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N° RG 22/00619 – N° Portalis DBVX-V-B7G-OCK4
Décision du
TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de LYON
Au fond
du 23 novembre 2021
RG : 20/03213
ch n°4
GROUPAMA RHONE ALPES AUVERGNE
C/
[M]
Société CPAM DE LA DROME
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE LYON
1ère chambre civile B
ARRET DU 21 Novembre 2023
APPELANTE :
GROUPAMA RHONE ALPES AUVERGNE
Seervice Graves
[Adresse 5]
[Localité 7]
Représentée par Me Philippe NOUVELLET de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, toque : 475
ayant pour avocat plaidant Me Serge DEYGAS de la SELARL CARNOT AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 757
INTIMES :
M. [T] [M]
né le [Date naissance 2] 1959 à [Localité 8]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Me Gaël SOURBE de la SCP BAUFUME ET SOURBE, avocat au barreau de LYON, toque : 1547
ayant pour avocat plaidant Me Jérôme LAVOCAT de la SELARL CABINET JEROME LAVOCAT & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : T.388
CPAM DE LA DROME
[Adresse 6]
[Localité 3]
Défaillante
* * * * * *
Date de clôture de l’instruction : 19 Janvier 2023
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 19 Septembre 2023
Date de mise à disposition : 14 Novembre 2023 prorogée au 21 Novembre 2023, les avocats dûment avisés conformément à l’article 450 dernier alinéa du code de procédure civile
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
– Olivier GOURSAUD, président
– Stéphanie LEMOINE, conseiller
– Bénédicte LECHARNY, conseiller
assistés pendant les débats de Elsa SANCHEZ, greffier
A l’audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l’article 804 du code de procédure civile.
Arrêt Réputé contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Olivier GOURSAUD, président, et par Elsa SANCHEZ, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * *
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES:
Le 1er octobre 2015, Mr [T] [M] a été victime d’un accident de la circulation en se rendant à son travail, sinistre dans lequel était impliqué un véhicule assuré auprès de la société Groupama Rhône-Alpes Auvergne ayant entraîné une fracture de calcanéum droit ainsi qu’une plaie au niveau du genou droit.
Son assureur la Maif, a procédé au versement d’une provision et a organisé deux expertises médicales amiables.
En l’absence de consolidation de son état, la société Groupama Rhône-Alpes Auvergne a mis en oeuvre une troisième expertise et un rapport établi contradictoirement par les docteurs [S] et [X], respectivement assistant technique de la société Groupama et médecin conseil de la victime, a été remis le 24 mai 2018.
Suivant acte d’huissier en date du 8 juin 2020, Mr [M] a fait assigner la société d’assurance Groupama Rhône-Alpes Auvergne, au contradictoire de la caisse primaire d’assurance maladie de la Drôme, en indemnisation de son préjudice devant le tribunal judiciaire de Lyon.
Par jugement réputé contradictoire, en l’absence de constitution d’avocat par la caisse primaire d’assurance maladie, du 23 novembre 2021, le tribunal judiciaire de Lyon a :
– condamné la société d’assurance Groupama Rhône-Alpes Auvergne à régler à Mr [M] la somme de 86.403,36 € en réparation des dommages causés par l’accident de la circulation survenu le 1er octobre 2015, avec intérêts majorés par doublement du taux légal courant du 24 octobre 2018 et jusqu’au 18 janvier 2019
– débouté les parties pour le surplus de leurs demandes ;
– condamné la société d’assurance Groupama Rhône-Alpes Auvergne à prendre en charge les entiers dépens de l’instance ;
– condamné la société d’assurance Groupama Rhône-Alpes Auvergne à payer à Mr [M] la somme de 2.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– ordonné l’exécution provisoire du jugement
Par déclaration du 19 janvier 2022, la société Groupama Rhône-Alpes Auvergne a interjeté appel de ce jugement.
Au termes de ses dernières conclusions notifiée le 20 octobre 2022, la société Groupama Rhône-Alpes Auvergne demande à la cour de :
– déclarer recevable son appel,
y faisant droit,
– réformer le jugement entrepris en ce qu’il :
– l’a condamnée à régler à Mr [M] la somme de 86.403,36 € en réparation des dommages causés par l’accident de la circulation survenu le 1er octobre 2015 avec intérêts majorés par doublement du taux légal courant du 24 octobre 2018 et jusqu’au 18 janvier 2019 ;
– l’a condamnée à prendre en charge les entiers dépens de l’instance ;
– l’a condamnée à payer à Mr [M] la somme de 2.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,
par voie de conséquence, statuant à nouveau,
– fixer les préjudices comme suit :
o Au titre des préjudices patrimoniaux permanents :
– au titre de perte de gains professionnels futurs, à titre principal, rejeter la demande ou à titre subsidiaire, fixer la perte de gains professionnels futurs à 5.756,55 € ou à titre infiniment subsidiaire, à 7.508,92 €,
– au titre de l’incidence professionnelle, fixer ce poste de préjudice, à titre principal, à 4.000 € ou fixer, à titre subsidiaire, ce poste de préjudice à 4.888,89 €
en tout état de cause, en prenant en compte le versement de la rente perçue au titre de l’accident de travail et donc en la déduisant systématiquement des dits postes de préjudice,
o Au titre des préjudices extra-patrimoniaux :
o Temporaires :
– au titre du déficit fonctionnel temporaire : 3.142,20 €
– au titre des souffrances endurées : 10.000 €
o Permanents :
– au titre du déficit fonctionnel permanent : 10.560 €
en tout état de cause, en prenant en compte le versement de la rente perçue au titre de l’accident de travail et donc en la déduisant systématiquement des dits postes de préjudice
o Au titre des pénalités de retard :
– débouter Mr [M] de sa demande
subsidiairement sur ce point,
-assortir le montant de la proposition du 7 février 2020 des intérêts au double du taux de l’intérêt légal à compter du 5 décembre 2019 et jusqu’au 7 février 2020 ;
à titre infiniment subsidiaire,
– assortir le montant de la proposition formulée dans les présentes des intérêts au double du taux de l’intérêt légal à compter du 5 décembre 2019 et jusqu’à leur date de notification
en tout état de cause,
– déduire des sommes allouées la somme de 14.300 € perçue à titre de provision
– débouter Mr [M] de l’intégralité de ses demandes formulées lors de son appel incident
– condamner Mr [M] aux entiers dépens de première instance et d’appel, distraits au profit de la Scp Aguiraud Nouvellet sur le fondement de l’article 699 du code de procédure civile
Au terme de ses dernières conclusions notifiées le 23 juin 2022, Mr [T] [M] demande à la cour de :
– réformer le jugement déféré en ce qu’il a condamné la société d’assurance Groupama Rhône-Alpes Auvergne à lui régler la somme de 86.403,36 € en réparation des dommages causés par l’accident de la circulation survenu le 1er octobre 2015, avec intérêts majorés par doublement du taux légal courant du 24 octobre 2018 au 18 janvier 2019,
par conséquent,
statuant à nouveau,
– condamner Groupama Rhône-Alpes Auvergne à lui verser les indemnités suivantes :
* préjudice patrimoniaux :
o frais de santé : 231,14 €
o frais de déplacement : 1.075,44 €
o préjudice matériel : 686,56 €
o assistance tierce personne : 1.645 €
o frais d’assistance à expertise : 660 €
o perte de gains professionnels futurs : 42.309,21 € dont 34.112,78 € revenant à l’organisme social,
o incidence professionnelle : 30.000 €
préjudices extra-patrimoniaux :
o déficit fonctionnel temporaire total : 210 €
o déficit fonctionnel temporaire partiel : 3.721,50 €
o déficit fonctionnel permanent à titre principal : 21.149,26 €
o déficit fonctionnel permanent à titre subsidiaire : 12.480 €
o souffrances endurées : 20.000 €
o préjudice esthétique permanent : 5.000 €
o préjudice d’agrément 6.000 €
– lui donner acte ce qu’il a perçu la somme de 13.800 € à titre de provisions
– dire et juger que le montant total des indemnités allouées en réparation de son préjudice, avant imputation de la créance définitive de l’organisme social et déduction des provisions versées, produira intérêts de plein droit au double du taux de l’intérêt légal à compter du 24 octobre 2018 et jusqu’au 10 novembre 2020, par application des article L211-9 et L211-13 du code des assurances ;
– confirmer le jugement déféré en ce qu’il a condamné Groupama Rhône-Alpes Auvergne à lui verser la somme de 2.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens de première instance,
y ajoutant,
– condamner Groupama Rhône-Alpes Auvergne à lui verser une indemnité de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel, ces derniers distraits au profit de la Scp Baufume Sourbe, conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
– déclarer l’arrêt à intervenir commun à la caisse primaire d’assurance maladie de la Drôme.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 19 janvier 2023.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
1. sur la liquidation du préjudice de Mr [Y] :
Dans leur rapport, les docteurs [S] et [X] mentionnent que les lésions imputables de manière certaine, directe et exclusive avec les faits sont :
– une fracture comminutive de la face latérale externe du calcanéum avec fracture luxation calcanéo-cuboïdienne droite,
– une plaie en regard de la tubérosité tibiale antérieure du genou droit,
– une contusion de la colonne cervicale.
Mr [M] a été hospitalisé du 1er au 6 octobre 2015 et un embrochage a été réalisé le 6 octobre 2015, les broche ayant été retirées en ambulatoire le 16 mars 2016.
L’évolution a été émaillée par l’apparition d’un syndrome neuro-algodystrophique limitant le périmètre de marche à 30 minutes et responsable d’un syndrome douloureux avec douleurs lancinantes au niveau du pied droit ainsi que des troubles psychopathologiques.
Les conséquences médico-légales sont les suivantes :
– date de consolidation : 31 octobre 2017,
– gêne temporaire totale du 1er au 6 octobre 2015 et la journée du 16 mars 2016,
– gêne temporaire partielle de classe 3 (50 %) du 7 octobre 2015 au 17 décembre 2015,
– gêne temporaire partielle de classe 2 (25 %) du 17 décembre 2015 au 15 mars 2016 et du 17 mars 2016 au 30 avril 2016,
– gêne temporaire partielle de classe 1 (10 %) du 1er mai 2016 au 30 octobre 2017,
– arrêt total de l’activité professionnelle imputable du 1er octobre 2015 au 19 mars 2017 et du 6 avril 2017 au 31 octobre 2017 et prise en charge également d’un mi-temps thérapeutique du 20 mars au 5 avril 2017,
– assistance par tierce personne 30 minutes par jour, 7 jours sur 7, pendant la gêne temporaire partielle de classe 3 puis 2 heures par semaine, pour les déplacements pendant la gêne temporaire partielle de classe 2,
– déficit fonctionnel permanent 8 % dont 4 % pour les lésions séquellaires du pied droit,
– souffrance endurées 4/7,
– préjudice esthétique 2/7,
– au plan professionnel, Mr [M] est gêné pour reprendre une activité nécessitant le port de charge lourdes et les stations statiques prolongées et garde toutes ses capacités à exercer une activité sédentaire à temps plein,
– Mr [M] est gêné pour reprendre la pratique de la batterie mais il n’existe pas de contre-indication médicale.
Ces conclusions sont retenues comme base d’évaluation du préjudice subi par Mr [M] sous les éventuelles réserves qui seront alors précisées.
I – préjudices patrimoniaux
A – les préjudices patrimoniaux temporaires
1. sur les dépenses de santé actuelles restées à charge : 231,14 €
Mr [M] sollicite à ce titre le remboursement de frais de santé à hauteur de 231,14€, montant d’ailleurs offert par l’assureur dans son offre du 2 juillet 2019, dont des séances d’ostéopathie et fait valoir par une attestation sur l’honneur qu’aucune séance d’ostéopathie ne lui a été remboursée ni par la sécurité sociale ni par la mutuelle.
La société Groupama Rhône-Alpes Auvergne conclut à la confirmation du jugement qui a limité ce poste à 81,14 € au titre des frais d’orthèse plantaire, seules dépenses justifiées comme ayant été restées à sa charge, et fait valoir qu’elle n’est pas tenue par une proposition désormais caduque.
Sur ce :
Le coût de trois séances d’ostéopathie justifié par des factures à hauteur de 150 € et dont l’utilité est compatible avec les lésions constatées par les experts, que la société Groupama avait d’ailleurs offert de régler dans une offre d’indemnisation, doit être pris en charge au titre des conséquences de l’accident sans qu’il y ait lieu d’exiger de la victime la preuve d’une absence de remboursement par une éventuelle caisse complémentaire.
Ajouté au coût non discuté des frais d’orthèse plantaire soit 81,14 €, il revient à la victime à ce titre la somme de 231,14 €.
2. Sur les frais divers : 1.735,44 €
Mr [M] déclare qu’il a été contraint d’effectuer des déplacements avec son véhicule personnel en lien avec l’accident, notamment à de multiples reprises pour se rendre en soins et en expertise, et verse aux débats une attestation sur l’honneur selon laquelle il a parcouru 1.627 km.
La société Groupama Rhône-Alpes Auvergne conclut à la confirmation du jugement qui a rejeté cette demande en l’absence de justificatifs.
Sur ce :
Mr [M] verse aux débats, outre une attestation sur l’honneur selon laquelle il a parcouru la distance de 1627 km avec son véhicule personnel pour raisons médicales consécutives à son accident :
– un tableau récapitulant les jours et les lieux de déplacement et le nom du professionnel visité avec le détail des kilomètres parcourus à chaque visite,
– une copie du certificat d’immatriculation de son véhicule,
– le barème fiscal permettant d’évaluer les frais de déplacement.
Ces pièces sont suffisantes pour justifier du montant des frais de déplacement en lien avec les conséquences de l’accident à hauteur de 1.627 x 0,661 soit 1.075,44 €.
Par ailleurs, les parties s’accordent pour l’allocation à Mr [M] d’une somme de 660€ au titre du remboursement des frais d’assistance de son médecin conseil.
Il revient donc à la victime au titre des frais divers la somme de 1.735,44 €.
3. préjudice matériel : 576,56 €
Mr [M] qui soutient que lors de l’accident, ses vêtements ont été endommagés, sollicite à ce titre, en se prévalant d’une attestation sur l’honneur, la somme de 180 €.
Il ajoute qu’il a été contraint de refaire ses lunettes, que le remboursement a été accepté par Groupama Rhône-Alpes Auvergne aux termes de son offre du 2 juillet 2019 et qu’il n’a reçu aucun remboursement de ses frais par la sécurité sociale ou sa mutuelle.
La société Groupama Rhône-Alpes Auvergne conclut à la confirmation du jugement qui a rejeté la demande au titre de la perte des vêtements en l’absence de production de factures et à l’infirmation du jugement qui a alloué à Mr [M] la somme de 506,56 € au titre d’une paire de lunettes dés lors qu’il n’est pas justifié d’une prise en charge par les organismes sociaux.
Sur ce :
La cour confirme le jugement en ce qu’il a alloué à Mr [M] la somme de 506,56 € au vu d’une facture produite aux débats et ce alors même que la perte de lunettes parait compatible avec les circonstances de l’accident puisque Mr [M] circulait en scooter.
Il n’apparaît par ailleurs pas contestable qu’au cours de cet accident survenu en scooter, les vêtements de Mr [M] ont été endommagés.
En l’absence de plus amples justificatifs qu’une simple attestation sur l’honneur, la cour indemnise ce préjudice sur la base de 70 € correspondant au montant proposé par la société Groupama dans son offre initiale d’indemnisation.
Il revient donc à la victime la somme de 576,56 €.
4. sur l’assistance temporaire par tierce personne : 1.185,00 €
Mr [M] sollicite à ce titre l’allocation d’une somme de 1.645 € sur la base d’une indemnisation horaire de 22,21 € et la société Groupama Rhône-Alpes Auvergne offre d’indemniser ce préjudice sur une base horaire de 15 €.
Sur ce :
Compte tenu en l’espèce de du besoin de la victime, de la nature de son handicap et de l’absence de nécessité d’une spécialisation de la tierce personne, la cour évalue le besoin de Mr [M] en tierce personne à 16 € par jour.
Il revient donc à la victime à ce titre la somme de 1.185 € calculée comme suit :
– 30 minutes par jour, 7 j /7 pendant 71 jours : 568 €
– 2 heures par semaine pendant 135 jours : 617 €
B – préjudices patrimoniaux permanents :
5. sur la perte de gains professionnels futurs : 32.307,89 €
Il convient au préalable d’observer que le premier juge a omis de déduire de la somme allouée le montant du capital alloué au titre d’une rente accident du travail soit 32.597,75 €.
Mr [M] fait valoir qu’il a subi une perte de gains professionnels futurs du fait de l’accident et expose que :
– avant l’accident il exerçait 2 activités professionnelles à mi temps, soit un poste d’animateur polyvalent au sein d’un centre de réinsertion sociale et un poste d’assistant de vie auprès d’une personne en situation de handicap, dans le cadre de contrat à durée indéterminée avec pour salaire moyen respectivement 750 et 660 € net,
– du fait de l’accident il a été déclaré inapte pour ces 2 postes et a été licencié pour inaptitude,
– inscrit à Pôle Emploi et ayant fait l’objet d’une reconnaissance de travailleur handicapé du 2 juin 2017 au 30 juin 2022, il a retrouvé un emploi adapté à son état séquellaire le 15 mai 2018 dans le cadre d’un contrat à durée déterminée renouvelé jusqu’au 30 avril 2020, comme assistant de vie scolaire.
Il chiffre ce poste de préjudice sur la base d’un salaire mensuel net réactualisé de 1.561 € jusqu’au 1er décembre 2022, soit après déduction des arrérages de la rente accident du travail qu’il perçoit, la somme de 58.905,64 €.
Il demande par ailleurs au titre d’une perte de ses droits à retraite et du fait d’une perte de trimestres de cotisations l’allocation d’une somme de 5.978,32 € au titre de sa retraite de base et d’une perte de points d’une somme de 10.020 € au titre de sa retraite complémentaire.
Après déduction du montant du capital de la rente accident du travail, il sollicite à ce titre la somme de 42.309,21 €.
La société Groupama Rhône-Alpes Auvergne conclut à la réformation du jugement et au rejet de cette demande ou subsidiairement à sa réduction en faisant valoir que :
– Mr [M] n’est pas inapte à tout poste et se trouve en capacité de reprendre une activité professionnelle et son interruption professionnelle n’est pas une conséquence de l’accident mais s’explique exclusivement par le caractère temporaire de son contrat de travail,
– en outre, Mr [M] n’a fourni aucune simulation/estimation de son départ à la retraite et des droits qui en découlent,
– à titre subsidiaire, sa perte de gains professionnels futurs s’élève au mieux à 5.756,55 € ou à titre infiniment subsidiaire, à 7.508,92 €.
Elle fait valoir également que subsidiairement le poste de préjudice au titre d’une perte de droit à la retraite peut être indemnisé par application d’une perte mensuelle de 24,59 € correspondant à la baisse de revenus du fait d’une perte de trimestres, et capitalisation viagère, soit la somme de 4.888,89 €.
Sur ce :
La perte de gains futurs indemnise une invalidité spécifique partielle ou totale qui entraîne une perte ou une diminution directe des revenus professionnels futurs à compter de la date de consolidation. Cette perte ou diminution des gains professionnels peut provenir soit de la perte de son emploi par la victime, soit de l’obligation pour celle-ci d’exercer un emploi à temps partiel à la suite du dommage consolidé. Ce poste n’englobe pas les frais de reclassement professionnel, de formation ou de changement de poste qui ne sont que des conséquences indirectes du dommage.
Au regard des conclusions médico-légales, notamment la gêne pour reprendre une activité nécessitant le port de charge lourdes et les stations statiques prolongées, et les éléments fournis par la victime, notamment les avis de la médecine du travail et les licenciements pour inaptitude des deux emplois qu’elle occupait avant l’accident, la cour confirme le jugement en ce qu’il a considéré que la perte de son emploi par Mr [M] est une conséquence certaine et directe de l’accident et en ce qu’il l’a indemnisé, au regard de son âge, d’une perte de gains jusqu’à la date prévisible de sa retraite.
– sur la perte de gains avant la retraite :
Mr [M] justifie avoir retrouvé un emploi dans le cadre de deux contrats à durée déterminée successifs du 15 mai 2018 au 30 avril 2020.
Au vu des avis d’imposition 2013, 2014 et 2015 versés aux débats, sans qu’il y ait lieu d’écarter le dernier dés lors que la perte de salaire à compter du 1er octobre 2015 a été compensée par le paiement d’indemnités journalières dont les montants sont intégrés dans l’avis d’imposition, le premier juge a justement fixé le montant du revenu mensuel moyen perçu par Mr [M] avant l’accident à 1.296 €
Mr [M] est fondé à solliciter une revalorisation de ce montant à décembre 2022, pour tenir compte de l’inflation, ce qui porte ainsi la base de calcul de ses perte de gains professionnels futurs à 1.452 € par mois.
Sur la période du 31 octobre 2017, date de consolidation, au 1er décembre 2022, date fixée par Mr [M] pour le calcul de son préjudice comme correspondant à celle où il est parti à la retraite, il lui serait revenu 1.452 € x 61 mois soit 88.572 €, ramenée à 76.020,70€ pour tenir compte de la demande telle que mentionnée dans les conclusions (soit 9.678,20€ + 17.951,50 € (1.561 € x 11,5 mois) + 48.391 €).
Il convient de déduire de ce montant :
– les indemnités journalières perçues du 1/112017 au 3/12/2017 : 1.152,40 €
– les salaires perçus dans le cadre de son contrat à durée déterminée : 10.487,31 €
– les indemnités journalières perçues pendant la même période : 3.960,32 €
– les arrérages échus de la rente accident du travail : 1.515,03 €
soit un solde de : 58.905,64 €
– sur la perte de gains sur la retraite :
Ainsi que sollicité, la cour fait le choix d’indemniser ce préjudice au titre du poste perte de gains professionnels futurs.
Il n’est pas contestable que du fait de l’accident, Mr [M] subit une perte de droits à la retraite qui est calculée sur les 25 meilleures années pour la retraite principale, puisqu’en effet les meilleures années sont généralement les dernières avant la retraite, ainsi que d’une perte de points pour la retraite complémentaire.
Il convient toutefois de relativiser ce préjudice en relevant d’une part au vu du décompte de la caisse régionale de retraite que les meilleures années n’étaient pas toutes celles précédant l’accident (ainsi les trois premières correspondent aux années 2006, 2007 et 2000) et que par ailleurs, il n’est pas démontré que le choix de Mr [M] de partir à la retraite, alors qu’il n’avait que 162 trimestres, soit une conséquence directe de l’accident.
La même observation peut être faite s’agissant de la perte sur retraite complémentaire.
En l’absence d’une simulation sérieuse versées aux débats, et au vu des pièces justificatives produites, la cour estime disposer des éléments d’appréciation suffisants pour chiffrer la perte de retraite consécutive à l’accident à la somme de 6.000 €.
Le total du poste perte de gains professionnels futurs s’élève donc à 58.905,64 € + 6.000 € soit 64.905,64 € et après déduction de la rente accident du travail, soit 32.597,75 €, il revient à la victime la somme de 32.307,89 €.
6. sur l’incidence professionnelle : 12.000,00 €
Mr [M] qui sollicite à ce titre l’allocation d’une somme de 30.000 € invoque une dévalorisation sur le marché du travail en lien direct avec l’accident et l’abandon forcé de ses activités professionnelles notamment dû à son impossibilité de port de charges lourdes et de l’impossibilité de mobilité importante, représentant pour lui une véritable souffrance psychologique et une répercussion sur son état moral.
La société Groupama Rhône-Alpes Auvergne fait valoir que Mr [M] n’est pas inapte à tout poste et peut continuer à travailler au titre d’une pénibilité qui peut être indemnisée par l’allocation d’une somme de 4.000 € et ainsi que rappelé plus haut, il offre subsidiairement d’indemniser ce poste de préjudice par l’allocation d’une somme de 4.888,89 €.
Sur ce :
L’incidence professionnelle a pour objet d’indemniser non la perte de revenus liée à l’invalidité permanente de la victime, mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle comme le préjudice subi par la victime en raison de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d’une chance professionnelle, ou de l’augmentation de la pénibilité de l’emploi qu’elle occupe imputable au dommage ou encore du préjudice subi qui a trait à sa nécessité de devoir abandonner la profession qu’elle exerçait avant le dommage au profit d’une autre qu’elle a dû choisir en raison de la survenance de son handicap.
Il est établi en l’espèce que Mr [M] a été contraint d’abandonner les professions qu’il exerçait avant l’accident et par ailleurs, les restrictions relevées par les experts concernant le porte de charges lourdes ou la station debout prolongée ont induit une dévalorisation sur le marché du travail.
Il est donc justifié d’une préjudice d’incidence professionnelle qui au vu des éléments de la cause est plus justement indemnisé à hauteur de 12.000 €.
II – préjudices extra patrimoniaux :
7. sur le déficit fonctionnel temporaire : 3.276,25 €
Mr [M] sollicite une indemnisation de ce préjudice sur la base de 30 € par jour et la société Groupama Rhône-Alpes Auvergne offre d’indemniser ce poste de préjudice à raison de 24 € par jour.
Par des motifs pertinents que la cour adopte, le premier juge a justement chiffré ce poste de préjudice à la somme de 3.276,25 €.
8. sur les souffrances endurées : 20.000,00 €
Mr [M] demande la confirmation du jugement qui lui a alloué à ce titre la somme de 20.000 € et la société Groupama Rhône-Alpes Auvergne offre de régler la somme de 10.000 €.
La cour estime qu’au regard de l’importance de ce préjudice quantifié à 4/7 par l’expert, la somme de 20.000 € allouée par le premier juge indemnise justement de ce préjudice.
9. sur le déficit fonctionnel permanent : 11.360,00 €
Mr [M] réclame à ce titre une somme de 21.149,26 € sur une base journalière d’indemnisation de 30 € et capitalisation viagère et subsidiairement une somme de 12.480€.
La société Groupama Rhône-Alpes Auvergne offre à ce titre une somme de 10.560 €.
Au regard de l’importance du préjudice subi par Mr [M] caractérisé par un taux de déficit fonctionnel permanent de 8 % et compte tenu de l’âge de la victime à la date de la consolidation, soit 58 ans, le tribunal a justement indemnisé ce poste de préjudice à hauteur de 11.360 €.
10. sur le préjudice esthétique permanent : 2.400,00 €
Mr [M] sollicite 5.000 € et la société Groupama Rhône-Alpes Auvergne offre 2.400€ ainsi qu’alloué par le tribunal.
Par des motifs pertinents que la cour adopte, le premier juge a justement chiffré ce poste de préjudice à la somme de 2.400 €.
11. sur le préjudice d’agrément : 5.000,00 €
Mr [M] qui indique qu’avant l’accident, il pratiquait la batterie au sein d’un groupe, activité qu’il a du abandonner ce qui représente pour lui une épreuve psychologique, demande à ce titre une somme de 6.000 €.
La société Groupama Rhône-Alpes Auvergne conclut à la confirmation du jugement qui lui a alloué la somme de 3.000 €.
Au vu des pièces produites, notamment des attestations confirmant que Mr [M] a du arrêter de jouer de la batterie dans un groupe de musique formé depuis 2008 en raison des séquelles de l’accident, il est établi l’existence d’un préjudice d’agrément en relation avec l’accident que la cour estime devoir porter à 5.000 €.
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Le total du préjudice de Mr [M] s’élève donc à 90.072,28 € et après déduction du versement des provisions déjà versées et justifiées par l’assureur, soit 14.300 €, il revient à la victime la somme de 75.772,28 €.
2. sur le doublement des intérêts au taux légal :
A l’appui de sa demande tendant à ce que le montant des indemnités allouées en réparation de son préjudice, produise intérêts au double du taux de l’intérêt légal du 24 octobre 2018 au 10 novembre 2020, Mr [M] fait valoir que la société Groupama Rhône-Alpes Auvergne lui a adressé sa première offre d’indemnisation 3 mois après le délai légal, que cette offre, en plus d’être tardive, était incomplète en ce qu’aucune offre chiffrée du préjudice professionnel n’était proposée et que ce n’est que lorsque l’affaire a pris une tournure judiciaire que la compagnie d’assurance Groupama Rhône-Alpes Auvergne lui a présenté une offre d’indemnisation complète.
La société Groupama Rhône-Alpes Auvergne conclut au rejet de cette demande et subsidiairement à sa réduction en faisant valoir que :
– le délai pour faire une offre n’a commencé à courir que le 4 juillet 2018, date du transmission du rapport et le délai légal pour faire une offre n’a été dépassé que d’un mois et demi,
– son offre n’était pas incomplète et elle a tenté de proposer une offre malgré l’absence d’informations sur certains points.
Sur ce :
En application de l’article L. 211-9 du code des assurances, l’assureur est tenu de faire à la victime une offre d’indemnisation dans le délai maximum de huit mois à compter de l’accident, qui peut avoir un caractère provisionnel lorsque l’assureur n’a pas, dans les trois mois de l’accident, été informé de la consolidation de la victime ; l’offre d’indemnisation définitive doit être présentée dans le délai de cinq mois suivant la date à laquelle l’assureur a été informé de la consolidation.
Aux termes de l’article L. 211-13 du code des assurances, lorsque l’offre n’a pas été faite dans les délais impartis à l’article L. 211-9, le montant de l’indemnité offerte par l’assureur ou allouée par le juge à la victime produit intérêt de plein droit au double du taux de l’intérêt légal à compter de l’expiration du délai et jusqu’au jour de l’offre ou du jugement devenu définitif. Cette pénalité peut être réduite par le juge en raison de circonstances non imputables à l’assureur.
En l’espèce, et en l’absence d’éléments justifiant que le rapport des experts n’a été transmis à la société Groupama que le 4 juillet 2018, il convient de fixer le point de départ du délai à partir duquel l’assureur aurait du formuler une offre d’indemnisation définitive au 4 juin 2018, soit 10 jours après le dépôt du rapport pour tenir compte du délai postal d’acheminement, de sorte que l’offre devait intervenir au plus tard le 4 novembre 2018.
Les trois offres indemnitaires présentées par la société Groupama, successivement les 18 janvier 2019, 2 juillet 2019 et 7 février 2020, ne peuvent être considérées comme complètes alors qu’elles ne contiennent aucune proposition d’indemnisation du préjudice professionnel.
Il convient par conséquent, infirmant le jugement de ce chef, de dire que le montant total des indemnités allouées en réparation du préjudice de Mr [M], avant imputation de la créance définitive de l’organisme social et déduction des provisions versées, produira intérêts de plein droit au double du taux de l’intérêt légal à compter du 4 novembre 2018 et jusqu’au 10 novembre 2020, date des conclusions de l’assureur devant le tribunal judiciaire.
La cour ne statue pas sur la demande tendant à ordonner la capitalisation des intérêts qui n’est pas formulée dans le dispositif des conclusions.
La caisse primaire d’assurance maladie est partie à l’instance de sorte qu’il n’est pas nécessaire de lui déclarer commun le présent arrêt lequel lui est par principe opposable en raison de sa qualité de parties.
3. sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens :
Le jugement est confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l’application de l’article 700 du code de procédure civile.
Les dépens d’appel sont à la charge de la société Groupama ;
La cour estime que l’équité commande de faire application de l’article 700 du code de procédure civile au profit de Mr [M] en cause d’appel et lui alloue à ce titre la somme de 2.000 €.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Infirme le jugement :
– sur l’évaluation des préjudices dépenses de santé actuelles, frais divers, préjudice matériel, assistance par tierce personne temporaire, perte de gains professionnels futurs, incidence professionnelle et préjudice d’agrément,
– en ce qu’il a omis de déduire de la créance de la victime la rente accident du travail ;
– sur les modalités d’application de la sanction du doublement des intérêts au taux légal.
Le confirme pour le surplus
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Chiffre comme suit l’indemnisation du préjudice subi par Mr [T] [M] ensuite de l’accident dont il a été victime le 1er octobre 2015 :
– dépenses de santé actuelles restées à charge : 231,14 €
– frais divers : 1.735,44 €
– préjudice matériel ; 576,56 €
– tierce personne temporaire : 1.185,00 €
– perte de gains professionnels futurs (rente déduite) : 32.307,89 €
– incidence professionnelle : 12.000,00 €
– déficit fonctionnel temporaire total et partiel : 3.276,25 €
– souffrances endurées : 20.000,00 €
– déficit fonctionnel permanent : 11.360,00 €
– préjudice esthétique : 2.400,00 €
– préjudice d’agrément : 5.000,00 €
En conséquence, après déduction des provisions de 14.300 € déjà versées, condamne la société Groupama à payer à Mr [T] [M] la somme de 75.772,28 € en réparation de son préjudice ;
Dit que le montant total des indemnités allouées en réparation du préjudice de Mr [M], avant imputation de la créance définitive de l’organisme social et déduction des provisions versées, produira intérêts de plein droit au double du taux de l’intérêt légal à compter du 4 novembre 2018 et jusqu’au 10 novembre 2020.
Dit n’y avoir lieu à déclarer le présent arrêt commun à la caisse primaire d’assurance maladie de la Drôme.
Rejette le surplus des demandes ;
Condamne la société Groupama à payer à Mr [T] [M] en cause d’appel la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Condamne la société Groupama aux dépens d’appel et accorde à la SCP Baufume et Sourbe le bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
La Greffière, Le Président,