.013,25 euros au titre des travaux de désengorgement de la canalisation obstruée,

– 360 euros au titre du procès-verbal de constat,

– 1.471,50 euros au titre des frais et honoraires d’expertise supportés par le concluant,

Dire Mme [B] [O] épouse [I] mal fondée, en son appel incident tendant à voir réformer la décision de première instance qui a alloué à M. [M] [V] des dommages-intérêts pour privation de jouissance à hauteur de 70% du montant du loyer pour la période du 19 mars 2013 au 28 octobre 2014, l’en débouter et confirmer la décision dont appel sur ce point,

D’une façon générale la dire mal fondée en toutes ses demandes, fins et écritures ; l’en débouter.

Dire, conformément aux préconisations de l’expert, que M. [M] [V] devait être dispensé du paiement du loyer jusqu’à réalisation des travaux permettant de rendre à nouveau les locaux litigieux habitables, et condamner en conséquence Mme [B] [O] épouse [I] à rembourser à M. [M] [V] les loyers perçus à compter du 1er janvier 2019 jusqu’à la date du 31 décembre 2021 (terme 4ème trimestre 2021 payé d’avance même si l’expulsion est intervenue le 20 octobre 2021),

Dire mal fondée Mme [B] [O] épouse [I] en sa demande de résiliation du bail, ainsi qu’en toutes ses autres demandes, l’en débouter,

Condamner Mme [B] [O] épouse [I] au paiement d’une somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

La condamner aux entiers dépens de l’instance, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile, directement par Maître Laurent HAY, avocat.

Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, la cour, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions remises au greffe et au jugement déféré.

MOTIFS DE LA DÉCISION

L’expulsion de M. [V], qui ne résidait plus dans les lieux loués depuis le 28 octobre 2014, a eu lieu le 20 octobre 2021.

1 – Sur la révocation de l’ordonnance de clôture et l’admission des dernières écritures de Mme [I]

Selon l’article 803 du code de procédure civile : “L’ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s’il se révèle une cause grave depuis qu’elle a été rendue ; la constitution d’avocat postérieurement à la clôture ne constitue pas, en soi, une cause de révocation.

Si une demande en intervention volontaire est formée après la clôture de l’instruction, l’ordonnance de clôture n’est révoquée que si le tribunal ne peut immédiatement statuer sur le tout.

L’ordonnance de clôture peut être révoquée, d’office ou à la demande des parties, soit par ordonnance motivée du juge de la mise en état, soit, après l’ouverture des débats, par décision du tribunal.”

En l’espèce, le conseil de Mme [I] a conclu le 11 octobre 2021 et le conseil de M.[V] a conclu en réponse le 21 décembre 2021.

Ce n’est que l’avant- veille de la clôture, soit le 4 juillet 2023 à 11 heures 44, que Mme [I] a conclu en réplique, alors qu’elle disposait de plus d’un an et demi pour le faire depuis les dernières écritures adverses, que l’avis de fixation date du 26 avril 2023 et que le litige est pendant devant la cour depuis plus de 2 ans.

Les éléments communiqués par les parties ne révèlent aucune cause grave justifiant que l’ordonnance de clôture soit révoquée, et la cour rejettera en conséquence cette demande.

Il convient de juger que les conclusions de l’intimée, notifiées le 4 juillet 2023 à 11 heures 44 pour une clôture intervenue le surlendemain 6 juillet 2023 à 9 heures, sont tardives ; il y a donc lieu de ne pas les admettre aux débats au regard du principe de la contradiction et des articles 15 et 16 du code de procédure civile, de même que la pièce complémentaire n°22 communiquée le même jour.

En conséquence, la cour statuera sur les écritures suivantes :

– conclusions de M. [V] notifiées le 21 décembre 2021 ;

– conclusions de Mme [I] notifiées le 11 octobre 2021.

2 – Sur les demandes formées devant le premier juge

2-1 Les demandes de M. [V]

2-1-1 La prescription des demandes

Le bail du 5 mars 1985 est soumis aux dispositions du code civil, ce qui n’est pas contesté.

Selon l’article 2224 du code civil, ‘les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer’.

En l’espèce, la première assignation aux fins d’expertise signifiée par M. [V] à sa bailleresse date du 13 avril 2017, même s’il en a été débouté par ordonnance du 28 juillet 2017.

Il en résulte que les demandes de M. [V] sont recevables à compter du 13 avril 2012.

2-1-2 La demande en paiement au titre des travaux de désengorgement de la canalisation obstruée

La facture acquittée par M. [V] date du 27 octobre 2012, elle n’est donc pas prescrite.

Toutefois, son objet constitue une réparation locative à la charge du locataire selon le décret n°87-712 du 26 août 1987 qui vise le ‘dégorgement des canalisations d’eau’.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [V] de sa demande en paiement à ce titre.

2-1-3 Sur les demandes en paiement des loyers acquittés pour la période de novembre 2014 à décembre 2018 inclus et de la moitié des frais d’hébergement exposés sur la même période

M. [V] expose avoir été contraint de quitter son studio en raison des travaux de remplacement de conduits en fonte de l’immeuble ayant engendré des poussières de ciment et des gravats, et ajoute ne pas l’avoir réintégré car les travaux de finition n’avaient jamais été terminés après le remplacement des deux conduits en fonte.

Ainsi que l’a relevé avec pertinence le premier juge, il ressort toutefois du rapport d’expertise que si l’intervention de la copropriété pour remplacer les deux canalisations en fonte de l’immeuble en octobre 2014 a été de nature à occasionner une gêne et des nuisances aux occupants de l’immeuble, il n’est pas établi que ces travaux ont engendré l’inhabitabilité des lieux loués à compter de cette date, l’expert relevant que les autres logements avaient continué à être occupés malgré ces travaux.

Surtout, la bailleresse justifie avoir proposé dès le 16 février 2015 la réalisation de travaux de réfection dans le logement. M. [V] y a répondu le 25 août 2015 qu’il y avait ‘des travaux à faire [qu’il] réclamait à juste titre depuis 30 ans’, mais qu’il fallait que la bailleresse ‘patiente encore un peu’ avant de le rencontrer, ajoutant qu’il était un ‘ennemi du téléphone’, qu’il qualifiait ‘d’agresseur sonore’.

Dans une annexe à la lettre de saisine du conciliateur du 4 août 2015, M. [V] indique que la bailleresse lui ‘ a fait savoir par répondeur qu’elle veut faire des travaux’, ajoutant que ‘la situation se retourne contre [lui]’, qu’il ‘retarde le moment de la rencontrer non seulement parce [qu’il est] dans l’incapacité physique et mentale de l’entendre et de la voir, mais aussi parce qu’il ‘a besoin d’une autorité juridique pour lui faire reconnaître sa responsabilité et imposer ses obligations’, ajoutant qu’il va’quitter l’appartement dès que possible, non seulement parce que les travaux de restauration complète sont trop importants mais parce [qu’il] ne peut plus accepter de tels propriétaires’.

Dans un nouveau courrier du 9 février 2016, il écrit : ‘vous voulez réaliser les installations d’aération, pour le moment ces travaux ne peuvent pas être exécutés’, alors qu’aucune saisine judiciaire aux fins d’expertise n’a encore été initiée par lui, et ne le sera que plus d’un an plus tard.

M. [V] écrit encore au service technique de l’habitat de la mairie de [Localité 6] le 30 mars 2017: ‘actuellement je ne vis pas dans l’appartement, les travaux pour l’installation du système d’aération ont donc perdu leur caractère d’obligation urgente’.

La bailleresse a quant à elle réitéré ses demandes d’effectuer les travaux par courrier du 10 octobre 2017, puis par courriers de son conseil des 4 décembre 2018, 9 janvier et 30 septembre 2019 et 5 février 2020, dans lesquels elle propose de réaliser l’intégralité des travaux préconisés par l’expert ; M. [V] n’y donnera pas suite.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que les lieux n’étaient pas inhabitables en octobre 2014, et que la décision de M. [V] de quitter le logement n’est pas imputable à la bailleresse, laquelle a proposé depuis le 16 février 2015 d’effectuer des travaux que M. [V] n’a eu de cesse de retarder voire de refuser.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [V] de ses demandes de restitution des loyers et de paiement de la moitié des frais d’hébergement exposés pour la période de novembre 2014 à décembre 2018.

2-1-4 Les dommages et intérêts au titre du préjudice de jouissance

En vertu de l’article 1719 du code civil, ‘le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu’il soit besoin d’aucune stipulation particulière :

1° De délivrer au preneur la chose louée et, s’il s’agit de son habitation principale, un logement décent. Lorsque des locaux loués à usage d’habitation sont impropres à cet usage, le bailleur ne peut se prévaloir de la nullité du bail ou de sa résiliation pour demander l’expulsion de l’occupant ;

2° D’entretenir cette chose en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée ;

3° D’en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail (…)’.

L’article 1720 dispose que ‘le bailleur est tenu de délivrer la chose en bon état de réparations de toute espèce.

Il doit y faire, pendant la durée du bail, toutes les réparations qui peuvent devenir nécessaires, autres que les locatives’.

Ainsi que l’a rappelé à juste titre le premier juge, l’obligation de délivrance du bailleur est une obligation de résultat qui ne nécessite pas d’apporter la preuve d’une faute du bailleur ou d’un défaut de diligences.

En l’espéce, le rapport d’expertise déposé le 26 novembre 2018 relève les désordres suivants dans le logement :

– l’absence d’un système de ventilation efficace et règlementaire,

– des traces de moisissures sur les murs,

– un décollement du carrelage du plan de travail de la cuisine,

– des peintures vétustes et en partie décapées,

– une évacuation de l’évier à contrepente,

– des appareils sanitaires encrassés.

L’expert énumère les origines de ces désordres :

– non conformité des lieux pour le système de ventilation et l’évacuation de l’évier (contrepente),

– vétusté des peintures du studio, du plâtre dans la salle d’eau et du plan de travail de la cuisine,

– moisissure occasionnée par un phénomène de pont thermique,

– non finition des travaux lors du remplacement des deux canalisations en fonte de l’immeuble

(raccord ciment encore apparent),

– sinistre dégat des eaux en plafond de la douche,

– appareils sanitaires inutilisables car encrassés du fait de l’inoccupation du studio depuis octobre 2014.

Le premier juge relève à juste titre que, si l’inoccupation des lieux depuis octobre 2014 ayant rendu le logement inhabitable n’est pas imputable à la bailleresse, la vétusté des revêtements et l’absence d’un système de ventilation efficace et règlementaire ayant engendré l’humidité dans le studio relèvent de l’obligation de délivrance d’un logement décent de la bailleresse.

Il en résulte que M. [V] est fondé à obtenir la réparation du préjudice de jouissance subi entre le 13 avril 2012, date au delà de laquelle l’action du locataire est prescrite, et le 16 février 2015, date à laquelle la bailleresse a proposé des travaux de reprise au locataire qui les a différés puis refusés.

Au regard des désordres constatés, il convient d’évaluer le préjudice de jouissance à 60% du loyer du 13 avril 2012 au 16 février 2015, soit 1041 jours.

Le loyer mensuel s’élevait à 467 euros selon le rapport d’expertise, soit 15,57 euros par jour.

Il en résulte que le préjudice de jouissance sera évalué à la somme de :

(15,57 x 1041) x 60% = 9725 euros.

En conséquence, il convient de condamner Mme [O] épouse [I] à payer à M. [V] la somme de 9725 euros en réparation du préjudice de jouissance subi entre le 13 avril 2012 et le 16 février 2015, infirmant le jugement entrepris sur ce point.

2-1-5 Les frais de déménagement et de garde meubles

Dans ses écritures, M. [V] reconnaît que, du fait de l’expulsion, sa demande de réalisation de travaux sous astreinte est devenue sans objet. Il maintient en revanche sa demande de prise en charge de son déménagement et de garde-meubles.

Il ne saurait être fait droit à cette demande, destinée à la prise en charge des frais de stockage de ses biens en garde-meubles durant les travaux à effectuer dans l’appartement, alors qu’aucuns travaux ne saurait plus avoir lieu du fait de l’expulsion du 20 octobre 2021, outre que M. [V] s’est refusé à laisser effectuer les travaux dans son logement depuis le 16 février 2015.

Il convient dès lors de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [V] de sa demande à ce titre.

2-2 La demande de résiliation du bail formée par la bailleresse

Selon l’article 1728 du code civil, ‘le preneur est tenu de deux obligations principales :

1° D’user de la chose louée raisonnablement, et suivant la destination qui lui a été donnée par le bail, ou suivant celle présumée d’après les circonstances, à défaut de convention ;

2° De payer le prix du bail aux termes convenus’.

En vertu de l’article 1729, ‘si le preneur n’use pas de la chose louée raisonnablement ou emploie la chose louée à un autre usage que celui auquel elle a été destinée, ou dont il puisse résulter un dommage pour le bailleur, celui-ci peut, suivant les circonstances, faire résilier le bail’.

En l’espèce, M. [V] ne réside plus dans les lieux loués depuis le 28 octobre 2014, et l’expert a indiqué que c’est l’inoccupation des lieux pendant 4 ans qui a rendu le studio inhabitable.

Ainsi qu’il a été jugé plus haut, il n’a eu de cesse, depuis le 16 février 2015, de différer, puis de refuser les travaux proposés par la bailleresse pour remettre en état le studio.

Il en résulte qu’en n’occupant plus le logement depuis le 28 octobre 2014 et en ne permettant pas à la bailleresse d’effectuer les travaux de remise aux normes à compter du 16 février 2015, M. [V] n’a pas usé de la chose louée raisonnablement, et a occasionné l’inhabitabilité des lieux, ce qui justifie de prononcer la résiliation du bail et d’ordonner son expulsion, confirmant le jugement entrepris sur ce point.

3 – Sur les autres demandes de M. [V] devant la cour

3-1 La demande de dommages et intérêts pour privation du logement suite à l’expulsion

Ainsi qu’il a été jugé plus haut, la résiliation du bail et l’expulsion ont été confirmées, de sorte qu’il n’y a pas lieu d’octroyer des dommages et intérêts du fait de l’exécution de la décision de première instance confirmée sur ces points.

Il convient dès lors de débouter M. [V] de sa demande de ce chef.

3-2 La dispense de paiement du loyer jusqu’à la réalisation de travaux et le remboursement des loyers perçus à compter du 1er janvier 2019 et jusqu’au 31 décembre 2021

La résiliation du bail étant confirmée, ainsi que l’expulsion, qui a eu lieu, il ne saurait être prononcé de dispense de paiement des loyers jusqu’à la réalisation de travaux que M. [V] n’a eu de cesse de retarder puis de refuser au demeurant. Pour les mêmes raisons, il n’y a pas lieu à remboursement des loyers perçus jusqu’à l’expulsion, ceux-ci étant dus puisque les lieux n’étaient pas libérés jusqu’alors par la remise des clefs.

Il convient dès lors de débouter M. [V] de sa demande de ce chef.

4 – Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

Chaque partie succombant partiellement en ses prétentions, il convient de confirmer la décision entreprise s’agissant du partage des dépens, incluant le procès-verbal de constat de 360 euros et les frais d’expertise de 1471,50 euros, et s’agissant de l’absence de condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Il convient pour le même motif de partager les dépens d’appel par moitié et de dire n’y avoir lieu à condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile en appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Dit n’y avoir lieu à révocation de l’ordonnance de clôture du 6 juillet 2023,

Ecarte des débats les conclusions d’intimée et d’appel incident n°2 de Mme [B] [O] épouse [I] notifiées le 4 juillet 2023 à 11 heures 44 et la pièce complémentaire n°22 communiquée le même jour,

Confirme, en ses dispositions frappées d’appel, le jugement entrepris, sauf sur le quantum du préjudice de jouissance,

Et statuant à nouveau,

Condamne Mme [B] [O] épouse [I] à payer à M. [M] [V] la somme de 9725 euros en réparation du préjudice de jouissance subi entre le 13 avril 2012 et le 16 février 2015,

Et y ajoutant,

Déboute M. [M] [V] de ses demandes de dommages et intérêts pour privation du logement suite à l’expulsion, et de dispense du paiement du loyer jusqu’à la réalisation des travaux et de remboursement des loyers perçus à compter du 1er janvier 2019 jusqu’à la date du 31 décembre 2021,

Dit n’y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Dit que les dépens d’appel seront partagés par moitié entre Mme [B] [O] épouse [I] et M. [M] [V],

Rejette toutes autres demandes.

La Greffière Pour le Président empêché

 


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