Your cart is currently empty!
COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80C
19e chambre
ARRET N°
REPUTE
CONTRADICTOIRE
DU 22 NOVEMBRE 2023
N° RG 21/01156
N° Portalis DBV3-V-B7F-UOJ2
AFFAIRE :
Société FONDA BA TECH, représenté par la SELAFA MJA
…
C/
[R] [P] [G]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 08 Avril 2021 par le Conseil de Prud’hommes Formation paritaire de CHARTRES
N° Section : I
N° RG : F 20/00094
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Christine BORDET-LESUEUR
la SELARL VERNAZ FRANCOIS (HON.) – AIDAT- ROUAULT ISABELLE – GAILLARD NATHALIE
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT DEUX NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Société FONDA BA TECH
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représentant : Me Mélina PEDROLLETTI, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 626 ; Me Christine BORDET-LESUEUR, Plaidant, avocat au barreau de CHARTRES
SELAFA MJA, prise en la personne de Me [I] [N], en qualité de mandataire liquidateur de la société FONDA BA TECH
Non constituée
Association AGS DE [Localité 8]
N° SIRET : 775 67 1 8 78
[Adresse 4]
[Localité 5]
Non constituée
APPELANTES
****************
Monsieur [R] [P] [G]
né le 24 Avril 1976 à PORTUGAL
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentant : Me Nathalie GAILLARD de la SELARL VERNAZ FRANCOIS (HON.) – AIDAT-ROUAULT ISABELLE – GAILLARD
NATHALIE, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000001 – Substitué par Me Isabelle AIDAT-ROUAULT, avocat au barreau de CHARTRES
INTIME
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 03 octobre 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Thierry CABALE, Président chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Thierry CABALE, Président,
Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,
Madame Laure TOUTENU, Conseiller,
Greffier lors des débats : Monsieur Nabil LAKHTIB,
EXPOSE DU LITIGE
Monsieur [R] [P] [G] a été engagé par la SARL unipersonnelle Fonda Ba Tech en tant que maçon aux termes d’un contrat de travail à durée indéterminée du 11 juin 2018. La société compte moins de 11 salariés. Les relations contractuelles étaient régies par la convention collective nationale des ouvriers employés par les entreprises du bâtiment occupant jusqu’à dix salariés.
Après son licenciement intervenu le 29 juillet 2019, le salarié a réclamé le paiement d’heures supplémentaires par courrier du 6 octobre suivant, ce à quoi l’employeur a répondu négativement par courrier du 12 novembre 2019, celui-ci estimant qu’elles étaient couvertes par l’indemnité de temps de trajet prévue par la convention collective.
Par requête reçue au greffe le 30 avril 2020, Monsieur [G] a saisi le conseil de prud’hommes de Chartres afin d’obtenir l’indemnisation du temps passé en temps de trajets et le paiement d’heures supplémentaires.
Par jugement du 8 avril 2021, auquel renvoie la cour pour l’exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud’hommes de Chartres a :
– reçu Monsieur [R] [P] [G] en ses demandes ;
– reçu la société Fonda Ba Tech SARL en sa demande reconventionnelle ;
au fond,
– ordonné la jonction des procédures enregistrées sous les numéros RG 20/00112 et RG 20/00094 ;
– dit que les procès-verbaux d’audition de Monsieur [P] [A] [M] [S] et de Monsieur [V] [E] sont joints au présent jugement ;
– dit que la moyenne des six derniers mois de salaire est de 1 828,79 euros ;
– condamné la société Fonda Ba Tech SARL à verser à Monsieur [R] [P] [G] les sommes suivantes :
8 300 euros au titre des heures supplémentaires congés payés inclus ;
10 972,74 euros au titre de dommages-intérêts pour travail dissimulé ;
– ordonné à la société Fonda Ba Tech de remettre à Monsieur [R] [P] [G] des bulletins de salaires modifiés, et des documents de ‘n de contrat modifiés, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter d’un délai d’un mois suivant la noti’cation du jugement ; le conseil se réservant le droit de liquider l’astreinte ;
– débouté la société Fonda Ba Tech SARL de sa demande reconventionnelle ;
– ordonné l’exécution provisoire sur la totalité du jugement ;
– condamné la société Fonda Ba Tech SARL aux entiers dépens qui comprendront les frais éventuels d’exécution.
Par ordonnance du 20 mai 2021, le président du bureau de jugement du conseil de prud’hommes de Chartres a :
– dit le conseil de prud’hommes de Chartres saisi d’une rectification d’erreur matérielle ;
– ordonné la rectification du jugement prononcé par le conseil de prud’hommes de Chartres en date du 8 avril 2021 ;
– dit que doit figurer dans le « Par ces motifs » du jugement en page 7 ce qui suit : « Condamne la société Fonda Ba Tech SARL à payer à M. [R] [P] [G] la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile » ;
– dit que la mention de cette rectification sera indiquée en marge du jugement rendu le 8 avril 2021 par le greffe.
Par déclaration au greffe du 16 avril 2021, la SARL Fonda Ba Tech a interjeté appel du jugement rendu le 8 avril 2021.
Par déclaration au greffe du 25 mai 2021, la SARL Fonda Ba Tech a interjeté appel de l’ordonnance rendue le 20 mai 2021.
Par ordonnance de jonction du 31 mai 2021, le conseiller de la mise en état a joint les deux procédures.
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 16 juillet 2021, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens, la SARL Fonda Ba Tech, agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, demande à la cour de :
– la déclarer recevable et bien fondée en son appel du jugement prononcé le 8 avril 2021 et de l’ordonnance rectificative prononcée le 20 mai 2021 par le conseil de prud’hommes de Chartres ;
infirmer le jugement entrepris et l’ordonnance rectificative ;
et statuant à nouveau :
– débouter Monsieur [G] de l’intégralité de ses demandes ;
– condamner Monsieur [G] au paiement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
– le condamner aux entiers dépens dont le montant sera recouvré par Maître Mélina Pedroletti, Avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 14 octobre 2021, Monsieur [G] demandait à la cour de :
– déclarer la société Fonda Ba Tech mal fondée en son appel et rejeter l’ensemble de ses demandes ;
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il lui a alloué des heures supplémentaires et porter le montant des heures dues à 19 311,60 euros congés payés inclus ;
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la Société Fonda Ba Tech à lui verser au titre du travail dissimulé la somme de 10 972,74 euros ;
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il lui a alloué 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la première instance ;
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’i| a condamné la Société Fonda Ba Tech à lui remettre les bulletins de salaire modifiés et les documents de fin de contrat modifies sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter d’un délai d’un mois suivant la notification du jugement ;
– confirmer le jugement en ce qu’il avait débouté la société Fonda Ba Tech de sa demande reconventionnelle ;
– confirmer l’article 700 en première instance à hauteur de 1 500 euros ;
– condamner la Société Fonda Ba Tech à lui verser pour les frais irrépétibles exposés en cause d’appel la somme de 2 500 euros ;
– condamner la Société Fonda Ba Tech aux entiers dépens de première instance et d’appel.
La clôture de l’instruction avait été prononcée le 13 février 2023.
Par arrêt avant dire droit du 11 mai 2023, la cour a, afin d’appeler dans la cause le mandataire liquidateur et l’AGS :
– révoqué la clôture ;
– ordonné la réouverture des débats ;
– renvoyé l’affaire à la mise en état ;
– réservé les dépens.
La cour a motivé sa décision comme suit :
« A la suite de l’audience de plaidoirie du 20 mars 2023, l’intimé a adressé à la cour, via le Rpva, une note en délibéré afin d’obtenir le rabat de l’ordonnance de clôture pour pouvoir mettre en cause les organes de la procédure collective en raison de l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire à l’encontre de la société Fonda Ba Tech, découverte tardivement faute de justification d’un extrait du Kbis par le conseil de l’appelante.
La cour a dès lors sollicité les observations de l’appelante, par le Rpva, comme suit :
« En vertu des articles 442 et 16 du code de procédure civile, l’appelante, la société Fonda Ba Tech, est invitée à formuler ses observations éventuelles quant aux incidences, sur l’instance n° RG 21/01156 en cours, notamment quant à la nécessité de devoir révoquer la clôture et de renvoyer l’affaire à la mise en état pour mettre en cause les organes de la procédure collective, de l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire à son encontre par jugement du tribunal de commerce de Paris du 10 novembre 2022 et de la désignation de la Selafa MJA, en la personne de Me [I] [N], en qualité de mandataire liquidateur, toutes inscriptions figurant sur l’extrait Kbis remis à la cour ( Rcs de Paris).
Toute note en délibéré sur ce point d’une partie doit être communiquée à l’autre partie et transmise à la cour par le Rpva au plus tard le 21 avril 2023. »
Le 18 avril 2023, via le Rpva, le conseil de l’appelante indique ne pas s’opposer à la demande de révocation de l’ordonnance de clôture afin d’appeler dans la cause le mandataire liquidateur et les Ags, demande qu’il estime « particulièrement légitime », à la suite de quoi le conseil de l’intimé, par note adressée par le Rpva le 19 avril 2023, sollicite de la cour qu’elle fasse droit à sa demande de révocation de l’ordonnance de clôture.
Selon l’article 803 du code de procédure civile :
‘ L’ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s’il se révèle une cause grave depuis qu’elle a été rendue ; la constitution d’avocat postérieurement à la clôture ne constitue pas, en soi, une cause de révocation.
Si une demande en intervention volontaire est formée après la clôture de l’instruction, l’ordonnance de clôture n’est révoquée que si le tribunal ne peut immédiatement statuer sur le tout.
L’ordonnance de clôture peut être révoquée, d’office ou à la demande des parties, soit par ordonnance motivée du juge de la mise en état, soit, après l’ouverture des débats, par décision du tribunal.’
En raison de ce qui précède quant à la nécessité de régulariser la procédure à l’égard des organes de la procédure collective, la cour, qui n’est saisie d’aucune demande en intervention volontaire, décide de révoquer la clôture, ce sur quoi les conseils de l’appelant et de l’intimé s’accordent, et de renvoyer l’affaire à la mise en état de la 11eme chambre. »
Par assignation du 23 août 2023 signifiées à personnes habilitées et remise au greffe par le Rpva le 24 août 2023, laquelle assignation vaut dernières conclusions dès lors qu’elle comporte des prétentions et moyens déterminant l’objet du litige, M [G] a mis en cause la SELAFA MJA, prise en la personne de Me [I] [N], en qualité de mandataire liquidateur de la société Fonda Ba Tech, et l’AGS CGEA de [Localité 8].
Aux termes de cette assignation valant conclusions, à laquelle il convient de se reporter pour l’exposé des moyens, M. [G] sollicite de voir :
– constater que la Société Fonda Ba Tech ne soutient pas son appel ;
– déclarer la Société Fonda Ba Tech mal fondée en son appel et rejeter l’ensemble de ses demandes ;
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il lui a alloue des heures supplémentaires et porter le montant des heures dues à 19 311,60 euros congés payés inclus, et dire que cette créance sera ‘xée au passif de la liquidation judiciaire de la société Fonda Ba Tech ;
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société Fonda Ba Tech à lui verser au titre du travail dissimulé la somme de 10 972,74 euros et fixer cette créance au passif de la liquidation judiciaire de la société Fonda Ba Tech ;
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société Fonda Ba Tech à lui remettre les bulletins de salaire modi’és et les documents de ‘n de contrat modi’és sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter d’un délai d’un mois suivant la noti’cation du jugement et dire que cette obligation incombera au mandataire liquidateur ;
– confirmer le jugement en ce qu’il avait débouté la société Fonda Ba Tech de sa demande reconventionnelle ;
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il lui alloue 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la première instance et lui allouer la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles d’appel ;
– fixer ces sommes au passif de la liquidation judiciaire de la société Fonda Ba Tech et enjoindre au mandataire liquidateur de cette société de faire le nécessaire auprès de l’AGS CGEA a’n que ces sommes lui soient réglées ;
– passer les entiers dépens de première instance et d’appel en frais privilégiés de liquidation judiciaire.
La nouvelle clôture de l’instruction a été prononcée le 26 septembre 2023.
L’AGS CGEA de [Localité 8] n’a pas constitué avocat.
Aucun dossier de pièces n’a été déposé au greffe hormis celui de M. [G].
MOTIFS DE LA DECISION
Sur l’appel non soutenu
Il résulte des éléments de la procédure que la société appelante a valablement conclu le 16 juillet 2021 aux fins d’infirmation du jugement entrepris, ce dont la cour est régulièrement saisie, peu important l’absence de conclusions postérieures prises par la même société représentée par le mandataire liquidateur depuis désigné et mis en cause ès qualité par assignation du 23 août 2023, comme l’absence de plaidoirie à l’audience en référence aux conclusions d’appelant.
Le constat d’un appel non soutenu faisant suite à la non-comparution d’une partie concerne la procédure orale ; elle n’est pas applicable à la procédure écrite avec représentation obligatoire.
Sur la demande au titre des heures supplémentaires, congés payés inclus
Pour allouer un rappel de salaire au titre d’heures supplémentaires, le conseil de prud’hommes, après avoir procédé à l’audition de deux témoins, soit un conducteur de travaux et un maçon ayant été salariés de la société Fonda Ba Tech durant tout ou partie de la période d’emploi de M. [G], a considéré que celui-ci devait récupérer le véhicule de l’entreprise au dépôt de la société Fonda Ba Tech, y charger des équipements et fournitures nécessaires aux travaux sur les chantiers, se rendre sur les chantiers situés parfois à cent kilomètres ; que le lieu de travail contractuellement envisagé était situé au siège de la société à [Localité 7] (28) ; que le contrat de travail prévoyait un horaire de 35 heures hebdomadaires ; que la durée du travail était de sept heures par jour non compris les temps de trajet, les salariés devant arriver à 8 heures sur le chantier et en partir à 17 heures ; que l’employeur ne produisait aucun document probant indiquant le lieu de chantier ni aucun relevé d’heures trajet / temps de travail ; que les fiches de paie ne faisaient état d’aucun paiement d’indemnités de petits trajets ou grands déplacements tel que le prévoit la convention collective applicable ; que les primes de panier et les indemnités de trajet mentionnées sur les fiches de paie ne correspondaient pas aux heures travaillées en sus des heures effectuées sur le chantier ; que sur les 13 mois de travail et 266 jours travaillés avec des distances de déplacement dépôt / chantier très variables d’une journée à l’autre, il estimait que le salarié effectuait deux heures supplémentaires par jour travaillé.
Au soutien de sa demande d’infirmation du jugement entrepris sur ce chef, l’employeur fait valoir que le salarié n’a pas sollicité le paiement d’heures supplémentaires en sus de celles réglées au cours de l’exécution du contrat de travail ; que conformément à l’article 8-12 de la convention collective applicable, les indemnités de trajet ont été réglées au salarié selon le barème conventionnel au titre de la contrainte ou de la sujétion que représente pour lui le fait de devoir se rendre sur les chantiers avant le début de la journée de travail et pour en revenir à la fin de celle-ci, ces temps de trajet n’étant pas du travail effectif ; que les horaires de travail du salarié étaient les suivants : 8h-12h et 13h-16h ; que le passage au dépôt pour récupérer le véhicule de la société pour se rendre sur les chantiers n’était pas obligatoire puisque le chantier pouvait être approvisionné directement par les fournisseurs ; que les salariés qui habitaient à proximité du dépôt préféraient laisser le véhicule au dépôt ; que les témoignages produits par le salarié ne sont ni sincères ni probants.
Le salarié sollicite la confirmation du jugement entrepris sur ce point sauf sur le montant alloué en ce que ses décomptes font ressortir l’accomplissement de quatre heures supplémentaires par jour travaillé quand le premier juge n’en a accordé que deux.
Selon l’article L. 3121-4 du code du travail, « le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d’exécution du contrat de travail n’est pas un temps de travail effectif.
Toutefois, s’il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il fait l’objet d’une contrepartie soit sous forme de repos, soit sous forme financière. La part de ce temps de déplacement professionnel coïncidant avec l’horaire de travail n’entraîne aucune perte de salaire. »
Pour qu’il soit qualifié de temps de travail effectif, il faut que le temps de trajet réunisse les conditions posées par l’article L. 3121-1 du code du travail. Le temps de travail effectif y est défini comme « le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ». Ce temps de trajet domicile-lieu de travail est à distinguer du temps de trajet entre deux lieux de travail, qui constitue un temps de travail effectif.
L’article 8-11 de la convention collective applicable prévoit que : « Le régime des petits déplacements a pour objet d’indemniser forfaitairement les ouvriers travaillant dans les entreprises du bâtiment des frais supplémentaires qu’entraîne pour eux la fréquence des déplacements inhérente à la mobilité de leur lieu de travail.
Le régime d’indemnisation des petits déplacements comporte les trois indemnités professionnelles suivantes :
– indemnité de repas ;
– indemnité de frais de transport ;
– indemnité de trajet,
qui sont versées aux ouvriers bénéficiaires. »
Selon l’article 8-12 :
« Bénéficient des indemnités de petits déplacements, dans les conditions prévues au chapitre Ier du présent titre, les ouvriers non sédentaires du bâtiment pour les petits déplacements qu’ils effectuent quotidiennement pour se rendre sur le chantier avant le début de la journée de travail et pour en revenir, à la fin de la journée de travail.
Sont considérés comme ouvriers non sédentaires du bâtiment ceux qui sont occupés sur les chantiers et non pas ceux qui travaillent dans une installation fixe permanente de l’entreprise.
La circonstance que la convention collective applicable »
En vertu de l’article 8-17 :
« L’indemnité de trajet a pour objet d’indemniser, sous une forme forfaitaire, la sujétion que représente pour l’ouvrier la nécessité de se rendre quotidiennement sur le chantier et d’en revenir.
L’indemnité de trajet n’est pas due lorsque l’ouvrier est logé gratuitement par l’entreprise sur le chantier ou à proximité immédiate du chantier.
Le montant de l’indemnité de trajet est déterminé selon des barèmes fixés par des accords collectifs territoriaux. »
Il résulte de ces textes, d’une part, que le temps de transport des salariés entre l’entreprise et le chantier doit être considéré comme un temps de travail effectif, dès lors que le salarié doit se rendre dans l’entreprise avant d’être transporté sur le chantier, d’autre part, que l’indemnité de trajet prévue par la convention collective, qui a un caractère forfaitaire et a pour objet d’indemniser une sujétion pour le salarié obligé chaque jour de se rendre sur le chantier et d’en revenir, est due indépendamment de la rémunération par l’employeur du temps de trajet inclus dans l’horaire de travail et du moyen de transport utilisé.
Aux termes de l’article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l’employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l’article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l’employeur tient à la disposition de l’inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.
Selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
A l’appui de sa demande en paiement d’heures supplémentaires qu’il estime avoir accomplies au-delà de l’horaire contractuel hebdomadaire de 35 heures, le salarié indique avoir effectué 4 heures supplémentaires par jour travaillé demeurées impayées en ce qu’il devait être présent au siège de l’entreprise dès 6 heures pour charger les véhicules puis se rendre sur les chantiers en parcourant 80 à 120 kilomètres et y revenir en fin de journée entre 19 et 20 heures, demeurant ainsi à la disposition permanente de l’employeur sans pouvoir vaquer à ses obligations personnelles. Il produit un décompte suffisamment précis et détaillé mentionnant, pour chaque mois, de juin 2018 à juillet 2019, le nombre de jours travaillés et le nombre d’heures supplémentaires en découlant, ainsi que plusieurs attestations rédigées par des salariés, dont ni la sincérité ni le caractère suffisamment probant ne sont utilement remis en cause, tous témoignages convergents en ce que les intéressés déclarent qu’ils devaient se rendre au siège de l’entreprise, appelé également le « dépôt », à 6 heures, pour ensuite se rendre sur les chantiers, avec un retour au siège entre 18 heures et 20 heures en fonction de l’éloignement du chantier.
Le salarié présente donc des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur d’y répondre.
L’appelant, qui conteste vainement les témoignages produits par le salarié sans justifier d’aucune pièce de nature à les remettre en cause, et qui soutient de manière inopérante que le salarié n’a pas revendiqué le paiement d’heures supplémentaires en sus de celles réglées au cours de la relation de travail et que celui-ci a été réglé de ses indemnités de trajet, n’apporte aucun élément de nature à corroborer ses allégations selon lesquelles le salarié n’était pas contraint de se rendre au siège de l’entreprise avant son transport jusqu’aux chantiers au moyen des véhicules de celle-ci, et que s’il agissait ainsi, c’était par pure convenance personnelle. Il ne fournit aucun élément de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, ni même un volume de travail pouvant s’insérer dans l’horaire contractuel.
Au surplus, il ressort de l’audition d’un maçon à laquelle le premier juge a procédé qu’il arrivait au dépôt à 6 heures et qu’il revenait au dépôt à 18 heures, que le transport entre le dépôt et le chantier puis le trajet retour était réalisé au moyen d’un camion de l’entreprise conduit par le chef de chantier. Si le conducteur de travaux a indiqué que la consigne était de faire 7 heures par jour, il a précisé que le point de rencontre était bien le dépôt et que la règle était d’être présent sur le chantier à 8 heures.
Au vu des éléments fournis de part et d’autre, et à la suite des auditions de témoins auxquelles le premier juge a procédé, il y a lieu d’allouer au salarié la somme de 9 655,80 euros brut au titre des heures supplémentaires, congés payés inclus. Cette somme doit être fixée au passif de la liquidation judiciaire de la société Fonda Ba Tech. Le jugement rectifié est donc infirmé sur ce chef.
Sur le travail dissimulé
Pour allouer au salarié une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, le premier juge indique, après avoir rappelé les dispositions des articles L. 8221-5 et L. 8223-1 du code du travail, qu’en conséquence, il condamne la société Fonda Ba Tech au versement du montant accordé.
Alors que la caractérisation de l’élément intentionnel ne saurait se déduire de cette « motivation » et que la société a conclu à l’infirmation du jugement entrepris sur ce chef faute de preuve de ce même élément, le salarié n’en justifie pas puisqu’il se borne à indiquer que « L’élément intentionnel est parfaitement caractérisé en l’espèce », quand la caractérisation de l’intention frauduleuse de l’employeur ne résulte pas, en lui-même, du non-paiement d’heures supplémentaires.
La demande de voir fixer au passif de la liquidation judiciaire une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, sera donc en voie de rejet. Le jugement rectifié est infirmé de ce chef.
Sur la remise de documents rectifiés
Compte tenu de ce qui précède, le mandataire liquidateur sera condamné à remettre au salarié un bulletin de paie récapitulatif et des documents de fin de contrat rectifiés conformément à l’arrêt. Le prononcé d’une astreinte n’apparaît pas nécessaire.
Sur l’opposabilité de l’arrêt à AGS CGEA de [Localité 8]
Il y a lieu de déclarer l’arrêt opposable à l’AGS CGEA de [Localité 8].
Sur l’indemnité de procédure et les dépens
Le jugement sera confirmé en ce qu’il déboute la société Fonda Ba Tech de sa demande en paiement de l’indemnité de procédure.
Il y a lieu d’allouer au salarié la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance. Le jugement est donc infirmé en ce qu’il statue sur l’indemnité de procédure au profit du salarié.
Au titre des frais irrépétibles d’appel, la cour alloue au salarié la somme de 1 000 euros.
Ces sommes seront fixées au passif de la liquidation judiciaire de la société Fonda Ba Tech.
Les dépens de première instance et d’appel sont mis à la charge du mandataire liquidateur ès qualité. Ils seront pris en frais privilégiés de liquidation judiciaire. Il n’y a pas lieu de faire application de l’article 699 du code de procédure civile compte tenu de l’existence de la procédure de liquidation judiciaire.
PAR CES MOTIFS:
La Cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire,
Confirme le jugement entrepris en ce qu’il déboute la société Fonda Ba Tech de sa demande en paiement de l’indemnité de procédure.
L’infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant :
Fixe au passif de la liquidation judiciaire de la société Fonda Ba Tech, représentée par la SELAFA MJA, mission conduite par Me [I] [N], en qualité de mandataire liquidateur, les sommes allouées à M. [R] [P] [G] qui suivent :
– 9 655,80 euros brut au titre des heures supplémentaires, congés payés inclus,
– 1 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance,
– 1 000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel ;
Condamne la SELAFA MJA, mission conduite par Me [I] [N], en qualité de mandataire liquidateur de la société Fonda Ba Tech, à remettre au salarié un bulletin de paie récapitulatif et des documents de fin de contrat rectifiés conformément à l’arrêt ;
Dit n’y avoir lieu à astreinte ;
Déclare l’arrêt opposable au CGEA AGS de [Localité 8] ;
Déboute les parties pour le surplus ;
Condamne la SELAFA MJA, mission conduite par Me [I] [N], en qualité de mandataire liquidateur de la société Fonda Ba Tech, aux dépens de première instance et d’appel, et dit que ces dépens seront pris en frais privilégiés de procédure collective ;
Dit qu’il n’y a pas lieu de faire application de l’article 699 du code de procédure civile.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur Thierry CABALE, Président, et par Monsieur Nabil LAKHTIB, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,