Constitution d’avocat : décision du 15 février 2024 Cour d’appel de Lyon RG n° 20/01387

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Constitution d’avocat : décision du 15 février 2024 Cour d’appel de Lyon RG n° 20/01387
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N° RG 20/01387 – N° Portalis DBVX-V-B7E-M4CC

Décision du Tribunal Judiciaire de SAINT ETIENNE

Au fond du 08 janvier 2020

( 1ère chambre civile)

RG : 16/03564

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE LYON

1ère chambre civile A

ARRET DU 15 Février 2024

APPELANTE :

LA MNCAP – MUTUELLE NATIONALE DES CONSTRUCTEURS ET ACCEDANTS A LA PROPRIETE

[Adresse 7]

[Localité 11]

Représentée par la SAS TW & ASSOCIÉS, avocat au barreau de LYON, avocat postulant, toque : 1813

Et ayant pour avocat plaidant la SELARL ORID, avocat au barreau de PARIS

INTIMEES :

Mme [B] [C] veuve [K]

née le [Date naissance 1] 1973 à [Localité 12] – MAROC

[Adresse 6]

[Localité 4]

Représentée par la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, avocat postulant, toque:475

Et ayant pour avocat plaidant Me Rosine INSALACO, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE, toque : 54

S.A.S.U. ACTION LOGEMENT SERVICES venant aux droits de ENTREPRISES HABITAT 69 bd des Canuts 69

317 [Localité 13].

[Adresse 2]

[Localité 10]

Non constituée

ASSOCIATION ENTREPRISES-HABITAT

[Adresse 8]

[Localité 9]

Non constituée

* * * * * *

Date de clôture de l’instruction : 23 Mars 2021

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 26 Octobre 2023

Date de mise à disposition : 15 Février 2024

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

– Anne WYON, président

– Julien SEITZ, conseiller

– Thierry GAUTHIER, conseiller

assistés pendant les débats de Séverine POLANO, greffier

A l’audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l’article 804 du code de procédure civile.

Arrêt Réputé contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Anne WYON, président, et par Séverine POLANO, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

M. et Mme [K] ont souscrit en 2015 un prêt d’un montant de 15 000 euros auprès d’Entreprises habitat, afin de financer en partie l’acquisition de leur logement, situé [Adresse 5] à [Localité 14].

Le 30 janvier 2015, afin d’être couverts contre les risques décès, invalidité et incapacité de travail susceptibles d’intervenir lors du remboursement du prêt, ils ont souscrit une assurance auprès de la Mutuelle nationale des constructeurs et accédants à la propriété (la MNCAP).

[H] [K] est décédé le [Date décès 3] 2015.

Mme [K] a déclaré le sinistre à la MNCAP et sollicité l’application de la garantie décès. La MNCAP a refusé de prendre en charge le sinistre.

Mme [K] a fait assigner la MNCAP aux fins de la voir condamner à garantir le prêt souscrit, en raison du décès de son mari.

Par jugement rendu le 9 janvier 2018, le tribunal de grande instance de Saint-Etienne a ordonné avant dire droit, une expertise médicale et désigné le Dr. [U] pour y procéder.

Le rapport d’expertise a été déposé au tribunal le 28 janvier 2019.

Par jugement du 8 janvier 2020, réputé contradictoire en l’absence de constitution d’avocat par la société Entreprises-Habitat, le tribunal judiciaire de Saint-Etienne a :

– débouté la MNCAP de sa demande d’annulation du contrat d’assurance ;

– dit que la MNCAP est tenue de garantir le remboursement du capital restant dû après le règlement de l’échéance de juin 2016 au titre du prêt conclu le 2 mars 2015 ;

– condamné la MNCAP à payer à Mme [K] les sommes de :

* 314,10 euros correspondant aux échéances de septembre 2015 à juin 2016 ;

* 1 500 euros à titre de préjudice moral ;

* 570 euros au titre des frais d’assistance à expertise ;

* 3 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– déclaré le présent jugement opposable à Entreprises habitat ;

– débouté Mme [K] de ses autres demandes contre Entreprises habitat ;

– condamné la MNCAP aux entiers dépens comprenant les frais d’expertise et a autorisé Me Insalaco, avocat, à recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont elle a fait l’avance sans avoir reçu provision.

Par déclaration du 20 février 2020, la MNCAP a relevé appel de cette décision.

Avisée par le greffe, le 1er juillet 2020, du retour de la lettre adressée à la société Entreprises habitat, la MNCAP a fait signifier sa déclaration d’appel à Entreprises habitat le 9 juillet 2020, par procès-verbal de remise à personne morale.

Par acte d’huissier du 4 août 2020, la MNCAP a fait signifier la déclaration d’appel et ses conclusions à Action Logement Services (venant au droit d’Entreprises habitat), par procès-verbal de remise à personne morale.

Par acte d’huissier du 6 août 2020, la MNCAP a fait signifier ses conclusions à Entreprises habitat.

La société Action Logement Services, venant aux droits de Entreprises habitat, n’a pas constitué avocat.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 27 janvier 2021, la MNCAP demande à la cour de :

– infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et statuant à nouveau :

A titre principal :

– juger que le contrat d’assurance dont se prévaut Mme [K] est entaché de nullité en raison de fausses déclarations intentionnelles du risque ;

En conséquence, débouter Mme [K] de l’intégralité de ses demandes ;

– A titre subsidiaire :

* faire application des dispositions de l’article L 221-5 du code de la mutualité ;

* juger que la MNCAP ne saurait être tenue de prendre en charge plus de 50% du capital restant dû au titre du crédit souscrit par M. et Mme [K] ;

– en tout état de cause :

– juger que la MNCAP n’a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité civile ;

– débouter Mme [K] de ses demandes accessoires de dommages et intérêts et de remboursement des factures du Dr. [V] ;

– débouter Mme [K] de sa demande de remboursement des mensualités de crédit prélevées et encaissées par le préteur ;

– débouter Mme [K] de l’intégralité de ses demandes ;

– condamner Mme [K] à verser à la MNCAP la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner Mme [K] aux entiers dépens de première instance et d’appel, ces derniers étant distraits au profit de la Sas Tudela et associés, avocat, sur son affirmation de droit.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées au greffe le 27 octobre 2020, Mme [K] demande à la cour de :

– écarter toute fausse déclaration reprochée à Mme [K] par la MNCAP ;

– juger que la MNCAP doit intégralement garantie, en application du contrat d’assurance ;

En conséquence,

– confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Saint-Etienne en ce qu’il a débouté la MNCAP de sa demande d’annulation du contrat d’assurance et ce qu’il a jugé que la MNCAP était tenue de garantir le remboursement du capital restant dû après le règlement de l’échéance de juin 2016 au titre du prêt conclu le 2 mars 2015 ;

– débouter la MNCAP de sa demande subsidiaire tendant à être uniquement tenue prendre en charge 50% du capital restant dû ;

– débouter la MNCAP de toutes ses autres demandes, fins et conclusions ;

– confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Saint-Etienne en ce qu’il a condamné la MNCAP, prise en la personne de son représentant légal, à régler à Mme [K] les sommes de :

* 314,10 euros au titre des mensualités qu’elle a dû régler entre le décès de M. [K] et le 15 juin 2016 ;

* 1570 euros correspondant aux frais d’assistance et de Mme [K] par le docteur [V] aux opérations d’expertise ;

– confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Saint-Etienne le 8 janvier 2020 en ce qu’il a jugé que Mme [K] justifiait d’un préjudice moral directement causé par le comportement de la MNCAP à son obligation, laquelle a fait preuve d’une obstination déraisonnable à refuser sa garantie jusqu’à ce jour alors que dès la rédaction du certificat par l’endocrinologue en date du 25 juin 2016, il apparaissait que M. [K] n’avait pas manqué à ses obligations lors de la souscription de l’assurance ;

– infirmer le jugement en ce qu’il a condamné la MNCAP à ce titre à la somme de 1 500 euros qui est manifestement insuffisante au regard du préjudice moral réellement subi par Mme [K] ;

* condamner la MNCAP à payer à Mme [K] la somme de 10 000 euros au titre de son préjudice moral ;

* condamner la MNCAP à payer à Mme [K] la somme de 6 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, en sus de la somme à laquelle elle a déjà été condamnée à ce titre dans le cadre de la procédure de première instance ;

– confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Saint-Etienne le 8 janvier 2020 en ce qu’il a justement condamné la MNCAP aux entiers dépens de l’instance comprenant notamment le coût de l’expertise ; dont distraction au profit de Me Nouvellet, de la Scp Aguiraud Nouvellet, avocat, sur son affirmation de droit ;

– confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Saint-Etienne le 8 janvier 2020 en ce qu’il a déclaré la décision opposable à Entreprises habitat avec notamment pour conséquence, la restitution à Mme [K] des mensualités de crédit payées par cette dernière depuis le décès ;

– déclarer la décision à intervenir opposable à Entreprises habitat et à Action Logement Services venant aux droit de Entreprises habitat avec notamment pour conséquence, la restitution à Mme [K] des mensualités de crédit payées par cette dernière depuis le décès.

L’instruction a été clôturée par ordonnance du 23 mars 2021.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DECISION

Préalablement, il convient de relever que la déclaration d’appel ayant été signifiée à Entreprises habitat ainsi qu’à la société Action logement services, qui vient aux droits de la précédente, par procès-verbaux de remise à personne morale, l’arrêt sera réputé contradictoire, conformément aux dispositions de l’article 474 du code de procédure civile.

Sur la demande d’annulation du contrat d’assurance :

La MNCAP soutient que le contrat d’assurance souscrit par M. [K] doit être annulé dans le mesure où ce dernier a rempli une fausse déclaration du risque lors de son adhésion.

Elle ajoute que M. [K] a certifié être « actuellement en bonne santé », ne pas suivre ni avoir suivi de traitements médicaux répétitifs durant les trois dernières années, ne pas être sous surveillance ou en attente d’examens médicaux lors de l’adhésion.

Or, la MNCAP fait valoir que, lors de la déclaration du sinistre, il est ressorti du compte rendu d’hospitalisation que M. [K] souffrait de céphalées depuis deux ans, d’hypotension depuis un an, de troubles mnésiques évoluant depuis plusieurs mois et de diabète insipide avec syndrome polyeuropoïde, polyurie cliniquement diluée, depuis un an.

Elle conteste le rapport de l’expert judiciaire en ce qu’il a précisé que M. [K] ne pouvait avoir connaissance de la pathologie dont il était atteint lors de son adhésion à l’assurance auprès de la MNCAP.

Elle estime que le compte rendu d’hospitalisation qui reprenait les déclarations de M. [K] au moment de sa prise en charge le 15 juillet 2015 a plus d’intérêt pour le litige que les certificats établis sur demande de l’intimée par différents médecins.

Elle ajoute que M. [K] a été suivi à compter d’octobre 2013 pour des épisodes de lombalgies et que ces faits n’ont pas été déclarés à l’assurance.

Elle précise qu’il n’est pas nécessaire qu’il y ait un lien entre les fausses déclarations et le sinistre.

La MNCAP soutient que la fausse déclaration de M. [K] était intentionnelle. Elle ajoute que la Cour de cassation a retenu que, dès lors qu’une déclaration médicale est claire, le caractère intentionnel de la fausse déclaration est nécessairement démontré.

Elle fait valoir que M. [K] a déclaré six mois, après la souscription, qu’il souffrait de plusieurs maux depuis presque deux ans de sorte qu’il ne pouvait se déclarer en bonne santé.

Elle ajoute que la dissimulation de ces antécédents a nécessairement eu une influence sur l’appréciation du risque décès-invalidité-incapacité de l’assuré, le trouble pouvant avoir des répercussions sur la santé de M. [K] ainsi que sur sa situation professionnelle.

La MNCAP précise qu’elle aurait notifié un refus d’assurance ou augmenté le montant des cotisations d’assurance ou encore déterminé des causes spécifiques d’exclusion de garantie.

A titre subsidiaire, la MNCAP soutient, sur le fondement de l’article L. 221-15 du code de la mutualité, que la fausse déclaration non intentionnelle est incontestable et l’a influencée quant à l’appréciation des risques. Elle demande alors d’appliquer une réduction de 50% de sa prise en charge du capital restant dû.

Mme [K] soutient que son époux n’a commis aucune fausse déclaration de nature à entraîner la nullité du contrat d’assurance.

S’agissant des céphalées, elle soutient que l’expertise judiciaire démontre qu’il s’agissait de symptômes isolés et que son époux ne devait pas donc pas les déclarer.

S’agissant du diabète insipide, elle fait valoir que ce syndrome a été évoqué a posteriori de la déclaration de sinistre à l’assurance.

S’agissant des antécédents de lombalgies, elle soutient que son mari avait seulement consulté son médecin pour un problème consécutif à une chute et qu’il a seulement eu des séances de kinésithérapie.

Sur la demande subsidiaire de la mutuelle, Mme [K] fait valoir que la MNCAP sollicite pour la première fois en cause d’appel la réduction de l’indemnité due en raison de la prétendue fausse déclaration du risque et donc doit être déboutée de sa demande.

Sur ce,

L’article l’article L. 221-14 du code de la mutualité, dont les dispositions sont semblables à celles du L. 113-8, alinéas 1 et 2, du code des assurances, prévoit que, indépendamment des causes ordinaires de nullité, la garantie accordée au membre participant par la mutuelle ou par l’union est nulle en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle de la part de celui-ci, quand cette réticence ou cette fausse déclaration change l’objet du risque ou en diminue l’opinion pour l’assureur, alors même que le risque omis ou dénaturé par le membre participant a été sans influence sur le sinistre.

Les cotisations payées demeurent alors acquises à la mutuelle ou à l’union qui a droit au paiement de toutes les primes échues à titre de dommages et intérêts.

Par ailleurs, ce texte doit être interprété en référence aux dispositions de l’article L. 113-2, 2°) du code des assurances, en sa rédaction applicable au litige, qui prévoit que le membre participant est obligé de répondre exactement aux questions posées par la mutuelle, notamment dans le formulaire de déclaration du risque par lequel la mutuelle l’interroge lors de la conclusion du contrat, sur les circonstances qui sont de nature à faire apprécier par la mutuelle les risques qu’elle prend en charge.

Il en résulte que le membre participant est tenu, selon le second de ces textes, à peine des sanctions prévues au premier, de répondre exactement aux questions contenues dans le formulaire de déclaration du risque par lequel la mutuelle l’interroge, lors de la conclusion du contrat, sur les circonstances qui sont de nature à lui faire apprécier les risques pris en charge.

Toutefois, l’assureur mutualiste, sur lequel repose la charge de la preuve de la mauvaise foi du membre participant, doit prouver cumulativement que celui-ci a délibérément réalisé une fausse déclaration ou s’est abstenu sciemment de déclarer un risque et que ce comportement a modifié l’opinion qu’il se faisait du risque, voire parfois même de l’objet du risque.

En l’espèce, la mutuelle se prévaut de ce que le souscripteur aurait, lors de la conclusion du contrat, faussement souscrit la « déclaration de bonne santé », en raison des problèmes de santé qu’il connaissait alors.

La « déclaration de bonne santé » contresignée par le souscripteur, faisant partie des documents de souscription, stipule que « le candidat aux garanties certifie : ne pas être en arrêt de travail, ni l’avoir interrompu plus de 30 jours continu ces trois dernières années, être actuellement en bonne santé, ne pas suivre ni avoir suivi de traitement médical de plus de 30 jours ou répétitifs durant les 3 dernières années, ne pas être invalide (rente ou pension), ne pas avoir eu d’hospitalisation ou d’intervention chirurgicale, ni de séquelle de maladie ou d’accident ces 3 dernières années ».

La même clause indique que « le candidat aux garanties qui ne peut signer la déclaration de bonne santé ci-dessous doit impérativement remplir un questionnaire de santé ».

La mutuelle reproche ainsi au souscripteur d’avoir sciemment et faussement certifié être en bonne santé.

Par ailleurs, rappelant qu’il résultait des conditions contractuelles susvisées que le membre participant devait également certifier « ne pas suivre ni avoir suivi de traitement médical (…) répétitifs durant les trois dernières années, ne pas être (…) sous surveillance ou en attente d’examen médicaux » ou encore ne pas présenter de « séquelles de maladies » (conclusions, p. 5, in fine), elle estime que le souscripteur a faussement répondu sur ces points également.

En ce qui concerne le premier grief et au regard des documents contractuels produits par la mutuelle (sa pièce n° 2), il doit être constaté que la notion de « bonne santé » n’est pas définie, ce qui impose d’en interpréter la portée conventionnelle en l’espèce.

Il peut être ainsi déduit de l’énumération que comporte la clause susvisée que l’état de « bonne santé » constitue une condition d’ordre général, qui vient s’ajouter à toutes les autres conditions spécifiques relatives à l’état de santé, au demeurant objectivée, qu’elle vise.

En conséquence, il peut être considéré que la « bonne santé » est au sens du contrat une notion de nature subjective, dès lors relative, liée essentiellement au ressenti du souscripteur au moment de la conclusion du contrat, qui doit ainsi apprécier son état de santé. Elle implique que le souscripteur ne se sente pas préoccupé par son état de santé et n’aie pas de raisons de l’être, autrement dit que sa santé ne lui cause aucune difficulté particulière, ce qui peut lui permettre de considérer sa santé comme « bonne ».

Pour considérer que le souscripteur ne pouvait se déclarer en bonne santé, et tandis que la bonne foi est toujours présumée, la mutuelle doit dès lors démontrer qu’au moment de la souscription, il souffrait d’affections qui ne lui permettaient pas de se sentir en bonne santé.

La mutuelle soutient ainsi que le souscripteur souffrait, au moment de la conclusion du contrat, de céphalées depuis deux ans, d’hypotension depuis un an, de troubles mnésiques évoluant depuis plusieurs mois et de diabète insipide depuis un an.

La mutuelle fonde, sur ce point, son analyse sur le compte rendu d’hospitalisation du 15 juillet 2915 au [Date décès 3] 2015 (pièce n° 11 de l’appelante, inexactement indiquée comme pièce n° 9 dans ses conclusions), établi le 30 septembre 2015.

Toutefois, si ce compte-rendu, évoque effectivement des céphalées depuis deux ans, de l’asthénie depuis un an et une tendance à l’hypotension et des troubles mnésiques « aggravés récemment », il ne précise en rien l’intensité et la continuité de tels maux durant les périodes qu’il vise, dès lors de l’antériorité exacte de ces maux.

En outre, comme les premiers juges, la cour relève que l’expert judiciaire, qui a relevé le contenu de ce compte-rendu (p. 6 de son rapport) et fait un point précis sur les différents éléments médicaux présents au dossier, souligne que les médecins traitants successifs du patient n’ont pas fait état de céphalées et ne conclut pas à l’existence de céphalées antérieurement à la souscription.

En effet, par lettre adressée à un confrère le 30 octobre 2015, le docteur [R] (pièce n° 12 de l’intimée) indique qu’il suivait [H] [K] depuis le 10 octobre 2013, qu’il l’avait revu le 22 mai 2015 pour une asthénie sans autre signe et que, début juin, il l’avait de nouveau reçu sans constater d’autre signes, et notamment aucune céphalée.

Le Dr. [S] (pièce n° 13) indique, dans une lettre du 3 novembre 2015, que le patient qu’il a suivi entre 2006 et 2013, n’avait jamais présenté de céphalées.

Un autre médecin, qui précise être un proche du défunt, indique (pièce n° 14) que celui-ci n’a présenté à sa connaissance aucune pathologie et ne suivait aucun traitement.

Il en résulte que les indications du compte-rendu d’hospitalisation ne sont pas confortées par l’expert judiciaire et sont contradictoires avec les autres pièces, notamment médicales, versées au dossier.

Il sera rappelé qu’il résulte de l’application de l’article 1153 du code civil que l’incertitude et le doute subsistant à la suite de la production d’une preuve doivent être nécessairement retenus au détriment de celui qui a la charge de cette preuve.

En conséquence, comme les premiers juges, la cour considère qu’il n’est pas établi par la mutuelle que [H] [K], antérieurement à son hospitalisation, ait consulté pour des céphalées, ce qui écarte la possibilité de retenir que cette affection ait constitué pour lui un problème de santé au moment de la souscription du contrat.

Il résulte également des pièces susvisées que le même constat doit être posé en ce qui concerne l’asthénie et les troubles mnésiques.

Il ne peut dès lors en être déduit que le souscripteur en souffrait au moment de la conclusion du contrat, aucun élément produit ne permettant d’exclure qu’il puisse, alors, se considérer comme exempt de ces problèmes de santé.

De même, par des motifs que la cour approuve et que ne remettent pas en cause les moyens soulevés par la mutuelle, les premiers juges ont relevé que si le souscripteur du contrat présentait un diabète insipide, les symptômes de cette affection ne pouvaient l’alerter et étaient passés inaperçus, de sorte qu’il ne peut être considéré qu’ils pouvaient influer sur la conviction du patient quant à son état de santé lors qu’il a signé le contrat litigieux. En outre, il n’est pas plus établi que le souscripteur ait présenté de symptôme en lien avec cette affection au moment de la souscription du contrat.

Ainsi, il n’est pas établi par la mutuelle que le membre participant était affecté, au moment de la conclusion du contrat, de problèmes de santé qui auraient pu l’empêcher de considérer qu’il se trouvait, comme il l’a déclaré, en « bonne santé ».

La mutuelle échoue à démontrer que [H] [K] ait souffert de troubles de santé, au moment de la souscription du contrat ou qu’il aurait dû être nécessairement les prendre en compte dans l’appréciation de son état de santé. Le grief consistant à reprocher au souscripteur de s’être faussement et sciemment déclaré en bonne santé lors de la conclusion du contrat n’est dès lors pas fondé.

En ce qui concerne les autres griefs invoqués par la mutuelle (conclusions, p. 5, in fine), il résulte de ce qui précède qu’il n’est pas établi que le souscripteur se trouvait « sous surveillance ou en attente d’examens médicaux » ou encore présentait des « séquelles de maladies » au moment de la souscription.

La mutuelle se prévaut en outre de ce que le souscripteur aurait présenté des « épisodes lombalgiques » survenus en 2013, qui constitueraient un « traitement médical répétitif ».

Toutefois, et en l’absence de toute définition contractuelle de cette notion, il doit être relevé que l’expertise n’évoque qu’un seul épisode de lombalgie en 2013 (rapport d’expertise, p. 5), dont les premiers juges soulignent – sans être critiqués sur ce point par l’appelante – qu’il n’a pas donné lieu à arrêt de travail et n’a pas eu de suites ultérieures.

Il ne peut dès lors être considéré que le souscripteur du contrat ait présenté, antérieurement à sa déclaration, des traitements médicaux « répétitifs ».

Au vu de ce qui précède, il n’est pas établi par la mutuelle que le souscripteur ait faussement et sciemment rempli la « déclaration de bonne santé « litigieuse.

Les premiers juges doivent dès lors être approuvés en ce qu’ils ont retenu que la mutuelle n’établit pas l’existence d’une réticence ou d’une fausse déclaration intentionnelle susceptible de changer l’objet du risque ou d’en diminuer l’opinion pour l’assureur lors de la souscription de son contrat d’assurance, de nature à entraîner la nullité de ce contrat.

La demande d’annulation sera, dès lors, rejetée, et le jugement sera confirmé de ce chef.

En ce qui concerne la demande subsidiaire de la mutuelle, fondée sur l’article L 221-15 du code de la mutualité, dont l’application repose sur l’existence d’une omission ou déclaration inexacte, sans mauvaise foi, du membre participant, il doit être retenu, en fonction de ce qui précède que :

– il n’est pas suffisamment établi que le souscripteur du contrat ait présenté des symptômes liés à des céphalées, des troubles mnésiques ou une asthénie avant ou au moment de la souscription du contrat ;

– l’épisode de lombalgie datait de 2013 et il ne pouvait être considéré comme ayant une influence sur les conditions de déclaration de son état de santé par [H] [K] ;

– le diabète insipide a été dépisté lors de l’hospitalisation du membre participant en juillet 2015 et, selon les dires de l’expert (p. 4), s’appuyant sur les indications du néphrologue (du 25 avril 2016, pièce n° 5 de l’appelante), celui-ci a indiqué que cette affection, présentant des symptômes qui n’ont pas alerté le souscripteur du contrat, était présente « depuis environ un an » ; ce dont il résulte qu’il n’existe dès lors aucune certitude quant à l’apparition de la maladie, l’imprécision des éléments rapportés ne permettant pas d’exclure que la maladie n’ait débuté qu’après la déclaration des éléments de son état de santé.

Dès lors, il n’est pas établi que le membre participant ait, même non intentionnellement, omis ou inexactement déclaré des éléments de son état de santé.

En conséquence, la demande subsidiaire de la mutuelle être rejetée.

Sur la demande de dommages et intérêts au titre du préjudice moral et du remboursement des factures du docteur [V] :

Mme [K] sollicite la somme de 10 000 euros au titre du préjudice moral résultant des douleurs de se voir opposer le refus de garantie au motif que son époux aurait effectué une fausse déclaration.

Elle précise qu’elle a dû réaliser des recherches auprès des différents médecins et pharmacies, ce qui a ravivé sa douleur.

Concernant les frais d’assistance du médecin, elle prétend que son intervention était nécessaire au regard de l’obstination de la MNCAP.

La MNCAP fait valoir que Mme [K], dans le pré-rapport d’expertise, a précisé qu’elle avait conservé le courrier de la CPAM et qu’elle ne fait état de recherches complexes.

Elle relève que les factures du médecin conseil comprennent des consultations qui n’ont pas à être supportées par elle et une expertise qui ne correspond à aucune date fixée dans le cadre de la présence procédure.

Elle soutient qu’elle a accompagné Mme [K] dans ses demandes et l’a toujours informée des décisions prises concernant son dossier.

Elle considère que les demandes de l’intimée visent à remettre en cause son droit d’instruire les déclarations de sinistre, tandis qu’elle a été conciliante dans le cadre de cette affaire, notamment en proposant une expertise contradictoire dont elle prenait le coût en charge.

Sur ce,

La cour considère, ce qui ne remet pas en cause le droit de la mutuelle d’instruire les demandes d’indemnisation, que la contestation de ce droit, qui a abouti à retenir un manquement de la mutuelle, a été source d’un préjudice moral particulier pour Mme [K], au regard du deuil qu’elle a dû surmonter, étant rappelé que le défunt est décédé à l’âge de 42 ans, et des démarches qu’elle a dû mener pour contester le refus de prise en charge qui n’a, certes, pas ravivé son chagrin, mais l’a certainement freiné dans son travail de deuil.

Ce préjudice moral sera justement indemnisé par l’allocation de la somme de 3 000 euros.

Le jugement sera réformé, sur le quantum, de ce chef.

En revanche, le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné la mutuelle à rembourser à l’intimée les frais d’assistance par un médecin, l’absence de connaissance médicale de l’intimée, au regard de la difficulté posée par la situation de son mari, n’étant pas discutée.

Sur la demande de remboursement des échéances prélevées et de prise en charge des échéances postérieures

À titre infirmatif, la MNCAP précise que la garantie contractuellement prévue se limite au remboursement du capital restant dû au titre du prêt assuré à la date du décès (article 5.1.1 de la notice) et que les sommes ont été prélevées par Entreprises habitat. Elle en déduit que la demande de l’intimée aurait dû être dirigée contre cet organisme, puisque les sommes litigieuses ont été encaissées par lui.

À titre confirmatif, l’intimée soutient que la mutuelle doit être condamnée à garantir le remboursement du capital restant dû à compter du règlement, par Mme [K], de la dernière échéance de juin 2016 mais également condamnée à lui restituer le montant des échéances prélevées auparavant, soit la somme de 1 314,10 euros (pour septembre 2015 à juin 2016).

Sur ce,

Comme l’ont relevé les premiers juges, l’article 5.1.1 du contrat stipule que l’assurance décès garantit le remboursement du capital restant dû sur le prêt assuré, calculé à la date du décès à l’exclusion des mensualités échues et non réglées à cette date.

Le défunt étant décédé le [Date décès 3] 2015, il est acquis aux débats que sa veuve a réglé les échéances de septembre 2015 à juin 2016, pour un montant total de 1 314,10 euros.

La mutuelle était dès lors contractuellement tenue de prendre en charge le paiement du capital à compter de septembre 2015 et le jugement ne peut qu’être confirmé en ce qu’il dit qu’elle est tenue de garantir le remboursement du capital restant dû après le règlement de l’échéance de juin 2016 au titre du prêt conclu le 2 mars 2015 ;

Par ailleurs, les premiers juges ont condamné la mutuelle à rembourser à Mme [K] le montant des sommes que celle-ci a versées, indûment, à l’établissement prêteur, à hauteur de 1 314,10 euros.

Cette condamnation repose dès lors, non pas directement sur l’exécution du contrat, mais sur la responsabilité contractuelle de la mutuelle, à raison de l’inexécution fautive de ses obligations. Le manquement de la mutuelle étant établi, il est la cause des versements litigieux, il convient dès lors de la condamner à les rembourser à Mme [K], étant relevé que l’appelante ne conteste le montant des sommes dues.

Le jugement sera également confirmé de ce chef.

Sur les autres demandes, les dépens et les demandes relatives à l’article 700 du code de procédure civile

Par ailleurs, l’intimée demande dans le dispositif de ses conclusions la confirmation du jugement en ce qu’il a déclaré la décision opposable à la société Entreprise habitat « avec notamment pour conséquence, la restitution à Mme [K] des mensualités de crédit payées par cette dernière depuis le décès ».

Elle réitère en outre cette demande pour que la décision soit déclarée également opposable à Action logement services.

Toutefois, si le tribunal a déclaré le jugement opposable à Entreprises habitat, ce qui doit être confirmé, aucun chef du dispositif de la décision ne statue sur la restitution des mensualités de crédit.

Cette demande est dès lors, partiellement, sans objet, étant relevé que le tribunal comme la cour ont condamné la mutuelle à rembourser à Mme [K] les échéances de prêt qu’elle a versées indûment.

Au demeurant, il n’y a pas lieu, comme le demande l’intimée, de tirer comme « conséquence » de cet arrêt, à l’égard de la société Action logement services, que celle-ci doive restituer à l’intimée les mensualités de crédit payées par cette dernière depuis le décès puisque l’intimée a demandé, et obtenu, la confirmation du jugement en ce qu’il a condamné la mutuelle à rembourser ces mêmes mensualités à Mme [K].

L’arrêt sera déclaré opposable à la société Action logement services.

La mutuelle perd en cette instance, dont elle devra supporter les dépens.

L’équité commande par ailleurs de la condamner à payer à l’intimée la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant par arrêt réputé contradictoire, rendu en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement attaqué, sauf en ce qu’il a condamné la MNCAP à payer à Mme [B], veuve [K], la somme de 1 500 euros au titre de son préjudice moral ;

L’infirmant de ce chef et, statuant à nouveau :

– Condamne la MNCAP à payer à Mme [B], veuve [K], la somme de 3 000 euros au titre de son préjudice moral ;

Y AJOUTANT,

Déclare le présent arrêt opposable à la société Action logement services, venant aux droits d’Entreprises habitat ;

Rejette le surplus des demandes des parties ;

Condamne la MNCAP à supporter les dépens d’appel ;

Condamne la MNCAP à payer à Mme [B], veuve [K], la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et rejette sa demande au titre des frais irrépétibles ;

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

 


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