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COUR D’APPEL
D’ANGERS
CHAMBRE A – CIVILE
CM/CL
DECISION : TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de SAUMUR du 24 Février 2022
Ordonnance du 25 Janvier 2023
N° RG 22/00588 – N° Portalis DBVP-V-B7G-E7KL
AFFAIRE : S.A. ALLIANZ C/ [N], [D], [E], [S]
ORDONNANCE
DU MAGISTRAT CHARGE DE LA MISE EN ETAT
DU 25 Janvier 2023
Nous, Catherine Muller, Conseiller faisant fonction de président de chambre à la Cour d’Appel d’ANGERS, chargée de la mise en état, assistée de Christine Leveuf, Greffier,
Statuant dans la procédure suivie :
ENTRE :
Monsieur [G] [D]
né le 03 Juillet 1980 à [Localité 9] (85)
[Adresse 4]
[Localité 7]
Madame [O] [E] épouse [D]
née le 03 Août 1989 à [Localité 9] (85)
[Adresse 4]
[Localité 7]
Représentée par Me Inès RUBINEL, avocate postulante au barreau d’ANGERS en qualité d’aministratrice provisoire de Me Benoît GEORGE, associé de La SELARL LEXAVOUE RENNES ANGERS, avocat au barreau d’ANGERS – N° du dossier 225317
Intimés
Demandeurs à l’incident
ET :
S.A. ALLIANZ
[Adresse 1]
[Localité 8]
Représentée par Me Arnaud BARBE de la SCP CHANTEUX DELAHAIE QUILICHINI BARBE, avocat au barreau d’ANGERS – N° du dossier 2018443
Appelante
Défenderesse à l’incident
Monsieur [K] [N]
né le 06 Avril 1967 à [Localité 10] (57)
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représenté par Me Amélie ROUSSELOT substituant Me Thierry BOISNARD de la SELARL LEXCAP, avocat au barreau D’ANGERS
Intimé
Défendeur à l’incident
Monsieur [V] [S] en qualité de liquidateur judiciaire de la société HORSES TRUCKS INDUSTRIE
[Adresse 2]
[Localité 5]
Assigné, n’ayant pas constitué avocat
Intimé,
Défendeur à l’incident
Après débats à l’audience tenue en notre Cabinet au Palais de Justice le 23 Novembre 2022 à laquelle les avocats des parties étaient dûment appelés, avons rendu l’ordonnance ci-après :
Suivant déclaration en date du 5 avril 2022, la SA Allianz a relevé appel à l’égard de M. [N], de M. [D] et son épouse Mme [E] et de Me [S] en qualité de mandataire liquidateur de la société Horses Trucks Industrie d’un jugement assorti de l’exécution provisoire rendu le 24 février 2022 par le tribunal judiciaire de Saumur en ce qu’il l’a condamnée seule à payer à M. [D] et son épouse Mme [E] la somme de 62 500 euros et in solidum avec M. [N] à payer à ceux-ci la somme de 10 000 euros au titre de la réparation de leur préjudice moral.
L’appelante a déposé ses conclusions au greffe le 4 juillet 2022 en les notifiant simultanément au conseil déjà constitué pour M. [N].
Sur avis reçu du greffe le 27 juin 2022 d’avoir à procéder par voie de signification à l’égard des autres intimés en application de l’article 902 du code de procédure civile, elle a fait assigner le 11 juillet 2022, en lui dénonçant la déclaration d’appel et ses conclusions et pièces, Me [S] en qualité de mandataire liquidateur de la société Horses Trucks Industrie qui, cité à domicile, n’a pas constitué avocat, mais pas M. [D] et son épouse Mme [E] qui ont constitué avocat le 5 août 2022.
Après avoir saisi le conseiller de la mise en état le 8 août 2022 d’un incident de caducité de la déclaration d’appel, M. [D] et son épouse Mme [E] ont conclu le 4 octobre 2022 sous réserve de cet incident en formant appel incident du jugement en ce qu’il a limité la condamnation au titre de la réparation de leur préjudice moral à 10 000 euros et rejeté leur demande en paiement par la SA Allianz d’une somme de 3 000 euros pour mettre à la casse le véhicule, puis ont fait assigner Me [S] en qualité de mandataire liquidateur de la société Horses Trucks Industrie le 12 octobre 2022 en lui dénonçant la déclaration d’appel et leurs conclusions.
M. [N] a conclu pour la première fois le 4 octobre 2022 en formant appel incident du jugement en ce qu’il l’a condamné in solidum avec la SA Allianz à payer à M. [D] et son épouse Mme [E] la somme de 10 000 euros au titre de la réparation de leur préjudice moral et avec Me [S] en qualité de mandataire liquidateur de la société Horses Trucks Industrie à payer à ceux-ci la somme de 4 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens, puis à nouveau le 17 novembre 2022 en réponse à l’appel incident de ses co-intimés.
Dans leurs dernières conclusions d’incident aux fins de prononcé de la caducité de la déclaration d’appel en date du 8 août 2022, notifiées le 16 août 2022 au conseil de M. [N] et signifiées par huissier le 29 août 2022 au mandataire liquidateur de la société Horses Trucks Industrie, M. [D] et son épouse Mme [E] demandent au conseiller de la mise en état, au visa des articles 902 et suivants, notamment 911, du code de procédure civile, de les recevoir en leur incident et, y faisant droit, de prononcer la caducité de l’appel formé par la SA Allianz le 5 avril 2022 devant la cour d’appel d’Angers (chambre A civile – RG 22/00588) à l’encontre du jugement rendu par le tribunal judiciaire de Saumur le 24 février 2022, de rejeter toutes prétentions contraires et de condamner la SA Allianz aux entiers dépens de l’instance, dont distraction au profit de Me Rubinel conformément à l’article 699 du code de procédure civile, ainsi qu’à leur payer la somme de 10 000 euros par application de l’article 700 du même code, au motif qu’il appartenait à l’appelante de leur signifier, d’une part, la déclaration d’appel dans le mois de l’avis du greffe du 27 juin 2022 l’invitant à y procéder, soit au plus tard le 27 juillet 2022, ce qu’elle n’a pas fait, d’autre part, ses conclusions, son bordereau de pièces et ses pièces dans le mois suivant l’expiration du délai pour conclure, soit au plus tard le 4 août 2022, ce qu’elle n’a pas davantage fait, alors que leur constitution d’avocat en appel après ces deux dates n’a pu l’en dispenser.
Dans ses dernières conclusions d’incident en date du 17 novembre 2022, signifiées par huissier le lendemain au mandataire liquidateur de la société Horses Trucks Industrie, la SA Allianz demande au conseiller de la mise en état, à titre principal, au visa de l’adage fraus omnia corrumpit, de déclarer que M. [D] et son épouse Mme [E] ont frauduleusement instrumentalisé la procédure civile en cause d’appel, d’en tirer toutes conséquences de droit en les déboutant de leur moyen de caducité de la déclaration d’appel et de les condamner à lui verser une somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et, subsidiairement, au visa des articles 552 et 553 du code de procédure civile, de déclarer que le litige est indivisible, de débouter M. [D] et son épouse Mme [E] de l’ensemble de leurs prétentions au titre de l’incident et de déclarer recevable son appel formé le 5 avril 2022 devant la cour d’appel d’Angers à l’encontre du jugement rendu par le tribunal judiciaire de Saumur le 24 février 2022, y compris à l’égard de ceux-ci, et, à titre infiniment subsidiaire, de débouter M. [D] et son épouse Mme [E] de leurs demandes formulées au titre de l’article 700 du code de procédure civile, au motif que :
– le comportement inadmissible de M. [D] et son épouse Mme [E] qui ont sciemment différé leur constitution d’avocat en appel au 5 août 2022 alors qu’ils avaient connaissance de l’appel et en suivaient le déroulement, la contraignant ainsi à procéder à leur égard conformément à l’article 902 du code de procédure civile, revient indirectement à instrumentaliser la procédure afin d’en tirer un bénéfice indû à seule fin d’éluder le débat de fond et constitue une fraude les privant du bénéfice espéré de caducité de l’appel
– subsidiairement, dans la mesure où il serait impossible d’exécuter simultanément la décision de première instance qui l’a condamnée en qualité d’assureur de la société Horses Trucks Industrie et l’arrêt d’appel qui pourrait, sur son appel, remettre en cause cette condamnation à l’égard du mandataire de son assurée, le litige revêt un caractère indivisible entre les parties au sens des articles 552 et 553 du code de procédure civile, ce qui lui permet de régulariser la méconnaissance de l’article 902 du même code en intimant, sur l’appel régulièrement formé à l’encontre d’au moins une partie, les autres parties même après l’expiration du délai d’appel, cette indivisibilité s’opposant donc à ce que prospère l’incident soulevé par M. [D] et son épouse Mme [E] qui, en toute hypothèse, ont désormais constitué avocat.
M. [N] n’a pas conclu sur l’incident de caducité, son conseil ayant indiqué sur l’audience s’en rapporter.
Sur ce,
Il résulte de l’article 914 du code de procédure civile que le conseiller de la mise en état est, depuis sa désignation et jusqu’à la clôture de l’instruction, seul compétent pour prononcer la caducité de l’appel.
L’article 902 du même code dispose que, en cas de retour au greffe de la lettre simple de notification de la déclaration d’appel adressée à l’intimé ou lorsque l’intimé n’a pas constitué avocat dans le délai d’un mois à compter de l’envoi de cette lettre, le greffier en avise le conseil de l’appelant afin qu’il procède par voie de signification de la déclaration d’appel, signification qui doit, à peine de caducité de la déclaration d’appel relevée d’office, être effectuée dans le mois de cet avis.
En outre, l’article 908 du même code impartit à l’appelant un délai de trois mois à compter de la déclaration d’appel pour remettre ses conclusions au greffe, ce à peine de caducité de la déclaration d’appel, relevée d’office, et l’article 911 l’oblige, sous la même sanction, à signifier ses conclusions aux intimés qui n’ont pas constitué avocat, ce dans le mois suivant l’expiration du délai de trois mois susvisé.
Par ailleurs, en cas d’indivisibilité à l’égard de plusieurs parties, l’article 552 alinéa 2 du même code prévoit que l’appel dirigé contre l’une réserve à l’appelant la faculté d’appeler les autres à l’instance et l’article 553 in fine prévoit que l’appel formé contre l’une n’est recevable que si toutes sont appelées à l’instance.
L’indivisibilité au sens de ces textes est caractérisée lorsqu’il existe une impossibilité juridique d’exécution simultanée de deux décisions, tenant à leur contrariété irréductible et non pas à un simple risque de contradiction.
En l’espèce, si la SA Allianz a déposé ses conclusions d’appelante avant l’expiration au 5 juillet 2022 du délai de trois mois imparti par l’article 908, en les notifiant simultanément au conseil déjà constitué pour M. [N], et les a fait signifier par huissier avec sa déclaration d’appel le 11 juillet 2022 à Me [S] en qualité de mandataire liquidateur de la société Horses Trucks Industrie, elle ne les a pas fait signifier par huissier à M. [D] et son épouse Mme [E] dans le délai supplémentaire d’un mois de l’article 911 expirant le 5 août 2022 et ne leur a pas davantage fait signifier par huissier sa déclaration d’appel dans le mois de l’avis d’avoir à y procéder qui lui a été adressé par le greffe le 27 juin 2022, soit au plus tard le 27 juillet 2022.
Si M. [D] et son épouse Mme [E] ont constitué avocat le 5 août 2022, soit le dernier jour du délai de l’article 911 et non après l’expiration de ce délai, leur conseil n’a jamais reçu notification des conclusions de l’appelante.
Contrairement à ce que soutient l’appelante, aucune fraude ne saurait être reprochée à ceux-ci qui, s’ils s’exposent à ce qu’un arrêt puisse être rendu contre eux sur les seuls éléments fournis par leur adversaire faute de constituer avocat dans le mois de l’avis de déclaration d’appel qui leur a été adressé par le greffe le 6 avril 2022, n’ont nullement l’obligation de faire diligence pour éviter à l’appelante, qui a seule la charge procédurale de surveiller les délais qui la concernent, d’avoir à procéder par voie de signification à leur égard, quand bien même ils ont eu connaissance de l’appel.
En outre, les condamnations prononcées par le premier juge au profit de M. [D] et son épouse Mme [E], acquéreurs d’un véhicule de type autocar qu’ils ont fait transformer en camping-car, à l’encontre de M. [N], vendeur du véhicule, du mandataire liquidateur de la société Horses Trucks Industrie, transformateur du véhicule, et/ou de la SA Allianz, assureur de cette société, ne suffisent pas, même si certaines l’ont été in solidum, à caractériser l’indivisibilité du litige.
En effet, il n’est nullement impossible de poursuivre simultanément l’exécution du jugement à l’encontre de la SA Allianz et l’arrêt à intervenir qui, sur l’appel incident de M. [N], pourrait remettre en cause les condamnations prononcées contre ce dernier mais qui, sur le seul appel de la SA Allianz à l’encontre de M. [N] et du mandataire liquidateur de la société Horses Trucks Industrie, ne pourrait aucunement remettre en cause les condamnations prononcées contre elle au profit de M. [D] et son épouse Mme [E].
L’indivisibilité du litige, invoquée à tort par l’appelante serait, d’ailleurs, de nature à entraîner la caducité totale de sa déclaration d’appel en application de l’article 553 in fine, et non à régulariser le défaut de signification, dans les délais impartis, à M. [D] et son épouse Mme [E] qu’elle a intimés dès l’origine, l’incident soulevé n’ayant pas trait à l’irrecevabilité de son appel mais à sa caducité.
Par conséquent, la SA Allianz encourt la caducité de sa déclaration d’appel à l’égard de M. [D] et son épouse Mme [E] sur le double fondement des articles 902 et 911 du code de procédure civile.
Cette caducité partielle n’entraîne pas le dessaisissement de la cour à l’égard de M. [D] et son épouse Mme [E] qui font l’objet d’un appel incident de la part de leur co-intimé M. [N].
Partie perdante, la SA Allianz supportera les dépens de l’incident, le surplus étant réservé puisque l’instance d’appel se poursuit.
En considération de l’équité et de la situation respective des parties, une somme de 800 euros sera mise à sa charge au titre des frais non compris dans les dépens exposés dans le cadre du seul incident par M. [D] et son épouse Mme [E] sur le fondement de l’article 700 1° du code de procédure civile, sa demande au même titre ne pouvant qu’être rejetée.
Par ces motifs
Déclarons caduque à l’égard de M. [D] et son épouse Mme [E] la déclaration d’appel faite par la SA Allianz le 5 avril 2022.
Condamnons la SA Allianz à payer à M. [D] et son épouse Mme [E] ensemble la somme de 800 (huit cents) euros en application de l’article 700 1° du code de procédure civile et rejetons sa demande au même titre.
Condamnons la SA Allianz aux dépens de l’incident qui seront recouvrés dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile et réservons les dépens pour le surplus.
Le greffier Le magistrat
chargé de la mise en état
C. LEVEUF C. MULLER