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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-4
ARRÊT
DU 26 JANVIER 2023
N° 2023/
CM/FP-D
Rôle N° RG 22/01775 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BI2BK
[M] [X]
C/
S.A.R.L. TRADEBAT
Copie exécutoire délivrée
le :
26 JANVIER 2023
à :
Me Laurent DESCHAUD, avocat au barreau de MARSEILLE
Me Julie GOURION, avocat au barreau de VERSAILLES
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de NICE en date du 14 Janvier 2022 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F 20/00210.
APPELANT
Monsieur [M] [X], demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Laurent DESCHAUD, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEE
S.A.R.L. TRADEBAT agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Julie GOURION, avocat au barreau de VERSAILLES
et par Me Julie CHEVALIER CARRIOU, avocat au barreau de PARIS,
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Catherine MAILHES, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre
Madame Frédérique BEAUSSART, Conseiller
Madame Catherine MAILHES, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Françoise PARADIS-DEISS.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 26 Janvier 2023.
ARRÊT
contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 26 Janvier 2023
Signé par Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre et Madame Françoise PARADIS-DEISS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE
La société Tradebat est une société de droit luxembourgeois constituée le 18 juillet 2018 entre messieurs [H], [D] et [X] ayant pour objet social :
– l’intermédiation et le commissionnement d’affaires dans le domaine du secteur du bâtiment,
– l’acquisition, la vente, la location, la détention, l’exploitation, la mise en valeur de biens immobiliers situés au Grand-Duché de Luxembourg et à l’étranger,
– toute transaction sur immeubles, droits réels immobiliers et fonds de commerce, acquisitions cessions, opérations de location, de gestion immobilière, ainsi que toutes opérations financières, commerciales et industrielles, mobilières et immobilières s’y rattachant directement ou indirectement.
M. [X] est associé minoritaire de cette société dont il détient 20 % du capital social.
M. [X] a par ailleurs, été investi d’un mandat de « gérant technique » avec le pouvoir d’engager la société sous sa seule signature.
Un contrat intitulé contrat à durée indéterminé a été signé le 1er septembre 2018 à Luxembourg entre M. [X] et la société Tradebat.
M. [X] était également titulaire de « l’autorisation d’établissement » délivré à la société Tradebat par le ministère de l’économie le 23 août 2018. Cette autorisation était soumise à la condition que M. [X] dirige de manière effective la société Tradebat.
Il a, par décision prise en assemblée générale extraordinaire le 12 juillet 2019, été révoqué de son mandat de « gérant technique ».
M. [X] a par courrier du 3 janvier 2020 démissionné du poste d’acheteur au sein de la société Tradebat.
Le 24 avril 2020, M. [X] a saisi le conseil de prud’hommes de Nice aux fins de voir dire qu’il exerçait son activité salariée pour le compte de la société Tradebat à partir du territoire français, qu’il a été lié à la société Tradebat par un contrat de travail du 1er septembre 2018 au 3 janvier 2020, qu’il était privé du versement de son salaire du 1er juin 2019 au 3 janvier 2020, que la société Tradebat a commis une faute grave, aux fins de voir requalifier la démission du 3 janvier 2020 en licenciement abusif avec effet immédiat, se déclarer compétent, de voir dire que la loi luxembourgeoise s’applique au litige, de voir condamner la société Tradebat à lui verser un rappel de salaire à hauteur de 43’205,60 euros, une indemnité compensatrice de préavis de 12’180 euros bruts, des dommages-intérêts pour préjudice moral de 12’180 euros nets, des dommages-intérêts pour préjudice matériel de 12’180 euros nets, la somme de 3000 euros nets sur le fondement de l’article 240 du code de procédure civile et voir la société Tradebat condamnée à lui remettre les bulletins de salaire et documents de fin de contrat rectifiés avec astreinte, au paiement des intérêts au taux légal à compter de la saisine, aux fins d’ordonner la capitalisation des intérêts.
La société Tradebat a été convoquée devant le bureau de conciliation et d’orientation par courrier recommandé avec accusé de réception signé le 6 juin 2020.
La société Tradebat a soulevé l’exception d’incompétence matérielle du conseil de prud’hommes de Nice en l’absence de lien de subordination et à titre subsidiaire a sollicité le rejet des demandes de M. [X] outre la condamnation de ce dernier, à titre reconventionnel, au paiement de l’indemnité de non-respect du préavis en application de l’article L.246-6 du code du travail luxembourgeois, avec intérêt au taux légal à compter de la signification de la décision.
Par jugement du14 janvier 2022, le conseil de prud’hommes de Nice :
s’est déclaré incompétent ratione materiae,
a dit que chaque partie conservera la charge des dépens qu’elle exposés.
Selon déclaration électronique de son avocat remise au greffe de la cour le 7 février 2022, M. [X] a interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié le 28 janvier 2022, aux fins d’annulation, d’infirmation du jugement en ce que le conseil de prud’hommes s’est déclaré incompétent ratione materiae, en ce qu’il a dit que chaque partie conservera la charge des dépens par elles exposés ‘et plus généralement de toutes les dispositions faisant grief à l’appelant bien que non visées au dispositif selon les moyens qui seront développés dans les conclusions. Statuant à nouveau, il est demandé à la cour de dire et juger que M. [X] a été lié à la société Tradebat par un contrat de travail du 1/09/2018 aux 3/01/2020, dire et juger que le conseil de prud’hommes de Nice est compétent rationné matériel a été par conséquent renvoyé l’affaire devant le conseil de prud’hommes de Nice pour qu’il soit statué sur le fond. Et ce sera justice.’
Par requête remise au greffe de la cour le 7 février 2022, l’avocat de M. [X] a sollicité l’autorisation d’assigner à jour fixe la société Tradebat, autorisation donnée par ordonnance de la présidente de la chambre 4-4 de la cour d’appel d’Aix-en-Provence du 14 février 2022 pour le 23 mai 2022.
M. [X] a conclu le 7 février 2022.
La société Tradebat a été assignée à comparaître devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence à l’audience du 23 mai 2022 à 9h selon acte d’huissier du 28 février 2022 dont une copie de l’acte a été laissée sur les lieux sous enveloppe fermée et une autre copie envoyée par la voie postale dans le délai de la loi personne ayant qualité de recevoir copie de l’acte n’ayant pu être trouvé sur le lieux et portant signification du jugement du 14 janvier 2022 du conseil de prud’hommes de Nice, de la déclaration d’appel de M. [X] du 7 février 2022, des conclusions d’appel du 7 février 2022 outre des pièces 1 à 13 listée suivant bordereau.
Le 23 mai 2022, l’affaire a été renvoyée contradictoirement à l’audience du 14 novembre 2021.
Aux termes des dernières conclusions de son avocat remises au greffe de la cour le 8 novembre 2022, M. [X] demande à la cour de :
déclarer son appel recevable,
constaté l’absence de caducité de l’appel,
dire et juger que la partie intimée a été régulièrement assignée,
dire et juger qu’il a été lié à la société Tradebat par un contrat de travail 1er septembre 2018 au 3 janvier 2020,
dire et juger que le conseil de prud’hommes de Nice est compétent ratione materiae,
réformer le jugement entrepris,
renvoyer l’affaire devant le conseil de prud’hommes de Nice pour qu’il soit statué sur le fond.
Selon les dernières conclusions de son avocat remises au greffe de la cour le 24 mai 2022, la société Tradebat demande à la cour de :
à titre principal,
déclarer l’appel de M. [X] irrecevable comme ne répondant pas aux exigences de l’article 901 du code de procédure civile ;
en conséquence,
confirmer le jugement dont appel,
à titre subsidiaire,
déclarer la juridiction saisie incompétente ratione materiae au profit du tribunal de commerce de Nice,
déclarer que M. [X] ne saisit la cour d’aucune demande de réformation du jugement dont appel qui serait contenue dans le dispositif de ses écritures en méconnaissance des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile,
en conséquence,
déclarer que la cour ne pourra donc confirmer le jugement dont appel,
en conséquence,
confirmer le jugement dont appel,
débouter M. [X] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
en tout état de cause,
réserver à la partie intimée tous autres droits, moyens, et actions sur le fond,
condamner M. [X] à lui payer la somme de 3000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
condamner M. [X] en tous les frais et dépens,
dire qu’ils pourront être directement recouvrés par Me Julie brouillon, avocat au barreau de Versailles, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties il est fait expressément référence au jugement entrepris et aux conclusions des parties sus-visées.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la fin de non-recevoir de l’appel
Au soutien de l’irrecevabilité de l’appel, la société Tradebat fait valoir que :
– l’assignation à comparaître ne comporte pas la requête à jour fixe ni l’ordonnance d’autorisation d’assigner à jour fixe et ne mentionne pas que faute de constituer avocat avant la date d’audience, l’intimée sera réputée s’en tenir à ses moyens de première instance, en méconnaissance de l’article 920 du code de procédure civile ;
– le manquement aux dispositions de l’article 920 du code de procédure civile n’est pas constitutif d’une nullité de forme mais d’une irrecevabilité.
M. [X] qui conclut à la recevabilité de l’appel, fait valoir que :
– il a interjeté appel dans les formes et les délais prévus par les articles 83,84 et 85 du code de procédure civile ,
– aucune caducité ne saurait être constatée sur le fondement de l’article 922 du code de procédure civile, dès lors que les copies des assignations du 28 février 2022 et du 20 mai 2022 ont été communiquées au greffe de la cour avant l’audience du 23 mai 2022,
– l’erreur tenant à l’absence de copies de la requête, de l’ordonnance du premier président et d’un exemplaire de la déclaration d’appel a été régularisée par l’assignation du 20 mai 2022, intervenue avant l’audience du 23 mai 2022, en sorte qu’aucune nullité ne peut être prononcée.
Selon les dispositions de l’art 83 du code de procédure civile :
Lorsque le juge s’est prononcé sur la compétence sans statuer sur le fond du litige, sa décision peut faire d’objet d’un appel dans les conditions prévues par le présent paragraphe.
La décision ne peut pareillement être attaquée du chef de la compéteence que par voie d’appel lorsque le juge se prononce sur la compétence et ordonne une mesure d’instruction ou une mesure provisoire.
L’article 84 du code de procédure civile prévoit que :
Le délai d’appel et de 15 jours à compter de la notification du jugement. Le greffe procède à cette notification adressée aux parties par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Il notifie également le jugement alors avocat, dans le cas d’une procédure avec représentation obligatoire.
En cas d’appel, l’appelant doit, à peine de caducité de la déclaration d’appel, saisir, dans le délai d’appel, le premier président en vue, selon le cas, d’être autorisé à assigner à jour fixe ou de bénéficier d’une fixation prioritaire de l’affaire.
L’article 85 du code de procédure civile dispose que :
Outre les mentions prescrites selon le cas par les articles 901 ou’933, la déclaration d’appel précise qu’elle est dirigée contre un jugement statuant sur la compétence et doit à peine d’irrecevabilité, être motivé, soit dans la déclaration elle-même, soit dans des conclusions jointes à cette déclaration.
Nonobstant toute disposition contraire, l’appel est instruit et jugé comme en matière de procédure à jour fixe si les règles applicables à l’appel des décisions rendues par la juridiction dont le jugement frappé d’appel impose la constitution d’avocat, ou dans le cas contraire comme il est dit à l’article 948.
Selon les dispositions de l’articles 920 alinéa 2 du code de procédure civil, copies de la requête, de l’ordonnance du premier président, et un exemplaire de la déclaration d’appel par le greffier ou le courrier de la déclaration d’appel dans le cas mentionné au 3e alinéa de l’article 919 sont joints à l’assignation.
Ni l’article 920 ni les articles 83 et suivants du code de procédure civile ne prévoient de sanction à la méconnaissance de cette exigence.
En droit commun de la procédure à jour fixe, l’omission dans l’assignation de la copie de la requête et de l’ordonnance autorisant l’assignation à jour fixe ne constitue pas une irrégularité de fond (civ 3ème, 12 octobre 2005 n°04-18511).
Par ailleurs, en matière d’appel compétence, il n’est pas prévu que l’appel est formé comme en matière de procédure à jour fixe, mais seulement instruit et jugé comme en matière de procédure à jour fixe, avec la spécificité de devoir saisir dans le délai d’appel, le premier président en vue, selon le cas, d’être autorisé à assigner à jour fixe, sous peine de caducité.
Il résulte donc de ces textes que la méconnaissance des dispositions de l’alinéa 2 de l’article 920 du code de procédure civile n’est pas sanctionnée par l’irrecevabilité de l’appel, en sorte que le moyen tiré du non-respect des dispositions de l’article 920 alinéa 2 du code de procédure civile n’est pas opérant au soutien de la fin de non recevoir.
Par ailleurs, l’appel interjeté par déclaration électronique le 7 février 2022 a été formé dans le délai de quinze jours suivant la notification du jugement le 28 janvier 2022, étant au demeurant observé que la notification du jugement mentionne de manière inexacte un délai d’un mois et non celui de quinze jours applicable à l’égard du jugement statuant sur la compétence et que le délai n’a pu commencer à courir.
Par ailleurs, l’appel a été motivé dans des conclusions jointes à la déclaration d’appel. Il s’ensuit que l’appel est recevable.
La cour note par ailleurs que l’appelant a remis au greffe de la cour le 20 mai 2022, avant la date d’audience, l’attestation d’accomplissement de la signification le 20 mai 2022 à la société Tradebat selon les dispositions de l’article 10 du règlement (CE) n°1393/2007 délivrée au destinataire lui-même et la copie de l’acte d’huissier délivré le 20 mai 2022 à personne à la société Tradebat portant signification de l’assignation à jour fixe devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence selon la procédure à jour fixe sur la compétence, pour le 23 mai 2022 à 9h, du jugement du 14 janvier 2022 rendu par le conseil de prud’hommes de Nice, de la déclaration d’appel de M. [X] du 7 février 2022, des conclusions appel du 7 février 2022, des pièces 1 à 13 listées suivant bordereau, de la requête présentée le 7 février 2022 aux fins d’autorisation à assigner à jour fixe, de l’ordonnance autorisant à assigner à jour fixe rendue le 14 février 2022.
Par ailleurs, l’assignation à comparaître mentionne les dispositions de l’article 920 du code de procédure civile, soit notamment l’obligation de constituer avocat et de ce qu’à défaut de se constituer avant la date d’audience, la partie requise sera réputée s’en tenir à ses moyens de première instance et s’expose à ce qu’un jugement soit rendu à son encontre sur les seuls éléments fournis par son adversaire.
Sur l’exception d’incompétence matérielle du conseil de prud’hommes
Pour contester le jugement entrepris en ce que le conseil de prud’hommes a décliné sa compétence matérielle, M. [X] soutient, faisant application du droit luxembourgeois, que le cumul des fonctions de gérant et de salarié est possible et qu’il était soumis à un contrat de travail qui s’est manifesté par :
– la conclusion d’un contrat écrit le 1er septembre 2018 intitulé contrat de travail à durée indéterminée au poste d’acheteur, définissant ses tâches, une durée de travail, l’obligation d’obtenir l’autorisation préalable du supérieur hiérarchique pour effectuer des heures supplémentaires, la demande d’autorisation de congés, l’obligation d’informer son employeur de toute incapacité de travail et de lui remettre un certificat médical dans un délais précis, l’engagement à n’exercer aucune activité rémunérée et à n’accepter aucune fonction auprès d’un tiers dans un autre Etat, sans en avertir au préalable l’employeur ;
– ses tâches en qualité de salarié étaient distinctes de ses fonctions de mandataire technique ;
– la remise de bulletins de salaire de septembre à novembre 2018 ;
– son affiliation à la sécurité sociale luxembourgeoise en tant que salarié puis la demande du CLEISS pour qu’il soit affilié en France en cette qualité,
– un lien de subordination : il recevait des instructions pour l’organisation et l’exécution de son travail de la part de M. [D], gérant administratif et détenteur de 48% des parts sociales, de M. [H], le second gérant administratif ; son travail fait l’objet d’un contrôle par le M. [D] qui lui faisait savoir lorsqu’il n’était pas satisfait.
Il estime que sa déclaration d’entrée pour travailleurs indépendants ne saurait interférer sur l’existence du contrat de travail, soutenant que les conditions d’affiliation en tant que salarié ou indépendant sont de nature différente en droit du travail et en droit de la sécurité sociale et que ne remplissant pas les conditions d’affiliation à la sécurité sociale selon le droit luxembourgeois en qualité de mandataire social, il lui était alors possible de s’affilier au régime des travailleurs indépendants.
La société qui conclut à la confirmation, soutient que le contrat de travail était fictif en ce que les fonctions d’acheteur correspondaient à une fonction inhérente à la qualité de gérant technique et au mandat social pour lequel il a été rémunéré et non à une fonction technique opérationnelle distincte de ses fonctions de gérant technique, que M. [X] ne prouve pas avoir tenu un emploi salarié distinct nettement dissociable, dans lequel le lien de subordination est l’élément essentiel, que la relation était exclusivement de nature commerciale au regard du statut d’indépendant de celui-ci. Elle ajoute que la signature d’un contrat de travail et la délivrance de fiches de paie sont insuffisantes pour établir l’existence d’un lien de subordination, ce d’autant que la société est une structure de petite taille, qu’il travaillait en toute indépendance sans avoir à rendre compte et se déplaçait librement dans tous les pays de l’Union, qu’il avait un statut de travailleur indépendant, titulaire de l’autorisation d’établissement délivrée par la Ministère de l’économie en date du 23 août 2018 à la condition qu’il dirige de manière effective la société Tradebat, ce qui a été le cas jusqu’en mai 2019.
Subsidiairement, elle soutient que M. [X] ne sollicite pas la réformation du jugement.
L’incompétence internationale des juridictions françaises n’est pas soulevée et la compétence des juridictions françaises ne fait pas l’objet de discussion.
L’article L. 1411-1 du code du travail français donne compétence à la juridiction prud’homale pour statuer sur les différends qui peuvent s’élever entre les employeurs et les salariés qu’ils emploient à l’occasion de tout contrat de travail.
Le contrat passé le 1er septembre 2018 entre les parties stipule qu’il est soumis à la loi luxembourgeoise dont les parties revendiquent à juste titre l’application en application de la Convention de Rome.
En droit luxembourgeois, l’existence de la relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs.
C’est à celui qui se prévaut d’un contrat de travail d’en établir l’existence, mais en présence d’un contrat de travail apparent, il incombe à celui qui invoque son caractère fictif d’en rapporter la preuve.
L’existence d’un contrat de travail nécessite la réunion des trois conditions suivantes consistant à l’exécution d’un travail, à une rémunération et à l’existence d’un lien de subordination.
Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
Les fonctions techniques exercées pendant la durée d’un mandat social relèvent d’un contrat de travail à la condition qu’elles aient été accomplies dans un état de subordination à l’égard de la société et que ces fonctions techniques soient distinctes des fonctions de mandataire social.
Aux termes de l’acte de constitution de la société, il était prévu à la fois que la société se trouvait engagée en toutes circonstances par la signature individuelle du gérant technique ou par la signature conjointe du gérant technique et de l’un des gérants administratifs.
En l’occurrence, le contrat écrit du 1er septembre 2018 entre les parties, intitulé contrat de travail définit les fonctions et attributions du ‘salarié’, une période d’essai, le lieu de travail, l’horaire de travail de 12 heures par semaine réparties du lundi au vendredi au cours de la journée de travail définie par le temps -cadre, une rémunération mensuelle brute , des congés annuels, une clause de fidélité, l’obligation pour le salarié d’informer le jour même l’employeur de son empêchement en cas d’incapacité de travail et de fournir un certificat médical dans un délai de trois jours.
Le salarié a bénéficié de bulletins de salaire pour ses fonctions d’acheteur pour les mois de septembre 2018 à novembre 2018.
Ces éléments sont insuffisants à démontrer l’existence d’un contrat apparent permettant le cumul du mandat social de gérant technique et d’un contrat de travail dès lors que les tâches incombant au salarié acheteur définies au contrat qui sont :
la collecte et compréhension des besoins des clients,
la prospection des fournisseurs en Europe (Italie, Portugal, Pologne, Espagne,…)
Bâtir un carnet d’adresses de partenaires basés sur la zone de prospection,
l’organisation de rendez-vous de qualification et de négociation,
la définition d’un catalogue de produits et de leur tarification,
rentrent dans le cadre des missions d’un gérant technique et ne sont pas dissociables de celles découlant du mandat social au regard de la taille de l’entreprise dont il n’est pas discuté qu’elle est de petite taille et qu’à la suite du courrier du 9 mai 2019, du Centre des liaisons européennes et internationales de sécurité sociale (le Cleiss) au Centre national des firmes étrangère de l’Urssaf Alsace, dont copie a été envoyée à la société aux fins de procéder à l’immatriculation de la société Tradebat sur le territoire français et à l’appel de cotisations dues au titre de la couverture sociale du salarié M. [X], aucun travail effectif postérieur à celui-ci et à la révocation du mandat social de l’intéressé le 12 juillet 2019 ne ressort des éléments versés aux débats.
Ce faisant, c’est à celui qui se prévaut du contrat de travail d’en justifier.
Les courriels versés aux débats par M. [X] démontrent la coordination entre les trois gérants et leurs services sans élément probant d’un lien de subordination effectif à l’égard de l’un ou autre des deux autres gérants administratifs malgré le point de vu divergeant que M. [D], gérant administratif détenteur de 48% des parts sociales a pu exprimer à une reprise sur l’acceptation d’un contrat. Il n’en ressort aucun élément de contrôle que ce soit du travail effectué, du temps de travail, pas plus que de demande de congés ou de demande de compte rendu d’activités.
M. [X] disposait en outre du statut de travailleur indépendant qui lui permettait au regard de la loi luxembourgeoise et compte tenu de sa participation inférieure à 25% des parts de bénéficier d’une couverture sociale et a permis à la société Tradebat d’obtenir une autorisation d’établissement au Grand-Duché du Luxembourg.
Enfin, la rémunération mensuelle de 6.090 euros pour un temps de travail effectif hebdomadaire de 12 heures correspondant à une rémunération horaire de 117,20 euros, apparaît sans rapport avec le prix du travail, même sur le marché luxembourgeois, ce d’autant que celui-ci ne percevait pas de double rémunération au regard du cumul invoqué des fonctions de mandataire social et de salarié.
Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, la cour dispose d’éléments suffisants pour considérer qu’il n’existait pas entre la société Tradebat et M. [X] de lien de subordination, ni donc de contrat de travail.
Le conseil de prud’hommes a déduit de cette absence de relation de travail qu’il n’était pas compétent pour statuer sur les demandes en paiement présentées par M. [X].
Or la simple lecture des écritures de M. [X] permet toutefois de constater que la totalité de ses demandes porte sur l’existence de ce contrat de travail et sur son exécution, si bien que la juridiction prud’homale est donc bien matériellement seule compétente pour en connaître, par application des articles L. 1411’1 et L.1411-4 du code du travail, précités.
Dès lors, c’est à tort que le conseil de prud’hommes a déduit de cette absence de contrat de travail son incompétence pour connaître du litige. Le jugement sera donc infirmé sur ce chef, étant précisé que M. [X] a précisé au sein de ses dernières conclusions sa prétention aux fins d’infirmation du jugement, en conformité avec son appel, sans que les dispositions de l’article 954 du code de procédure civile puissent alors être considérée comme ayant été méconnues.
Il est en revanche de bonne justice de donner une solution définitive à l’affaire et ainsi d’évoquer l’affaire au fond devant la cour, juridiction d’appel du conseil de prud’hommes de Nice compétent. Les parties seront donc invitées à conlure au fond.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
Chacune des parties succombe en sorte qu’elles supporteront chacune les dépens qu’elles ont exposés et que le jugement entrepris sera confirmé sur ce chef.
La cour réserve à statuer sur les dépens d’appel et sur la demande d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile présentée par la société Tradebat.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Statuant contradictoirement et publiquement par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions de l’article 450 du code de procédure civile;
Déclare l’appel de M. [X] recevable ;
Dans la limite de la dévolution,
Confirme le jugement en ce qu’il a dit que chaque partie conservera à sa charge les dépens de première instance qu’elles ont exposés ;
Infirme le jugement en ce que le conseil de prud’hommes de Nice s’est déclaré incompétent ratione materiae ;
Statuant à nouveau dans cette limite,
Déboute M. [X] de sa demande tendant à dire qu’il est lié par un contrat de travail avec la société Tradebat,
Déclare le conseil de prud’hommes de Nice compétent ratione materiae,
Evoque l’affaire au fond ;
Invite les parties à conclure au fond, à charge pour l’appelant de formuler ses demandes dans un délai de deux mois à compter de l’arrêt et à l’intimé d’y répondre dans un délai de deux mois à compter de la remise des conclusions de l’appelant, à défaut de quoi l’affaire sera radiée;
Renvoie à l’affaire sur évocation à l’audience rapporteur du lundi 26 juin 2023 à 9 heures, le présent arrêt valant convocation ;
Dit que l’ordonnance de clôture interviendra le 12 juin 2023 ;
Réserve à statuer sur les dépens de l’appel et la demande d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile formulée par la société Tradebat.
LE GREFFIER LE PRESIDENT