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N° RG 22/05400 – N° Portalis DBVX-V-B7G-OODR
Décision du Tribunal de Commerce de Lyon du 13 juillet 2022
RG : 2022f00300
[O]
C/
S.E.L.A.R.L. MJ ALPES REPRÉSENTÉE PAR MAÎTRE [N] [C] ET [N] [Z]
S.A.S. AGK AND CO
SELARL AJ UP
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE LYON
3ème chambre A
ARRET DU 08 Février 2024
APPELANT :
M. [L] [O]
né le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 9] (SYRIE)
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représenté par Me Anne-Florence RADUCAULT de l’AARPI BIRD & BIRD AARPI, avocat au barreau de LYON, toque : 1700
INTIMEES :
S.E.L.A.R.L. MJ ALPES dont le capital social est de 2.117 euros, immatriculée au RCS de Vienne sous le numéro 830.490.413., représentée par Maître [N] [C] et Maître [N] [Z], mandataires judiciaires, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société AGK AND CO désignée à ces fonctions par jugement du
Tribunal de Commerce de Lyon du 18 janvier 2022
[Adresse 8]
[Localité 2]
Représentée par Me Charles CROZE de la SELARL AVOCANCE, avocat au barreau de LYON, toque : 2886
S.A.S. AGK AND CO prise en la personne de son liquidateur judiciaire
[Adresse 10]
[Localité 6]
non représentée
S.E.L.A.R.L AJ UP ès qualité d’admnistrateur provisoire de la société AGK AND CO
[Adresse 3]
[Localité 7]
non représentée,
En la présence du Ministère Public prise en la personne d’Olivier NAGABBO, avocat général
* * * * * *
Date de clôture de l’instruction : 28 Novembre 2023
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 07 Décembre 2023
Date de mise à disposition : 08 Février 2024
Audience tenue par Patricia GONZALEZ, présidente, et Viviane LE GALL, conseillère, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,
assistées pendant les débats de Clémence RUILLAT, greffière
A l’audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l’article 804 du code de procédure civile.
Composition de la Cour lors du délibéré :
– Patricia GONZALEZ, présidente
– Aurore JULLIEN, conseillère
– Viviane LE GALL, conseillère
Arrêt réputé contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Patricia GONZALEZ, présidente, et par Clémence RUILLAT, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * *
EXPOSÉ DU LITIGE
La société AK6 exerce une activité de vente au détail de prêt à porter. Elle a pour associé unique la société AGK and Co détenue par MM. [L] [O] et [R] [O]. Les relations entre les deux frères se sont progressivement dégradées. Il a été convenu d’une séparation.
Par jugement du 1er juillet 2020, le tribunal de commerce de Lyon, sur demande reconventionnelle de M. [R] [O], a désigné Me [P] [V] en qualité d’administrateur provisoire de la société AGK and Co. Un appel a été formé. La procédure est en cours.
Par ordonnance du 22 mars 2021, le président du tribunal de commerce de Lyon a dessaisi Me [V] de son mandat d’administrateur provisoire de la société AGK and Co et a désigné la Selarl AJ UP, prise en la personne de Me [T], en cette qualité.
Suite à un dépôt de déclaration de cessation des paiements par Me [T], en qualité de d’administrateur provisoire de la société AGK and Co, par jugement du 18 janvier 2022, le tribunal de commerce de Lyon a ouvert une procédure de liquidation judiciaire au bénéfice de la société AGK and Co, fixé la date de cessation des paiements au 1er novembre 2021 et désigné la Selarl MJ Alpes en qualité de liquidateur judiciaire.
Par ordonnance du 1er février 2022, le président du tribunal de commerce de Lyon, saisi par M. [L] [O], a rétracté l’ordonnance du 22 mars 2021.
Par acte du 7 février 2022, la société AGK and Co a interjeté appel à l’encontre du jugement d’ouverture du 18 janvier 2022. L’appel a été jugé irrecevable par ordonnance du 8 juin 2022.
Par ordonnance du 18 mars 2022, le juge des référés, saisi par la Selarl MJ Alpes et la Selarl AJ UP, ès-qualités de liquidateur judiciaire et d’administrateur provisoire de la société AGK and Co, a rétracté l’ordonnance du 1er février 2022. M. [O], la société AGK and Co et la société AGK 6 ont interjeté appel. Suivant arrêt rendu par la Cour d’Appel de Lyon le 1er mars 2023, la décision déférée a été confirmée.
Par acte du 7 février 2022, M. [L] [O], en qualité de d’associé et de dirigeant de la société AGK and Co, a formé tierce opposition à l’encontre du jugement du 18 janvier 2022.
Par jugement contradictoire du 13 juillet 2022, le tribunal de commerce de Lyon a :
jugé recevables et fondées les demandes de la Selarl AJ UP en sa qualité d’administrateur provisoire de la société AGK and CO,
jugé recevables et fondées les demandes de la Selarl MJ Alpes en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société AGK and CO,
rejeté la demande de sursis à statuer de M. [L] [O],
jugé irrecevables les tierces oppositions de M. [L] [O],
condamné M. [L] [O] à payer à chacune des Selarl AJ UP et MJ Alpes la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
condamné M. [L] [O] aux entiers dépens de l’instance
M. [L] [O] a interjeté appel par acte du 22 juillet 2022.
Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 13 octobre 2022 fondées sur l’article 6 paragraphe 1 de la Convention européenne des droits de l’homme, les articles 378, 31 et 542 du code de procédure civile et l’article L. 661-1-2° du code de commerce, M. [L] [O] a demandé à la cour de :
in limine litis,
ordonner le sursis à statuer dans l’attente de l’arrêt définitif à intervenir de la cour d’appel de Lyon sur l’appel interjeté à l’encontre de l’ordonnance de référé du 18 mars 2022 dans la procédure enrôlée sous le numéro RG 22/02220 qui sera appelée à l’audience de plaidoirie du 17 janvier 2023,
au fond,
infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
statuant à nouveau,
juger recevable sa tierce opposition à l’encontre du jugement du tribunal de commerce du 18 janvier 2022,
annuler le jugement rendu par le tribunal de commerce de Lyon le 18 janvier 2022 en toutes ses dispositions,
juger que M. le greffier du tribunal de commerce de Lyon devra procéder aux publications consécutives à l’annulation du jugement rendu le 18 janvier 2022 dans un délai de cinq jours à compter de l’arrêt à intervenir,
juger qu’il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
juger que les dépens de la présente instance seront mis à la charge de la société AGK and CO.
Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 10 novembre 2022 fondées sur les articles 582 et suivants du code de procédure civile et l’article L. 661-2 du code de commerce, la Selarl MJ Alpes, en qualité de liquidateur judiciaire de la société AGK and CO, a demandé à la cour de :
juger recevables et fondées ses demandes,
confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté la demande de sursis à statuer présentée par M. [L] [O],
débouter M. [L] [O] de sa nouvelle demande de sursis à statuer,
confirmer la recevabilité de ses conclusions et demandes formulées en première instance ainsi que celles de la Selarl AJ UP
confirmer l’irrecevabilité de la tierce opposition de M. [L] [O],
subsidiairement et en toute hypothèse, débouter M. [L] [O] de sa tierce opposition,
confirmer les condamnations prononcées en première instance sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et au titre des dépens,
condamner M. [L] [O] à payer une somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
outre les entiers dépens d’instance.
Le ministère public, par avis du 17 janvier 2023 communiqué contradictoirement aux parties le 26 janvier 2023, a requis la confirmation du jugement déféré compte tenu du contexte très familial dans lequel l’ordre public économique n’est pas en jeu.
La société AGK and CO, à qui la déclaration d’appel a été signifiée, n’a pas constitué avocat.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 14 février 2023, les débats étant fixés au 2 mars 2023.
Par arrêt du 4 mai 2023, la Chambre Commerciale de la Cour d’appel de Lyon a :
dit que la procédure est irrégulière à l’égard de la SELARL AJ UP qui a été omise dans la procédure,
révoqué l’ordonnance de clôture et renvoyé l’affaire à l’audience du 07 décembre 2023 à 13h30,
dit que la nouvelle clôture interviendra le 28 novembre 2023,
dit que la procédure devra être régularisée,
réservé les dépens.
Par exploit de commissaire de justice du 17 mai 2023, le conseil de M. [O] a fait signifier à la Selarl AJ’Up la déclaration d’appel.
Aucune constitution d’avocat n’est intervenue dans un délai de 15 jours à compter de cette date.
Dans un avis du 20 novembre 2023 notifié aux parties constituées, le Ministère public a indiqué ne pas avoir d’observations.
Par acte de commissaire de justice du 27 novembre 2023, le conseil de M. [O] a fait signifier à la Selarl AJ’Up les arrêts rendus le 4 mai 2023 ainsi que ses conclusions du 13 octobre 2022. Il a demandé de ce fait la réouverture des débats pour permettre à la SELARL AJ’Up de se constituer.
L’ordonnance de clôture a a été rendue le 28 novembre 2023.
Pour un plus ample exposé des moyens et motifs des parties, renvoi sera effectué à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l’article 455 du Code de Procédure Civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande de réouverture des débats
L’article 905 du code de procédure civile dispose que lorsque l’affaire semble présenter un caractère d’urgence ou être en état d’être jugée ou lorsque l’appel est relatif à une ordonnance de référé ou à une des ordonnances du juge de la mise en état énumérées aux 1° à 4° de l’article 776, le président de la chambre saisie, d’office ou à la demande d’une partie, fixe à bref délai l’audience à laquelle elle sera appelée ; au jour indiqué, il est procédé selon les modalités prévues aux articles 760 à 762.
L’article 905-1 alinéa 2 du même code dispose que à peine de nullité, l’acte de signification indique à l’intimé que, faute pour lui de constituer avocat dans un délai de quinze jours à compter de celle-ci, il s’expose à ce qu’un arrêt soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire et que, faute de conclure dans le délai mentionné l’article 905-2, il s’expose à ce que ses écritures soient déclarées d’office irrecevables.
Suite à l’arrêt rendu par la chambre commerciale de la cour d’appel de Lyon, la déclaration d’appel a été signifiée à l’administrateur judiciaire, à personne, le 17 mai 2023.
Aucune constitution par avocat n’est intervenue depuis cette date dans les délais impartis par les textes.
Aucune prétention nouvelle n’ayant été développée par les parties depuis la dernière audience par voie de conclusions, l’affaire est donc en état d’être jugée.
Dès lors, il n’y a pas lieu d’ordonner la réouverture des débats et de rabattre la clôture prononcée le 28 novembre 2023.
Sur la demande de sursis à statuer
Il convient de déclarer cette demande sans objet étant indiqué que la décision dont les parties étaient en attente a été rendue le 1er mars 2023 et communiquée aux parties à cette date.
Sur la recevabilité de la tierce opposition
M. [O] a fait valoir :
la recevabilité de sa tierce-opposition au visa des articles 6§1 de la CEDH, 31 du code de procédure civile, L661-1 et L661-2 du code de commerce
sa qualité de directeur général de la société AGK6 et d’associé de la société AGK and Co
le fait que le jugement d’ouverture de la liquidation judiciaire a été rendu en fraude ses droits, et que le fait qu’un appel ait été en cours ne l’empêchait pas de former tierce opposition, étant rappelé que l’appel contre le jugement d’ouverture de la liquidation judiciaire a été déclaré irrecevable,
le fait que le rejet de sa tierce-opposition reviendrait à le priver de tout droit d’accès au juge permettant le ré-examen des conditions d’ouverture de la procédure collective,
l’irrecevabilité de l’intervention de Me [T] puisqu’il n’était pas partie au jugement du 18 janvier 2021, ayant uniquement déposé les demandes d’ouverture de procédure collective ès-qualité, sans compter que sa désignation a été rétractée par ordonnance du 1er février 2022
l’irrecevabilité des demandes de la société MJ Alpes en ce qu’elles tendent à défendre la désignation de Me [T],
la nullité de fond du jugement en ce qu’il a été rendu suite à la saisine du tribunal par une personne dépourvue du pouvoir de le faire en application des articles 117 et 542 du code civil,
le défaut de pouvoir et de qualité de Me [T] dans la saisine du Tribunal de Commerce pour l’ouverture d’une procédure collective, étant rappelé que sa désignation a été rétractée.
La société MJ Alpes a fait valoir :
les dispositions des articles 582, 584 et L661-2 du code de commerce,
le fait que la société AGK6 avait déjà formé un recours contre la décision ordonnant la liquidation judiciaire et que dès lors, la tierce opposition était irrecevable,
l’irrecevabilité de l’appel diligentée à l’encontre de la décision de liquidation judiciaire, mais dont la procédure était en cours lors de la première décision, ce qui permettait au tribunal de commerce de se prononcer,
le fondement de l’argumentation de l’appelant uniquement sur des éléments postérieurs au jugement ayant ordonné la liquidation judiciaire à savoir l’ordonnance du 1er février 2022, rétractée par jugement du 18 mars, étant rappelé que cette requête est intervenue sur demande de M. [O] à titre personnel et pour les sociétés AGK and Co, et AGK6 représentées par l’appelant,
la qualité de Me [T] pour représenter la société liquidée,
l’état de la jurisprudence qui indique que la tierce opposition ne peut être fondée que sur des éléments antérieurs à la décision
Sur ce,
L’article 582 du code de procédure civile dispose que la tierce opposition tend à faire rétracter ou réformer un jugement au profit du tiers qui l’attaque et qu’elle remet en question relativement à son auteur les points jugés qu’elle critique, pour qu’il soit à nouveau statué en fait et en droit.
L’article 584 du même code dispose que en cas d’indivisibilité à l’égard de plusieurs parties au jugement attaqué, la tierce opposition n’est recevable que si toutes ces parties sont appelées à l’instance.
L’application des dispositions de l’article 582 du code de procédure civile impliquent pour la juridiction de réexaminer la décision rendue au regard des faits qui lui avaient été soumis.
Dès lors, la juridiction ne saurait prendre en compte des faits intervenus postérieurement à la décision, et ne saurait prendre en considération que les faits qui auraient pu être portés à la connaissance de la juridiction au jour où elle a statué, si le tiers y avait été partie.
En l’espèce, M. [O] entend faire valoir à l’appui de sa tierce opposition des éléments postérieurs à la décision rendue, à savoir la rétractation de l’ordonnance ayant désigné Me [T] en date du 22 mars 2021 et qui dès lors, n’avait plus capacité pour déposer une déclaration de cessation des paiements.
Or, il convient de rappeler que M. [O] n’a saisi le Président du Tribunal de Commerce d’une demande de rétractation de l’ordonnance du 22 mars 2021 que par une requête du 1er février 2022 et que le jugement ouvrant une procédure de liquidation judiciaire date du 18 janvier 2022.
De fait, M. [O] entend faire valoir des moyens postérieurs au jugement ayant prononcé la mesure de procédures collectives à l’appui de sa tierce-opposition.
En outre, il convient de rappeler que les premiers juges ont déclaré, à raison, la tierce-opposition irrecevable, en rappelant qu’une procédure d’appel était déjà en cours concernant le jugement ayant prononcé la liquidation judiciaire de la société AGK6. Cette motivation étant également à retenir à hauteur d’appel.
En conséquence, il convient de confirmer la décision déférée dans toutes ses dispositions.
Sur les demandes accessoires
M. [O] échouant en ses prétentions, il sera condamné à supporter les entiers dépens de la procédure d’appel.
L’équité commande d’accorder à la société MJ Alpes une indemnisation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
M. [O] sera condamné à lui payer la somme de 4.500 euros à ce titre.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, dans les limites de l’appel
Rejette la demande de réouverture des débats,
Déclare sans objet la demande de sursis à statuer,
Confirme dans son intégralité la décision déférée,
Y ajoutant
Condamne M. [L] [O] à supporter les entiers dépens de l’instance d’appel,
Condamne M. [L] [O] à payer à la SELARL MJ Alpes la somme de 4.500 euros à titre d’indemnisation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE