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COUR D’APPEL
D’ANGERS
CHAMBRE A – CIVILE
LE/ILAF
ARRET N°:
AFFAIRE N° RG 23/00532 – N° Portalis DBVP-V-B7H-FENY
ordonnance du 23 Mars 2023
Président du TJ d’ANGERS
n° d’inscription au RG de première instance 23/00181
ARRET DU 14 NOVEMBRE 2023
APPELANT :
Monsieur [O] [R]
né le 02 Juin 1970 à [Localité 8]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représenté par Me Inès RUBINEL de la SELARL LEXAVOUE RENNES ANGERS, avocat postulant au barreau d’ANGERS – N° du dossier 235779 et par Me Thibault SIMONINI substituant Me Olivier GRIMALDI, avocat plaidant au barreau de MARSEILLE
INTIMEE :
LA COMMUNAUTE URBAINE [Localité 4] METROPOLE
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentée par Me Marie CARRE substituant Me Eric BOUCHER de la SELARL LEX PUBLICA, avocat au barreau d’ANGERS – N° du dossier 230245
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue publiquement à l’audience du 13 Juin 2023 à 14’H’00, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme MULLER, Conseillère faisant fonction de Présidente et devant Mme ELYAHYIOUI, vice-présidente placée qui a été préalablement entendue en son rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame MULLER, conseillère faisant fonction de présidente
Mme GANDAIS, conseillère
Mme ELYAHYIOUI, vice-présidente placée
Greffière lors des débats : Mme LEVEUF
ARRET : contradictoire
Prononcé publiquement le 14 novembre 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l’article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Catherine MULLER, Conseillère faisant fonction de présidente et par Christine LEVEUF, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCÉDURE
La Communauté Urbaine [Localité 4] Métropole (la communauté urbaine) est propriétaire du site Biopole, situé [Adresse 5] (intersection D116) à [Localité 7], et du Centre Technique Environnement Déchets situé à proximité immédiate, [Adresse 2], ayant notamment pour compétence l’exploitation et la gestion de la collecte des ordures ménagères de l’ensemble de ses communes membres.
Le 13 mars 2023, une partie du personnel de la communauté urbaine s’est mise en grève.
Plusieurs grévistes, dont M. [O] [R], ont mis en place des ‘piquets de grève’ et ont ainsi établi des barrages bloquant de manière sélective l’accès aux deux sites de [Localité 7].
Par requête enregistrée le 16 mars 2023, la communauté urbaine, considérant que ses agents travaillant sur les deux sites précités ne pouvaient plus exercer leurs fonctions et que les collecte et gestion des ordures ménagères ne pouvaient plus être assurées, a saisi le président du tribunal judiciaire d’Angers afin d’être autorisée à assigner en référé d’heure à heure M. [O] [R], demande à laquelle il a été fait droit le même jour par une ordonnance permettant l’assignation de M. [O] [R] pour l’audience du 21 mars 2023.
Par acte de commissaire de justice du 16 mars 2023, la communauté urbaine a fait assigner M. [R] en référé devant le tribunal judiciaire d’Angers aux fins de voir :
– ordonner l’expulsion immédiate de M. [O] [R] et de tous occupants de son chef ainsi que de toute personne occupant à quelque titre que ce soit les sites Biopole et du Centre Technique Environnement Déchets, ainsi que les dépendances du domaine public routier y afférentes lui appartenant et ce, au besoin, avec l’assistance de la force publique,
– dire et juger que les intéressés devront libérer les accès aux sites et ne pas entraver la circulation des véhicules et de son personnel et l’approvisionnement des sites, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir,
– ordonner l’exécution provisoire de l’ordonnance à intervenir sur minute,
– condamner M. [R] au paiement de la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens qui comprendront les frais d’établissement du constat d’huissier.
En défense, M. [R] a sollicité du juge saisi :
– qu’il constate que les prétentions de la communauté urbaine relèvent de la compétence exclusive de la juridiction administrative, qu’il se déclare incompétent pour statuer sur les prétentions de la communauté, qu’il constate plus spécifiquement que le tribunal judiciaire d’Angers est incompétent ratione materiae au profit du tribunal administratif de Nantes, qu’il renvoie la communauté urbaine à mieux se pourvoir,
– à titre subsidiaire, qu’il relève que la communauté urbaine ne justifie pas d’une habilitation spéciale de son président pour ester en justice, constate la nullité de l’assignation de la communauté urbaine tirée du défaut de pouvoir pour agir en justice, qu’il rejette les demandes,
– à titre infiniment subsidiaire, qu’il relève que le trouble manifestement illicite n’est pas caractérisé et rejette les demandes,
– en tout état de cause, qu’il condamne la communauté urbaine au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, outre aux entiers dépens.
Lors des débats du 21 mars courant, la communauté urbaine a soulevé l’irrégularité de la constitution du conseil de M. [R], en ce qu’il n’aurait pas respecté les règles de la postulation.
De son côté, M. [R] a considéré que la délibération du conseil communautaire du 12 septembre 2022 n’était pas suffisante pour habiliter le président de la communauté urbaine à ester en justice, faute de mentionner avec précision l’affaire visée.
Par ordonnance de référé réputée contradictoire du 23 mars 2023, le président du tribunal judiciaire d’Angers a :
– constaté l’irrégularité de la constitution de Me Olivier Grimaldi, avocat au barreau de Marseille,
– ordonné l’expulsion immédiate de M. [O] [R] et de tous occupants de son chef ainsi que de toute personne occupant à quelque titre que ce soit, du site Biopole sis [Adresse 5], du Centre Technique Environnement Déchets sis [Adresse 2], ainsi que les dépendances du domaine public routier y afférentes appartenant à la Communauté Urbaine [Localité 4] Métropole et ce, au besoin avec l’assistance de la force publique,
– dit que les intéressés devront libérer les accès aux sites et de ne pas entraver la circulation des véhicules et du personnel de la communauté urbaine et l’approvisionnement des sites, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision,
– débouté la Communauté Urbaine [Localité 4] Métropole de sa demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
– condamné M. [O] [R] aux dépens.
Suivant déclaration déposée au greffe le 31 mars 2023, M. [R] a relevé appel de cette ordonnance en son entier dispositif exception faite de ses mentions portant sur les demandes formées au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ; précisant par ailleurs que ce recours visait à l’annulation de la décision de première instance voire à sa réformation et intimant dans ce cadre la Communauté Urbaine [Localité 4] Métropole.
Par requête déposée à la cour le 3 avril 2023, M. [R] a sollicité du premier président l’autorisation d’assigner à jour fixe l’établissement public Communauté Urbaine [Localité 4] Métropole.
Par ordonnance du 4 avril 2023, le magistrat délégué par le premier président de la cour d’appel d’Angers a autorisé M. [R] à assigner à jour fixe la communauté urbaine pour l’audience du 13 juin 2023 à 14 heures.
Dans ces conditions et par exploit du 24 avril 2023, M. [R] a fait assigner la communauté urbaine devant la cour d’appel d’Angers.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Aux termes de ses dernières écritures déposées le 31 mars 2023, M. [R] demande à la cour de :
vu le principe de la séparation des pouvoirs,
vu l’article 111-6 du Code de la voierie routière,
vu l’article 117 du Code de procédure civile,
– le recevoir en son appel principal et en ses conclusions, les dire bien fondés et y faisant droit,
– prononcer la nullité de l’ordonnance rendue par le président du tribunal judiciaire d’Angers, statuant en référé le 23 mars 2023,
– relever dire et juger que la Communauté Urbaine [Localité 4] Métropole ne justifie pas d’une habilitation spéciale de son président pour ester en justice,
– déclarer nulle l’assignation en référé délivrée à la demande de la Communauté Urbaine [Localité 4] Métropole demandeur devant le tribunal judiciaire d’Angers pour l’audience du 21 mars 2023, tirée du défaut de pouvoir pour agir en justice,
– constater que le président du tribunal judiciaire d’Angers, statuant en référé, ayant été saisi irrégulièrement, le présent appel n’a aucun effet dévolutif,
A titre subsidiaire :
– annuler, en tout cas infirmer et au besoin réformer l’ordonnance 23/129 en date du 23 mars 2023 (n°RG 23/00181) rendue par le président du tribunal judiciaire d’Angers en ce qu’elle :
* a constaté l’irrégularité de la constitution de Me Olivier Grimaldi, avocat au barreau de Marseille,
* a ordonné son expulsion immédiate et de tous occupants de son chef ainsi que de toute personne occupant à quelque titre que ce soit, du site Biopole sis [Adresse 5], du Centre Technique Environnement Déchets sis [Adresse 2], ainsi que les dépendances du domaine public routier y afférentes appartenant à la Communauté Urbaine [Localité 4] Métropole et ce, au besoin avec l’assistance de la force publique,
* a dit que les intéressés devront libérer les accès aux sites et de ne pas entraver la circulation des véhicules et du personnel de la communauté urbaine et l’approvisionnement des sites, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision,
* l’a condamné aux dépens,
In limine litis sur l’exception d’incompétence :
– juger que les prétentions de la Communauté Urbaine [Localité 4] Métropole relèvent de la compétence exclusive de la juridiction administrative,
– constater l’incompétence de la juridiction judiciaire,
– déclarer incompétente la juridiction judiciaire pour statuer sur les prétentions de la Communauté Urbaine [Localité 4] Métropole,
– constater plus spécifiquement que la juridiction judiciaire est incompétente rationae materiae au profit du tribunal administratif de Nantes,
– renvoyer la Communauté Urbaine [Localité 4] Métropole, intimée, à mieux se pourvoir,
A titre liminaire également :
– constater que l’instance intentée par la Communauté Urbaine [Localité 4] Métropole n’est pas soumise au principe de la représentation obligatoire par avocat,
– constater que l’instance intentée par la Communauté Urbaine [Localité 4] Métropole n’est pas soumise aux règles de la postulation,
– constater qu’il était valablement représenté lors de l’audience de première instance,
– déclarer la constitution en première instance de Me Olivier Grimaldi, avocat au barreau de Marseille, valable,
A titre infiniment subsidiaire :
– relever dire et juger que le trouble manifestement illicite n’est pas caractérisé,
– rejeter les demandes,
En tout état de cause :
– condamner la Communauté Urbaine [Localité 4] Métropole à lui verser une somme de 5.000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile,
– condamner la Communauté Urbaine [Localité 4] Métropole aux entiers dépens avec distraction au profit de l’avocat soussigné aux offres de droit,
– rejeter toutes prétentions contraires comme irrecevables et en tout cas non fondées.
Aux termes de ses dernières écritures déposées le 10 mai 2023, ainsi que des débats du 13 juin 2023, la Communauté Urbaine [Localité 4] Métropole demande à la cour de :
vu l’article 760 du Code de procédure civile,
vu l’article 835 du Code de procédure civile,
– confirmer l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,
– débouter M. [R] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
– rappeler que l’arrêt est assorti de l’exécution provisoire de plein droit,
– condamner M. [R] à lui verser la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,
– condamner M. [R] aux dépens de première instance et d’appel, lesquels seront recouvrés conformément à l’article 699 du Code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l’annulation de l’assignation de première instance :
En droit, les articles L 2122-22 et L 5211-2 du Code général des collectivités territoriales disposent notamment que : ‘Le maire peut, en outre, par délégation du conseil municipal, être chargé, en tout ou partie, et pour la durée de son mandat : (…)
16° D’intenter au nom de la commune les actions en justice ou de défendre la commune dans les actions intentées contre elle, dans les cas définis par le conseil municipal, et de transiger avec les tiers dans la limite de 1 000 € pour les communes de moins de 50 000 habitants et de 5 000 € pour les communes de 50 000 habitants et plus’,
‘A l’exception de celles des deuxième à quatrième alinéas de l’article L. 2122-4, les dispositions du chapitre II du titre II du livre Ier de la deuxième partie relatives au maire et aux adjoints sont applicables au président et aux membres du bureau des établissements publics de coopération intercommunale, en tant qu’elles ne sont pas contraires aux dispositions du présent titre’.
Aux termes de ses écritures l’appelant souligne que la Cour de cassation exige, s’agissant des personnes morales de droit public souhaitant agir en justice, que son représentant soit autorisé à plaider par délibération de son conseil. S’agissant de la délibération du 12 septembre 2022, produite par sa contradictrice, il souligne que la rédaction de son point 8, ne précise aucunement les juridictions (voire leur degré) devant lesquelles le président peut agir, caractérisant donc une délibération générale. Faute de production d’une délibération spéciale habilitant le président de la communauté urbaine à agir dans la présente instance, l’assignation est nulle et partant l’ordonnance contestée également.
Aux termes de ses dernières écritures, l’intimée indique qu’en application notamment des dispositions des articles L5211-2 et L2122-22 du Code général des collectivités territoriales, il a d’ores et déjà été jugé que l’organe délibérant d’un établissement public de coopération intercommunale peut délivrer à son organe exécutif, une délégation générale lui permettant d’ester en justice. Dans ces conditions, elle conclut au rejet de l’exception de nullité de l’assignation et précise qu’en tout état de cause, il existe des limites à la délégation, visant notamment les procédures visant les communes membres.
Sur ce :
En l’espèce, l’intimée communique aux débats copie de la délibération de son conseil de de communauté du 12 septembre 2022 aux termes de laquelle son instance délibérante ‘délègue au président et à la commission permanente les attributions dans les domaines concernés et listés en annexes 1 et 2″. Cette première annexe pour sa part, précise notamment que : ‘le conseil donne délégation au président pour : (…)
8. intenter au nom de la communauté, les actions en justice ou défendre la communauté dans les actions intentées contre elle, sur toutes les affaires relevant de la compétence de la communauté urbaine, à l’exception toutefois des recours que la communauté urbaine pourrait engager contre une commune membre’.
L’appelant invoque le caractère général de cette délibération ne permettant pas au président de la communauté d’introduire la présente instance.
Cependant il doit être rappelé que depuis un arrêt du 27 juillet 1988 du Conseil d’Etat (dit époux [T]), il a été retenu s’agissant des juridictions de l’ordre administratif que le conseil municipal pouvait donner au maire une délégation générale pour ester en justice au nom de la commune pendant la durée de son mandat.
Par ailleurs concernant les juridictions de l’ordre judiciaire, il est désormais admis que sont valables les délégations autorisant le maire à intenter au nom de la commune, par voie d’action ou d’intervention, toute action en justice quelle que soit sa nature ou à défendre la commune dans toutes les actions intentées contre elle, ceci devant l’ensemble des juridictions administratives, civiles et pénales, ainsi que devant toutes les juridictions sans exception, en charge de contentieux spécialisés, aussi bien en première instance qu’en appel ou en cassation. Il en résulte que le conseil municipal peut valablement déléguer au maire, pendant la durée de son mandat, le droit d’ester en justice pour l’ensemble du contentieux de la commune (Cass. Crim. 4 avril 2023, n°22-83.613).
Or s’agissant de la présente délégation, il ne peut qu’être constaté que si elle est rédigée en des termes relativement généraux, elle n’est pour autant pas générale comme l’indique l’appelant, dès lors qu’elle exclut expressément les actions impliquant l’une des communes membres et qu’en tout état de cause, elle délègue au président de la communauté uniquement des attributions pouvant faire l’objet d’une telle mesure au regard des dispositions légales ci-dessus reprises.
Il en résulte que le président de l’intimée était valablement habilité à introduire la présente instance.
Dans ces conditions, la demande d’annulation de l’assignation du 16 mars 2023 en ce qu’elle est fondée sur le défaut de pouvoir du président pour agir en justice doit être rejetée.
Sur l’incompétence des juridictions de l’ordre judiciaire :
En droit, l’article L 2111-14 du Code général de la propriété des personnes publiques dispose que : ‘Le domaine public routier comprend l’ensemble des biens appartenant à une personne publique mentionnée à l’article L.1 et affectés aux besoins de la circulation terrestre, à l’exception des voies ferrées’.
Par ailleurs l’article L 2111-2 de ce même code prévoit que ‘Font également partie du domaine public les biens des personnes publiques mentionnées à l’article L.1 qui, concourant à l’utilisation d’un bien appartenant au domaine public, en constituent un accessoire indissociable’.
Aux termes de ses dernières écritures, l’appelant indique qu’en application combinée des articles L 116-1 et R 116-2 du Code de la voirie routière, il a été jugé tant par la Cour de cassation que par le Tribunal des conflits que ‘dès lors que l’occupation porte sur le domaine public routier, le juge judiciaire est compétent ratione materiae pour la faire cesser ; en revanche, dès lors que l’occupation porte sur le domaine public non routier d’une personne publique, le juge administratif est compétent’. Ainsi, après avoir rappelé que la définition du domaine public routier résulte des dispositions des articles L 111-1 du Code de la voirie routière et L 2111-14 du Code général de la propriété des personnes publiques, l’appelant observe que le procès-verbal de constat produit par sa contradictrice établit que les équipements mis en oeuvre par les grévistes se trouvaient après un rond-point et même après le terre-plein en permettant la sortie sur un élément de voirie non affecté ‘à la circulation générale puisque justement [dédié] à l’accès au site’ (Biopole). Concernant le Centre technique, il observe que le même procès-verbal démontre que la palette mise en oeuvre se trouve à l’intérieur de l’établissement et non sur la voie routière à l’image du barnum qui au surplus n’empêche aucune circulation pour avoir été positionné sur le côté des voies. L’appelant en déduit donc que le domaine public routier n’étant pas concerné, la seule juridiction compétente correspond au tribunal administratif de Nantes de sorte que la décision de première instance doit être annulée voire réformée à ce titre.
Aux termes de ses dernières écritures, l’intimée rappelle que le domaine public routier est non seulement constitué de l’ensemble des biens publics affectés aux besoins de la circulation terrestre non ferroviaire mais également de leurs accessoires (L 2111-2 du Code de la propriété des personnes publiques). A ce titre, elle souligne que le procès-verbal de constat du 14 mars 2023 établit l’occupation par les grévistes du domaine public routier. En tout état de cause, elle soutient que ‘l’occupation et le blocage d’une propriété sont constitutifs d’une voie de fait que seul le juge judiciaire peut faire cesser’. Enfin, elle souligne que les sites ainsi volontairement bloqués étaient affectés à la collecte
et au traitement des ordures tant ménagères que résultant du tri sélectif, et correspondaient donc à l’exercice d’un service public industriel et commercial, imposant donc la compétence du juge judiciaire.
Sur ce :
En l’espèce, l’intimée communique aux débats un procès-verbal de constat du 14 mars 2023, aux termes duquel l’officier ministériel mandaté indique : ‘je peux constater sur la voie publique, sur terre-plein, la présence de drapeaux et affiches.
Je peux constater ensuite la présence d’un rétrécissement avec des palettes de bois à l’entrée.
Un barnum a été posé.
Des palettes de bois sont stockées.
Un feu de bois présent ainsi que quelques personnes avec chasubles ‘FO’.
Devant cette entrée, j’ai pu à nouveau rencontrer M. [R] (…), lequel m’a fait les mêmes déclarations sur les conditions d’entrée et de sortie du site’.
A ce titre, les photographies accompagnant ces éléments établissent la présence sur la chaussée, après le virage de sortie de rond-point, de plots ainsi que d’une pancarte empêchant la circulation et sur l’autre côté de la chaussé (mais pas au même niveau) d’un amas de palettes en bois derrière lequel se trouvent deux anciens bidons de pétrole de nature à également empêcher la circulation sur cette voie.
Il résulte de ces éléments que la présence d’éléments empêchant la circulation sur cette voie (en ses deux sens de circulation) est établie.
S’agissant de l’appartenance de cette chaussée au domaine public routier, l’appelant indique en substance que dès lors que cette ‘route’ ne dessert que l’EPIC, elle ne peut être considérée comme affectée aux besoins de la circulation ‘générale’.
Cependant, il doit être souligné que les dispositions tant de l’article L 2111-14 du Code général de la propriété des personnes publiques que de l’article L 111-1 du Code de la voirie routière ne posent pas comme condition d’appartenance au domaine public routier, une affectation à la circulation générale mais une affectation ‘aux besoins de la circulation terrestre’.
Au surplus, et s’agissant de cette condition, l’appelant communique aux débats copie notamment d’une décision inédite de la cour administrative d’appel de Marseille du 16 décembre 2003, dont il ne ressort pas qu’une affectation à la circulation générale soit nécessaire pour dépendre du domaine public routier. En effet si cette décision porte sur des voies de circulation ne dépendant pas du domaine public routier, il est notamment précisé que cette situation résulte entre autre du fait qu’elles se trouvent ‘dans une enceinte portuaire, sur les terres-pleins du port de plaisance créés par exondation lors de la réalisation du port’.
Or la voie de circulation présentement litigieuse se trouve à l’extérieur de l’enceinte du Biopole, correspond à la sortie d’un rond-point dont il n’est aucunement soutenu qu’il ne dépendrait pas du domaine public routier et permet l’accès à un établissement en charge d’un service public.
Dans ces conditions, il ne peut aucunement être considéré que les éléments encombrant la chaussée avant l’entrée du Biopole ne se trouvent pas sur le domaine public routier. Les juridictions de l’ordre judiciaire sont donc compétentes pour connaître des contentieux liés à la police de la conservation de cette voie de circulation en application des dispositions de l’article L 116-1 du Code de la voirie routière.
Concernant l’accès au Centre technique, le procès-verbal de constat du mois de mars 2023 expose que : ‘[Adresse 2], je peux constater sur l’entrée du site des drapeaux syndicaux et une banderole. Je constate la même chose sur le second portail après les parkings.
Je constate au milieu du passage de ce portail qui est en position ouverte, la présence d’une palette en position haute.
Je peux constater également la présence d’un stock en bois, une petite tente qui a été posée avec un barbecue.
Un certain nombre de personnes mobilisées avec des chasubles CGT ou Force Ouvrière est présent.
Au moment de mon arrivée, M. [R] [O] (…) m’indique qu’effectivement il a été pris la décision par ‘l’inter syndicale’ d’empêcher l’entrée et la sortie des véhicules à l’exception de véhicules pour maintenance technique ou pour passage au MIN.
Il m’indique que les fournisseurs et l’entretien courant sont autorisés à l’exclusion du service général du site’.
Au-delà de ces considérations écrites, les photographies figurant également à ce procès-verbal établissent que les éléments mis en oeuvre par les grévistes aux fins, pour certains, de limiter la circulation se trouvent soit, dans le parking de l’EPIC, c’est à dire après le premier portail donnant sur le boulevard de la Chanterie soit au niveau du second portail, c’est à dire après le parking à l’entrée de l’établissement proprement dit.
Il en résulte que l’ensemble des éléments invoqués par la communauté se trouvent au-delà des limites matérialisant l’emprise géographique de l’EPIC et notamment sa clôture. Le parking ‘privatif’ d’un EPIC peu important son importance et partant la nécessité pour lui de disposer de voies de circulation propres, ne peut relever du domaine public routier même en ses accessoires.
La compétence des juridictions de l’ordre judiciaire s’agissant de ce ‘piquet de grève’ ne peut donc se fonder sur la police de la conservation du domaine public routier.
Par ailleurs, s’agissant du fait que l’établissement litigieux ait la charge d’un SPIC, il doit être rappelé qu’un tel qualificatif n’est pas exclusif de la compétence des juridictions de l’ordre administratif. En effet, les juridictions de l’ordre judiciaire connaissent notamment des contentieux pouvant naître entre les EPIC et les tiers ou leurs usagers. S’agissant des contentieux sociaux, l’ordre judiciaire est compétent dans le cadre des litiges individuels de travail, mais ne connaît notamment pas des contentieux liés au statut des agents. Mais au-delà de ces éléments, il doit être souligné que le statut d’EPIC ne fait pas échec aux règles de compétence liées à la domanialité publique.
Or en l’espèce et dès lors que l’intimée ne démontre aucunement ses affirmations quant au fait que le présent litige relève d’un contentieux de la propriété, il ne peut qu’être constaté que cette occupation d’un parking d’établissement public ainsi que de l’entrée même de ce centre technique, relève de l’occupation du domaine public d’une personne morale de droit public. Ainsi, les juridictions de l’ordre judiciaire ne sont pas compétentes pour connaître de ce litige de sorte que la décision de première instance doit être infirmée en ce qu’elle a statué sur les demandes formées par la communauté et portant sur ‘l’occupation’ du Centre Technique Environnement Déchets sis [Adresse 2].
Sur la représentation devant le premier juge :
En droit, l’article 760 du Code de procédure civile en son premier alinéa dispose que’: ‘Les parties sont, sauf disposition contraire, tenues de constituer avocat devant le tribunal judiciaire’.
S’agissant des exceptions, l’article suivant de ce même code prévoit que : ‘Les parties sont dispensées de constituer avocat dans les cas prévus par la loi ou le règlement et dans les cas suivants :
1° Dans les matières relevant de la compétence du juge des contentieux de la protection ;
2° Dans les matières énumérées par les articles R. 211-3-13 à R. 211-3-16, R.’211-3-18 à R. 211-3-21, R. 211-3-23 du code de l’organisation judiciaire et dans les matières énumérées au tableau IV-II annexé au code de l’organisation judiciaire’;
3° A l’exclusion des matières relevant de la compétence exclusive du tribunal judiciaire, lorsque la demande porte sur un montant inférieur ou égal à 10.000 euros ou a pour objet une demande indéterminée ayant pour origine l’exécution d’une obligation dont le montant n’excède pas 10.000 euros. Le montant de la demande est apprécié conformément aux dispositions des articles 35 à 37. Lorsqu’une demande incidente a pour effet de rendre applicable la procédure écrite ou de rendre obligatoire la représentation par avocat, le juge peut, d’office ou si une partie en fait état, renvoyer l’affaire à une prochaine audience tenue conformément à la procédure applicable et invite les parties à constituer avocat.
Dans les matières relevant de la compétence exclusive du tribunal judiciaire qui ne sont pas dispensées du ministère d’avocat, les parties sont tenues de constituer avocat quel que soit le montant sur lequel porte la demande.
L’Etat, les départements, les régions, les communes et les établissements publics peuvent se faire représenter ou assister par un fonctionnaire ou un agent de leur administration’.
Le premier juge rappelant que, sauf dispositions contraires, les articles 760 et suivants du Code de procédure civile imposent la constitution d’avocat devant le tribunal judiciaire, a souligné que l’avocat présent au côté du salarié gréviste assigné dépendait du barreau de Marseille sans pour autant avoir désigné de correspondant local de sorte que le principe de territorialité de la postulation (article 5 al 2 de la loi du 31 décembre 1971) n’avait pas été respecté. Dans ces conditions, il a été considéré que M. [R] n’était pas valablement représenté et devait être considéré comme non comparant.
Aux termes de ses dernières écritures, l’appelant observe que la lecture de la décision de première instance ne permet aucunement de déterminer quelles dispositions ont fondé le positionnement de la juridiction des référés (compétence exclusive du tribunal judiciaire, montant supérieur à 10.000 euros ou indéterminé mais ayant pour origine l’exécution d’une obligation d’un tel montant). En tout état de cause, il souligne que ce contentieux portait sur l’expulsion de grévistes de deux sites appartenant à sa contradictrice et ne relève donc pas de la compétence exclusive du tribunal judiciaire telle que définie par l’article R 211-3-26 du Code de l’organisation judiciaire. Par ailleurs, il souligne s’agissant du quantum des demandes, qu’il est indéterminé et qu’en tout état de cause au regard d’une astreinte de 1.000 euros par jour n’ayant pas même eu à s’appliquer, ‘il est donc indéniable que la demande portait sur un montant inférieur ou égal à 10.000 euros ou avait pour objet une demande indéterminée ayant pour origine l’exécution d’une obligation dont le montant n’excède pas 10.000 euros’. Dans ces conditions il conclut à l’atteinte, par la décision de première instance, au principe du contradictoire, dès lors qu’il a été considéré qu’il n’était pas valablement représenté et sollicite donc l’annulation de cette décision voire sa réformation à ce titre.
Aux termes de ses dernières écritures, l’intimée considère que les demandes qu’elle formait devant le premier juge ne relevaient pas des exceptions posées par l’article 761 du Code de procédure civile, dès lors que l’objet du litige était de mettre fin ‘au blocage des accès et de la circulation sur ces sites, compte tenu du trouble manifestement illicite que cette occupation constituait’. Elle conclut donc au fait que cette procédure relevait d’une représentation obligatoire imposant donc l’application des règles de territorialité de la postulation et partant à la confirmation de la décision de première instance.
Sur ce :
En l’espèce, il résulte des dispositions de l’article 760 ci-dessus repris, que le principe est désormais la représentation obligatoire devant le tribunal judiciaire, ce qui inclut le juge des référés.
Par ailleurs, lorsque la représentation par avocat est obligatoire devant les tribunaux judiciaires, la règle dite de territorialité impose la désignation d’un professionnel inscrit dans l’un quelconque des barreaux du ressort de la cour d’appel dont dépend la juridiction saisie de l’affaire.
Ainsi, il appartient à celui qui invoque l’exception, de démontrer les conditions de son application.
A ce titre, la saisine du juge des référés portait notamment sur l’évacuation du site dit Biopole, ayant en charge la gestion et la collecte des ordures ménagères de la communauté urbaine d'[Localité 4]. Ainsi et peu important le montant de l’astreinte qui est sans lien avec le montant de l’obligation au sens du 3èment de l’article 761 ci-dessus repris, l’appelant ne démontre aucunement que cette obligation soit d’un montant inférieur à 10.000 euros.
Dans ces conditions, le premier juge était fondé à considérer que M. [R] n’était pas valablement représenté devant lui.
La demande d’annulation de l’ordonnance du 23 mars 2023, doit donc être rejetée.
Sur le fond des demandes au titre du trouble manifestement illicite :
En droit, l’article 835 du Code de procédure civile dispose que : ‘Le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire’.
Le premier juge observant que les deux sites litigieux étaient affectés à un service public économique et commercial ; qu’un procès-verbal de constat établissait que l’accès au Biopole était bloqué par la présence de divers biens et équipements sur la voie publique ; que cette situation avait conduit à une accumulation des déchets sur la commune d'[Localité 4] avec développements des nuisibles (animaux ou insectes) en a déduit que cette occupation causait un trouble manifestement illicite à la communauté urbaine et mettait également en péril la salubrité publique. Dans ces conditions il a été fait droit aux prétentions de la communauté urbaine.
Aux termes de ses dernières écritures, l’appelant indique, ainsi qu’il l’a d’ores et déjà mentionné au titre de ses développements sur la compétence, que ‘les prétendues entraves à l’accès ne sont pas caractérisées : l’on voit d’ailleurs un véhicule sortir sur une photographie prise par l’huissier…’.
Aux termes de ses dernières écritures, l’intimée rappelle que le piquet de grève qui a été organisé a paralysé le fonctionnement du site de collecte et de traitement des déchets causant ainsi de ‘graves troubles à la sécurité et à la salubrité publiques’, ce qui caractérise un trouble manifestement illicite. Elle souligne également que cette obstruction portait également atteinte aux libertés d’aller et venir et de travailler. Elle sollicite donc la confirmation de la décision de première instance.
Sur ce :
En l’espèce, le procès-verbal de constat produit par l’intimé établit que, sur interrogation de l’officier ministériel, l’appelant lui a indiqué s’agissant du ‘piquet de grève’ se trouvant aux abords du centre technique, ‘qu’effectivement il a été pris la décision par ‘l’inter syndicale’ d’empêcher l’entrée et la sortie des véhicules, à l’exception de véhicules pour maintenance technique ou pour passage au MIN’.
Si ces indications portent sur un contentieux ne relevant pas de la compétence de la présente juridiction, l’officier ministériel précise, s’agissant du Biopole, ‘devant cette entrée, j’ai pu à nouveau rencontrer M. [R] [O] représentant du personnel ainsi déclaré, lequel m’a fait les mêmes déclarations sur les conditions d’entrée et de sortie du site’.
Il résulte de ces constatations que les véhicules devant assumer la collecte des déchets étaient empêchés de circuler.
A ce titre, l’intimée communique aux débats copie d’un rapport d’information du 20 mars 2023, émanant de la direction de la sécurité et de la prévention de la commune d'[Localité 4] et plus précisément des services de la police municipale qui indique : ‘effectuons des passages sur plusieurs quartiers de la ville ; (…) En raison de la grève des services de répurgation en raison d’un conflit social eu égard à la collectivité employeur, les déchets n’ont pas été retirés depuis une semaine. Précisons également que dans certains lieux, où les déchets sont très importants, des nuisibles type rats, souris et cafards sont déjà présents et visibles ; notamment [Adresse 6] pour un endroit qu’il nous a été donné de constater. Cette population de nuisible risque de s’accroître rapidement au vu du climat ainsi que de l’abondance de restes alimentaires et autres détritus’.
Il est ainsi établi que les installations visant à empêcher la circulation des véhicules assumant la collectes des ordures ménagères n’a pas permis le ramassage de ces dernières pendant au moins une semaine favorisant ainsi outre le dépôt sur la voie publique et en dehors de tout contenant des détritus ménagers ainsi que le développement de populations animales ou d’insectes considérés comme nuisibles, situation portant atteinte à la salubrité publique et partant caractérisant un trouble manifestement illicite.
Dans ces conditions la décision de première instance doit être confirmée en ce qu’elle a ordonné l’expulsion immédiate et sous astreinte, de M. [O] [R] et de tous occupants de son chef ainsi que de toute personne occupant à quelque titre du site Biopole.
Sur les demandes accessoires :
Chacune des parties succombant en ses prétentions, elles conserveront la charge de leurs dépens d’appel et les dispositions à ce titre de la décision de première instance doivent être confirmées.
Enfin, l’équité commande de rejeter l’ensemble des demandes fondées sur les dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
REJETTE la demande formée par M. [O] [R] en annulation de l’assignation’;
INFIRME l’ordonnance du juge des référés du tribunal judiciaire d’Angers mais uniquement en celles de ses dispositions ayant ordonné ‘l’expulsion immédiate de M. [O] [R] et de tous occupants de son chef ainsi que de toute personne occupant à quelque titre que ce soit le Centre Technique Environnement Déchets, ainsi que les dépendances du domaine public routier y afférentes lui appartenant’,
et dans les limites de sa saisine, LA CONFIRME pour le surplus ;
Statuant de nouveau du seul chef infirmé et y ajoutant :
DÉCLARE les juridictions de l’ordre judiciaire incompétentes pour connaître des demandes portant sur ‘l’expulsion immédiate de M. [O] [R] et de tous occupants de son chef ainsi que de toute personne occupant à quelque titre que ce soit le Centre Technique Environnement Déchets, ainsi que les dépendances du domaine public routier y afférentes lui appartenant’ ;
RENVOIE la Communauté Urbaine [Localité 4] Métropole à mieux se pourvoir à ce titre ;
REJETTE l’ensemble des demandes fondées sur les dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;
LAISSE à chaque partie la charge de ses propres dépens.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
C. LEVEUF C. MULLER