Constitution d’avocat : décision du 23 novembre 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 22/05334

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Constitution d’avocat : décision du 23 novembre 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 22/05334
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7ème Ch Prud’homale

ORDONNANCE N°139/2023

N° RG 22/05334 – N° Portalis DBVL-V-B7G-TCLU

Mme [D] [O]

C/

CAP SANTE SARL

Ordonnance d’incident

Copie exécutoire délivrée

le :23/11/2023

à :Me Lhermitte

Me Caron

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ORDONNANCE MISE EN ETAT

DU 23 NOVEMBRE 2023

Le vingt trois Novembre deux mille vingt trois, date indiquée à l’issue des débats du mardi vingt six septembre deux mille vingt trois devant Madame Isabelle CHARPENTIER, Magistrat de la mise en état de la 7ème Ch Prud’homale,assisté de Françoise DELAUNAY, Greffier,

Statuant dans la procédure opposant :

DEMANDEUR A L’INCIDENT :

CAP SANTE SARL Prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Christophe LHERMITTE de la SELEURL GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

APPELANTE

DÉFENDEUR A L’INCIDENT :

Madame [D] [O]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Marie CARON de la SELARL CONVERGENS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de TOURS

INTIMEE

A rendu l’ordonnance suivante :

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 6 février 2018, Mme [D] [O] a été embauchée en qualité d’auxiliaire ambulancière en contrat à durée déterminée par la SARL Cap santé. Elle a bénéficié d’une embauche en contrat à durée indéterminée le 13 avril 2018.

Le 29 janvier 2021, Mme [O] a démissionné de son poste.

Mme [O] a saisi le conseil de prud’hommes de Morlaix par requête en date du 28 juin 2021 afin de voir condamner son employeur au paiement d’un rappel de salaire au titre d’heures supplémentaires , d’une indemnité pour travail dissimulé et de dommages-intérêts résultant de l’exécution déloyale de son contrat de travail, outre une indemnité de procédure. Elle a sollicité la délivrance sous astreinte des documents de fin de contrat.La SARL Cap santé s’est opposée à ses demandes et a sollicité une indemnité de procédure.

Par jugement en date du 22 juillet 2022, le conseil de prud’hommes de Morlaix a :

– Condamné la Société Cap Santé à verser à Mme [O] les sommes suivantes :

– 1752,42 euros bruts à titre d’heures supplémentaires,

– 152,24 euros bruts pour les congés payés afférents,

– 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

– 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

– Débouté Mme [O] de sa demande de dommages et intérêts résultant du travail dissimulé,

– Condamné la Société Cap Santé à remettre à Mme [O] un bulletin de paie et une attestation Pôle Emploi conformes au jugement dans un delai de 2 mois sous astreinte de 50 euros par jour de retard,

– Limité la durée de l’astreinte à 6 mois,

– Dit que le conseil se réserve la liquidation de l’astreinte,

– Disposé que les sommes allouées seront porteuses des intérêts de droit à compter de la demande en justice pour les montants à caractère salarial soit le 30 juin 2021, à compter du prononcé par mise à disposition au greffe soit le 22 juillet 2022 pour les dommages et intérêts ;

– Rappelé l’exécution provisoire de droit à laquelle sera assorti le présent jugement,

– Laissé les dépens à la charge de SARL Cap Santé et y compris en cas d’exécution forcée, les éventuels honoraires et frais d’huissier (article 696 du code de procédure civile).

Le jugement a été notifié le 25 juillet 2022 à la société Cap Santé.

Mme [O] a interjeté appel de ce jugement par déclaration au greffe en date du 22 août 2022, enregistrée sous le numéro de RG 22/5238.

Parallèlement, la SARL Cap Santé a transmis le 29 aout 2022 une déclaration d’appel, enregistrée sous le numéro de RG 22/5334, afin de

‘ rectifier l’erreur matérielle contenue dans la précédente déclaration d’appel notamment quant au nom des parties qui a été inversé et en ce qui concerne les chefs du jugement expréssément critiqués auxquels l’appel est limité , à savoir la condamnation de la société Cap Santé au paiement du rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, des dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail , des dépens, de l’indemnité de procédure et à la remise sous astreinte des documents sociaux.’

Un conseiller de la mise en état a été désigné le 1er septembre 2022.

Par courrier du 27 septembre 2022, le conseil de la société Cap Santé a sollicité auprès du conseiller de la mise en état la jonction de la déclaration d’appel initiale du 22 août 2022 avec la déclaration d’appel rectificative du 29 août 2022.

Mme [O] a constitué avocat dans le second dossier RG 22/5334, le 27 septembre 2022 en la personne de Me Caron, en qualité d’intimée.

Elle n’a régularisé en qualité d’appelante dans le premier dossier RG 22/5238 aucun changement de constitution d’avocat.

Dans un courrier du 2 novembre 2022, le conseil de Mme [O] a rappelé qu’elle n’était pas appelante dans ce dossier. Elle s’en rapportait à la décision du conseiller de la mise en état quant à la recevabilité des déclarations d’appel des 22 août et 29 août 2022.

Par message RPVA du 2 novembre 2022, le greffe a informé les parties que l’affaire était renvoyée à la mise en état du 29 novembre 2022 à charge pour:

– les parties de présenter leurs observations sur la régularité de la première déclaration d’appel enregistrée le 22 août 2022 au nom de Mme [X], ayant pour avocat constitué Me Lhermitte.

– le conseil de la société Cap Santé de faire parvenir ses observations quant à la régularité de la seconde déclaration d’appel enregistrée le 29 août 2022 pour le compte de la société Cap santé, ayant pour avocat constitué Me Lhermitte.

Le conseil de la société Cap Santé a répondu les 7 novembre 2022 et 2 décembre 2022 qu’il entendait au moyen de la seconde déclaration d’appel, rectifier l’erreur matérielle de la déclaration d’appel initiale et considérait que compte tenu de la constitution d’un avocat par la partie adverse dans la seconde procédure, tout était rentré dans l’ordre.

L’affaire a été fixée à une audience d’incident du 26 septembre 2023.

En l’état de ses conclusions d’incident n°2 transmises par RPVA le 14 avril 2023, la SARL Cap Santé demande au conseiller de la mise en état de :

– Dire n’y avoir pas lieu à irrecevabilité de l’appel

– Débouter Mme [O] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions

– Condamner Mme [O] à verser à la SARL Cap santé la somme de 500 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

– Condamner Mme [O] aux dépens de l’incident.

La SARL Cap Santé fait valoir que:

– l’appelant peut être amené pour rectifier une erreur contenue dans une première déclaration d’appel à réiterer son acte d’appel , notamment pour mentionner les chefs expréssément critiqués, oubliés dans une précédente déclaration d’appel, ou pour préciser la qualité d’une partie.

– seule la première déclaration d’appel ayant introduit l’instance d’appel a fait courir le délai pour conclure de l’article 908 ou 905-2 du code de procédure civile ,

– la seconde déclaration , privée d’effet au sens de l’arrêt de la cour de cassation du 21 janvier 2016 si elle vient régulariser la première déclaration d’appel affectée d’une cause de nullité, ne vient pas l’annuler et remplacer la première déclaration d’appel mais a seulement pour objet de couvrir une irrégularité.

C’est donc à tort que les greffes lui attribuent un nouveau numéro de répertoire général s’agissant d’un acte de procédure complétant le précédent acte d’appel sans pour autant introduire une instance d’appel qui existe déjà.

– l’appelant ayant respecté le délai d’appel en formant le 22 août 2022 sa première déclaration d’appel, pouvait parfaitement la rectifier dans une seconde déclaration le 29 août 2022 dans le délai de trois mois dont il disposait pour conclure.

– la première déclaration d’appel ayant interrompu le délai d’appel, la seconde déclaration d’appel qui s’incorpore à la première est formée dans le délai d’appel.

Enfin, la Sarl Cap santé ajoute que l’intimée n’a pu légitimement se méprendre sur la qualité de l’appelant et sur sa propre qualité, son conseil ayant déjà conclu dans l’affaire.

Enfin, elle conclut qu’en l’absence d’une demande d’irrecevabilité dont le débouté pourrait être demandé, son appel ne peut qu’être déclaré recevable.

En l’état de ses conclusions d’incident transmises par RPVA le 27 juillet 2023, Mme [O] demande au conseiller de la mise en état de :

– Déclarer irrecevable l’appel formé le 29 août 2022 par la SARL Cap santé .

– Condamner la SARL Cap santé à lui payer la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civil

– Condamner la SARL Cap santé aux entiers dépens.

Mme [O] relève que le conseil de Cap santé n’avait aucun mandat de sa part pour régulariser la première déclaration d’appel faite en son nom. Elle conclut que la deuxième déclaration d’appel au nom de la société a été effectuée après le délai d’un mois rendant l’appel irrecevable.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, à leurs dernières conclusions régulièrement signifiées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Dans l’intérêt d’une meilleure administration de la justice, il convient d’ordonner la jonction administrative des deux dossiers en raison de leur connexité sous le numéro uniquede RG n° 22/5334.

L’article 538 du code de procédure civile énonce que le délai de recours par une voie ordinaire de l’appel est d’un mois en matière contentieuse.

L’article 117 du code de procédure civile dispose que constituent des irrégularités de fond affectant la validité de l’acte : (…) le défaut de capacité ou de pouvoir d’une personne assurant la réprésentation d’une partie en justice.

Le défaut de capacité ou de pouvoir d’une personne assurant la représentation d’une partie en justice vise un avocat ou autre représentant ad litem n’ayant pas reçu de mandat à cet effet.

En l’espèce, l’avocat ayant assisté la société Cap Santé devant le conseil des prud’hommes a transmis le 22 août 2022 une déclaration d’appel enregistrée pour le compte de Mme [O] alors qu’il est constant que la salariée ne lui avait confié aucun mandat à cet effet.

La déclaration d’appel initiale enregistrée au nom de Mme [O] avait pour objet la réformation du jugement du 22 juillet 2022 en des chefs limitativement critiqués concernant ‘les congés payés sur les heures supplémentaires, l’absence de travail dissimulé, le débouté de la demande au titre de l’indemnité pour travail dissimulé et la condamnation à payer la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles’.

Contrairement à l’analyse de la société Cap Santé, une telle situation ne s’analyse, non pas une simple erreur matérielle, mais en une irrégularité de fond affectant la validité de l’acte au sens de l’article 117 du code de procédure civile. En effet, l’avocat en interjetant appel au nom de Mme [O] n’a pas seulement inversé les identités des parties mais il a exercé, de fait et sans pouvoir, le droit d’appel ouvert à la salariée en limitant son recours à des chefs limitativement énumérés du jugement attaqué.

Le défaut de pouvoir du représentant de la salariée en appel caractérisant une irrégularité de fond, il convient de prononcer la nullité de la déclaration d’appel formée le 22 août 2022 au nom de Mme [O].

Toutefois, une déclaration d’appel nulle, erronée ou incomplète peut être régularisée par une seconde déclaration d’appel ayant pour unique effet de rectifier la première et à laquelle elle s’incorpore sans introduire une instance nouvelle. Cette seconde déclaration doit impérativement être effectuée, s’agissant de la procédure avec désignation d’un conseiller de la mise en état, dans le délai de l’article 908, c’est à dire dans les trois mois de la déclaration d’appel initiale.

Si la déclaration d’appel nulle a interrompu le délai de forclusion et permettait une régularisation de la déclaration d’appel avant que le juge ne statue, la Sarl Cap Santé, qui n’était pas partie appelante dans le dossier initial, ne peut pas se prévaloir de la faculté de régularisation laquelle n’était ouverte qu’à Mme [O] au moyen d’une déclaration d’appel rectificative concernant la même décision et désignant le même intimé.

Il s’ensuit que la seconde déclaration d’appel, qualifiée à tort de

‘ rectificative’ par la société Cap Santé, n’était pas de nature à régulariser la déclaration d’appel initiale dans laquelle Mme [O] figurait en tant qu’appelante et ne pouvait donc pas s’incorporer à la première déclaration d’appel déclarée nulle.

Il est constaté que Mme [O] n’a régularisé aucune déclaration d’appel rectificative en tant qu’appelante et qu’elle a conclu , en tant qu’intimée dans le second dossier, à l’irrecevabilité de la seconde déclaration d’appel présentée hors délai par son adversaire.

La société Cap Santé n’avait d’autre choix que d’user de son propre droit d’appel dans le délai d’un mois suivant le 25 juillet 2022, date à laquelle le jugement du 22 juillet 2022 lui a été notifié.

L’appel formé par la société Cap Santé le 29 août 2022 à l’encontre du jugement ayant été effectué au-delà du délai d’appel qui expirait le 25 août 2022, sera donc déclaré irrecevable.

La société Cap Santé partie perdante supportera la charge des dépens de l’incident et sera déboutée de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.

Les circonstances de l’espèce justifient d’allouer à Mme [O] la somme de 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

Statuant par ordonnance contradictoire, susceptible de déféré dans les conditions fixées par l’article 916 du code de procédure civile,

Ordonne la jonction administrative des deux dossiers RG 22/5238 et RG 22/5334 en raison de leur connexité sous le numéro uniquede RG n° 22/5334.

Prononce la nullité de la déclaration d’appel effectuée le 22 août 2022 pour le compte de Mme [O] ( RG n°22/5238).

Dit que la déclaration d’appel effectuée le 29 août 2022 par la Sarl Cap Santé ( RG n°22/5334) n’est pas rectificative de la déclaration d’appel du 22 août 2022 ( RG n°22/5238)

Déclare irrecevable l’appel formé le 29 août 2022 ( RG n°22/5334) par la Sarl Cap Santé à l’encontre du jugement rendu le 22 juillet 2022 par le conseil de prud’hommes de Morlaix .

Condamne la Sarl Cap santé à payer à Mme [O] la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Rejette la demande de la Sarl Cap santé fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.

Condamne la Sarl Cap santé aux dépens de l’incident.

Le Greffier Le Conseiller de la mise en état

 


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