Constitution d’avocat : décision du 8 février 2024 Tribunal judiciaire de Marseille RG n° 22/09646

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Constitution d’avocat : décision du 8 février 2024 Tribunal judiciaire de Marseille RG n° 22/09646
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TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

TROISIEME CHAMBRE CIVILE – SECTION B

JUGEMENT N°

Enrôlement : N° RG 22/09646 – N° Portalis DBW3-W-B7G-2QYC

AFFAIRE :

M. [K] [W] (Maître [D] [O] de la SELARL [5])
C/
Organisme POLE EMPLOI

Rapport oral préalablement fait

DÉBATS : A l’audience Publique du 23 Novembre 2023

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré

Président : Monsieur Alexandre BERBIEC, Juge

Greffier : Madame Sylvie PLAZA, lors des débats

A l’issue de laquelle, la date du délibéré a été fixée au : 08 Février 2024

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 08 Février 2024

PRONONCE en audience publique par mise à disposition au greffe le 08 Février 2024

Par Monsieur Alexandre BERBIEC, Juge

Assisté de Madame Sylvie PLAZA, Greffier

NATURE DU JUGEMENT

réputée contradictoire et en premier ressort

NOM DES PARTIES

DEMANDEUR

Monsieur [K] [W], technicien bureautique
né le 27 Février 1961 à MARSEILLE, de nationalité française
demeurant [Adresse 4]

représenté par Maître Julien BERNARD de la SELARL LESCUDIER & ASSOCIES, avocats au barreau de MARSEILLE

C O N T R E

DEFENDEUR

POLE EMPLOI
Etablissement public administratif
dont le siège social est sis [Adresse 2], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

défaillant

EXPOSE DU LITIGE :

Par courrier reçu au greffe du Tribunal judiciaire de MARSEILLE le 3 octobre 2022, Monsieur [K] [W] a déclaré former opposition à contrainte n°22022632402 du POLE EMPLOI.

Par courrier du 4 novembre 2022, le secrétariat du Tribunal a informé le POLE EMPLOI de MARSEILLE de l’instance en cours. Ce courrier a été reçu le 8 novembre 2022 par le POLE EMPLOI.

Au terme de ses conclusions notifiées via le Réseau Privé Virtuel des Avocats le 15 novembre 2023, Monsieur [K] [W] sollicite, au visa des articles R. 5426-21 et L. 5422-2 du code du travail, 1240 et 1343-5 du code civil, de voir :

– annuler la contrainte signifiée par Pôle emploi à Monsieur [K] [W] le 16 septembre 2022 ;
– juger en tout état de cause que l’action en recouvrement de POLE EMPLOI à l’encontre de Monsieur [K] [W] est irrecevable car prescrite ;
– rejeter l’action en recouvrement de POLE EMPLOI à l’encontre de Monsieur [K] [W] ;
– subsidiairement, juger que la dette de Monsieur [K] [W] à l’égard de POLE EMPLOI est limitée à la somme de 19.693,18 €,
– prononcer l’effacement total de sa dette envers POLE EMPLOI,
– très subsidiairement, échelonner le paiement des sommes qui seraient dues par Monsieur [K] [W], en application des dispositions de l’article 1343-5 du code civil ;
– condamner POLE EMPLOI à payer à Monsieur [K] [W] la somme de 2.200 €, en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile;
– débouter POLE EMPLOI du surplus de ses demandes et le condamner, enfin, à supporter les entiers dépens, qui seront distraits au profit de la SELARL LESCUDIER & Associés, avocat en la cause, qui y a pourvu (articles 696 et 699 du code de procédure civile).

Au soutien de ses prétentions, Monsieur [K] [W] affirme que la notification de la contrainte comporte une mention erronée, en ce que l’adresse indiquée pour le Tribunal judiciaire de MARSEILLE est « [Adresse 3] », alors que l’adresse du greffe du Tribunal pour former opposition se trouve [Adresse 1] ». La contrainte est donc nulle.
La contrainte a été signifiée le 16 septembre 2022. Le POLE EMPLOI ne pouvait donc mettre en recouvrement que les sommes postérieures au 16 septembre 2019, au titre de la prescription triennale de l’article L5422-5 du code du travail. Seule la somme de 19.693,18 € pouvait donc être recouvrée.
Par ailleurs, le POLE EMPLOI a commis une faute en ne réétudiant pas en trois ans les droits du demandeur, de sorte qu’il est contraint de régler la somme de 26.409,71 € (qui devra être ramenée à 19.693,18 €, au regard des montants prescrits). Cette faute engendre donc le préjudice d’un paiement auquel est tenu Monsieur [K] [W], de sorte qu’il convient de rejeter les demandes du POLE EMPLOI.
Le demandeur, qui a de faibles ressources, sollicite éventuellement un effacement total ou partie de sa dette.
Très subsidiairement, il sollicite que les plus larges délais de paiement lui soient accordés.

Le POLE EMPLOI, malgré notification par le greffe du Tribunal de l’instance en cours, notification à sa personne dans les conditions de l’article 670 du code de procédure civile, n’a pas constitué avocat.

Au-delà de ce qui a été repris pour les besoins de la discussion et faisant application, en l’espèce, des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, le Tribunal entend se référer pour l’exposé plus ample des moyens et prétentions du demandeur à la lecture de l’assignation.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur la procédure :

En application de l’article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, le juge ne faisant droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée.

Sur la charge de la preuve :

Il y a lieu de rappeler que, s’agissant d’opposition à contrainte de POLE EMPLOI, il incombe à l’opposant de rapporter la preuve du mal-fondé des sommes visées à la contrainte (voir par exemple en ce sens C. cass., ch. civ. 2, 19 décembre 2013, 12-28.075 ; C. cass., ch. soc., 09 décembre 1993, n°91-11.402).

C’est à ce titre que Monsieur [K] [W], opposant à la contrainte, est demandeur à la procédure sur opposition. L’absence de constitution d’avocat de la part du POLE EMPLOI, si elle conduit le Tribunal à statuer sur les seuls éléments fournis par Monsieur [K] [W], ne conduit donc pas pour autant au rejet pur et simple des sommes visées par la contrainte.

Sur la nullité de la contrainte :

Monsieur [K] [W] opère dans ses conclusions une confusion. Dans le dispositif de ses conclusions, il sollicite de voir annuler la contrainte, mais dans les motifs tendant à cette annulation, il fait valoir que la signification de cette contrainte est irrégulière.

Il y a lieu de rappeler que la contrainte est un acte juridique, tandis que la signification est la manière dont cet acte juridique est porté à la connaissance de la personne concernée. Le demandeur confond ici le message, d’une part, et le mode de transmission du message, d’autre part.

Monsieur [K] [W] ne peut donc valablement solliciter la nullité d’une contrainte, en invoquant une prétendue irrégularité qui est extérieure à cette contrainte.

Au surplus et à titre surperfétatoire, le demandeur fait valoir que la signification du 16 septembre 2022 est irrégulière en ce qu’elle mentionne une adresse située au « [Adresse 3] » concernant le Tribunal de MARSEILLE, afin de former opposition.
Or, il s’agit bien de l’adresse du Tribunal compétent pour statuer sur l’opposition : aucune irrégularité n’existe de ce chef.

Monsieur [K] [W] sera débouté de sa prétention tendant à l’annulation de la contrainte litigieuse.

Sur la faute du POLE EMPLOI :

Le demandeur démontre insuffisamment la faute du POLE EMPLOI. Il incombe à tout bénéficiaire des allocations de retour à l’emploi de communiquer le plus rapidement possible au POLE EMPLOI, toute information sur ses changements d’emploi. Monsieur [K] [W], qui a volontairement quitté son emploi en 2019, a attendu une interrogation du POLE EMPLOI en 2022, afin de l’informer de cet état de fait.

Si Monsieur [K] [W] fait état d’un arrêt de la Cour d’appel de GRENOBLE, 1ère civ., 14 décembre 2021, n°19/04913, il y a lieu de relever que dans le cas d’espèce, le bénéficiaire des allocations indues avait informé en temps voulu le POLE EMPLOI du changement dans sa situation et il était établi que le POLE EMPLOI n’avait pas tenu compte de cette information.

Cette situation n’est donc pas comparable à celle de Monsieur [K] [W] qui, lui, n’a informé le POLE EMPLOI qu’à la demande de celui-ci et trois ans après les faits.

Il y n’y a donc pas lieu de rejeter les sommes dues au POLE EMPLOI au titre de la faute de celui-ci.

Sur la prescription des sommes dues :

Monsieur [K] [W] contredit ses prétentions dans ses motifs. Il sollicite à titre principal de déclarer l’action du POLE EMPLOI prescrite, tout en reconnaissant dans ses motifs qu’en cas d’application de la prescription, la somme de 19.693,18 € est due. Il n’y a donc pas lieu de déclarer prescrites en intégralité les sommes réclamées.

En revanche, le demandeur invoque la prescription triennale de l’article L5422-5 du code du travail. POLE EMPLOI, cité à sa personne, n’a pas constitué avocat, afin de démontrer que la prescription ne serait pas acquise pour les sommes antérieures au 16 septembre 2019.

Il y a donc lieu de limiter les sommes dues par Monsieur [K] [W] à 19.693,18 €.

Sur l’effacement de dette de Monsieur [K] [W] :

Le code du travail ne confère pas au Tribunal statuant sur opposition à contrainte le pouvoir d’effacer en tout ou partie pour des motifs d’équité (ni pour d’autres motifs) les sommes dues par le débiteur de cette contrainte. Cette prétention sera rejetée.

Sur le rééchelonnement des sommes dues :

L’article 1343-5 du code civil permet au juge de rééchelonner la dette du débiteur dans un délai maximal de vingt-quatre mois.

Monsieur [K] [W] est redevable de la somme de 19.693,18 €. Il indique bénéficier d’un reste à vivre de 402,88 € par mois.

Il convient d’autoriser Monsieur [K] [W] à s’acquitter de la somme due par versements mensuels de 402,88 € par mois, le solde devant être versé le vingt-quatrième mois.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile :

Il y a lieu de condamner POLE EMPLOI, qui n’a pas constitué avocat et qui succombe partiellement aux demandes de Monsieur [K] [W], aux entiers dépens.

La condamnation aux dépens sera assortie du droit pour la SELARL LESCUDIER & Associés, avocat de Monsieur [K] [W] de recouvrer directement contre POLE EMPLOI ceux des dépens dont il a fait l’avance sans avoir reçu provision.

Il y a lieu de condamner POLE EMPLOI à verser à Monsieur [K] [W] la somme de 2.200 €, au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Sur l’exécution provisoire :

L’article 514 du code de procédure civile dispose que « les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement. »

La présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire.

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal, statuant publiquement par mise à disposition de la décision au greffe après débats en audience publique, par jugement réputé contradictoire, rendu en premier ressort :

DEBOUTE Monsieur [K] [W] de sa demande d’annulation de la contrainte à lui signifiée le 16 septembre 2022 ;

DECLARE prescrites les sommes visées par ladite contrainte pour la période antérieure au 16 septembre 2019 ;

LIMITE, par application de la prescription, les sommes dues par Monsieur [K] [W] à dix-neuf mille six cent quatre-vingt-treize euros et dix-huit centimes (19.693,18 €) ;

DEBOUTE Monsieur [K] [W] de sa prétention tendant au rejet des sommes dues au titre de la faute du POLE EMPLOI ;

DEBOUTE Monsieur [K] [W] de sa prétention tendant à l’effacement des sommes dues ;

AUTORISE Monsieur [K] [W] à se libérer de la somme de dix-neuf mille six cent quatre-vingt-treize euros et dix-huit centimes (19.693,18 €) par vingt-quatre versements mensuels, d’un montant de quatre cent deux euros et quatre-vingt-huit centimes (402,88 €) à verser avant le 10 de chaque mois, à compter de la signification de la présente décision, le solde devant être versé le vingt-quatrième mois en sus du versement mensuel habituel ;

RAPPELLE qu’en application de l’article 1343-5 du code civil, les procédures civiles d’exécution doivent être suspendues pendant toute la durée du délai de grâce ;

DIT qu’à défaut de paiement d’une seule échéance, la totalité de la dette redeviendra immédiatement exigible quinze jours après mise en demeure de régler ladite échéance, mise en demeure restée infructueuse ;

CONDAMNE POLE EMPLOI aux entiers dépens, lesquels comprendront les coûts des actes de procédure nécessaires au sens des articles L111-7 et L111-8 du code des procédures civiles d’exécution ;

DIT que la condamnation aux dépens sera assortie du droit pour la SELARL LESCUDIER & Associés, avocat de Monsieur [K] [W] de recouvrer directement contre POLE EMPLOI, ceux des dépens dont il a fait l’avance sans avoir reçu provision ;

CONDAMNE POLE EMPLOI à verser à Monsieur [K] [W] la somme de deux mille deux cents euros (2.200 €) au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

RAPPELLE que la présente décision est exécutoire à titre provisoire ;

REJETTE les prétentions pour le surplus.

Ainsi jugé et prononcé les jour, mois et an susdits.

LE GREFFIERLE PRESIDENT

 


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