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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 3-2
ARRÊT AU FOND
DU 19 OCTOBRE 2023
N° 2023/310
Rôle N° RG 22/05875 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BJIQR
[P] [I]
C/
Etablissement Public MONSIEUR LE COMPTABLE PUBLIC DU SERVICE DU POLE DE RECOUVREMENT SPECIALISE [Localité 3]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Christian TALANDIER
Me Eric SEMELAIGNE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal Judiciaire à compétence commerciale d’AIX EN PROVENCE en date du 31 Mars 2022 enregistré au répertoire général sous le n° 21/04595.
APPELANT
Monsieur [P] [I]
né le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 5], de nationalité Française, demeurant [Adresse 4]
représenté par Me Christian TALANDIER, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE en lieu et place de Maître LE GAL GERON Corinne
INTIMEE
Etablissement Public MONSIEUR LE COMPTABLE PUBLIC DU SERVICE DU POLE DE RECOUVREMENT SPECIALISE [Localité 3] PRS [Localité 3] / [I]
dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par Me Eric SEMELAIGNE de l’AARPI LOMBARD-SEMELAIGNE-DUPUY-DELCROIX, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Alexandre VIGOUROUX, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 28 Juin 2023 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Madame Agnès VADROT, Conseillèrea fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Gwenael KEROMES, Présidente de chambre
Madame Muriel VASSAIL, Conseillère
Madame Agnès VADROT, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Chantal DESSI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 Octobre 2023.
MINISTERE PUBLIC :
Auquel l’affaire a été régulièrement communiquée.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 19 Octobre 2023,
Signé par Madame Gwenael KEROMES, Présidente de chambre, et Madame Laure METGE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par acte en date du 16 novembre 2021, le comptable du pôle recouvrement spécialisé d'[Localité 3] a fait assigner Maître [P] [I] devant le tribunal judiciaire d’Aix-en-Provence pour voir prononcer l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire et subsidiairement de liquidation judiciaire à son encontre en alléguant du non règlement d’une créance d’un montant de 35 526 euros.
A l’audience, le débiteur représenté par son conseil, a sollicité en raison de sa profession d’avocat, le renvoi de l’affaire devant une autre juridiction.
Par jugement en date du 31 mars 2022, le tribunal judiciaire d’Aix-en-Provence a, sur le fondement de l’article 47 du code de procédure civile, renvoyé l’affaire devant le tribunal judiciaire d’Avignon.
Par déclaration en date du 21 avril 2022, Monsieur [P] [I] a interjeté appel de cette décision.
Par conclusions déposées et notifiées par le RPVA en date du 12 Juillet 2022, auxquelles il est fait référence pour plus ample exposé des motifs, Monsieur [P] [I] a demandé à la cour, au visa de l’article 47 du NCPC, de:
– le recevoir en son appel et le dire bien fondé,
– infirmer le jugement du 31 mars 2022 en sa disposition de renvoi,
Statuer à nouveau,
– constater que la juridiction limitrophe au sens de l’article 47 du NCPC est le tribunal judiciaire de Tarascon,
Par conséquent,
– ordonner que l’affaire soit renvoyée devant le tribunal judiciaire de Tarascon,
– condamner le comptable du Trésor aux entiers dépens.
Après avoir rappelé les dispositions de l’article 47 du code de procédure civile, l’appelant expose que la Cour de Cassation a jugé, dans un arrêt du 3 février 1988, que lorsqu’un avocat est partie à un litige qui relève de la compétence d’une juridiction dans laquelle il exerce ses fonctions, l’appel ne peut être interjeté que devant la cour dans le ressort de laquelle se trouve le tribunal qui a statué, sauf aux parties à demander ensuite le renvoi devant une autre cour d’appel.
Il fait valoir qu’il est avocat inscrit au barreau d’Aix-en-Provence relevant de la cour d’appel d’Aix-en-Provence ; que le tribunal d’Avignon n’est pas une juridiction limitrophe de celle initialement saisie puisque relevant du ressort de la cour d’Appel de Nîmes.
Par conclusions déposées et notifiées par le RPVA en date du 3 août 2022, auxquelles il est fait référence pour plus ample exposé des motifs, le comptable public du pôle de recouvrement spécialisé d'[Localité 3] a demandé à la cour, au visa des articles 47 et 559 du code de procédure civile, de
– confirmer le jugement du 31 mars 2022 rendu par le tribunal judiciaire d’Aix-en-Provence et renvoyer l’affaire devant le tribunal judiciaire d’Avignon,
– débouter Monsieur [P] [I] de l’ensemble de ses demandes et prétentions,
– condamner Monsieur [P] [I] à une amende civile dont le quantum est laissé à l’appréciation souveraine de la Cour,
– condamner Monsieur [P] [I] à verser au comptable public responsable du pôle recouvrement spécialisé d'[Localité 3] la somme de 2000 euros au titre de dommages et intérêts pour appel dilatoire,
– condmamner Monsieur [P] [I] aux entiers dépens ainsi qu’à la somme de 1 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
L’intimé conteste l’interprétation faite par Monsieur [I] de l’article 47 du CPC selon laquelle le tribunal saisi d’une demande de renvoi serait tenu d’effectuer ledit renvoi devant une juridiction dans le ressort de la cour d’appel au sein de laquelle l’auxiliaire de justice exerce ses fonctions. Il relève que Monsieur [I] n’apporte aucun élément légal ou jurisprudentiel au soutien de cette affirmation.
Il soutient qu’il est de jurisprudence constante que l’auteur de la demande a tout loisir pour solliciter la désignation d’une juridiction qu’elle soit limitrophe du ressort de la juridiction de premier degré ou bien limitrophe de la juridiction de second degré.
Il ajoute que le tribunal a fait droit aux demandes de Monsieur [I] qui a sollicité dans ses écritures transmises le 10 mars 2022 que soit désignée une juridiction de renvoi, et notamment le tribunal judiciaire d’Avignon et qu’il s’oppose donc à ses propres prétentions.
Il en déduit un caractère dilatoire de l’usage de la voie d’appel et demande sur le fondement de l’article 559 du code de procédure civile qu’il soit condamné à une amende civile et au règlement de la somme de 2000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive.
Par avis en date du 10 mars 2023, le ministère public requiert la confirmation du jugement entrepris ainsi que la condamnation de Monsieur [I] à une amende civile à hauteur de 3000 euros.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 1er juin 2023.
Par courrier électronique du 28 juin 2023, jour de l’audience, Monsieur [I] a adressé à la cour, via le tribunal judiciaire d’Aix-en-Provence, une demande de renvoi.
Le même jour par RPVA, Maître Christian TALANDIER, s’est constitué pour Monsieur [P] [I] « en remplacement de Maître LE GAL GERON Corinne précédemment constituée pour occuper et représenter en lieu et place » et a déposé de nouvelles conclusions tendant au rabat de l’ordonnance de clôture et au renvoi de l’affaire devant le tribunal judiciaire de Tarascon selon des moyens identiques à ceux précédemment développés.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la demande de renvoi formée par Monsieur [I],
Dans le cadre d’une procédure avec représentation obligatoire, l’avocat constitué a seul qualité pour représenter la partie devant la cour d’appel. Il s’en suit que la demande de renvoi formée directement par l’appelant et sans ministère d’avocat est irrecevable.
Sur la constitution de Maître Christian TALANDIER,
Il y a lieu de prendre acte de la constitution pour Monsieur [I] de Maître Christian TALANDIER, faite par le RPVA en date du 28 juin 2023, en remplacement de Maître LE GAL GERON Corinne.
Sur la demande de révocation de l’ordonnance de clôture du 1er juin 2023,
Il résulte des dispositions de l’article 803 du code de procédure civile que l’ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s’il se révèle une cause grave depuis qu’elle a été rendue, la constitution d’avocat postérieurement à la clôture ne constituant pas, en soi, une cause de révocation.
Il s’en déduit qu’en l’absence de toute démonstration de l’existence d’une faute grave, la seule constitution de Maître TALANDIER, dont les conclusions au fond sont identiques à celles précédemment déposées, il n’y a pas lieu à révocation de l’ordonnance de clôture rendue le 1er juin 2023.
Les conclusions déposées au RPVA par Maître Christian TALANDIER le 28 juin 2023 seront en conséquence écartées.
Au fond,
Il résulte des dispositions de l’article 47 du code de procédure civile que lorsqu’un auxiliaire de justice est partie à un litige qui relève de la compétence d’une juridiction dans le ressort de laquelle celui-ci exerce ses fonctions, le juge doit, si le défendeur lui demande, ordonner le renvoi devant une juridiction située dans un ressort limitrophe.
Il s’en suit que c’est par une parfaite application du droit que le tribunal judiciaire d’Aix-en-Provence a renvoyé la cause ‘affaire devant le tribunal judiciaire d’Avignon, juridiction située dans un ressort limitrophe à la juridiction d’Aix-en-Provence dans le ressort de laquelle Maître [I] exerce ses fonctions d’auxiliaire de justice.
Le jugement querellé sera en conséquence confirmé.
Sur l’amende civile et la demande de dommages et intérêts,
L’article 559 du code de procédure civile dispose qu’en cas d’appel principal dilatoire ou abusif, l’appelant peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 10 000 euros sans préjudice des dommages-intérêts qui lui seraient réclamés.
Il résulte des éléments de la procédure que Monsieur [I] a sollicité en première instance, dans ses conclusions du 10 mars 2022, l’application à son bénéfice de l’article 47 du code de procédure civile et conséquemment la désignation « d’une juridiction de renvoi et notamment le tribunal judiciaire d’Avignon ».
Il est constant que par jugement en date du 31 mars 2022, le tribunal judiciaire d’Aix-en-Provence a ordonné le renvoi de l’affaire devant le tribunal judiciaire d’Avignon.
L’exercice d’un recours contre une décision faisant droit à ses prétentions par une partie aguerrie, en sa qualité d’avocat, à la procédure, caractérise manifestement un appel abusif.
Monsieur [P] [I] sera en conséquence condamné à une amende civile de 2 000 euros ainsi qu’au versement à l’intimé d’une somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts.
Sur les frais irrépétibles et les dépens,
Monsieur [I] qui succombe sera condamné aux dépens.
Au vu des circonstances de l’espèce, il serait inéquitable de laisser supporter au comptable public du pôle de recouvrement spécialisé d'[Localité 3] l’intégralité des frais qu’il a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens.
Monsieur [I] sera condamné à lui verser la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant publiquement, après débats publics, par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe,
Déclare la demande de renvoi formée par Monsieur [I] irrecevable ;
Prend acte de la constitution de Maître Christian TALANDIER en lieu et place de Maître LE GAL GERON Corinne ;
Rejette la demande de révocation de l’ordonnance de clôture du 1er juin 2023 ;
Ecarte les conclusions déposées au RPVA par Maître Christian TALANDIER le 28 juin 2023 ;
Confirme le jugement rendu par le tribunal judiciaire d’Aix-en-Provence le 31 mars 2022 ;
Condamne Monsieur [P] [I] à une amende civile de 2000 euros ;
Condamne Monsieur [P] [I] à verser au comptable public du pôle de recouvrement spécialisé d'[Localité 3] une somme de 1000 euros à titre de dommages et intérêts ;
Condamne Monsieur [P] [I] à verser au comptable public du pôle de recouvrement spécialisé d'[Localité 3] une somme de 1500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Monsieur [P] [I] aux dépens.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT