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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-5
ARRÊT AU FOND
DU 19 OCTOBRE 2023
N° 2023/
GM/KV
N° RG 21/04293
N° Portalis DBVB-V-B7F-BHFAR
S.A.R.L. HAPIMAG FRANCE
C/
[R] [I]
Copie exécutoire délivrée
le : 19/10/2023
à :
– Me Philip DE LUMLEY WOODYEAR, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
– Me Maria SEMEDO RAMOS de la SELARL MSR AVOCATS, avocat au barreau de GRASSE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de GRASSE en date du 5 Mars 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 17/00441.
APPELANTE
S.A.R.L. HAPIMAG FRANCE, sise [Adresse 2]
représentée par Me Philip DE LUMLEY WOODYEAR, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
INTIMEE
Madame [R] [I], demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Maria SEMEDO RAMOS de la SELARL MSR AVOCATS, avocat au barreau de GRASSE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 04 Juillet 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Gaëlle MARTIN, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre
Madame Stéphanie BOUZIGE, Conseiller
Madame Gaëlle MARTIN, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Pascale ROCK.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 Octobre 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 19 Octobre 2023
Signé par Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre et Madame Karen VANNUCCI, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS ET PROCEDURE
Par contrat de travail à durée indéterminée du 16 décembre 2010, la société Hapimag France Sarl a engagé Mme [R] [I] en qualité d’employée polyvalente réception et bar.
Selon courrier recommandé avec accusé de réception du 11 avril 2017, la société Hapimag France Sarl a notifié à Mme [R] [I] son licenciement pour faute grave.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de tourisme social et familial du 28 juin 1979 mise à jour du 10 octobre 1984.
Par requête enregistrée le 13 juin 2017, Mme [R] [I] a saisi le conseil de prud’hommes de Grasse.
Par jugement du 5 mars 2021, le conseil de Prud’hommes Grasse a :
-déclaré que le licenciement de Mme [R] [I], née[L] est dépourvu de faute grave et de cause réelle et sérieuse,
-condamné la société Hapimag France à payer à Mme [R] [I] les sommes suivantes:
– 2 291,83 euros à titre d’indemnité de licenciement,
– 2 960,54 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
– 296,05 euros à titre de conges payes afférents a l’indemnité compensatrice de préavis,
– 19 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-condamné la société Hapimag France a remettre a Mme [R] [I] le dernier bulletin de salaire et l’attestation Pole Emploi rectifiés,
-condamné la société Hapimag France a payer a Mme [R] [I] la somme de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de Procédure civile,
-condamné la société Hapimag France aux dépens de l’instance,
-ordonné le remboursement à Pole Emploi par la Société Hapimag France des indemnités de chômage versets a Mme [R] [I], née [L] du jour du licenciement au jour du jugement prononcé dans la limite de six mois d’indemnités de chômage,
-prononcé l’exécution provisoire du jugement,
-rejeté toutes les autres demandes.
Le 22 mars 2021, la société Hapimag France Sarl a interjeté appel dans de formes et délais qui ne sont pas critiqués.
L’ordonnance de clôture est en date du 8 juin 2023.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par conclusions notifiées par voie électronique le 20 avril 2023, la société Hapimag France Sarl demande à la cour de :
-infirmer le jugement et statuant à nouveau de ce chef:
-juger comme reposant sur une faute grave le licenciement de Mme [R] [I],
-juger que le licenciement de Mme [R] [I] est justifié,
-débouter Mme [R] [I] de l’intégralité de ses demandes,
-à titre subsidiaire,
-juger que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse,
-infirmer la disposition condamnant la société à rembourser les indemnités chômage versées à
Mme [R] [I] à Pole emploi,
-ramener à une plus juste mesure les dommages et intérêts alloués à la salariée,
en tout état de cause,
condamner Mme [R] [I] à régler à la société Hapimag la somme de 1500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de Procédure civile,
condamner Mme [R] [I] aux dépens.
Sur le poste d’employée polyvalente réception et bar de Mme [R] [I] , l’employeur fait valoir que cette dernière n’était aucunement engagée pour travailler sur deux mi-temps, l’un au sein de la réception et l’autre au bar de la résidence d'[Localité 3]. Elle était employée polyvalente sur deux postes de sorte que celle-ci n’était pas réceptionniste en titre. Du fait d’une absence de connaissance d’une parfaite maîtrise du français, Mme [R] [I] venait normalement en appui en cas de besoin au sein de la réception.
Le poste de barman attribué à Mme [R] [I] dans cette résidence ne nécessitait aucun effort particulier. Mme [R] [I] n’était aucunement « débordée » par le travail tant au sein du bar que de la réception. Le chiffre d’affaires réalisé au sein du bar n’était pas considérable, les résidents préférant se rendre sur le port.
Par ailleurs dans ses écritures, Mme [R] [I] prétend qu’elle s’occupait de la cuisine en plus de son travail au bar.Trois ou quatre soirées par mois, la résidence Hapimag offre la possibilité à ses résidents de participer à un barbecue. Ce buffet est préparé au moins par deux personnes et surtout par la responsable de la résidence. Il ne s’agissait aucunement pour Mme [I] d’être cuisinière, barman et d’être aussi à la plonge. N’étant pas débordée par son travail au bar, Mme [R] [I] pouvait prêter main forte dans la préparation du buffet.
En tout état de cause, le contrat de travail prévoyait : « En fonction des nécessités d’organisation du travail, l’entreprise pourra affecter Mademoiselle [I] aux divers postes de travail correspondant à la nature de son emploi. ». Il n’était pas interdit à l’employeur de demander à Mme [R] [I] d’aider ses collègues de travail lors de la préparation du buffet.
Sur le bien-fondé du licenciement pour faute grave de la salariée, la société Hapimag France soutient que la salariée tenait des propos dénigrants contre ses collègues de travail, son resort manger. Il n’était pas possible de laisser cette ambiance délétère se poursuivre. C’est ainsi que Mme [R] [I], employée polyvalente a effectué un nombre d’heures moins important au sein de la réception et plus au bar. Elle ne supportait pas sa supérieure hiérarchique, la dénigrant constamment.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 23 juillet 2021, Mme [R] [I] demande à la cour d’appel de :
-débouter la société Hapimag France Sarl de l’ensemble de ses demandes,
-confirmer le jugement entrepris qui a déclare que le licenciement est dépourvu de faute grave et de cause réelle et sérieuse,
-confirmer le jugement entrepris en ce qui concerne les sommes suivantes accordées à Mme [R] [I] :
– 2 291,83 euros à titre d’indemnité de licenciement
-2 960,54 euros à titre d’inde1nnité compensatrice de préavis
– 296,05 euros euros titre de congés payés afférents a l’indemnité compensatrice de préavis
– 19 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
– 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de Procédure civile
-confirmer le jugement quant a la condamnation à lui remettre le dernier bulletin de salaire et l’attestation Pôle Emploi rectifiés et en ce qu’il a été ordonné le remboursement à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées à Mme [R] [I] du jour du licenciement au jour du jugement prononcé dans la limite de six mois d’indemnités de chômage,
-réformer le jugement ayant condamné la société Hapimag France SARL à régler à Mme [R] [I] les sommes suivantes :
– 2 291,83 euros à titre d’indemnité de licenciement
– 2 960,54 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis
– 296,05 euros a titre de congés payés afférents à l’indemnité compensatrice de préavis
– 19 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
– 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de Procédure Civile ainsi qu’aux dépens.
Il convient en particulier de débouter la société Hapimag France Société de sa demande de voir condamner Mme [R] [I] à lui régler une somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile et de la voir condamner aux entiers dépens.
Il convient de voir confirmer le jugement entrepris ayant ordonné l’exécution provisoire du jugement.
Il convient de voir condamner la société Hapimag France Sarl aux entiers dépens de première instance et d’appel.
-également le jugement entrepris en ce qu’il a condamne la société HapimagFrance au lieu de la société Hapimag France SARL à remettre à Mme [R] [I] le dernier bulletin de salaire et l’attestation Pole Emploi rectifiés et en ce qu’il a ordonne le remboursement à Pôle Emploi par la société Hapimag France au lieu de la société Hapimag France SARL des indemnités de chômage versets a Mme [R] [I] du jour du licenciement au jour du jugement prononce dans la limite de six mois d’indemnité de chômage,
-juger le licenciement pour faute grave notifié sans fondement et dépourvu de cause réelle et sérieuse,
en conséquence, condamner la Société Hapimag France Sarl à payer à Mme [R] [I]:
19 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, sur le fondement de l’article L1235-3 du code du travail, applicable au moment du litige.
2960,54 euros brut a titre d’indemnité de préavis sur le fondement de l’article 54 de la convention collective nationale du tourisme social et familial
296,05 euros brut au titre des congés payés
une indemnité conventionnelle de licenciement d’un montant de 2291,83 euros sur le fondement de l’article 55 de la convention collective nationale du tourisme social et familial.
-ordonner le remboursement à Pôle Emploi par la société Hapimag France Sarl des indemnités de chômage versets a Mme [R] [I] du jour du licenciement au jour du jugement prononce dans la limite de six mois d’indemnité de chômage;
-condamner la Société Hapimag France Sarl a communiquer a Mme [R] [I] un bulletin de salaire et une attestation du Pôle Emploi conformes tenant compte des sommes allouées,
-condamner la société Hapimag France Sarl à lui régler a:
1 500 euros au titre de l’article 700 du code de Procédure civile en première instance.
3 000 euros au titre de l’article 700 du code de Procédure civile en appel
-confirmer le jugement ayant ordonné son exécution provisoire.
Sur les tâches professionnelles qui lui étaient confiées, la salariée fait valoir qu’elle a été engagée tant pour la réception que pour le bar et qu’il lui a été demandé de participer en cuisine ainsi qu’au nettoyage des plats et casseroles de cuisine, ce qui ne fait pas partie de ses fonctions.
Sur sa demande tendant à voir dire que le licenciement est dépourvu de faute grave et d’une cause réelle et sérieuse, Mme [R] [I] conteste les faits qui lui sont reprochés.
Concernant les faits du 7 novembre 2017, ils ne peuvent lui être reprochés, dés lors qu’elle n’était plus dans l’entreprise.S’il s’agit de faits commis le 7 novembre 2016, ces derniers sont non seulement prescrits mais n’ont pas été non plus invoqués dans la lettre de licenciement, laquelle fixe les limites du litige. Concernant les commentaires des clients, on ne connaît pas les noms de ces derniers, les moments où ils se sont exprimés et le contexte.
MOTIFS
Sur la procédure
1-Sur la demande de l’intimée de révocation de la clôture
L’article 803 du code de Procédure civile dispose : L’ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s’il se révèle une cause grave depuis qu’elle a été rendue ; la constitution d’avocat postérieurement à la clôture ne constitue pas, en soi, une cause de révocation.Si une demande en intervention volontaire est formée après la clôture de l’instruction, l’ordonnance de clôture n’est révoquée que si le tribunal ne peut immédiatement statuer sur le tout.L’ordonnance de clôture peut être révoquée, d’office ou à la demande des parties, soit par ordonnance motivée du juge de la mise en état, soit, après l’ouverture des débats, par décision du tribunal.
En l’espèce, l’intimée, qui sollicite la révocation de l’ordonnance de clôture afin de pouvoir produire une nouvelle pièce (le compte-rendu de l’entretien préalable établi par un conseiller du salarié), ne justifie cependant pas suffisamment d’une cause grave s’étant révélée depuis l’ordonnance.
En effet, celle-ci se limite à indiquer que suite à son changement de conseil, elle s’est aperçue qu’une pièce, qui aurait dû être communiquée, ne l’a jamais été.
La demande de révocation de l’ordonnance de clôture est rejetée.
2-Sur la demande de l’appelante de voir écarter des débats une pièce de l’intimée
L’article 802 du code de Procédure civile ajoute :Après l’ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d’irrecevabilité prononcée d’office.Sont cependant recevables les demandes en intervention volontaire, les conclusions relatives aux loyers, arrérages, intérêts et autres accessoires échus et aux débours faits jusqu’à l’ouverture des débats, si leur décompte ne peut faire l’objet d’aucune contestation sérieuse, ainsi que les demandes de révocation de l’ordonnance de clôture.Sont également recevables les conclusions qui tendent à la reprise de l’instance en l’état où celle-ci se trouvait au moment de son interruption.
La pièce nouvelle de l’intimée, consistant en un compte-rendu d’entretien préalable, qui n’a pas été notifiée à l’appelante antérieurement à l’ordonnance de clôture ne peut qu’être rejetée.
Il est fait droit à la demande de l’appelante sur ce point.
Sur les demandes relatives à la rupture du contrat de travail
1-Sur la demande tendant à voir déclarer sans cause réelle et sérieuse le licenciement
Selon l’article L. 1232-1 du code du travail, Tout licenciement pour motif personnel est motivé dans les conditions définies par le présent chapitre.Il est justifié par une cause réelle et sérieuse.
L’article L1333-1 du même code ajoute : En cas de litige, le conseil de prud’hommes apprécie la régularité de la Procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction.L’employeur fournit au conseil de prud’hommes les éléments retenus pour prendre la sanction.Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l’appui de ses allégations, le conseil de prud’hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
Il est de principe que la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise La charge de la preuve en matière de faute grave incombe à l’employeur.
En l’espèce, la lettre de licenciement est ainsi formulée :
« Mme,
A la suite de l’entretien préalable qui s’est tenu le 03/04/2017dans mon bureau et auquel vous étiez présente, assistée de Monsieur [B] [G], je vous notifie par la présente votre licenciement pour faute grave.
En effet votre comportement dénigrant et calomnieux à mon encontre rend toute continuation de notre collaboration impossible.
Le même schéma s’est répété sous différentes formes depuis le début de l’année : soit des clients sont venus me voir directement (Mesdames [D], [J] et [H], famille [K] le 08/02/2017), soit je vous ai entendu parler avec des clients (famille [P]), soit c’est une de vos collègues qui a dû me défendre devant la famille [V]. Ce qui ressort de ces discussions, c’est que vous vous plaignez devant ces clients de vos collègues, de votre travail et de la direction. Vous dites ou laissez entendre que mon but serait de me débarrasser de toute l’ancienne équipe, vous plaignez une réceptionniste « devant travailler dans un tel environnement » et subir « ma méchanceté et ma cruauté ».
Les clients cités ci-dessus sont venus me voir pour me remettre en question et me demander des explications. Vous m’avez mise dans une situation très désagréable. Vous êtes tenue à un devoir de loyauté que vous avez clairement piétiné.
Alors que je vous ai invité plusieurs fois à vous exprimer, vous ne vous êtes pas du tout défendue lors de notre entretien et n’avez donc pas pu modifier mon appréciation.
Ces dénigrements répétés font qu’il m’est impossible de vous maintenir dans l’entreprise. Votre licenciement prendra effet à compter de la première présentation de cette lettre. Compte tenu des fautes graves qui sont reprochées, je ne vous dois ni indemnité de préavis, ni indemnité de licenciement.
Je vous rappelle qu’à compter de la rupture de votre contrat de travail, vous pouvez conserver le bénéfice des garanties de prévoyance (garanties contre les risques décès, incapacité de travail et invalidité) et frais de santé, en vigueur au sein de notre entreprise.
Concernant le logement que vous occupez dans notre résidence et conformément à la convention particulière du 16/12/2010, vous devez le libérer à la cessation effective de vos fonctions, soit dès la présentation de cette lettre. Ce délai étant particulièrement court, je vous demande de libérer l’appartement au plus tard le samedi 22 avril 2017.
Je tiens à votre disposition les sommes vous restant dues et les documents obligatoires (certificat de travail, solde de tout compte, attestation Pôle Emploi).
Veuillez agréer, Mme, l’expression de mes salutations distinguées ».
En l’espèce, la lettre de licenciement reproche à la salariée d’avoir commis des fautes graves. Plus précisément, elle formule les griefs suivants à l’encontre de cette dernière :
– un comportement dénigrant et calomnieux à l’encontre de la direction rendant toute continuation de la collaboration impossible,
-le fait que la salariée se soit plainte devant des clients de ses collègues, de son travail et de la direction,
-le fait que la salariée dise ou laisse entendre que le but de sa hiérarchie serait de se débarrasser de toute l’ancienne équipe et le fait que la salariée plaigne une réceptionniste « devant travailler dans un tel environnement » et subir « ma méchanceté et ma cruauté’ .
Le licenciement ayant été prononcé pour faute grave, la charge de la preuve d’une telle faute incombe à la société Hapimag France.
Au soutien des griefs mentionnés dans la lettre de licenciement, l’employeur produit aux débats :
-une attestation d’une collègue réceptionniste , Mme [U] [W] :
« En travaillant à la réception d’Hapimag [Localité 3] avec Madame [R] [I], j’ai pu constater qu’elle n’avait aucune envie de travailler, sa seule motivation étant de partir en retraite le plus vite possible (raison pour laquelle elle était partie de l’Italie) et qu’elle le disait aux clients, précisant que Hapimag ne voulait pas lui payer la retraite anticipée. A la réception, elle refusait une partie du travail (répondre aux mails par exemple), parfois elle refusait des ventes (boissons, timbres’) pour ne pas ouvrir sa caisse. Quand on lui faisait remarquer que les autres réceptionnistes devaient faire le travail à sa place, elle expliquait qu’elle n’avait qu’à le laisser aussi, que c’était le problème de Hapimag d’embaucher du personnel en plus. Vis-à-vis des clients, elle qualifiait les autres réceptionnistes de « secrétaires » essentiellement pour critiquer les tâches de celles-ci .(« la secrétaire n’a pas fait ça » ou « elle a fait des erreurs) ».
Concernant le manager, Mme [T] , nous savions qu’il y avait une part de jalousie dans ses commentaires : (« Mme [I] était manager à [Localité 4]», mais elle la faisait passer pour incompétente vis-à-vis des clients aussi en disant que Mme [T] était incapable de gérer l’établissement, incapable de gérer les stocks aussi). Elle se dressait à tous niveaux contre son employeur, mais ne se sentant pas concernée par les consignes ni par l’image que l’entreprise a auprès de ses clients (qui sont des actionnaires en fait) pour obtenir des avantages financiers (ou le droit de ne plus travailler en étant payée) Mme [I] a demandé à enclencher les procédures commençant par une LRAR accusant Mme [T] d’avoir refusé un entretien, ce qui est faux, Mme [T] est à l’écoute des employés et conciliante ».
-une attestation de Mme [O] [N] :« Travaillant dans l’entreprise depuis trente ans en tant que gouvernante et connaissant tous les clients de longue date, j’ai pu constater ces dernières années que dans le bar il y avait beaucoup de discussions et ragots qui nuisaient à l’image de l’entreprise et décourageaient notre manager Mme [T] qui pourtant faisait son possible pour satisfaire son personnel et sa clientèle. Des clients m’ont questionné ayant entendu parler de propos inexacts sur le licenciement de notre collègue [F] qui avait démissionné de son plein gré (les clients en question Mesdames [J] et [S]), Mme [I] se plaignait de ne pas pouvoir faire son travail convenablement sans avoir de matériel adéquat, alors que ce n’était pas le cas, exemple (ne pas pouvoir faire bouillir de l’eau sans bouilloire ! à mon avis sur une plaque électrique une casserole et de l’eau suffisent pour faire un thé), ce qui était à sa disposition. Elle accusait vivement devant les clients Mme [T] de ne pas gérer les stocks à sa place alors que cela faisait partie de son travail. Nous avons des consignes à respecter ce qui n’était pas son cas. A voir son manque de motivation à son poste ce n’était pas facile tous les jours pour ses collègues’.
Il importe peu de savoir que ces deux attestations ne se réfèrent pas à des dates précises, dés lors que la lettre de licenciement ne fournit pas de dates quant aux griefs énoncés.
En effet, il est de principe que si la lettre de licenciement doit énoncer des motifs précis et matériellement vérifiables, la datation des faits invoqués n’est pas nécessaire et l’employeur est en droit, en cas de contestation, d’invoquer toutes les circonstances de fait qui permettent de justifier ces motifs.
Or, ces deux attestations, qui sont précises, détaillées, circonstanciées, concordantes et qui émanent de collègues de la salariée, établissent que la salariée pouvait dénigrer les autres salariés de l’établissement et ce en assurant une publicité à ses propos, puisqu’elle le faisait en présence de clients.
Ces deux attestations démontrent également que la salariée tenait des propos dénigrants concernant son manager et la faisait passer pour incompétente également devant les clients, assurant donc une large publicité également pour ses propos contre sa hiérarchie.
Ces deux attestations sont corroborées par un courrier de Mme [E] [T] du 23 mars 2017 : ‘Dés mon commencement ici en 2013, [Y] s’est toujours plaint du travail, à la réception et au bar. Nous avons eu plusieurs conversations sévères concernant son comportement et ses propos envers les clients et moi. Début 2016, [Y] est venue vers moi pour demander l’appartement de [C], qui est plus grand. En mars 2016, Nous avons eu une conversation à propos de l’appartement. Nous avons conclus un contrat moral, ou [Y] s’est engagée à travailler plus au bar, à s’engager plus dans son travail, à adopter un comportement loyal et correct envers moi et envers notre société (…) Il n’y avait pas la moindre volonté de la part de [Y] de participer à la relances des activités ou à l’augmentation du chiffre d’affaires (…) Aux clients clairement qu’elle en a marre du travail par exemple au check-in : vous avez de la chance vous êtes à la retraite…moi aussi j’ai demandé la retraite mais Hapimag ne me l’accorde pas et elle déclare aux clients qu’elle n’est pas aimée par sa chef….[Y] parle très mal de moi devant les clients (une remarque que les clients m’ont fait à plusieurs reprises. Elle est en permanence en train de se plaindre de son travail, avant à la réception et maintenant au bar (…)’
Ce courrier de Mme [E] [T], écrit le 23 mars 2017 à sa hiérarchie, établit encore le comportement dénigrant à son égard de la salariée et ce devant les clients.
S’il est de principe que tout salarié jouit d’une liberté d’expression, les abus ne sont pas autorisés. Ces abus sont caractérisés par des propos « injurieux, diffamatoires ou excessifs ».
Or, en l’espèce, la preuve est rapportée que la salariée a tenu régulièrement des propos excessifs et dénigrants contre ses collègues et contre sa hiérarchie, dans le but de nuire et non pas de se protéger ou de faire respecter ses droits. Mme [R] [I] pouvait accuser vivement sa direction, devant les clients, de mal faire son travail , se mêlant ainsi de problèmes de l’entreprise qui ne la concernaient qu’indirectement. Elle pouvait également se montrer rabaissante à l’égard de ses collègues et ce devant les clients.
Ces propos étaient réguliers, anciens et se sont poursuivis jusqu’au licenciement. En outre, la salariée ne s’est pas contentée de critiques dénigrantes dans l’enceinte de l’établissement puisqu’elle a tenu ces propos en présence de clients, leur assurant ainsi une large publicité. Les propres manquements de l’employeur ne pouvaient excuser de tels propos excessifs, étant précisé que certains desdits propos étaient sans rapports avec les fautes de la société Hapimag France Sarl.
La salariée produit une attestation de M. [A] [X], par laquelle ce dernier certifie qu’elle ‘a toujours eu un langage exemplaire amiable, poli, sans jamais avoir de mots déplacés de qui que ce soit ni clients ni employés’. Cependant, cette attestation, rédigée en termes flous et généraux, n’est pas de nature à discréditer les témoignages et pièces attestant de scènes précises au cours desquelles la salarié a régulièrement dénigré, devant des clients, d’autres collègues ainsi que sa hiérarchie.
La lettre de licenciement faisant état d’un dénigrement répétitif de la salariée et ce jusqu’au licenciement, aucune prescription des faits fautifs n’est encourue.
La preuve des griefs reprochés dans la lettre de licenciement est donc rapportée.
Il y a lieu d’examiner les moyens soulevés par la salariée pour s’opposer à la reconnaissance de la faute grave reprochée.
Tout d’abord, la salariée fait valoir qu’au début de l’année 2017, il lui a été demandé de ne plus travailler à la réception, alors que, jusque là, elle travaillait à part égale entre la réception et le bar. Cependant, Mme [R] [I] avait été engagée pour travailler en qualité d’employée polyvalente réception et bar. La notion d’employée polyvalente autorisait l’employeur à demander à la salariée de ne travailler qu’à la réception ou bien qu’au bar s’il le souhaitait.
Ensuite, la salarie met en avant des problèmes de santé et de restrictions de manutention supérieure à 6 kilogrammes et suggère que son affectation au bar était préjudiciable à son état de santé. Il ne peut être tenu compte des certificats médicaux de son médecin généraliste pour déterminer si l’employeur a été défaillant, dans la mesure où seul le médecin du travail est habilité à contrôler l’aptitude médicale d’un salarié à un poste de travail.
Ensuite, si le médecin du travail a rendu un avis médical le 5 avril 2017, avec des restrictions quant aux positions contraignantes et à la manutention de charges supérieures à 6 kilogrammes, cet avis a été rendu 8 jours seulement avant le licenciement de la salariée le 11 avril suivant et alors même que celle-ci avait été engagée par l’employeur plus de six ans auparavant, soit le 16 décembre 2010.
Ainsi, la salariée a exécuté la quasi-totalité de son contrat de travail sans pouvoir se prévaloir de préconisations et de restrictions du médecin du travail quant à son état de santé.
En tout état de cause, les éléments du débat ne démontrent pas qu’au cours des 6 jours de travail concernés par les restrictions médicales du médecin du travail, l’employeur s’est montré défaillant dans le respect de son obligation de sécurité.
Toujours pour s’opposer à la reconnaissance de la faute grave, la salariée ajoute que l’employeur lui a confié des tâches professionnelles qui ne relevaient pas de ses missions, à savoir la participation à du travail en cuisine, la plonge en ce qui concerne les assiettes et les récipients de cuisine.
Or, sur ce point, l’employeur admet qu’il a demandé à la salariée de : ‘prêter main forte dans la préparation du buffet’.
L’employeur ne pouvait pas demander à la salariée de réaliser une telle tâche, alors qu’il avait seulement engagée cette dernière en tant qu’ employée polyvalente réception et bar. La réalisation des ces tâches étrangères au contrat de travail concernait, selon l’employeur, ‘une soirée barbecue par semaine plus 2 ‘ 3 autres soirées’, ce qui représente un temps de travail non négligeable.
D’ailleurs, la salariée produit une attestation d’une collègue réceptionniste, Mme [M] [Z], laquelle établit qu’elle s’est effectivement vu confier beaucoup de travail qui n’entrait pas dans son poste de travail.
Elle atteste en ces termes : ‘J’ai travaillé depuis 2010 avec Mme [I] chez Hapimag (…) Depuis le changement de direction en 2013, j’ai pu constater ces faits : on lui demandait de plus en plus de travail qui n’était pas dans sa description de poste. Par exemple, une cuisine qui a été aménagée et elle devait préparer des menus et faire le service et la plonge de plus de 50 convives parfois. ‘
Il est donc suffisamment avéré que l’employeur a régulièrement demandé à la salariée, au cours de la relation de travail et à partir de 2013, d’exécuter des tâches qui n’entraient pas dans les missions contractuelles de cette dernière.
La gravité de la faute s’apprécie en tenant compte :
– du contexte des faits ,
– de l’ancienneté du salarié,
– des conséquences que peuvent avoir les agissements du salarié,
– de l’existence ou de l’absence de précédents disciplinaires.
Si, pendant quelques années, l’employeur a régulièrement demandé à la salariée de réaliser des tâches professionnelles qui ne relevaient pas de ses missions contractuelles, la salariée a bien commis des fautes simples justifiant son licenciement. Le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse mais non sur une faute grave.
La cour rejette les demandes des parties tendant à dire que licenciement repose bien sur une faute grave ou qu’il est sans cause réelle et sérieuse.
Infirmant le jugement, la cour dit que le licenciement repose non sur une faute grave mais sur une faute simple constitutive d’une cause réelle et sérieuse.
Le licenciement reposant sur une cause réelle et sérieuse, la cour infirme le jugement en ce qu’il fait droit à la demande de la salariée de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi qu’au remboursement des indemnités chômage.
2-Sur la demande d’indemnité de licenciement
L’article 55 de la convention collective nationale de tourisme social et familial du 28 juin 1979, mise à jour du 10 octobre 1984, prévoit : Une indemnité de licenciement, distincte de celle du délai-congé, est allouée à tout salarié licencié, sauf pour faute grave ou lourde de sa part, à condition qu’il compte au moins 1 an d’ancienneté effective dans l’entreprise au moment du congédiement.
Cette indemnité est calculée sur ces bases :
– pour la tranche des 5 premières années de travail effectif :
2/10 de mois par année, à compter de la date d’entrée dans l’entreprise ;
– à compter de la 6e année : 1/2 mois par année.
Le montant de l’indemnité ne peut excéder 8 mois de traitement. Pour toute année commencée, l’indemnité est versée au prorata du temps de travail accompli.
La cour n’ayant pas retenu la faute grave, la salariée a droit au paiement de l’indemnité conventionnelle de licenciement. Le montant réclamé par cette dernière n’est pas sérieusement critiqué par l’employeur.
Confirmant le jugement, la cour condamne la société Hapimag France Sarl à payer à Mme [R] [I] la somme de 2 291, 83 euros au titre de l’indemnité de licenciement.
3-Sur la demande d’indemnité compensatrice de préavis
L’article 54 de la convention collective nationale de tourisme social et familial du 28 juin 1979, mise à jour du 10 octobre 1984, prévoit : Après la période d’essai, la durée du délai-congé (préavis) est fixée comme suit : (..)
Cas de licenciement :(…)
Pour les salariés ayant plus de deux ans d’ancienneté :
– 2 mois pour les employés, les ouvriers, les agents de maîtrise ;
– 3 mois pour les cadres.(…)’
En raison du licenciement intervenu, la salariée a droit au paiement de l’indemnité compensatrice de préavis ainsi qu’aux congés payés afférents. Le montant réclamé par cette dernière n’est pas sérieusement critiqué par l’employeur.
Confirmant le jugement, la cour condamne la société Hapimag France Sarl à payer à Mme [R] [I] les sommes de 2 960, 54 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis outre celle de 296, 05 euros bruts au titre des congés payés afférents.
Sur la remise de documents
La cour ordonne à la société Hapimag France Société de remettre à Mme [R] [I] les documents de fin de contrat rectifiés: l’attestation destinée au Pôle emploi et un bulletin de salaire conformes au présent arrêt.
Sur les frais du procès
En application des dispositions des articles 696 et 700 du code de procédure civile, chaque partie supportera la charge de ses propres dépens en appel et sera déboutée de sa demande d’indemnité de procédure.
Les dispositions du jugement de première instance, quant à l’article 700 et aux dépens, sont confirmées.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, après en avoir délibéré, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe, en matière prud’homale,
sur la procédure
-rejette demande de révocation de l’ordonnance de clôture,
-écarte des débats la pièce nouvelle de l’intimée, consistant en un compte-rendu d’entretien préalable,
sur le fond
-infirme le jugement en ce qu’il dit que le licenciement est dépourvu de faute grave , en ce qu’il condamne la société Hapimag France Sarl à des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et à rembourser au Pôle Emploi des indemnités de chômage,
-confirme le jugement pour le surplus de ses dispositions soumises à la cour,
statuant à nouveau des seuls chefs de jugement infirmés,
-dit que le licenciement repose non sur une faute grave mais sur une faute simple constitutive d’une cause réelle et sérieuse,
-rejette la demande de Mme [R] [I] de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-dit n’y avoir lieu à ordonner à la société Hapimag France Sarl de rembourser des indemnités de chômage,
-confirme le jugement pour le surplus de ses dispositions soumises à la cour,
y ajoutant,
-ordonne à la société Hapimag France Sarl de remettre à Mme [R] [I] les documents de fin de contrat rectifiés: l’attestation destinée au Pôle Emploi et un bulletin de salaire conformes au présent arrêt,
-dit chaque partie supportera la charge de ses propres dépens en appel,
-déboute les parties de leurs demandes réciproques d’indemnités de procédure,
– rejette tout autre demande.
LE GREFFIER LE PRESIDENT