Your cart is currently empty!
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-1
ARRÊT AU FOND
DU 20 FÉVRIER 2024
N° 2024/ 078
Rôle N° RG 22/12589 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BKBPX
[Z] [U]
S.C.I. LA CIGARONNE
C/
[M] [J] [C]
SARL PRESQU’ILE DU CAP PROPERTIES AP D'[Localité 6]
[E] [I] [S] [L] veuve [G]
[Y] [G] épouse [R]
Copie exécutoire délivrée le :
à :
Me Magali FAYET
Me Alexandre AGAEV
Me Agnès ERMENEUX
Me Roselyne SIMON-THIBAUD
Me Paul GUEDJ
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 25 Février 2020 enregistré au répertoire général sous le n° 18/04423.
APPELANTS
Monsieur [Z] [U]
demeurant [Adresse 8] (RUSSIE)
représenté par Me Magali FAYET, substituée et plaidant par Me José-Marie BERTOZZI de la SELARL CABINET FB JURILEX, avocat au barreau de NICE
S.C.I. LA CIGARONNE, prise en la personne de son représentant légal en exercice,
domiciliée [Adresse 3]
représentée et plaidant par Me Alexandre AGAEV, avocat au barreau de NICE
INTIMÉS
Madame [M] [J] [C]
née le 23 Mai 1957 à [Localité 10] (IRAN),
demeurant [Adresse 4]
représentée par Me Agnès ERMENEUX de la SCP SCP ERMENEUX – CAUCHI & ASSOCIES, avocate au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, assistée et plaidant par Me Magali MANCIA, avocate au barreau de GRASSE
SARL PRESQU’ILE DU CAP PROPERTIES prise en la personne de son représentant légal en exercice,
domiciliée [Adresse 1]
représentée par Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocate au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Julien DUCLOUX, avocat au barreau de GRASSE
Madame [E] [I] [S] [L] veuve [G], venant aux droits de Me [P] [G], décédé
née le 25 Mai 1940 à [Localité 7], demeurant [Adresse 2]
Madame [Y] [G] épouse [R], venant aux droits de Me [P] [G], décédé
née le 20 Juillet 1974 à [Localité 9], demeurant [Adresse 5]
toutes deux représentées par Me Paul GUEDJ substituée par Me Maud DAVAL-GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ – MONTERO – DAVAL GUEDJ, avocats au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Hélène BERLINER de la SCP D’AVOCATS BERLINER-DUTERTRE, avocat au barreau de NICE,
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 16 Janvier 2024 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Fabienne ALLARD, conseillère a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Olivier BRUE, Président
Madame Catherine OUVREL, conseillère
Madame Fabienne ALLARD, conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Monsieur Nicolas FAVARD.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 Février 2024.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 Février 2024,
Signé par Monsieur Olivier BRUE, Président et Monsieur Nicolas FAVARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Par acte sous seing privé, rédigé par Me [P] [G], notaire, et signé les 9 et 10 juillet 2007, la société anonyme (SA) SMIS International s’est engagée à vendre à M. [Z] [U], avec faculté de substitution, un bien immobilier au prix de 23 500 000 €.
L’opération a eu lieu par l’intermédiaire de la SARL presqu’île du Cap properties, exerçant sous l’enseigne agence du Cap d'[Localité 6], à laquelle M. [U] avait demandé son concours et de Mme [M] [J] [C], mandatée par la SA SMIS International.
Après signature par les deux parties, la promesse de vente été enregistrée au rang des minutes du notaire, Me [G], le 10 juillet 2007 à la demande du promettant.
La somme de 2 350 000 € a été versée à titre d’indemnité d’immobilisation.
La levée d’option n’a pas eu lieu dans les formes prévues à la promesse de vente, de sorte que la SA SMIS International s’est prévalue de sa caducité.
M. [U] et la SCI la Cigaronne, qui prétendait se substituer à lui pour l’achat, ont assigné la SA SMIS International devant le tribunal de grande instance de Grasse, afin de voir dire et juger la vente parfaite. En cours de procédure, ils ont modifié leurs demandes et conclu à l’annulation ou la résolution de la vente et ainsi qu’à la restitution de l’indemnité d’immobilisation.
Par jugement du 9 novembre 2009, cette juridiction a rejeté les demandes de M. [U] et la SCI La Cigaronne aux fins d’annulation de la promesse unilatérale de vente, constaté la caducité de celle-ci, débouté M. [U] et la SCI La Cigaronne de leur demande subsidiaire aux fins de résolution de la vente et autorisé la SA SMIS international à conserver l’indemnité d’immobilisation.
Ce jugement a été confirmé par un arrêt de la cour d’appel d’Aix en Provence du 15 juin 2010.
Par acte du 18 juin 2013, la SCI La Cigaronne et M. [U] ont assigné Me [P] [G], la SARL presqu’île du Cap properties et Mme [J] [C], devant le tribunal de grande instance de Grasse, en responsabilité, afin d’obtenir des dommages-intérêts.
Les défendeurs ont soulevé plusieurs fins de non recevoir pour contester la qualité à agir de la SCI la Cigaronne et de M. [U].
Par jugement du 25 février 2020, le tribunal judiciaire de Grasse a :
– déclaré irrecevables les demandes de la SCI la Cigaronne ;
– écarté la fin de non recevoir afférente à la qualité pour agir de M. [U] ;
– débouté M. [U] de l’ensemble de ses demandes à l’encontre de la SARL presqu’île du Cap properties, de Mme [J] [C] et de M. [G] ;
– débouté la SARL presqu’île du Cap properties, Mme [J] [C] et M. [G] de leurs demandes de dommages et intérêts ;
– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire ;
– condamné in solidum la SCI la Cigaronne et M. [U] à payer à la SARL presqu’île du Cap properties, à Mme [J] [C] et M. [G], une indemnité de 4 000 € chacun, en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Pour statuer ainsi, il a considéré que :
Sur la recevabilité des demandes de la SCI La Cigaronne : si la promesse de vente stipulait une faculté de substitution à son profit, ses conditions en étaient strictement réglementées, or la SCI la Cigaronne ne démontre par aucune pièce probante s’être régulièrement substituée à M. [U] dans les conditions fixées par l’acte et, en tout état de cause, ne formule aucune demande à son profit dans ses conclusions, de sorte qu’elle ne justifie, ni d’une qualité, ni d’un intérêt à agir ;
Sur la recevabilité des demandes de M. [U] : le relevé de compte de Me [V], notaire qui devait recevoir l’acte authentique, mentionne que l’indemnité d’immobilisation a été versée par la société Larisa Limited pour le compte de M. [U], de sorte qu’il a intérêt à agir ;
Sur la responsabilité de M. [G], de la SARL Presqu’île du Cap properties et de Mme [J] [C] :
– M. [U] n’établit pas qu’il n’a pas été en mesure, par une maîtrise insuffisante de la langue française, de comprendre la portée de son engagement puisqu’il savait, étant intervenu sur d’autres ventes à la même époque, qu’il avait la possibilité d’exiger une traduction de l’acte en langue russe et que plusieurs documents démontrent qu’il avait une connaissance précise des termes de son engagement en dépit de l’absence de traduction de l’acte en langue russe ;
– aucune pièce ne démontre que Mme [J] [C] est intervenue en qualité d’agent immobilier dans le cadre de la vente et elle n’était pas présente lors de la signature de la promesse ;
– M. [U] n’a rencontré M. [G], ni lors de la signature de la promesse de vente, ni lors de la réception de l’acte du 10 juillet 2007, de sorte qu’aucun manquement à un devoir de conseil et d’information ne peut être reproché au notaire.
Le tribunal a rejeté les demandes reconventionnelles en dommages-intérêts au motif que les défendeurs ne rapportaient pas la preuve de leur préjudice.
Par acte du 24 juin 2020, dont la régularité et la recevabilité ne sont pas contestées, M. [U] et la SCI la Cigaronne ont relevé appel de cette décision, en visant tous les chefs de son dispositif, à l’exclusion de ceux rejetant les demandes reconventionnelles formulées à leur encontre.
L’instance a été interrompue le 5 juillet 2022 par la notification du décès de M. [G], survenu le 8 juin 2017.
Mme [E] [L] veuve [G] et Mme [Y] [G] (les consorts [G]), respectivement épouse et fille de M. [G], ont repris l’instance par conclusions du 15 septembre 2022.
La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 19 décembre 2023.
Dans des conclusions notifiées après clôture, le 10 janvier 2024, M. [U] a sollicité la révocation de l’ordonnance de clôture.
Par ailleurs, les parties ont été invitées par la cour à présenter, sous huit jours, leurs observations sur la recevabilité, au regard de l’article 910-4 du code de procédure civile, des demandes formulées par la SCI la Cigaronne dans ses conclusions du 14 décembre 2023.
En réponse à cette demande, les intimés ont formulé des observations par notes en délibéré en date des 23 janvier 2024 pour Mme [J] [C] et la SARL presqu’île du Cap properties et du 25 janvier 2024 pour Mmes [G].
M. [U] et la SCI la Cigaronne n’ont pas déposé de note en délibéré en réponse à la demande de la cour.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Dans ses dernières conclusions avant clôture, régulièrement notifiées le 24 septembre 2020, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, M. [U] demande à la cour de :
‘ infirmer le jugement en toutes ses dispositions ;
‘ dire et juger que M. [G], la SARL presqu’île du Cap properties et Mme [J] [C] ont commis des fautes et négligences engageant leur responsabilité dans les préjudices subis à l’occasion de la promesse de vente ;
‘ condamner in solidum la SARL presqu’île du Cap properties, Mme [J] [C] et M. [G] à lui payer la somme de 2 350 000 € à titre de dommages et intérêts, assortie d’intérêts au taux légal à compter du 18 juillet 2007 ;
‘ condamner in solidum la SARL presqu’île du Cap properties, Mme [J] [C] et M. [G] à lui payer 5 000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens, distraits au profit de son avocat.
Au soutien de son appel et de ses prétentions, il fait valoir ;
– en application de l’article 1112-1 du code civil, celle des parties qui connaît une information dont l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre doit l’en informer et cette obligation recouvre deux devoirs, l’un de mise en garde, l’autre de conseil, or, en l’espèce, alors que le montage était particulièrement complexe et qu’il ne parle pas le français, la promesse de vente ne lui a pas été traduite ;
– l’agent immobilier qui prête son concours à la rédaction d’un acte doit s’assurer que toutes les conditions nécessaires à son efficacité juridique sont réunies, or, le préposé de la SARL presqu’île du Cap properties, tout en sachant qu’il ne parlait pas français, lui a fait signer un acte non traduit et il n’est pas l’auteur de la mention manuscrite de renonciation à tout concours bancaire ;
– les apporteurs d’affaires, bien que dépourvus de carte d’agent immobilier, dès lors qu’ils se livrent ou se prêtent de manière habituelle aux opérations d’achat, de vente ou de gestion de biens immobiliers, sont tenus aux mêmes obligations que les agents immobiliers ;
– le notaire est tenu d’assurer l’efficacité des actes qu’il reçoit ; en l’espèce, l’acte, bien que passé sous seing privé, est devenu authentique lors de son enregistrement, de sorte que le notaire devait veiller à sa compréhension par toutes les parties ;
– M. [G], Mme [J] [C] et la SARL presqu’île du Cap properties sont responsables, sur le plan contractuel ou délictuel, de l’impossibilité d’obtenir la restitution de l’indemnité d’occupation ;
– l’intervention d’un notaire et d’avocats à ses côtés, qu’il conteste, ne dispensait pas ces différents professionnels de leurs obligations.
Dans des conclusions notifiées par le RPVA le 10 janvier 2024, M. [U] demande à la cour de révoquer l’ordonnance de clôture, et reprend l’intégralité des prétentions et moyens formulées dans ses conclusions du 24 septembre 2020, tout en y ajoutant une demande de condamnation, à son profit, des intimés à lui payer 200 000 € de dommages-intérêts au titre d’un préjudice moral et en ampliant à 10 000 € sa demande en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Selon son conseil les difficultés à communiquer avec M. [U], qui réside en Russie, consacrent une cause grave justifiant la révocation de l’ordonnance de clôture.
S’agissant de la demande au titre d’un préjudice moral, M. [U] indique qu’elle fait suite à la demande formulée par la SCI la Cigaronne en cours de procédure afin que les dommages-intérêts qu’il sollicitait pour son compte, lui profitent.
Dans ses dernières conclusions, régulièrement notifiées le 14 décembre 2023, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, la SCI La Cigaronne demande à la cour de :
‘ infirmer le jugement en toutes ses dispositions ;
‘ dire et juger que M. [G], la SARL presqu’île du Cap properties et Mme [J] [C] ont commis des fautes et négligences engageant leur responsabilité dans les préjudices subis à l’occasion de la promesse de vente ;
‘ condamner in solidum la SARL presqu’île du Cap properties, Mme [J] [C] et Mmes [G], en leur qualité d’ayant droits de M. [G], à lui payer 2 350 000 € à titre de dommages et intérêts, assortie des intérêts au taux légal à compter du 18 juillet 2007, capitalisés dans les conditions fixées par l’article 1343-2 du code civil ;
‘ condamner in solidum la SARL presqu’île du Cap properties, Mme [J] [C] et Mmes [G], es qualités, à lui payer 5 000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens, distraits au profit de son avocat.
Au soutien de son appel et de ses prétentions, elle fait valoir :
Sur sa qualité et son intérêt à agir : la substitution s’opère par la seule survenance d’un accord entre le bénéficiaire de la promesse et le substitué qui accepte purement et simplement d’exécuter les engagements en lieu et place du bénéficiaire et il importe peu que les formes requises pour la levée d’option n’aient pas été respectées ;
Sur les responsabilités :
– l’agent immobilier est débiteur d’un devoir de conseil, tant à l’égard de ses clients que des tiers intervenant à l’acte auquel il a prêté son concours et il en va de même de l’apporteur d’affaires, de sorte que la SARL presqu’île du Cap properties et Mme [J] [C] auraient dû s’assurer, alors que M. [U] ne parle pas français, qu’il était en mesure de comprendre l’acte, notamment la clause de renonciation à la condition suspensive d’obtention d’un prêt, or, l’acte ne lui a pas été traduit et il n’est pas l’auteur de la mention manuscrite relative à la renonciation à tout concours bancaire, de sorte qu’il n’était pas en mesure de comprendre l’enjeu financier de l’achat sans emprunt et de l’abandon d’une somme très importante en l’absence de levée de l’option ;
– le notaire est tenu d’éclairer les parties et de s’assurer de la validité et de l’efficacité des actes qu’il instrumente, de sorte qu’il doit veiller à ce que les parties soient en mesure de comprendre l’acte et ce devoir de conseil a un caractère absolu ;
– l’assistance dont M. [U] a bénéficié de la part d’un notaire et d’avocats ne saurait décharger ces trois professionnels de leur responsabilité ;
Sur son préjudice : en l’absence de ces fautes, elle aurait pu finaliser l’achat puisque, selon une attestation bancaire en date du 14 novembre 2007, elle disposait des fonds sous forme d’un chèque établi à son profit et, dès lors qu’elle justifie avoir réglé l’indemnité d’immobilisation par l’intermédiaire d’un ayant droits, elle est légitime à solliciter l’indemnisation du préjudice que lui cause l’absence de restitution de celle-ci.
Dans ses dernières conclusions d’intimée et d’appel incident régulièrement notifiées le 18 décembre 2023, auxquelles il convient de renvoyer pour un exposé plus exhaustif des moyens, la SARL presqu’île du Cap properties demande à la cour de :
‘ confirmer le jugement en toutes ses dispositions, hormis en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de dommages-intérêts ;
Statuant à nouveau,
‘ condamner M. [U] à lui payer 250 000 € à titre de dommages-intérêts correspondant à la commission qui lui était due aux termes de l’opération et 15 000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ;
‘ condamner la SCI la Cigaronne et M. [U] à lui payer 6 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens, distraits au profit de son avocat.
Elle fait valoir que :
Sur la qualité et l’intérêt à agir de la SCI la Cigaronne : celle-ci ne démontre pas avoir levé l’option dans les termes fixées par la promesse, ni versé l’indemnité d’immobilisation et elle n’a formulé aucune demande à son profit, que ce soit en première instance et dans ses premières conclusions devant la cour ;
Sur la demande de dommages-intérêts :
– la validité de la promesse de vente a été définitivement reconnue, de sorte que M. [U] ne peut utilement se prévaloir d’un dol ou d’une erreur ayant déterminé son consentement, étant observé qu’il a pris soin, avant de s’engager, de se faire assister de son propre notaire, Me [V] ainsi que d’avocats, même s’il a signé la promesse chez lui en la seule présence de M. [T] de la SARL presqu’île du Cap properties, avant de la renvoyer à la société venderesse pour signature ;
– les textes sur lesquels les appelants fondent leurs demandent sont inapplicable au litige qui est antérieur à l’ordonnance du 10 février 2016 ;
– M. [T] n’est pas le rédacteur de la promesse de vente, qu’il s’est contenté de faire signer à M. [U], à qui il appartenait de solliciter sa traduction en langue russe s’il n’en comprenait pas les enjeux, étant rappelé qu’il était assisté d’un notaire et d’avocats qu’il n’a pas jugé utile d’appeler en cause ;
– le préjudice allégué provient de l’absence de levée de l’option dans les conditions fixées par l’acte et non d’un quelconque manquement fautif de sa part ;
– en tout état de cause, M. [U] ne démontre pas avoir versé l’indemnité d’immobilisation sur ses deniers personnels, puisque celle-ci a été réglée par une société dénommée Larisa Limited ;
Sur sa demande de dommages-intérêts : M. [U] a initialement sollicité du tribunal qu’il dise la vente parfaite et reconnu que la vente aurait dû avoir lieu, or, celle-ci n’a pas été finalisée par sa faute et de celle de ses conseils qui n’ont pas levé l’option dans les formes prévues par la promesse, de sorte qu’elle a droit à des dommages-intérêts équivalents au montant des honoraires perdus.
Dans ses dernières conclusions, régulièrement notifiées le 26 septembre 2022, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, Mme [J] [C] demande à la cour de :
‘ confirmer le jugement en toutes ses dispositions, hormis celles qui ont rejeté sa demande reconventionnelle ;
‘ débouter M. [U] et la SCI la Cigaronne de leurs demandes ;
‘ condamner la SCI la Cigaronne et M. [U] à lui payer 5 000 € de dommages-intérêts pour procédure abusive, 5 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance et d’appel.
Elle fait valoir que :
– elle n’a jamais eu de lien contractuel avec la SCI la Cigaronne et M. [U], puisque c’est la société SMIS International qui, aux termes de la promesse, devait supporter la charge du paiement de sa commission ;
– cette commission était due au titre de son intervention en qualité d’apporteur d’affaire et elle n’a jamais été mandatée pour intervenir à l’acte de vente ;
– en tout état de cause, le vice du consentement allégué au titre de l’absence de maîtrise par M. [U] de la langue française a été définitivement rejeté par une décision judiciaire aujourd’hui définitive, ce qui implique qu’il a compris les termes et les enjeux de l’acte ;
– n’étant pas agent immobilier, elle n’est pas tenue aux obligations qui pèsent sur ces professionnels mais, en tout état de cause, M. [U] était en mesure, par son niveau d’intelligence et l’aide de ses conseils, de comprendre la portée de l’acte.
Elle soutient que l’appel est abusif dès lors que le premier juge a motivé sa décision et que l’acharnement de M. [U], par l’importance des dommages-intérêts réclamés, est très éprouvant pour elle.
Dans leurs dernières conclusions, régulièrement notifiées le 15 septembre 2022, auxquelles il convient de renvoyer pour un exposé plus exhaustif des moyens, Mme [E] [G] et Mme [Y] [G], es qualités, demandent à la cour de :
‘ confirmer le jugement en toutes ses dispositions, hormis en ce qu’il a débouté M. [G] de sa demande de dommages-intérêts ;
Statuant à nouveau,
‘ condamner in solidum M. [U] et la SCI la Cigaronne à leur payer 7 000 € de dommages-intérêts pour procédure abusive, 5 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens, distraits au profit de leur avocat.
Elles font valoir que :
Sur la qualité et l’intérêt à agir de la SCI la Cigaronne : aucune substitution n’est valablement intervenue à son profit dans les termes définis par la promesse de vente et elle ne justifie pas avoir elle même payé l’indemnité d’immobilisation ;
Sur la responsabilité de M. [G] :
– si le notaire rédacteur, lorsqu’il instrumente, est tenu d’un devoir de conseil à l’égard des parties, tel n’est pas le cas lorsque plusieurs notaires interviennent, puisque dans cette hypothèse, ils ne sont tenus à ce devoir qu’envers leur propre client, or, M. [G] était le notaire du promettant, M. [U] étant lui-même assisté de son notaire, qui était tenu de le conseiller ;
– en tout état de cause, M. [G] n’a jamais rencontré M. [U], de sorte qu’il n’était pas en mesure de découvrir qu’il ne parlait pas la langue française ;
– l’acte litigieux n’a pas le caractère d’un acte authentique ;
– M. [U] ne démontre par aucune pièce qu’il ne parle pas le français, alors qu’il est propriétaire d’un villa en France depuis 2004 et aucune obligation légale n’impose au notaire de prévoir l’assistance d’un interprète ou de traduire l’acte dans sa langue d’origine ;
– la cour a définitivement jugé que le consentement de M. [U] n’a pas été vicié ;
– l’absence de restitution de l’indemnité d’immobilisation est la conséquence, non d’un manquement fautif de sa part, mais de l’absence de levée de l’option par M. [U] ou la SCI la Cigaronne dans les conditions fixées par la promesse, de sorte que seuls le notaire de M. [U] et ses avocats en sont responsables ;
– l’absence de condition suspensive relative à l’obtention d’un prêt n’est pas davantage à l’origine du préjudice allégué par M. [U] puisque celui-ci prétend qu’il entendait lever l’option sans concours bancaire.
Elles ajoutent que la procédure, tardivement engagée, révèle de la part de M. [U] et de la SCI la Cigaronne un appétit de lucre poursuivi avec une légèreté équipollente au dol.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande de révocation de l’ordonnance de clôture
L’appel ayant été interjeté par acte du 24 juin 2020, l’instance est soumise aux dispositions du code de procédure civile résultant du décret du 11 décembre 2019.
En application de l’article 803 du code de procédure civile, auquel renvoie l’article 907 du même code, l’ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s’il se révèle une cause grave depuis qu’elle a été rendue ; la constitution d’avocat postérieurement à la clôture ne constitue pas, en soi, une cause de révocation.
En l’espèce, M. [U] soutient que la constitution d’avocat par la SCI la Cigaronne par conclusions du 14 décembre 2023 consacre une cause grave au sens de ce texte.
Dans un courrier adressé au conseiller de la mise en état le 18 décembre 2023, la SCI la Cigaronne demande également la révocation de l’ordonnance de clôture, sans cependant reprendre cette demande dans des conclusions.
La cause grave s’entend de celle qui se révèle postérieurement à la clôture de la procédure ou dans des circonstances de temps de nature à contrarier la défense par les parties de leurs intérêts.
En l’espèce, M. [U] et la SCI la Cigaronne ont fait cause commune en première instance, puis dans l’acte d’appel du 24 juin 2020 et dans les conclusions d’appelants signifiées dans le délai prévu par l’article 908 du code de procédure civile.
Plus de trois ans plus tard, la SCI la Cigaronne a choisi de constituer un autre avocat, sans qu’aucun événement consacrant une évolution du litige soit objectivé.
Si tel est son droit, M. [U] ne peut utilement soutenir, alors que cette constitution et les nouvelles conclusions de la SCI la Cigaronne sont intervenues le 14 décembre 2023, qu’il n’était pas en mesure de préparer sa défense avant le 19 décembre 2023.
En effet, si à la faveur de ces conclusions, la SCI la Cigaronne demande que les condamnations lui profitent plutôt qu’à M. [U], la difficulté à l’origine de cette volte-face est connue au moins depuis la décision du premier juge.
Les évolutions de stratégies de certaines parties ne sauraient justifier qu’il soit dérogé aux exigences du code de procédure civile.
Or, la condition de gravité prévue par le texte ci dessus rappelé, n’est pas remplie lorsque la révocation est demandée au seul prétexte de la signification et du dépôt de conclusions par un des appelants qui entend changer de conseil, cinq jours avant la date fixée par la clôture.
En outre, alors que la procédure d’appel est en cours depuis plus de trois ans, la date de clôture de la procédure a été annoncée aux parties par un avis du greffe le 13 septembre 2023, soit plus de trois mois avant.
M. [U] ne peut utilement se prévaloir de son éloignement géographique, dès lors que les moyens de communication modernes assurent la possibilité d’échanges très rapides, ni alléguer de difficultés linguistiques pour communiquer avec son conseil, alors que cette intervention, manifestement destinée à régulariser les obstacles procéduraux retenus par le premier juge, ne s’appuie sur aucune évolution du litige ou des pièces invoquées au soutien des prétentions.
Son conseil était donc en mesure de réagir dans les délais impartis par le conseiller de la mise en état.
Il appartenait donc aux appelants de faire diligence dans ces délais et, à défaut, ils ne sont pas fondés à se prévaloir de leur carence afin de bénéficier de l’allongement de délais qui étaient connus d’eux depuis plus de trois mois.
En l’absence de cause grave, il ne sera pas fait droit à la demande de révocation de l’ordonnance de clôture.
Sur la recevabilité des conclusions notifiées par M. [U] le 10 janvier 2024
En application de l’article 802 du code de procédure civile, auquel renvoie l’article 907 du même code, après l’ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d’irrecevabilité prononcée d’office.
En l’espèce, la procédure a été clôturée par ordonnance du 19 décembre 2023.
Les conclusions notifiées par M. [U] le 10 janvier 2024 sont, en conséquence, irrecevables.
Sur la recevabilité des prétentions de la SCI la Cigaronne au regard des dispositions de l’article 910-4 du code de procédure civile
En application de l’article 910-4 du code de procédure civile, à peine d’irrecevabilité, relevée d’office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l’ensemble de leurs prétentions sur le fond. L’irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.
Néanmoins, et sans préjudice de l’alinéa 2 de l’article 802, elles demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l’intervention d’un tiers ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.
En l’espèce, dans ses premières conclusions d’appelante, notifiées le 24 septembre 2020, la SCI la Cigaronne ne formulait aucune demande de condamnation à son profit. Si le dispositif des conclusions n’indiquait pas au bénéfice de qui les condamnations devaient être prononcées, les motifs précisaient expressément, au titre du préjudice, que les intimés devaient être ‘condamnés à la réparation du préjudice intégral subi par M. [U]’ ‘qu’il estime justement à hauteur de 2 350 000 €’.
Or, dans ses conclusions notifiées le 14 décembre 2023, la SCI la Cigaronne formule une demande de condamnation des intimés à lui payer la somme de 2 350 000 € à titre de dommages-intérêts.
Il appartient à la partie qui entend ajouter aux prétentions sur le fond formulées dans les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910 de démontrer que ses demandes sont destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses, ou à faire juger une questions née, postérieurement aux premières conclusions, de l’intervention d’un tiers ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.
En l’espèce, tel n’est pas le cas, étant observé que l’absence de toute demande de condamnation au profit de la SCI la Cigaronne avait déjà été relevée par le premier juge et retenue par celui-ci pour déclarer cette partie irrecevable en ses demandes.
La SCI la Cigaronne ne justifie par aucune pièce que le préjudice personnel dont elle fait état s’est révélé ou est survenu entre le 24 septembre 2020 et le 14 décembre 2023, justifiant une dérogation au principe de concentration des prétentions devant la cour d’appel.
En conséquence, la demande de condamnation à lui payer la somme de 2 350 000 €, formulée par la SCI la Cigaronne dans ses conclusions du 14 décembre 2023 est irrecevable.
Sur la qualité et l’intérêt à agir de la SCI la Cigaronne
Pour justifier de sa qualité et de son intérêt à agir, la SCI la Cigaronne invoque sa qualité de substituée à la promesse de vente consentie à M. [U] par acte des 9 et 10 juillet 2017.
En application de l’article 30 du code de procédure civile, l’action est le droit, pour l’auteur d’une prétention, d’être entendu sur le fond de celle-ci afin que le juge la dise bien ou mal fondée.
Selon l’article 31 du même code, l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.
Il résulte de ces textes qu’une personne ne peut agir en justice que dans la mesure où la violation du droit l’atteint dans ses intérêts propres et où le résultat de l’action lui profitera personnellement.
En l’espèce, la promesse de vente stipule que son bénéficiaire aura la possibilité de se substituer une tierce personne dans le bénéfice de la vente, mais sous réserve de la réalisation de différentes conditions à laquelle est soumise la validité de cette substitution. Ces conditions sont les suivantes : que le bénéficiaire reste tenu avec le substitué des obligations nées de la vente jusqu’à sa réitération par acte authentique, que le tiers substitué finance le prix de l’acquisition avec des deniers personnels ou un prêt et que l’acte de substitution soit notifié par lettre recommandé avec accusé de réception au promettant s’il n’intervient pas à l’acte authentique.
En l’espèce, la levée d’option dont se prévaut la SCI la Cigaronne n’a pas eu lieu dans les formes prévues par l’acte.
La validité de la substitution suppose nécessairement que l’acte pour lequel elle est stipulée ait été suivi d’effet, alors qu’en l’espèce, la promesse de vente est devenue caduque.
Aucune pièce n’établit que la substitution a été notifiée par lettre recommandée avec accusé de réception au promettant.
Si la SCI la Cigaronne avait incontestablement qualité pour solliciter la réalisation forcée de la vente au motif qu’elle entendait, conformément aux clauses de l’acte, se substituer au bénéficiaire et revendiquer le caractère parfait de la levée d’option, elle a ensuite renoncé à cette demande, de concert avec M. [U], pour solliciter l’annulation de la promesse de vente.
Cette demande a été définitivement rejetée par l’arrêt du 15 juin 2010, qui a également considéré la promesse de vente comme caduque.
L’objet du présent litige est différent, qui tend à l’indemnisation d’un préjudice, allégué au titre de fautes commises par les intimés lors de la signature de la promesse par M. [U], à l’origine, selon ce dernier, de la caducité de la promesse et d’une impossibilité de recouvrer l’indemnité d’immobilisation.
Or, la demande d’indemnisation formée par le contractant initial au titre d’un dommage né à l’occasion de l’opération pour laquelle une substitution était prévue, suppose, pour que le substitué soit lui-même recevable à agir, que la substitution ait bien eu lieu.
Tel n’est pas le cas en l’espèce, au regard des termes de l’arrêt du 15 juin 2010.
Par ailleurs, la SCI la Cigaronne ne démontre par aucune pièce avoir réglé sur ses deniers l’indemnité d’immobilisation, puisque le relevé de compte de l’étude du notaire fait état d’un virement reçu de ‘Larisa limited pour le compte de M. [U] [Z]’, que les courriers produits, notamment celui en date du 22 octobre 2007, de Me [O] et Me [A], qui se présentent comme ‘les conseils de M. [Z] [U]’ indiquent au sujet de celui-ci que ‘en exécution de cette promesse, il a adressé à l’étude de Me [G], notaire du vendeur, la somme de 2 350 000 € à titre d’indemnité d’immobilisation’ et que le courrier de la société SG private banking du 14 novembre 2007 fait, tout au plus, état d’une offre de prêt à la SCI La Cigaronne à hauteur de 23 500 000 €, sans évoquer les fonds ayant servi au paiement, en amont, de l’indemnité d’immobilisation.
Enfin, devant la cour, comme devant le premier juge, la SCI la Cigaronne ne formule aucune prétention au fond à son profit.
Dans ces conditions, elle ne justifie pas que la responsabilité des trois intimés, à la supposer établie, l’atteint dans ses intérêts propres ni que le résultat de l’action lui profitera personnellement.
Par conséquent, le jugement doit être confirmé en ce qu’il a jugé l’action irrecevable faute d’intérêt à agir.
Sur les responsabilités
Les contrats conclus avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, soit au 1er octobre 2016, demeurent soumis à la loi ancienne. Il en va de même de l’action en responsabilité délictuelle engagée à raison de fautes antérieures à l’entrée en vigueur de ce texte.
En l’espèce, les manquements contractuels et délictuels allégués sont afférents à la promesse de vente signée les 9 et 10 juillet 2007.
1/ Sur la responsabilité de la SARL Presqu’île du Cap properties
M. [U] soutient que, compte tenu des conditions dans lesquelles il a signé la promesse, son consentement a été surpris à la faveur d’une incompréhension des clauses de l’acte et que la SARL presqu’île du Cap properties, dont le salarié lui a fait signer l’acte, en est responsable au motif qu’il n’a pas pris la précaution de traduire l’acte, ni veillé à ce qu’il remplisse lui même la mention manuscrite. Il y ajoute un manquement au devoir de conseil.
Il n’est pas contesté que la SARL presqu’île du Cap properties, agent immobilier, a été mandatée par M. [U].
En application de l’article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part.
À titre liminaire, il sera rappelé que, selon l’arrêt rendu par la cour d’appel le 15 juin 2010, aucun vice n’a affecté le consentement de M [U] lorsqu’il a signé l’acte des 9 et 10 juillet 2007. Dans cet arrêt, la cour relève qu’il n’est pas établi, alors que M. [U] est de nationalité russe et a vécu la majeure partie de sa vie en Russie, parle et comprend le français, mais que les circonstances ayant entouré la signature de l’acte conduisent à considérer qu’il en a compris le sens et la portée, parce qu’il était entouré de professionnels du droit, notamment d’un notaire et d’avocats, de sorte que ses intérêts étaient protégés et l’intégrité de son consentement garanti.
Cet arrêt, qui est définitif, est revêtu de l’autorité de chose jugée sur ce point, de sorte que M. [U] n’est pas fondé à soutenir que son consentement a été vicié du seul fait que l’acte ne lui a pas été traduit.
Il résulte de la sommation interpellative, délivrée à la SARL presqu’île du Cap properties le 13 avril 2010 que son salarié, M. [N] [T], s’est transporté au domicile de M. [U] le 9 avril 2007 où il lui a fait signer l’acte sans le lui traduire, alors qu’il savait qu’il ne comprenait pas la langue française et qu’il n’était assisté le jour dit, d’aucune personne comprenant cette langue. La sommation fait également ressortir que la mention manuscrite figurant dans la promesse n’est pas de la main de M. [U], ce dont il doit être déduit que M. [T], ou une autre personne, l’ont rédigée avant que M. [U] signe l’acte.
L’agent immobilier est tenu, à l’égard de son client, en marge de sa mission principale, d’une obligation accessoire d’information, de conseil et de mise en garde.
En l’espèce, la promesse de vente a été négociée par l’intermédiaire de la SARL presqu’île du Cap properties, mandatée par M. [U], qui s’est chargée de faire signer à celui-ci l’acte sous seing privé établi afin de formaliser l’accord des parties.
M. [T] n’ignorait pas que M. [U] ne maîtrisait pas la langue française. La clause afférente aux conditions de levée de l’option était stricte et l’indemnité d’immobilisation du bien onéreuse. Il lui appartenait donc d’attirer son attention, de veiller à ce que l’acte soit traduit et compris et de le conseiller sur ce point.
L’absence de précaution prises par M. [T] afin de garantir la compréhension par son client des termes et conditions de son engagement relève d’une légèreté fautive, qui s’aggrave d’une négligence blâmable en ce qui concerne les conditions de rédaction de la mention manuscrite afférente à l’absence de tout concours bancaire.
Cependant, si le comportement du préposé de l’agence immobilière consacre une faute, il a été définitivement jugé, pour les motifs rappelés ci dessus et que la cour ne saurait remettre en cause, que le consentement de M. [U] n’a pas été vicié du seul fait de l’absence de traduction orale ou écrite de la promesse.
Aucune preuve n’est donc rapportée que la légèreté fautive avec laquelle M. [T] a fait signer à M.[U] un acte portant sur une somme de 23 500 000 € et assorti d’une indemnité d’immobilisation de 2 350 000 €, susceptible d’être perdue en cas de non levée de l’option, est à l’origine d’une erreur ou d’une incompréhension de sa part.
Ainsi que l’a rappelé la cour dans son arrêt du 15 juin 2010, celui-ci était entouré et assisté depuis le début de l’opération d’au moins deux avocats susceptibles de lui expliquer les modalités juridiques de l’opération et de le conseiller. La présence de Me [O] à ses côtés résulte notamment d’un courrier que lui a adressé M. [U] le 10 octobre 2007, afin de l’informer qu’il lève l’option et de le mandater pour la suite de l’opération et des courriers que cet avocat a immédiatement adressés à Me [G] et Me [V], notaires, afin de les informer de la volonté de M. [U]. Dans ces courriers, Me [O] désigne M. [U] comme ‘son client’ et dans un courrier qu’il a adressé à Me [V] le 12 octobre 2007, il le désigne comme ‘notre client’, ce qui laisse entendre que Me [V] était bien le notaire de M. [U], mais également qu’il suivait l’évolution de l’opération immobilière.
Quant à l’absence de rédaction de la mention manuscrite par la main de M. [U], elle consacre également une faute de la part de l’agent immobilier, qui doit impérativement veiller à ce que, dans les actes auxquels il participe avec son co-contractant, toutes les formalités protectrices de l’acheteur soient respectées. Tel n’a pas été le cas en l’espèce.
Cependant, le préjudice allégué par M. [U] et dont il demande l’indemnisation, n’est pas en lien de causalité avec ce manquement fautif.
C’est donc à juste titre que le premier juge a débouté M. [U] de sa demande de dommages-intérêts à l’encontre de la SARL presqu’île du Cap properties.
2/ Sur la responsabilité de Mme [J] [C]
Mme [J] [C] est intervenue à l’opération et la promesse stipule que le promettant s’engage à lui régler, à titre d’honoraires de négociation, une somme de 500 000 €.
Aucun lien contractuel n’a cependant existé entre elle et M. [U], bénéficiaire de l’acte, qui aux termes de celui-ci, devait lui-même régler, à titre d’honoraires de négociation, la somme de 500 000 €, à l’agence du phare du cap et à la SARL presqu’île du Cap properties, à raison de la moitié chacune.
La responsabilité de Mme [J] [C] ne peut donc être recherchée par M. [U] que sur le fondement délictuel, en application de l’article 1382 du code civil dans sa version antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016.
Il appartient toutefois à M. [U] de démontrer que l’intéressée a commis une faute et que celle-ci est à l’origine du préjudice dont il se plaint.
Les griefs de M. [U] sont afférents aux conditions dans lesquelles il a signé la promesse de vente, plus particulièrement à l’absence de traduction de l’acte dans sa langue maternelle, ainsi qu’à la rédaction par un tiers de la mention manuscrite relative à l’absence de concours bancaire.
Or, M. [U] ne produit aucun élément probant démontrant que Mme [J] [C] était présente lorsqu’il a signé l’acte. En l’absence de contrat conclu avec M.[U], l’intéressée n’était tenue envers lui à aucune obligation contractuelle. Quant aux obligations légales et réglementaires pesant sur les agents immobiliers, il n’est pas démontré que Mme [J] [C] y est soumise, alors qu’elle conteste avoir agi en cette qualité.
Les seules affirmations de M. [T], préposé de la SARL presqu’île du Cap properties, en réponse à la sommation interpellative, sont insuffisantes pour démontrer que Mme [J] [C] a agi ou s’est prévalue de la qualité d’agent immobilier.
C’est donc à juste titre que le premier juge a débouté M. [U] de sa demande indemnitaire à l’encontre de Mme [J] [C].
3/ sur la responsabilité du notaire
Les notaires, institués pour donner aux conventions des parties les formes légales et l’authenticité, doivent mettre en ‘uvre tous les moyens adéquats et nécessaires afin d’assurer l’efficacité de leurs actes.
Un acte efficace s’entend d’un acte conforme à la volonté des parties et, à ce titre, les notaires ont le devoir d’éclairer les parties sur le contenu et les effets de leurs engagements afin qu’elles puissent y consentir en toute connaissance de cause. Le notaire doit protéger les parties à l’acte qu’il reçoit par des conseils juridiques avisés en leur apportant l’aide technique que ses connaissances du droit l’autorisent à délivrer.
La faute, même très légère, analysée par comparaison avec la conduite qu’aurait dû avoir un notaire avisé, juriste compétent et méfiant, peut être source de responsabilité.
En l’espèce, Me [G] est intervenu à l’opération en qualité de notaire du promettant. Plusieurs courriers lui ont été adressés en cette qualité par Me [O], avocat de M.[U], notamment en octobre 2007.
Par ailleurs, il n’est pas contesté qu’il a rédigé la promesse de vente litigieuse.
Cependant, celle-ci n’a pas été reçue par acte authentique.
L’autorité de chose jugée attachée à une décision de justice ne vaut que pour les chefs de son dispositif et en l’espèce, si la cour d’appel, dans les motifs de son arrêt du 17 juin 2010, indique que l’enregistrement de l’acte sous seing privé par le notaire lui confère la qualité d’un acte authentique, aucune autorité n’est attachée à cette affirmation qui ne fait l’objet d’aucun chef dans le dispositif de l’arrêt.
L’acte authentique est celui qui a été reçu, avec les solennités requises, par un officier public ayant compétence et qualité pour instrumenter.
Si l’authenticité d’un acte sous seing privé peut résulter de son dépôt au rang des minutes d’un notaire, c’est à la condition que ce dépôt doit effectué par tous les signataires de l’acte.
Tel n’est pas le cas lorsque le dépôt de l’acte est effectué par une seule des parties.
En l’espèce, il résulte des termes de l’acte de dépôt au rang des minutes de l’étude de Me [G] le 10 juillet 2017, que cette formalité a été effectuée par Mme [W] [B] ‘agissant en vertu des pouvoirs qui lui ont été conférés aux termes de l’acte sous seing privé’. Or, dans l’acte sous seing privé, celle-ci figure uniquement en qualité de représentant du promettant.
Le dépôt de l’acte sous seing privé en l’étude de Me [G] ayant été effectué par le seul promettant, est insuffisant pour lui conférer un caractère authentique.
M. [U] n’est donc pas fondé à soutenir que, l’acte étant authentique, le notaire était tenu à toutes les obligations inhérentes à la réception d’un tel acte.
Par ailleurs, s’il n’est pas contesté que Me [G] a rédigé l’acte, aucune pièce ne démontre qu’il était présent lorsque M.[U] l’a signé. Aucune pièce ne démontre davantage qu’il a rencontré physiquement M.[U] à la faveur de cette opération immobilière. Celui-ci ne rapporte la preuve par aucune pièce que Me [G], qui n’était pas son notaire, mais celui du promettant, savait qu’il ne maîtrisait pas ou mal la langue française.
Me [G], qui n’avait aucun moyen de savoir que M.[U] maîtrisait mal la langue française, ne saurait donc être tenu pour responsable des conditions dans lesquelles il a signé la promesse de vente.
C’est donc à juste titre que le premier juge a rejeté la demande de dommages-intérêts formulée à l’encontre de Me [G].
Sur la demande reconventionnelle de la SARL presqu’île du Cap properties
La promesse de vente stipulait au profit de la SARL presqu’île du Cap properties le paiement par M.[U] d’une commission, au titre d’honoraires de négociation, d’un montant de 250 000€.
La SARL presqu’île du Cap properties soutient qu’elle a perdu son droit à commission par la faute de M.[U].
La partie à une opération immobilière qui, par un comportement fautif, fait perdre sa commission à l’agent immobilier par l’entremise duquel elle a été mis en rapport avec son co-contractant, engage sa responsabilité sur le fondement de l’article 1240 du code civil et doit réparation à ce dernier de son préjudice.
En effet, les contrats devant être exécutés de bonne foi, l’acquéreur commet une faute s’il entrave la réalisation de l’acte conditionnant les honoraires de l’agent immobilier.
Il appartient cependant à celui-ci de démonter que l’absence de droit à rémunération procède de manoeuvres dolosives ou indélicates.
En l’espèce, M. [U] n’a pas levé l’option dans les conditions contractuellement fixées, de sorte que la promesse de vente est devenue caduque.
En l’absence de réitération de la vente, les honoraires stipulés à ce contrat ne sont pas dus.
Pour autant, il n’est démontré par aucune pièce que l’absence de levée de l’option procède de manoeuvres dolosives ou indélicates de la part de M. [U].
Celui-ci n’a transgressé aucun engagement figurant dans la promesse puisqu’il demeurait libre de lever ou non l’option.
En conséquence, la perte par l’agent immobilier des honoraires stipulés à l’acte ne procède d’aucune manoeuvre frauduleuse de M. [U], étant observé que la cour retient l’existence d’une faute de l’agent immobilier quant aux conditions dans lesquelles il a recueilli la signature de M. [U], même si, en l’absence de préjudice en lien avec cette faute, sa responsabilité n’est pas engagée.
Il résulte de l’ensemble de ces éléments que la perte de la commission est due à l’aléa qui caractérise la rémunération de l’agent immobilier, dont les honoraires dépendent du succès de l’opération immobilière en vue de laquelle il est mandaté.
En l’absence de réalisation de la promesse, la SARL presqu’île du Cap properties n’a pas droit aux honoraires fixés par l’acte et dès lors qu’elle ne démontre pas que l’absence de réitération procède d’une faute ou de manoeuvres constitutives d’une fraude destinée à l’en priver, elle n’est pas fondée à solliciter la condamnation de M. [U] à l’indemniser d’une quelconque perte.
Sur les demandes de dommages-intérêts pour procédure abusive
L’exercice du droit d’ester en justice, de même que la défense à une action, constituent en principe un droit et ne dégénèrent en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas où le titulaire de ce droit en fait, à dessein de nuire, un usage préjudiciable à autrui.
Le seul rejet des prétentions d’un plaideur, y compris par confirmation en appel d’une décision de première instance, ne caractérise pas automatiquement un abus du droit d’ester en justice.
Par ailleurs, l’appréciation inexacte qu’une partie fait de ses droits n’est pas à elle seule constitutive d’une faute, sauf s’il est démontré que le demandeur ne peut, à l’évidence, croire au succès de ses prétentions.
En l’espèce, si M.[U] est débouté de ses demandes, la cour retient un manquement fautif de la SARL presqu’île du Cap properties au regard de la légèreté avec laquelle son préposé a recueilli sa signature sur l’acte formalisant la promesse de vente.
Dans ces conditions, l’agent immobilier ne caractérise aucune circonstance particulière constitutive d’un abus de M.[U] dans l’exercice de son droit de soumettre au juge le litige qui l’opposait à l’agent immobilier.
Les ayant droits de M. [G] ne caractérisent, au delà du seul rejet des prétentions de M.[U], aucun abus de sa part dans l’exercice de son droit de soumettre le litige à un juge si on considère que l’opération immobilière portait sur une somme de 23 500 000 € avec une indemnité d’immobilisation elle-même très conséquente et que le notaire, même s’il n’a commis aucune faute, est intervenu à celle-ci en enregistrant l’acte au rang des minutes de son étude. Ce faisant, il a contribué à cautionner, même s’il ne pouvait en avoir conscience, une opération réalisée dans des conditions formelles pour le moins discutables.
Au regard de ces éléments, le rejet des demandes de M. [U] à l’encontre du notaire est insuffisant pour considérer qu’il a abusé de son droit de soumettre le litige à un tribunal.
En revanche, la situation est différente pour Mme [J] [C] qui a été attraite devant le premier juge alors que les termes de la promesse sont dénués de toute ambiguïté en ce qui concerne les conditions de son intervention à l’opération immobilière et qu’elle n’a pas participé au recueil de la signature de M. [U].
Par ailleurs, au regard de la motivation du premier juge, M.[U], qui n’a pas davantage étayé son argumentation à l’encontre de l’intéressée dans ses conclusions d’appel, ne pouvait, à l’évidence, croire au succès de ses prétentions.
Il en résulte qu’en intimant Mme [J] [C] devant la cour, M. [U] a fait de son droit d’interjeter appel, à dessein de lui nuire, un usage préjudiciable.
Ces circonstances justifient de le condamner à payer à Mme [J] [C] une somme de 2 000 €, à titre de dommages-intérêts.
Sur les dépens et frais irrépétibles
Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles sont confirmées.
M.[U] et la SCI la Cigaronne, qui succombent, supporteront la charge des entiers dépens d’appel et ne sont pas fondés à solliciter une indemnité au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Aucune considération d’équité ne justifie de condamner M. [U] ou la SCI la Cigaronne à une indemnité en application de l’article 700 du code de procédure civile au profit de la SARL presqu’île du Cap properties.
L’équité justifie en revanche d’allouer à Mme [J] [C] et Mesdames [G] une indemnité de 3 000 € chacune au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Dit n’y avoir lieu à révocation de l’ordonnance de clôture ;
Déclare irrecevables les conclusions notifiées le 10 janvier 2024 par M. [Z] [U] ;
Déclare les demandes de la SCI la Cigaronne irrecevables ;
Infirme le jugement en ce qu’il a rejeté la demande de dommages-intérêts formulée par Mme [M] [J] [C] ;
Le confirme pour le surplus des dispositions soumises à la cour ;
Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,
Condamne M. [Z] [U] et la SCI la Cigaronne, in solidum, à payer à Mme [M] [J] [C] la somme de 2 000 € à titre de dommages-intérêts ;
Déboute M. [U] et la SCI la Cigaronne de leur demande en application de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en appel ;
Dit n’y avoir lieu à condamnation en application de l’article 700 du code de procédure civile au profit de la SARL presqu’île du Cap properties au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour ;
Condamne M. [Z] [U] à payer d’une part à Mme [M] [J] [C], d’autre part à Mmes [E] [L] veuve [G] et [Y] [G], prises en leur qualité d’ayant droits de Me [P] [G] et ensemble, une somme de 3 000 € chacune en application de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour ;
Condamne M.[Z] [U] et la SCI la Cigaronne, in solidum aux entiers dépens d’appel et accorde aux avocats qui en ont fait la demande, le bénéfice de l’article 699 du code de procédure civile.
Le greffier Le Président