Constitution d’avocat : décision du 19 octobre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 23/02975

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Constitution d’avocat : décision du 19 octobre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 23/02975
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Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 2

ARRÊT DU 19 OCTOBRE 2023

(n° , 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/02975 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CHDP3

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 25 Janvier 2023 -Président du TJ de [Localité 4] – RG n° 22/57387

APPELANTE

S.A.S. PICONI, RCS d’Evry sous le n°894 815 646, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Sylvie KONG THONG de l’AARPI Dominique OLIVIER – Sylvie KONG THONG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0069

INTIMEE

S.C.I. KISSANA, RCS de [Localité 6] sous le n°491 184 370, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Marc GOUDARZIAN, avocat au barreau de PARIS, toque : C1657

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 804, 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 Septembre 2023, en audience publique, les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Michèle CHOPIN, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre,

Michèle CHOPIN, Conseillère,

Laurent NAJEM, Conseiller,

Qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 16 mars 2022, la société Kissana a loué à la société Piconi, au titre d’un bail dérogatoire, un local commercial situé [Adresse 2]), dont la destination était une activité de “Restauration rapide sur place ou à emporter à l’exclusion de toute autre, même temporairement”, ce, pour une durée de 23 mois avec prise d’effet le 16 mars 2022, moyennant un loyer annuel hors taxes et hors charges de 48.000 euros payable mensuellement, à terme à échoir.

Par exploit du 28 juin 2022, la société Kissana a fait délivrer à la société Piconi un commandement de payer visant la clause résolutoire pour un arriéré de loyers, charges et accessoires de 31.503 euros.

Par exploit du 16 septembre 2022, la société Kissana a fait assigner la société Piconi devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris aux fins de voir constater l’acquisition de la clause résolutoire contenue dans le bail, condamner par provision la société Piconi à lui régler un arriéré de loyers, charges et accessoires arrêté au 28 juillet 2022 pour un montant de 74.100 euros ainsi qu’à une indemnité d’occupation majorée de 50% jusqu’à ce qu’elle ait quitté les lieux, son expulsion étant ordonnée et celle de tous occupants de son chef.

Par ordonnance contradictoire du 25 janvier 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris a :

– débouté la société Kissana de sa demande tendant à l’annulation des conclusions adverses

– déclaré irrecevables la constitution en défense pour la société Piconi et par voie de conséquence, l’ensemble des conclusions et demandes formées par la société Piconi et la société African Dream ;

– constaté l’acquisition de la clause résolutoire avec effet au 28 juillet 2022 ;

– ordonné, en conséquence, l’expulsion de la société Piconi ou de tout occupant de son chef à défaut de départ volontaire dans le mois suivant la signification de l’ordonnance, au besoin avec le concours de la force publique et d’un serrurier ;

– rappelé qu’en application de l’article L 433-1 du code des procédures civiles d’exécution, les meubles se trouvant sur les lieux seront remis, aux frais de la personne expulsée, dans un lieu désigné par elle ; qu’à défaut, ils seront laissés sur place et entreposés en un autre lieu par l’huissier de justice chargé de l’exécution, avec sommation de la personne expulsée d’avoir à les retirer dans un délai fixé par voie réglementaire,

– condamné la société Piconi à titre provisionnel au paiement d’une indemnité d’occupation d’un montant mensuel de 6.000 euros à compter du 29 juillet 2022 et jusqu’à restitution des locaux ;

– condamné la société Piconi à titre provisionnel à payer à la société Kissana la somme de 74.100 euros au titre des loyers et charges impayés au 28 juillet 2022, outre les intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision ;

– condamné la société Piconi aux entiers dépens de l’instance, en ce compris le coût du commandement de payer visant la clause résolutoire ;

– condamné la société Piconi au paiement de la somme de 2.000 euros à la société Kissana au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– rappelé que l’ordonnance bénéficie de plein droit de l’exécution provisoire.

Par déclaration du 3 février 2023, la société Piconi a relevé appel de cette décision.

Par ordonnance sur incident du 13 juin 2023, la présidente de la chambre 2, pôle 1, de la cour d’appel de Paris :

– s’est déclarée incompétente au profit de la cour pour statuer sur la demande de recevabilité des conclusions et pièces de l’appelant ;

– s’est déclarée incompétente au profit du premier président de la cour d’appel pour statuer sur la demande de radiation de l’appel ;

– a joint les dépens de l’incident à ceux du fond ;

– a condamné la société Kissana à payer la somme de 1.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

La société Piconi, par ses dernières conclusions remises et notifiées le 19 mai 2023, a demandé à la cour de :

– infirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a :

* déclaré irrecevables la constitution en défense pour la société Piconi, et par voie de conséquence l’ensemble des conclusions et demandes formées par la société Piconi et la société African Dream ;

* constaté l’acquisition de la clause résolutoire du bail liant la société Kissana et la société Piconi, avec effet au 28 juillet 2022 ;

* ordonné en conséquence l’expulsion de la société Piconi, ou de tout occupant de son chef, des locaux loués et sis [Adresse 3], à défaut de départ volontaire dans le mois suivant la signification de la présente décision ;

* rappelé que les meubles se trouvant sur les lieux seront remis, aux frais de la personne expulsée, dans un lieu désigné par elle ;

* condamné la société Piconi à payer à la société Kissana, à titre provisionnel, une indemnité d’occupation d’un montant mensuel de 6.000,00 euros, à compter du 29 juillet 2022 et jusqu’à la restitution des locaux ;

* condamné la société Piconi à payer à la société Kissana la somme de 74.100,00 euros, à titre de provision sur les loyers et charges impayés au 28 juillet 2022 ;

* condamné la société Piconi aux entiers dépens de l’instance, en ce compris le coût du commandement ;

* condamné la société Piconi à payer à la société Kissana la somme de 2.000,00 euros au titre des frais irrépétibles ;

Et statuant à nouveau :

A titre principal,

– dire n’y avoir lieu à référé sur les demandes de la société Kissana lesquelles se heurtent à l’extistence d’une contestation sérieuse ;

– ordonner la suspension du commandement de payer en raison de la présence d’une contestation sérieuse et d’un litige entre le créancier et son débiteur ;

– débouter la société Kissana de toutes ses demandes, fins, conclusions et prétentions formulés à son encontre ;

– condamner la société Kissana à payer à la société Piconi à titre provisionnel la somme de 220.000 euros à valoir sur la réparation de son préjudice né de l’inexécution par le bailleur de son obligation de délivrance et de ses obligations contractuelles ;

– condamner la société Kissana au paiement de la somme de 2.800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

A titre subsidiaire,

– condamner la société Kissana à payer à la société Piconi à titre provisionnel la somme de 220.000 euros à valoir sur la réparation de son préjudice né de l’inexécution par le bailleur de son obligation de délivrance et de ses obligations contractuelles ;

– constater la réunion des conditions de la compensation légale et judiciaire et ordonner la compensation entre la somme de 220.000 euros et celle réclamée par la société Kissana

– condamner la société Kissana au paiement de la somme de 2.800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

A titre infiniment subsidiaire,

– suspendre les effets de la clause résolutoire, accorder des délais de paiement, en indiquant que la clause sera réputée ne pas avoir joué en cas de paiement dans le délai sous la forme du versement de 2.000 euros tous les trimestres ;

– condamner la société Kissana au paiement de la somme de 2.800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

En tout état de cause,

– débouter la société Kissana de l’intégralité de ses demandes plus amples ou contraires, en ce compris sa demande incidente tendant à la fixation d’une astreinte ;

– condamner la société Kissana au paiement de la somme de 2.800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel en application de l’article 699 du code de procédure civile.

Elle soutient notamment que :

– à titre liminaire, la société Kissana entend relever appel incident aux fins de voir déclarer nulles les conclusions en réponse de la société Piconi signifiées devant le président du tribunal judiciaire de Paris mais cette demande n’a aucune incidence devant la cour d’appel et dès lors que la constitution et les conclusions de la société Piconi de première instance ont été déclarées irrecevables, leur irrecevabilité n’impacte nullement la recevabilité des conclusions d’appel de la société Piconi,

– l’action de la société Kissana est irrecevable, alors que l’urgence n’est pas caractérisée,

– il existe une contestation sérieuse et la mesure sollicitée est en lien avec un différend,

– elle bénéficiait initialement d’un bail commercial portant sur les lieux loués, avec autorisation de cession, et en 20 décembre 2020, la société African Dream a acquis le fonds de commerce de restauration, bénéficiait ainsi de la qualité de preneur mais aux termes de manoeuvres dolosives de la société Kissana, elle a accepté un bail dérogatoire le 1er février 2022, puis quitté les lieux, et cédé son fonds de commerce à la société Piconi,

– des faits de violence sont survenus dans les lieux, et dans ces conditions, il a été accepté un nouveau bail dérogatoire avec prise d’effet au 1er avril 2022,

La société Kissana demande à la cour, par ses dernières conclusions remises et notifiées le 24 avril 2023, de :

– éformer l’ordonnance rendue par le président du tribunal judiciaire de Paris le 15 janvier 2023 en ce qu’il a débouté la société Kissana de sa demande tendant à l’annulation des conclusions adverses,In limine litis,

– déclarer nulle les conclusions en réponse de la société Piconi du 22 décembre 2022 pour défaut de pouvoir de Me [W] [P] en raison de l’irrégularité de sa constitution ;

Au fond,

– confirmer l’ordonnance du 25 janvier 2023 en toutes ses dispositions et la réformer en ce qu’elle n’a pas statué sur les demandes d’astreintes ;

– déclarer irrecevable la constitution en défense de Me [W] [P] en sa qualité d’avocat de la société Piconi ;

– déclarer irrecevables les conclusions et pièces de la société Piconi ;

En tout état de cause,

– débouter la société Piconi de l’ensemble de ses demandes ;

– constater l’acquisition de plein droit de la clause résolutoire stipulée au bail commercial dérogatoire du 16 mars 2022 afférent au local commercial sis [Adresse 2]) à compter de la date d’effet du commandement visant la clause résolutoire

– condamner la société Piconi au paiement par provision de la somme de 74.100 euros au titre de l’arriéré de loyers, charges et accessoires arrêté au 28 juillet 2022 inclus, avec intérêt au taux légal à compter du prononcé de l’ordonnance de référé, ;

– ordonner l’expulsion immédiate de la société Piconi sans droit ni titre et de tout occupant de son chef, avec le concours s’il y a lieu de la force publique avec le cas échéant la séquestration des meubles et objets mobiliers pouvant se trouver dans les lieux et leur transfert en garde meubles aux frais avancés de la société Piconi, ;

– condamner par provision la société Piconi au paiement d’une somme de 6.000 euros nonobstant les charges d’un montant de 400 euros au titre d’une indemnité d’occupation mensuelle à compter du 29 juillet 2022 jusqu’à libération effective des lieux loués ;

– condamner par provision la société Piconi au paiement d’une astreinte de 500 euros par jour de retard à compter du prononcé du présent arrêt à défaut de libération des locaux loués et s’en réserver la liquidation ;

– condamner par provision la société Piconi au paiement d’une astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de l’arrêt à défaut du paiement de l’arriéré de loyers, charges et accessoires arrêté au 28 juillet 2022 et s’en réserver la liquidation ;

– condamner par provision la société Piconi à payer à la société Kissana la somme de 8.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens, dont les frais du commandement visant la clause résolutoire.

Elle soutient notamment que :

– in limine litis, les conclusions de la société Piconi sont nulles, comme étant affectées d’une irrégularité de fond,

– la société Piconi, en effet, en première instance, n’a pas constitué avocat dans les 15 jours de l’assignation, ni même le jour de l’audience de référé, la constitution n’ayant jamais été notifiée par RPVA, la mention “avocat constitué” étant manquante dans les écritures,

– une constitution datée du 19 décembre 2022 a été notifiée finalement par RPVA le 21 décembre 2022, soit postérieurement aux conclusions de la société Piconi, ne respectant pas les dispositions de l’article 765 du code de procédure civile et indiquant un numéro de RG erroné,

– la constitution du 28 octobre 2022 du conseil de la société Piconi est irrecevable puisqu’elle ne précise pas les mentions obligatoires prévues par l’article 765 du code de procédure civile ni son accord pour que la procédure se déroule sans audience, alors qu’elle n’a pas été notifiée par RPVA, ce qui la rend irrecevable,

– aucune cession de fonds de commerce régulière n’est intervenue entre les deux sociétés Piconi et African Dream,

– la société African Dream est donc dépourvue du droit d’agir,

– la clause résolutoire est acquise, les loyers n’ayant pas été versés depuis le début du bail nonobstant le dépôt de garantie et le pas-de-porte, alors qu’aucune proposition sérieuse d’apurement de la dette n’a été formulée.

SUR CE,

– sur la constitution d’avocat de la société Piconi en première instance

L’article 760 du Code de procédure civile, dans sa version issue de la rédaction du décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019, dispose que dans les matières relevant de la compétence exclusive du tribunal judiciaire qui ne sont pas dispensées du ministère d’avocat, les parties sont tenues de constituer avocat quel que soit le montant sur lequel porte la demande. Les cas où les parties en sont dispensées sont énumérés à l’article 761 du code de procédure civile.

A ce titre, la procédure de référé, bien que procédure orale, entre dans la catégorie des procédures avec ministère d’avocat obligatoire.

L’article 763 précise que « lorsque la représentation par avocat est obligatoire, le défendeur est tenu de constituer avocat dans le délai de quinze jours, à compter de l’assignation. ». Il ne s’agit pas d’un délai de rigueur, plutôt d’un délai accordé au défendeur pour lui laisser le temps de choisir son défendeur. Ce délai, par conséquent, n’est assorti d’aucune forclusion.

L’article 764 ajoute que dès qu’il est constitué, l’avocat du défendeur en informe celui du demandeur ; copie de l’acte de constitution est remis au greffe.

L’acte comporte, le cas échéant, l’accord du défendeur pour que la procédure se déroule sans audience en application de l’article L. 212-5-1 du code de l’organisation.

L’article 765 de ce code prévoit que la constitution de l’avocat par le défendeur ou par toute personne qui devient partie en cours d’instance est dénoncée aux autres parties par notification entre avocats.

Cet acte indique :

a) Si le défendeur est une personne physique, ses nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance ;

b) Si le défendeur est une personne morale, sa forme, sa dénomination, son siège social et l’organe qui le représente légalement.l’acte de constitution d’avocat indique que si le défendeur est une personne physique, ses nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance. Si le défendeur est une personne morale, sa forme, sa dénomination, son siège social et l’organe qui le représente légalement.

Il est constant en l’espèce que :

– la société Piconi a constitué avocat le jour de l’audience de référé du 28 octobre 2022, soit postérieurement au délai de quinze jours qui lui était imparti par les dispositions de l’article 763 du code de procédure civile,

– toutefois, ce délai n’étant assorti d’aucune forclusion ni même d’aucune sanction, la tardiveté de cette constitution est en elle-même sans incidence,

– par ailleurs, alors que les dispositions de l’article 765 prévoient une notification entre avocats de la constitution lorsqu’elle intervient en cours d’instance, il n’est pas discuté qu’il n’a été procédé à aucune notification de cet ordre en l’espèce, sans qu’il soit allégué une cause étrangère au sens de l’article 850 du code de procédure civile, ni une autre forme de notification,

– la remise des actes par voie électronique, par l’intermédiaire du réseau privé virtuel des avocats étant obligatoire, la sanction du non-respect de cette prescription est une fin de non- recevoir et non pas une nullité pour vice de forme ou de fond (2ème Civ. 1er juin 2017, n°16-15.568),

– par conséquent, la constitution d’avocat pour le compte de la société Piconi est irrecevable au sens de l’article 122 du code de procédure civile.

L’ordonnance rendue sera confirmée sur ce point.

– sur les conclusions et pièces de la société Piconi en première instance

La société Kissana sollicite la confirmation de l’ordonnance rendue en ce qu’elle a déclaré irrecevables les conclusions de la société Piconi, au motif de l’irrecevabilité de la constitution d’avocat pour le compte de cette dernière.

L’article 766 du code de procédure civile dispose que les conclusions des parties sont signées par leur avocat et notifiées dans la forme des notifications entre avocats. En cas de pluralité de demandeurs ou de défendeurs, elles doivent être notifiées à tous les avocats constitués. Elles ne sont pas recevables tant que les indications mentionnées à l’alinéa 2 de l’article 765 n’auront pas été fournies.

La constitution d’avocat pour le compte de la société Piconi étant irrecevable et aucune autre constitution n’ayant été régularisée par la suite, il y a lieu de considérer que les indications mentionnées à l’alinéa 2 de l’article 765 du code de procédure civile n’ont jamais été fournies, de sorte que les conclusions de la société Piconi en première instance sont irrecevables.

Toutefois, ainsi que l’a justement observé le premier juge, la procédure de référé étant orale, nonobstant l’exigence du ministère d’avocat obligatoire, la juridiction des référés a été valablement saisie des demandes formées oralement par la société Piconi, conformément aux dispositions de l’article 446-1 du code de procédure civile, l’objet du litige n’étant donc pas affecté par l’irrecevabilité des écritures et l’ordonnance dont s’agit ayant été rendue contradictoirement.

S’agissant des pièces, elles n’avaient pas lieu d’être écartées des débats dans la mesure où l’irrecevabilité de la constitution et des écritures n’a aucune incidence sur leur communication dans le cadre d’une procédure orale.

L’ordonnance rendue sera confirmée sur ce point, étant observé que ce qui précède est sans incidence sur la procédure d’appel dont la régularité n’est pas critiquée.

– sur le fond du référé

L’article 834 du code de procédure civile dispose que dans tous les cas d’urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend.

L’article 835 alinéa 2 de ce code indique que dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

L’article L. 145-41 du code de commerce dispose que toute clause insérée dans le bail commercial prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement de payer demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.

L’expulsion d’un locataire commercial devenu occupant sans droit ni titre en vertu du jeu d’une clause résolutoire de plein droit peut être demandée au juge des référés du tribunal judiciaire en application des dispositions de l’article 835 du code de procédure civile, dès lors que le maintien dans les lieux de cet occupant constitue un trouble manifestement illicite ou qu’à tout le moins l’obligation de libérer les lieux correspond dans cette hypothèse à une obligation non sérieusement contestable.

En l’espèce, il apparaît que :

– la société Kissana n’invoque aucun élément de nature à caractériser l’existence d’une urgence et dès lors cette condition requise pour l’application des dispositions de l’article 808 fait défaut de sorte que le litige sera examiné sous l’angle des dispositions de l’article 835 du code de procédure civile,

– les parties ont signé le 16 mars 2022 un bail commercial portant sur les locaux susdits, précisant que par dérogation, le preneur ne pourra bénéficier du droit au renouvellement ainsi qu’à une indemnité d’éviction, ce pour une durée de 23 mois commençant à courir le 16 mars 2022,

– à cet égard, les développements des parties sur l’historique et la chronologie de leurs relations ainsi que l’intervention de la société African Dream qui n’est pas dans la cause à hauteur d’appel et les circonstances qui entourent le litige sont inopérants, étant constant et non discuté que l’ensemble des demandes est bien fondé sur le bail du 16 mars 2022,

– par exploit du 28 juin 2022, la société Kissana a fait délivrer à la société Piconi un commandement de payer la somme de 31.260 euros en principal au titre des loyers, charges et accessoires arrêtés au mois de mai 2022 inclus, visant la clause résolutoire, ce commandement n’étant argué d’aucune irrégularité,

– il est établi, et non discuté que la société Piconi n’a pas procédé au règlement des sommes réclamées dans le délai d’ un mois, de sorte qu’il y a lieu de confirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a constaté le principe de l’acquisition de la clause résolutoire, étant précisé que s’il entre dans les pouvoirs du juge des référés de suspendre les effets de la clause résolutoire, et non le commandement en lui même, comme l’indique à tort à ce stade la société Piconi, c’est à la condition qu’une proposition sérieuse de délais soit formulée, ce qui n’est pas le cas en l’espèce,

– il y a donc lieu de confirmer la décision du premier juge en ce qu’il a constaté l’acquisition de la clause résolutoire avec toutes conséquences de droit, notamment s’agissant de l’expulsion de la société Piconi, occupante sans droit ni titre.

– sur le montant des sommes dues, il résulte du compte locataire produit par la société Kissana arrêté au 28 juin 2022, décompte non contesté, que la société Piconi est redevable d’un pas-de-porte (55.000 euros) et d’un dépot de garantie (8.000 euros), contractuellement prévus aux articles 7 et 5 bis du contrat de bail, lesquels n’ont jamais été réglés et sont néanmoins dus,

– il résulte encore de ce compte locataire qu’au 28 juillet 2022, la totalité des loyers, charges et accessoires n’avaient pas été réglés, de sorte qu’il y a lieu de condamner la société Piconi à payer à la société Kissana une somme provisionnelle de 74.100 euros, conformément à la demande de cette dernière, l’ordonnance rendue étant confirmée sur ce point,

– elle sera encore confirmée en ce qu’elle a rejeté la demande de la société Kissana d’assortir les obligations de la société Piconi d’une astreinte, qui n’apparaît pas nécessaire,

– enfin, s’agissant de l’indemnité d’occupation, force est de constater que la société Piconi ne critique pas le quantum de 6.000 euros par mois retenu par le premier juge, la société Kissana sollicitant la confirmation sur ce point, de sorte que cette disposition ne peut être que confirmée.

Sur la demande de condamnation de la société Kissana à payer à la société Piconi à titre provisionnel la somme de 220.000 euros à valoir sur la réparation de son préjudice né de l’inexécution par le bailleur de son obligation de délivrance et de ses obligations contractuelles, force est de constater que la société Piconi ne produit aucune pièce à l’appui de ses prétentions, étant rappelé que l’article 9 du code de procédure civile dispose qu’il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

Cette demande ne peut donc qu’être rejetée.

S’agissant la demande subsidiaire de la société Piconi, elle consiste tout d’abord à réitérer cette demande de condamnation provisionnelle de la société Kissana et solliciter la compensation entre les deux dettes. Toutefois, la demande provisionnelle étant rejetée, il ne peut a fortiori être fait droit à la demande de compensation.

Ensuite, la demande, subsidiaire également, de la société Piconi tendant à voir suspendre les effets de la clause résolutoire, accorder des délais de paiement, en indiquant que la clause sera réputée ne pas avoir joué en cas de paiement dans le délai sous la forme du versement de 2.000 euros tous les trimestres, doit être rejetée aussi, la société Piconi se contentant de formuler une demande “de délais de paiement” sans autre précision, et ne produisant aucune pièce de nature à démontrer qu’elle est en capacité de les respecter.

Cette demande sera rejetée également.

Dans ces conditions, il y a lieu de confirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance entreprise, en ce compris le sort des frais et dépens de première instance, qui incluent le coût du commandement.

La société Piconi qui succombe sera condamnée aux dépens d’appel.

Elle sera en outre condamnée à payer à la société Kissana une somme de 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Rejette les autres demandes des parties,

Condamne la société Piconi aux dépens d’appel,

Condamne la société Piconi à payer à la société Kissana une somme de 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

 


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