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COUR D’APPEL DE BASSE-TERRE
2ème CHAMBRE CIVILE
ARRET N° 73 DU 08 FEVRIER 2024
N° RG 22/00909 –
N° Portalis DBV7-V-B7G-DPNA
Décision attaquée : jugement du tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre en date du 8 juillet 2022, rendu dans une instance enregistrée sous le n° 2021J00053
APPELANT :
Monsieur [T] [X]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représenté par Me Christophe Cuartero, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART
INTIMEE :
Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Guadeloupe
[Adresse 5]
[Localité 3]
Représentée par Me Annick Richard, avocate au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 23 octobre 2023, en audience publique, devant Madame Annabelle Clédat, conseillère chargée du rapport, les avocats ne s’y étant pas opposé.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
M. Frank Robail, président de chambre,
Mme Annabelle Clédat, conseillère,
M. Thomas Habu Groud, conseiller.
Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 1er février 2024. Elles ont ensuite été informées de la prorogation du délibéré à ce jour en raison de l’absence d’un greffier.
GREFFIER
Lors des débats et du prononcé : Mme Sonia Vicino, greffière.
ARRET :
– Contradictoire, rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
– Signé par M. Frank Robail, président de chambre, et par Mme Sonia Vicino, greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat.
FAITS ET PROCEDURE
Par acte sous seing privé du 25 novembre 2015, la caisse régionale de crédit agricole mutuel de Guadeloupe a consenti à l’EURL 2TM, représentée par son gérant, M. [T] [X], un crédit de trésorerie de 30.000 euros, remboursable au taux de 6,5% par an.
Cet engagement était garanti par le cautionnement solidaire de M. [X] dans la limite de la somme de 39.000 euros en principal, intérêts et pénalités ou intérêts de retard.
Par jugement du 2 août 2018, le tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’encontre de la société 2TM.
Dans ce cadre, la caisse régionale de crédit agricole mutuel de Guadeloupe a déclaré une créance de 85.461,90 euros au titre de l’ouverture de crédit en compte courant, suivant courrier du 10 septembre 2018.
Le 9 janvier 2020, le redressement judiciaire de la société 2TM a été converti en liquidation judiciaire.
Par courrier recommandé du 07 octobre 2020, la caisse régionale de crédit agricole mutuel de Guadeloupe a mis en demeure M. [X] de lui régler la somme de 39.000 euros au titre de son engagement de caution.
Aucune suite n’ayant été donnée à cette mise en demeure, la banque l’a assigné devant le tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre par acte du 23 mars 2021 afin d’obtenir sa condamnation à lui payer la somme de 39.000 euros, outre intérêts au taux conventionnel à compter de la mise en demeure.
En réponse, M. [X] a soutenu :
– que la banque ne rapportait pas la preuve de sa créance à l’égard du débiteur principal et ne pouvait se prévaloir d’aucune créance à son encontre,
– que son engagement de caution était manifestement disproportionné au regard de son endettement,
– que la banque avait manqué à son devoir de mise en garde et devait être condamnée à lui régler la somme de 30.000 euros à titre de dommages-intérêts,
– que la banque devait être déchue du droit aux intérêts, faute pour elle de démontrer qu’elle aurait respecté son obligation d’information annuelle de la caution.
A titre infiniment subsidiaire, il a sollicité l’octroi de délais de paiement.
Par jugement du 8 juillet 2022, le tribunal a :
– condamné M. [X] à payer à la caisse régionale de crédit agricole mutuel de Guadeloupe la somme de 39.000 euros, avec intérêts au taux conventionnel à compter du 7 octobre 2020, date de la mise en demeure,
– condamné M. [X] à payer à la caisse régionale de crédit agricole mutuel de Guadeloupe la somme de 1.200 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens, liquidés à 54,45 euros,
– rappelé que la décision était exécutoire par provision.
M. [X] a interjeté appel de cette décision par déclaration remise au greffe de la cour par voie électronique le 1er septembre 2022, en indiquant que son appel portait expressément sur chacun des chefs de jugement.
La procédure a fait l’objet d’une orientation à la mise en état.
La caisse régionale de crédit agricole mutuel de Guadeloupe a régularisé sa constitution d’avocat le 19 septembre 2022.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 19 juin 2023 et l’affaire a été fixée à l’audience du 23 octobre 2023, date à laquelle la décision a été mise en délibéré au 1er février 2024. Les parties ont ensuite été informées de la prorogation du délibéré à ce jour en raison de l’absence d’un greffier.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
1/ M. [T] [X], appelant :
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 12 mai 2023, par lesquelles l’appelant demande à la cour :
– d’infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau :
– à titre principal :
– de débouter la caisse régionale de crédit agricole mutuel de Guadeloupe de l’ensemble de ses prétentions,
– à titre subsidiaire :
– de prononcer la compensation des sommes qu’il devrait à la caisse régionale de crédit agricole mutuel de Guadeloupe avec les sommes dues par la banque au titre de sa responsabilité contractuelle pour un montant de 30.000 euros,
– de prononcer la déchéance de tous les accessoires de la dette, frais et pénalités de la créance principale,
– à titre infiniment subsidiaire :
– de lui octroyer les plus amples délais de paiement pour s’acquitter des sommes auxquelles il serait condamné,
– en toute hypothèse :
– de condamner la caisse régionale de crédit agricole mutuel de Guadeloupe à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel.
En cause d’appel, M. [X] a repris l’argumentation développée en première instance, à l’exception du moyen tiré de la disproportion manifeste de son engagement de caution, qu’il est donc réputé avoir abandonné.
2/ La caisse régionale de crédit agricole mutuel de Guadeloupe, intimée :
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 27 février 2023, par lesquelles l’intimée demande à la cour :
– de débouter M. [X] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
– de confirmer le jugement rendu le 08 juillet 2022 en toutes ses dispositions,
– y ajoutant :
– de condamner M. [X] à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens, comprenant ceux de première instance, distraits au profit de Maître [D] en application de l’article 699 du code de procédure civile.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux dernières conclusions des parties pour un exposé détaillé de leurs prétentions et moyens.
MOTIFS DE L’ARRET
Sur la recevabilité de l’appel :
L’article 538 du code de procédure civile dispose que le délai de recours par la voie ordinaire est d’un mois en matière contentieuse.
Ce délai court à compter de la signification de la décision contestée.
En l’espèce, M. [X] a interjeté appel le 1er septembre 2022 du jugement du 08 juillet 2022 qui lui avait été signifié le 1er août 2022.
Son appel est donc recevable.
Sur la preuve de la créance de la banque :
Comme en première instance, M. [X] s’oppose à la demande de condamnation formée à son encontre par la caisse régionale de crédit agricole mutuel de Guadeloupe en indiquant que cette dernière ne peut se prévaloir à son égard d’une créance à l’encontre de la société 2TM, débitrice principale, dès lors qu’elle ne démontre pas que cette créance aurait été admise au passif de la société débitrice.
Cependant, ainsi que l’ont retenu à juste titre les premiers juges, conformément à l’argumentation développée par la banque qu’elle reprend en cause d’appel, si la décision du juge de la procédure collective rendue dans les rapports entre le créancier et le débiteur principal s’impose à la caution, le créancier peut néanmoins poursuivre et obtenir la condamnation de la caution devant le juge du cautionnement, avant toute admission, en établissant l’existence et le montant de sa créance (Com. 7 février 2018, pourvoi n°16-22.280).
Il est parfaitement constant en l’espèce que la banque a déclaré sa créance d’un montant de 85.461,90 euros au titre de l’ouverture de crédit en compte courant entre les mains du mandataire judiciaire désigné dans le cadre du redressement judiciaire de la société 2TM par courrier recommandé du 10 septembre 2018, dont l’accusé de réception a été signé le 17 septembre 2018.
Aucun élément n’établit que la procédure de vérification des créances, nécessairement engagée par le mandataire dès l’ouverture du redressement judiciaire initial, serait aujourd’hui achevée.
Néanmoins, la banque prouve l’existence et le montant de sa créance en versant aux débats, dans le cadre de la présente action engagée à l’encontre de la caution :
– le contrat global de crédit de trésorerie conclu le 25 novembre 2015 avec la société 2TM, qui contenait l’engagement de caution solidaire de M. [X] à hauteur de 39.000 euros,
– les relevés du compte bancaire servant de support à ce crédit de trésorerie ( compte n°39001532930) du 02 février 2016 au 31 août 2018.
Il ressort de ces pièces qu’à la date d’ouverture de la procédure de redressement judiciaire de la société 2TM, soit le 2 août 2018, le solde débiteur du compte courant précité s’élevait à 85.461,90 euros, somme déclarée par la banque auprès du mandataire judiciaire.
La banque rapportant ainsi suffisamment la preuve de l’existence et du montant de sa créance à l’encontre du débiteur principal, elle est bien fondée à agir à l’encontre de la caution, même en l’absence de décision rendue sur sa déclaration de créance, et à lui demander d’exécuter les obligations qu’elle avait contractées dans le cadre de son cautionnement solidaire.
Le jugement déféré sera donc confirmé de ce chef.
Sur le manquement de la banque à son devoir de mise en garde :
Sur le fondement de l’ancien article 1147 du code civil, applicable en l’espèce compte tenu de la date du cautionnement, la jurisprudence a mis à la charge des établissements bancaires un devoir de mise en garde à l’égard de la caution non avertie, qui peut, selon les circonstances, être le dirigeant d’une société.
Aux termes d’un arrêt rendu le 1er juillet 2020 (Com. 1er juillet 2020, pourvoi n°18-24.435), cité par l’appelant dans ses conclusions, la cour de cassation a rappelé que la banque est tenue, à l’égard de la caution non avertie, d’un devoir de mise en garde à raison de ses capacités financières et du risque de l’endettement né de l’octroi du prêt et que cette obligation n’est pas limitée au caractère manifestement disproportionné de son engagement au regard de ses biens et revenus.
En l’espèce, la société 2TM a contracté auprès de la caisse régionale de crédit agricole mutuel de Guadeloupe un crédit de trésorerie d’un montant de 30.000 euros le 25 novembre 2015.
Cette ouverture de crédit en compte courant a été garantie par M. [X], gérant de la société 2TM, dans la limite de la somme de 39.000 euros en principal, intérêts et pénalités ou intérêts de retard.
A la date à laquelle il s’est engagé en qualité de caution, M. [X] était gérant depuis plusieurs années de trois sociétés commerciales, qu’il présente comme faisant partie d’un groupe familial : la société Rugoway, la société U.T.E.K. – TP et la société 2TM, créée en novembre 2009.
Compte tenu de cette expérience professionnelle importante, variée et ancienne, il est démontré que M. [X] était une caution avertie au moment où il s’est engagé.
En tout état de cause, le montant du crédit en compte courant accordé à la société 2TM, et cautionné par M. [X], était relativement modeste, puisqu’il s’élevait à 30.000 euros.
A la date à laquelle elle a souscrit cet engagement, la société 2TM était in bonis et l’est demeurée durant plus de deux ans avant l’ouverture à son encontre d’une procédure de redressement judiciaire, étant précisé que la date de cessation des paiements retenue par le tribunal mixte de commerce dans le jugement d’ouverture du 02 août 2018 était le 1er août 2018, ce qui tend à démontrer que ses difficultés financières n’étaient pas anciennes.
Il n’est donc pas établi que la banque aurait pu avoir conscience d’un risque d’endettement lié à une inadaptation de l’opération garantie aux capacités financières de la société 2TM, compte tenu de la modicité de l’emprunt souscrit.
Par ailleurs, à la date de son engagement de caution, M. [X] avait déclaré être gérant de la société 2TM depuis environ six ans, ne pas avoir consenti de cautionnements antérieurement, ne pas avoir de crédits en cours, percevoir 6.000 euros de revenus par mois et être propriétaire d’un bateau d’une valeur de 80.000 euros.
Dans le cadre de la présente instance, M. [X] démontre qu’il avait en réalité souscrit plusieurs cautionnements auprès de la banque LCL :
– cautionnement en 2012 d’un prêt consenti à la SCI Franfroi Island pour l’acquisition de sa résidence principale pour un montant de 1.066.000 euros,
– cautionnement en 2013 des engagements d’une société Fontaine 31 à hauteur de 94.732,20 euros,
– cautionnement en 2013 des engagements d’une société Fontaine 32 à hauteur de 143.769,60 euros et de 11.145 euros,
– cautionnement en 2013 des engagements d’une société Fontaine 33 à hauteur de 128.666,60 euros,
– cautionnement en janvier 2014 des engagements de la société Rugoway, dont il était le gérant, à hauteur de 31.739,84 euros et de 30.000 euros,
– cautionnement en septembre 2014 des engagements de la société U.T.E.K. -TP à hauteur de 30.000 euros.
Par ailleurs, il avait contracté un crédit de 210.000 euros auprès de la banque BFC pour l’acquisition d’un appartement au mois de décembre 2014.
Cependant, M. [X] ayant délibérément caché sa situation financière à la caisse régionale de crédit agricole mutuel de Guadeloupe, qui ne lui avait accordé aucun des autres concours précédemment évoqués, cette dernière ne pouvait en aucun cas soupçonner que son engagement, limité à 39.000 euros, pouvait ne pas être adapté à ses capacités financières telles qu’il les avaient décrites, compte tenu de ses revenus, de son patrimoine mobilier et de l’absence de tout endettement.
Au regard de ces éléments, sans qu’il y ait lieu de s’interroger sur la preuve du préjudice allégué, le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a débouté M. [X] de sa demande de dommages-intérêts au titre de la violation du devoir de mise en garde.
Sur la déchéance du droit aux accessoires, frais et pénalités:
Aux termes du contrat du 25 novembre 2015, M. [X] s’est engagé à cautionner à l’égard de la banque les engagements de la société 2TM dont l’étendue était encore indéfinie, s’agissant d’un crédit de trésorerie par découvert en compte courant, même si la dette était déterminable.
Son engagement était libellé dans les termes suivants : ‘En me portant caution de la société 2TM dans la limite de la somme de 39.000 euros (trente neuf mille euros) couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard, et pour la durée de 120 mois, je m’engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si 2TM n’y satisfait pas [elle]-même’.
Conformément aux dispositions de l’article 2293 du code civil, dans sa version applicable en l’espèce : ‘Le cautionnement indéfini d’une obligation principale s’étend à tous les accessoires de la dette, même aux frais de la première demande, et à tous ceux postérieurs à la dénonciation qui en est faite à la caution.
Lorsque ce cautionnement est contracté par une personne physique, celle-ci est informée par le créancier de l’évolution du montant de la créance garantie et de ces accessoires au moins annuellement à la date convenue entre les parties ou, à défaut, à la date anniversaire du contrat, sous peine de déchéance de tous les accessoires de la dette, frais et pénalités.’
Sur le fondement exprès de ce texte, M. [X] a demandé en première instance au tribunal de constater que la banque n’avait pas respecté son obligation annuelle d’information à son égard, de prononcer en conséquence la déchéance de tous les accessoires de la dette, frais et intérêts et de ramener le montant de la créance de la banque à 30.000 euros.
Le tribunal l’a débouté de sa demande après avoir retenu que la banque produisait bien la preuve de l’information annuelle de la caution.
En cause d’appel, M. [X] conteste l’analyse des premiers juges en indiquant que les constats d’huissier produits par la banque ne permettent pas de rapporter la preuve de l’envoi de l’information annuelle à sa personne.
En effet, pour tenter de démontrer qu’elle a bien respecté l’obligation d’information de M. [X] qui s’imposait à elle en vertu de l’article 2293 précité, dont elle ne conteste pas l’application aux faits de l’espèce, la banque produit des procès-verbaux de constats dressés par un huissier de [Localité 4] (22), le 23 mars 2016, les 10 et 14 mars 2017, 14 mars 2018, le 08 mars 2019, le 17 mars 2020 et le 25 février 2021. Elle produit également des extraits de listings correspondant à ‘l’état annuel des informations cautions’ au 31 décembre 2015 et au 31 décembre 2016 mentionnant le nom de M. [T] [X] et précisant le montant de la dette de la société 2TM arrêtée à ces dates.
Il ressort des procès-verbaux qu’un huissier a constaté, à chacune des dates précédemment rappelées, que des enveloppes contenant des courriers d’information destinés à des cautions, qui avaient été édités pour le compte du crédit agricole de la Guadeloupe, étaient prêtes à être expédiées. Puis, procédant par sondage, il a vérifié que les destinataires de ces courriers figuraient dans les fichiers clients adressés par la banque.
Ainsi que l’a justement relevé M. [X], les sondages auxquels a procédé l’huissier de justice ne suffisent pas en tant que tels à prouver que le courrier d’information le concernant spécifiquement aurait bien fait partie des milliers d’enveloppes présentées à l’huissier, qui ont ensuite été adressées à leurs destinataires.
Néanmoins, l’examen des relevés de compte de la société 2TM permet de constater que des frais d’information annuelle de la caution ont été débités en mars 2016 et en mars 2017.
Par ailleurs, le nom de M. [X] figurait bien sur les listings établis en mars 2016 et mars 2017 par la banque au titre des destinataires des courriers d’information.
Dès lors, ces éléments, joints aux constats d’huissier précités, permettent de retenir que la banque a bien respecté son obligation de lui adresser un courrier d’information en mars 2016 et en mars 2017.
En revanche, aucun frais d’information de la caution n’a été débité du compte de la société 2TM en mars 2018 et la banque ne produit aucun listing mentionnant le nom de M. [X] au titre des destinataires des courriers d’information postérieurement à mars 2017.
En conséquence, la preuve du respect de l’obligation imposée par l’article 2293 précité n’étant pas rapportée, il convient de dire que la caisse régionale de crédit agricole mutuel de Guadeloupe sera déchue, à l’égard de M. [X], de tous les accessoires de la dette, frais et pénalités.
Si l’engagement initial de M. [X] était limité à 39.000 euros, cette somme comprenait expressément, outre le principal, les intérêts, pénalités et intérêts de retard.
Dans la mesure où la créance de la caisse régionale de crédit agricole mutuel de Guadeloupe s’élève à 85.461,90 euros, intérêts conventionnels, frais et pénalités inclus, alors que le montant du crédit de trésorerie accordé à la société 2TM était limité à 30.000 euros, M. [X] sera condamné à payer à la banque cette somme de 30.000 euros, augmentée des seuls intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 7 octobre 2020.
Le jugement déféré sera réformé en ce sens.
Sur la demande de délais de paiement :
L’article 1343-5 du code civil dispose que le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.
Les premiers juges ont débouté M. [X] de sa demande de délais de paiement après avoir relevé que :
– la caisse régionale de crédit agricole mutuel de Guadeloupe souffrait du non remboursement de sa créance,
– que M. [X] n’avait pas opéré le moindre paiement de la dette, ni formulé de proposition d’aménagement, après avoir reçu la mise en demeure,
– qu’il ne justifiait pas de sa situation, le seul relevé de compte au 15 décembre 2021 qu’il produisait ne permettant pas de connaître l’état actuel de son patrimoine, ni sa situation financière réelle,
– que les éléments produits ne permettaient pas d’établir sa capacité à rembourser la dette selon un échelonnement qui pourrait lui être imposé.
En cause d’appel, M. [X] soutient qu’il est confronté à une situation financière particulièrement délicate, liée aux difficultés du groupe de sociétés qu’il dirige, et qu’il ne dispose d’aucun patrimoine propre lui permettant de désintéresser la caisse régionale de crédit agricole mutuel de Guadeloupe.
Les pièces qu’il verse aux débats permettent en effet de démontrer :
– que la société U.T.E.K – TP, dont il est le gérant, a été placée en redressement judiciaire et qu’un plan de redressement par continuation a été adopté le 13 février 2020, aucune pièce n’étant transmise concernant la société Rugoway,
– qu’une procédure de saisie immobilière a été engagée par le Crédit Lyonnais (LCL) à l’encontre de la SCI familiale dont il est le principal associé, qui possède le bien immobilier constituant sa résidence principale,
– qu’il a vendu le bien immobilier acquis à l’aide d’un prêt immobilier de 210.000 euros sans faire la moindre plus-value après avoir procédé au remboursement de cet emprunt,
– qu’il a été condamné par ordonnance de référé du 29 novembre 2019 à payer une somme de 3.963,23 euros au syndicat des copropriétaires et a bénéficié d’un échéancier de paiement de 165 euros par mois sur 24 mois pour s’acquitter de cette dette,
– qu’une procédure est actuellement pendante devant la cour d’appel suite au rejet d’une demande en paiement de la somme de 18.238,33 euros formée à son encontre par le LCL au titre de l’un de ses engagements de caution,
– qu’il a perçu en 2022 la somme de 101.573 euros au titre de la rémunération de son mandat de gérant de la société U.T.E.K – TP,
– que son compte de dépôt présentait au 14 janvier 2023 un solde créditeur de 5.436,40 euros, contre un solde débiteur de 40,92 euros un an plus tôt.
Dans la mesure où M. [X] démontre en cause d’appel qu’il dispose de revenus suffisants pour régler la condamnation prononcée à son encontre de manière échelonnée, alors qu’il n’est pas établi qu’il serait en mesure de s’en acquitter en un seul versement, il convient de faire droit à sa demande de délais de paiement, cet échelonnement ne pouvant être préjudiciable à la banque créancière eu égard à la somme en cause.
Compte tenu de ses revenus mensuels, M. [X] sera autorisé à s’acquitter de sa dette en 23 versements mensuels de 1.250 euros chacun et un dernier versement devant solder la dette en principal et intérêts, le premier versement devant intervenir avant le 15 du mois suivant la signification du présent jugement.
A défaut pour lui de s’acquitter d’une seule de ces échéances, l’intégralité de la somme restant due deviendra immédiatement exigible.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile :
M. [X] succombe principalement à l’instance, dans la mesure où il reste débiteur d’une somme de 30.000 euros due à l’intimée. Il sera donc condamné aux entiers dépens de l’instance d’appel, qui seront distraits au profit de Maître Richard conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile. Par ailleurs, le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il l’a condamné aux entiers dépens de première instance.
En revanche, si l’équité commande de confirmer le jugement de première instance en ce qu’il l’a condamné à payer à la caisse régionale de crédit agricole mutuel de Guadeloupe la somme de 1.200 euros au titre des frais irrépétibles de première instance, elle commande également de débouter les parties de leurs demandes respectives au titre des frais irrépétibles de l’instance d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Déclare recevable l’appel interjeté par M. [T] [X],
Confirme le jugement déféré en ce qu’il a :
– débouté M. [T] [X] de sa demande de dommages-intérêts au titre du manquement au devoir de mise en garde,
– condamné M. [T] [X] à payer à la caisse régionale de crédit agricole mutuel de Guadeloupe la somme de 1.200 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens, liquidés à 54,45 euros,
– rappelé que la décision était exécutoire par provision,
Infirme le jugement déféré en ce qu’il a condamné M. [T] [X] à payer à la caisse régionale de crédit agricole mutuel de Guadeloupe la somme de 39.000 euros, avec intérêts au taux conventionnel à compter du 7 octobre 2020, date de la mise en demeure,
Statuant à nouveau,
Condamne M. [T] [X] à payer à la caisse régionale de crédit agricole mutuel de Guadeloupe la somme de 30.000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 7 octobre 2020, date de la mise en demeure,
Y ajoutant,
Dit que M. [T] [X] pourra s’acquitter de cette dette en 23 versements mensuels de 1.250 euros chacun et un dernier versement devant solder la dette en principal et intérêts, le premier versement devant intervenir avant le 15 du mois suivant la signification du présent jugement,
Dit qu’à défaut pour lui de s’acquitter d’une seule de ces échéances, l’intégralité de la somme restant due deviendra immédiatement exigible,
Déboute les parties de leurs demandes respectives au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [T] [X] aux entiers dépens de l’instance d’appel,
Dit que les dépens pourront être recouvrés par Maître Richard conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Et ont signé,
La greffière, Le président