Constitution d’avocat : décision du 25 janvier 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/07489

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Constitution d’avocat : décision du 25 janvier 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/07489
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Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 8

ARRÊT DU 25 JANVIER 2023

(n° 2023/ 14 , 7 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/07489 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFUTT

Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Avril 2022 -Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° 2021012925

APPELANTE

S.A. L’ÉQUITÉ COMPAGNIE D’ASSURANCES ET DE RÉASSURANCES CONTRE LES RISQUES DE TOUTE NATURE, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux

[Adresse 1]

[Localité 3]

Immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro : 572 084 697

représentée par Me Bruno REGNIER de la SCP REGNIER – BEQUET – MOISAN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050, avocat postulant,

ayant pour avocat plaidant, Me Dominique NICOLAI LOTY de la SELARL NICOLAI-LOTY-SALAUN, avocat au barreau de PARIS, toque : B0420 substituée par Me Stéphanie SALAÜN, SELARL NICOLAI-LOTY-SALAUN, avocat au barreau de PARIS, toque : B0420

INTIMÉE

Société ABW VOLMZTCHT A.B, société d’assurance de droit néerlandais, agissant poursuite et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,

[Adresse 5]

[Localité 2] (PAYS BAS)

représentée par Me François-Dominique WOJAS de la SCP JOLY-CUTURI-WOJAS AVOCATS DYNAMIS EUROPE (ADE), avocat au barreau de PARIS, toque : P0472

assistée de Me Nathalie CHEVALIER, SELARL GRAVELLE AVOCATS, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC143

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 17 Octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant Mme Béatrice CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Béatrice CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre

Mme Laurence FAIVRE, Présidente de chambre

M Julien SENEL, Conseiller

Greffier, lors des débats : Mme Dorothée RABITA

ARRÊT : Contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par, Mme Béatrice CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre et par Laure POUPET, greffière, présente lors de la mise à disposition.

****

Le 31 mai 2016, un accident de la circulation a eu lieu près de [Localité 4] (FRANCE) entre un poids lourd appartenant à la société de droit néerlandais HARTOG (non attraite à la cause), assurée par la société ABW VOLMACHT A.B., société d’assurance de droit néerlandais (ci-après ABW), et un véhicule particulier assuré, selon ABW, par la SA GENERALI FRANCE (ci-après GENERALI).

La responsabilité du véhicule particulier n’a pas été contestée.

La compagnie ABW a indemnisé son assurée à concurrence de 65.914,08 euros.

Malgré plusieurs échanges ainsi qu’une mise en demeure en date du 13 juin 2019, la société ABW n’a pu trouver un accord avec la compagnie GENERALI sur le montant de l’indemnisation qu’elle lui réclame.

En conséquence, le 26 février 2021, la société ABW a assigné la compagnie GENERALI devant le tribunal de commerce de PARIS, au visa des dispositions des articles 12 à 16 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, aux fins d’obtenir sa condamnation à lui payer la somme de 65.914,08 euros, outre le double du taux de l’intérêt légal à compter de l’expiration du délai et jusqu’au jour de l’offre ou du jugement devenu définitif, soit :

– 467,96 euros au titre des frais d’expertise du poids lourd sinistré ;

– 28.950,41 euros au titre de la perte de valeur du poids lourd sinistré ;

– 16.323,75 euros au titre de la location d’un poids lourd en attendant l’acquisition d’un nouveau véhicule ;

– 8.181,02 euros au titre des frais de transport et de dépannage du poids lourd sinistré ;

– 711,96 euros au titre des frais médicaux et pharmaceutiques engagés pour le conducteur du poids lourd sinistré ;

– 650 euros au titre du carburant perdu en raison de l’accident ;

– 438 euros au titre de la traduction des documents justificatifs pour la présente procédure.

Au soutien de ses demandes, la société ABW indiquait, en substance, avoir indemnisé son assurée, la société HARTOG, des conséquences de l’accident de la circulation survenu le 31 mai 2016 entre le poids-lourd appartenant à ladite société HARTOG et un véhicule particulier assuré par GENERALI, en réalité L’EQUITE, dont la responsabilité n’a pas été contestée, et que malgré quelques tractations elle n’a pu parvenir à un accord sur le montant des sommes à récupérer.

La compagnie L’EQUITE, intervenue volontairement à l’instance, en disant être l’assureur du véhicule responsable de l’accident, a soulevé in limine litis l’exception d’incompétence du tribunal de commerce au profit du tribunal judiciaire de PARIS à laquelle la société ABW s’est opposée.

Par jugement du 13 avril 2022, le tribunal a :

– dit recevable et bien fondée l’intervention volontaire de la SA L’EQUlTE ;

– prononcé la mise hors de cause de la SA GENERALI ;

– dit recevable mais non fondée l’exception d’incompétence soulevée par la SA L’EQUITE, l’a déboutée de sa demande formée de ce chef et s’est déclaré compétent pour juger le présent litige;

– renvoyé l’affaire à une audience collégiale avec injonction à la SA L’EQUlTE de conclure au fond ;

– condamné la SA L’EQUlTE à payer à la société ABW .la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;

– réservé les dépens.

Par déclaration électronique du 28 avril 2022, enregistrée au greffe le même jour, la SA L’EQUITE a interjeté appel. Elle a été autorisée à assigner à jour fixe la société ABW en application des articles 84 et 85 du code de procédure civile relatifs à l’appel des jugements statuant exclusivement sur la compétence.

Aux termes de ses dernières conclusions (n°2) notifiées par voie électronique le 5 octobre 2022, l’appelante demande à la cour, au visa des dispositions d’ordre public de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, et des articles L 211-4 et R 212-8 1° du code de l’organisation judiciaire, de

– déclarer recevable et bien fondé l’appel interjeté ;

– infirmer purement et simplement la décision rendue le 13 avril 2022 par le tribunal de commerce de PARIS en ce qu’il s’est déclaré compétent et en ce qu’il a cru devoir condamner

L’EQUITE au paiement d’une somme de 2.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Et statuant à nouveau, renvoyer la société ABW à mieux se pourvoir devant le tribunal judiciaire de PARIS ;

– condamner la société ABW au paiement d’une somme de 2.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’en tous les dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 15 septembre 2022, la société intimée ABW, demande à la cour, au visa des articles R.211-4 et R.212-8 du code de l’organisation judiciaire dans leur rédaction en vigueur le 31 mai 2016, de :

– confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de PARIS en date du 13/04/2022 en ce qu’il a retenu sa compétence matérielle pour trancher le litige au fond sur l’action initiée par la compagnie ABW ;

– débouter la compagnie L’EQUITE de l’intégralité de ses demandes ;

– condamner la compagnie L’EQUITE au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner la compagnie L’EQUITE aux entiers dépens.

Pour plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, il convient de se reporter aux conclusions ci-dessus visées conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

La clôture est intervenue le 11 octobre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La société appelante sollicite l’infirmation du jugement en ce que le tribunal de commerce s’est déclaré compétent et le renvoi de la société intimée ABW à mieux se pourvoir devant le tribunal judiciaire de PARIS faisant essentiellement valoir que les tribunaux de l’ordre judiciaire sont seuls compétents pour statuer sur toute action en responsabilité délictuelle ou quasi-délictuelle tendant à la réparation des dommages de toute nature causés par un véhicule quelconque, au visa des dispositions d’ordre public de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, et ce en application, notamment, des dispositions des articles L 211-4 et R 212-8 1° du code de l’organisation judiciaire.

La société ABW sollicite quant à elle la confirmation de la décision. Elle fait valoir que l’ancien article L.311-10-1 du code de l’organisation judiciaire a été abrogé par l’ordonnance n°2006-673 du 8 juin 2006 entrée en vigueur à la publication du décret n°2008-522 du 2 juin 2008 ; que le litige porte sur un recours entre assureurs puisque la société ABW sollicite le remboursement des sommes engagées et versées à son assuré dans le cadre d’un sinistre dont les responsabilités ne sont pas discutées ; que les deux actions ne se confondent pas bien qu’elles soient tirées du même fait dommageable. ; que l’action de la compagnie ABW ne tend pas à la réparation d’un préjudice corporel et implique seulement deux sociétés commerciales ; qu’elle pouvait donc assigner la compagnie GENERALI devant le tribunal de commerce de PARIS dans le ressort duquel se trouve le siège social de la défenderesse visée par l’assignation.

Sur ce,

Il résulte des articles 75, 83, 84, 85, 86 et 87 du code de procédure civile que :

‘S’il est prétendu que la juridiction saisie ‘ en première instance ou en appel’ est incompétente, la partie qui soulève cette exception doit, à peine d’irrecevabilité, la motiver et faire connaître dans tous les cas devant quelle juridiction elle demande que l’affaire soit portée’.

‘Lorsque le juge s’est prononcé sur la compétence sans statuer sur le fond du litige, sa décision peut faire l’objet d’un appel dans les conditions prévues par le présent paragraphe (…).

‘Le délai d’appel est de quinze jours à compter de la notification du jugement. Le greffe procède à cette notification adressée aux parties par lettre recommandée avec avis de réception. Il notifie également le jugement à leur avocat, dans le cas d’une procédure avec représentation obligatoire.

En cas d’appel, l’appelant doit, à peine de caducité de la déclaration d’appel saisir, dans le délai d’appel, le premier président en vue, selon le cas, d’être autorisé à assigner à jour fixe ou de bénéficier d’une fixation prioritaire de l’affaire’.

‘ Outre les mentions prescrites selon le cas par les articles 901 ou 933, la déclaration d’appel précise qu’elle est dirigée contre un jugement statuant sur la compétence et doit, à peine d’irrecevabilité, être motivée, soit dans la déclaration elle-même, soit dans des conclusions jointes à cette déclaration.

Nonobstant toute disposition contraire, l’appel est instruit et jugé comme en matière de procédure à jour fixesi les règles applicables à l’appel des décisions rendues par la juridiction dont émane le jugement frappé d’appel imposent la constitution d’avocat ou, dans le cas contraire, comme il est dit à l’article 948.’

‘ La cour renvoie l’affaire à la juridiction qu’elle estime compétente. Cette décision s’impose aux parties et au juge de renvoi.

Lorsque le renvoi est fait à la juridiction qui avait été initialement saisie, l’instance se poursuit à la diligence du juge’.

‘ Le greffier de la cour notifie aussitôt l’arrêt aux parties par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.

Cet arrêt n’est pas susceptible d’opposition.

Le délai de pourvoi en cassation court à compter de sa notification’.

En l’espèce, la déclaration d’appel est motivée et précise qu’elle est dirigée contre un jugement statuant sur la compétence dans la déclaration elle-même ainsi que dans les conclusions jointes à cette déclaration.

L’appel est instruit et jugé comme en matière de procédure à jour fixe conformément à l’article 85 du code de procédure civile.

Sur la recevabilité de l’exception d’incompétence soulevée devant le tribunal de commerce

Il n’est pas contesté que l’exception d’incompétence soulevée devant le tribunal de commerce de PARIS était motivée et a été soulevée avant toute défense au fond ou fin de non recevoir, qu’elle désignait la juridiction du tribunal judiciaire de PARIS qui serait compétente et qu’en conséquence elle était recevable.

Sur le mérite de l’exception d’incompétence d’attribution

Le tribunal de commerce s’est déclaré compétent considérant que l’action intentée par la société ABW ne concerne pas directement la réparation d’un dommage corporel, mais porte sur un recours entre assureurs et que les actions au titre d’accidents de la circulation ne sont pas visées par l’article R 211-4 du code de l’organisation judiciaire qui détermine expressément les domaines de compétence exclusive des tribunaux judiciaires, que les sociétés ABW et l’EQUITE étant toutes deux commerçantes, il convient de rejeter l’exception soulevée.

Cependant, la compagnie L’EQUITE fait valoir à juste titre que les tribunaux de l’ordre judiciaire (tribunal de grand instance devenu tribunal judiciaire) sont seuls compétents pour statuer sur toute action en responsabilité délictuelle tendant à la réparation des dommages de toute nature causés par un véhicule quelconque.

La loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 dite ‘BADINTER’ dont les dispositions sont d’ordre public a créé un article L 311-10-1 du code de l’organisation judiciaire qui disposait que « le tribunal de grande instance connait à juge unique des litiges auxquels peuvent donner lieu les accidents de la circulation terrestre. Le juge peut toujours renvoyer une affaire en l’état à la formation collégiale » ;

Aux termes du décret n° 2008-522 du 2 juin 2008 qui a refondu la partie règlementaire du code de l’organisation judiciaire, ces dispositions ont été reprises dans un article, R 212-8, également inséré dans un chapitre consacré à l’organisation et au fonctionnement du tribunal de grande instance, selon lequel, dans sa version d’origine : « le tribunal de grande instance connaît à juge unique : 1° des litiges auxquels peuvent donner lieu les accidents de la circulation terrestre’»; puis dans la version entrée en vigueur le 1er janvier 2020 : « Le tribunal judiciaire connaît à juge unique : 1° des litiges auxquels peuvent donner lieu les accidents de la circulation terrestre’»;

Ce texte pose donc clairement une règle de compétence matérielle comme le fait le texte d’origine issu de la loi du 5 juillet 1985, loi autonome.

En l’espèce, l’accident de la circulation survenu le 31 mai 2016, dans lequel les occupants du véhicule léger sont décédés et le conducteur du poids-lourd a été blessé , ne présente aucun lien avec l’exercice d’une activité commerciale, les réclamations formulées étant directement liées aux dégradations du poids-lourd impliqué et aux frais médicaux de son conducteur.

L’assureur ABW, subrogé dans les droits de son assuré qu’il a indemnisé des conséquences de la collision avec un autre véhicule, et qui entend exercer un recours contre l’assureur du conducteur d’un véhicule terrestre à moteur impliqué dans un accident de la circulation pour obtenir le remboursement des indemnités allouées aux victimes de cet accident, ne peut agir que sur le fondement des dispositions de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l’amélioration de la situation des victimes d’accidents de la circulation et à l’accélération des procédures d’indemnisation, à l’exclusion du droit commun.

Le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu’il a dit recevable mais non fondée l’exception d’incompétence soulevée par la SA L’EQUlTE, l’a déboutée de sa demande formée de ce chef, s’est déclaré compétent pour juger le présent litige et a renvoyé l’affaire à une audience collégiale avec injonction à la SA L’EQUlTE de conclure au fond.

Sur les autres demandes

Le jugement sera infirmé en ce qu’il a condamné la SA L’EQUlTE à payer à la société ABW la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et a réservé les dépens.

En cause d’appel, la société ABW qui succombe sera condamnée au paiement à la société L’EQUITE d’une somme de 2.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’en tous les dépens.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

statuant en dernier ressort, par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe,

INFIRME le jugement rendu le 13 avril 2022 par le tribunal de commerce de PARIS en ce qu’il s’est déclaré compétent et en ce qu’il a condamné la SA L’EQUITE au paiement d’une somme de 2.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau, et y ajoutant,

Fait droit à l’exception d’incompétence soulevée par la SA L’EQUITE ;

Dit le tribunal judiciaire de PARIS compétent pour statuer sur cette affaire qui sera renvoyée devant ladite juridiction ;

Condamne la société ABW au paiement d’une somme de 2.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’en tous les dépens ;

Dit que le greffier de la cour notifiera aussitôt l’arrêt aux parties par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ;

Rappelle que le délai de pourvoi en cassation court à compter de sa notification.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

 


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