Constitution d’avocat : décision du 10 novembre 2023 Cour d’appel de Besançon RG n° 22/00469

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Constitution d’avocat : décision du 10 novembre 2023 Cour d’appel de Besançon RG n° 22/00469
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ARRET N° 23/

CE/XD

COUR D’APPEL DE BESANCON

ARRET DU 10 NOVEMBRE 2023

CHAMBRE SOCIALE

Audience publique

du 28 Avril 2023

N° de rôle : N° RG 22/00469 – N° Portalis DBVG-V-B7G-EPVZ

S/appel d’une décision

du CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE BESANCON

en date du 03 février 2022

code affaire : 80L

Demande de prise d’acte de la rupture du contrat de travail

APPELANTE

Madame [H] [M], demeurant [Adresse 1]

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 25056/2022/811 du 15/07/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de BESANCON)

représentée par Me Florence ROBERT, avocat au barreau de BESANCON

INTIMES

Maître [E] [B] es qualité de liquidateur de la Société Gastronomique des Bains Douches (SGBD) SIRET 827 686 270 00014 dont le siège social se trouve [Adresse 3], nommé à ces fonctions suivant jugement rendu par le Tribunal de commerce de BESANCON le 19 01 2022,demeurant [Adresse 2]

UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE [Localité 7], demeurant [Adresse 4]

représentée par Me Christine MAYER BLONDEAU, avocat au barreau de BESANCON

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile l’affaire a été débattue le 28 Avril 2023, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Monsieur ESTEVE Christophe, président de chambre, entendu en son rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Christophe ESTEVE, président de chambre

Madame Bénédicte UGUEN-LAITHIER, conseiller

Mme Florence DOMENEGO, conseiller

qui en ont délibéré,

M. Xavier DEVAUX, directeur de greffe, lors de l’audience

Mme MERSON GREDLER, greffière lors de la mise à disposition

Les parties ont été avisées de ce que l’arrêt sera rendu le 7 Juillet 2023 par mise à disposition au greffe. A cette date, la mise à disposition a été prorogée successivement jusqu’au 10 novembre 2023.

**************

Statuant sur l’appel interjeté le 17 mars 2022 par Mme [H] [M] d’un jugement rendu le 3 février 2022 par le conseil de prud’hommes de Besançon, qui dans le cadre du litige l’opposant à la société à responsabilité limitée Société gastronomique des bains douches (SGBD) a :

– débouté Mme [H] [M] de l’ensemble de ses demandes,

– débouté la société de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné Mme [H] [M] aux entiers dépens,

Vu les dernières conclusions transmises le 24 janvier 2023 par Mme [H] [M], appelante, qui demande à la cour de :

– infirmer intégralement le jugement entrepris ;

– juger que Mme [H] [M] relève de la classification de niveau IV de la convention collective Hôtels Cafés Restaurants ;

– juger que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail, notifiée par courrier recommandé du 24 septembre 2020, s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, en raison des manquements graves commis par l’employeur ;

– fixer la créance salariale de Mme [H] [M] à l’égard de Maître [E] [B] es qualités de liquidateur de la SARL Société gastronomique des bains douches (SGBD) aux sommes suivantes :

– rappel de salaire pour classification erronée : 797,15 € bruts ;

– congés payés afférents : 79,71 € bruts ;

– dommages et intérêts pour rupture du contrat aux torts de l’employeur : 2.500 € nets ;

– indemnité de licenciement : 339,20 € nets ;

– indemnité compensatrice de préavis : 1.713,87 € bruts ;

– congés payés sur préavis : 171,38 € bruts ;

– heures complémentaires : 1.096,10 € bruts ;

– congés payés sur heures supplémentaires : 109,61 € bruts ;

– indemnité pour travail dissimulé : 10.283,22 € nets ;

– dommages et intérêts pour préjudice moral et financier : 650 € nets ;

– indemnisation pour absence de visite médicale d’embauche et répercussions sur la santé : 500 € ;

– condamner Maître [E] [B] es qualités de liquidateur de la SARL Société gastronomique des bains douches (SGBD) à payer à Mme [H] [M] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile la somme de 2 000 € au titre de la procédure de première instance, et de 2 500 € au titre de la procédure d’appel ;

– condamner Maître [E] [B] es qualités de liquidateur de la SARL Société gastronomique des bains douches (SGBD) aux entiers dépens de première instance et d’appel ;

– juger l’arrêt à intervenir opposable à l’AGS – CGEA de [Localité 7] ;

Vu les dernières conclusions transmises le 12 décembre 2022 par l’association Unedic délégation AGS – CGEA de [Localité 7], intimé, qui demande à la cour de :

– confirmer le jugement rendu le 3 février 2022 par le conseil de prud’hommes de Besançon en ce qu’il a débouté Mme [M] de l’intégralité de ses demandes ;

– confirmer le jugement en ce qu’il a condamné Mme [M] aux entiers dépens ;

– en conséquence, débouter Mme [M] de l’intégralité de ses demandes ;

– dire que le CGEA n’a pas à garantir les sommes allouées au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

subsidiairement,

– dire que le CGEA de [Localité 7] es qualités de gestionnaire de l’AGS ne devra procéder à l’avance des créances visées aux articles L. 3253-8 du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L. 3253-15, L. 3253-19, L. 3253-20, L. 3253-21, L. 3253-17 et D. 3253-5 du code du travail ;

– dire que le CGEA ne devra s’exécuter, toutes créances effectuées pour le compte du salarié confondues, qu’à titre subsidiaire en 1’absence de fonds disponibles et sur présentation d’un relevé présenté par le mandataire judiciaire ;

– dire que la garantie de l’AGS est plafonnée, toutes sommes et créances avancées pour le compte du salarié confondues, à un des trois plafonds définis à l’article D. 3253-5 du code du travail ;

– statuer ce que de droit sur les dépens qui, en toute hypothèse, ne pourront être mis à la charge du CGEA de [Localité 7] ;

La cour faisant expressément référence aux conclusions susvisées pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens de ces deux parties,

Vu l’absence de constitution d’avocat par Maître [E] [B] en qualité de liquidateur judiciaire de la société Société gastronomique des bains douches, étant précisé que la déclaration d’appel lui a été signifiée le 17 mai 2022 à domicile, de sorte qu’en application de l’article 474 du code de procédure civile le présent arrêt sera rendu par défaut,

Vu l’ordonnance de clôture du 9 mars 2023,

SUR CE

EXPOSE DU LITIGE

Mme [H] [M] a été embauchée le 6 décembre 2019 par la société SGBD sous contrat à durée indéterminée à temps complet en qualité de barmaid, catégorie employé, niveau 1, échelon 2 prévue par la convention collective nationale des hôtels, cafés restaurants, moyennant une rémunération mensuelle brute de 1 521,25 euros.

Par avenant du 31 décembre 2019, son temps de travail a été réduit à 25 heures par semaine à compter du 1er janvier 2020 pour un salaire mensuel brut de 1 099,55 euros, l’avenant mentionnant « à la demande expresse du salarié ».

Du fait du confinement, la société a cessé ses activités du 16 mars 2020 au 3 juin 2020.

Par courriel adressé le vendredi 19 juin 2020 à son employeur, la salariée a notamment exposé que son collègue de travail avait été agressé la veille, qu’elle ne pouvait ouvrir seule le week-end et qu’il lui fallait quelqu’un d’autre, faisant valoir en outre qu’elle n’était pas rémunérée à la hauteur de toutes les tâches confiées.

Par lettre du 23 juin 2020, l’employeur a mis en demeure la salariée de fournir un justificatif de son absence depuis le 19 juin.

Mme [H] [M] a été placée en arrêt maladie du 23 au 26 juin ; elle bénéficiera d’autres arrêts de travail en juillet et août, séparés par des périodes d’absence non justifiées.

Par courrier de son conseil adressé le 1er juillet 2020 à l’employeur sous pli recommandé avec avis de réception, Mme [H] [M] a formulé diverses réclamations salariales et sollicité une rupture amiable de son contrat de travail, en vain.

Par lettre datée du 24 septembre 2020 et adressée le 25 septembre à son employeur sous pli recommandé avec avis de réception, Mme [H] [M] a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de son employeur.

L’employeur a transmis à Mme [H] [M] ses documents de fin de contrat de travail par courrier envoyé le 6 octobre 2020.

C’est dans ces conditions que le 26 mars 2021, Mme [H] [M] a saisi le conseil de prud’hommes de Besançon de la procédure qui a donné lieu au jugement entrepris.

Par jugement du tribunal de commerce de Besançon du 19 janvier 2022, la société SGBD a été placée en liquidation judiciaire, Maître [E] [B] étant nommé en qualité de liquidateur.

MOTIFS

1- Sur le rappel de salaire au titre de la classification :

Mme [M] poursuit l’infirmation de la décision entreprise en ce qu’elle n’a pas fait droit à sa demande de rappel de salaires fondée sur sa reclassification au statut d’agent de maîtrise, compte tenu des fonctions selon elle exercées de responsable de salle.

Les premiers juges ont retenu que les éléments apportés par la salariée n’étaient manifestement pas suffisants pour justifier de la classification revendiquée.

Selon les dispositions conventionnelles applicables, le niveau IV – maîtrise est défini ainsi :

Compétences :

– Emplois exigeant normalement un niveau de formation équivalent au BTS ou au BAC. Ce niveau de connaissance peut être acquis soit par voie scolaire soit par une formation professionnelle interne équivalente, soit par une expérience professionnelle confirmée et réussie.

Contenu de l’activité :

– Travaux d’exploitation complexe faisant appel au choix des modes d’exécution, à la succession des opérations, et nécessitant des connaissances professionnelles développées ou étendues en raison du nombre et de la complexité des produits et/ou des Services vendus et/ou des moyens et méthodes employés.

Autonomie :

– Instructions à caractère général portant sur le domaine d’activité. Un pouvoir de décision défini, mais concernant des modes d’exécution, les moyens et les méthodes, l’organisation du travail, la succession et le programme des activités, y compris pour des collaborateurs. Situations de travail qui font souvent appel à l’initiative.

Responsabilités :

– Responsabilité de l’organisation du travail de ses collaborateurs.

– Responsabilité étendue à une participation à la gestion du matériel, des matières et du personnel.

Ce niveau est ensuite décliné comme suit :

NIVEAU IV

COMPETENCES (EXPERIENCE ET/OU FORMATION REQUISE)

CONTENU DE L’ACTIVITE

AUTONOMIE

RESPONSABI-LITE

Echelon 1

Emplois exigeant en outre des connaissances définies et vérifiées en matière d’hygiène, de sécurité et de législation sociale.

Choix entre un nombre limité de mode d’exécution et succession d’opération. Emploi de produit ou de moyens et méthodes ou de vente de services nombreux et complexes

Contrôle discontinu de l’activité mais nécessité d’en rendre compte dès la décision prise

L

e titulaire participe à une partie de ces activités

Echelon 2

Même niveau que ci-dessus mais une expérience contrôlée et confirmée d’environ 2 ans au niveau IV/1

Choix entre un nombre important de modes d’exécution et de succession d’opérations. Emploi de produit ou de moyens et méthodes ou de vente de services nombreux et complexes

Contrôle discontinu de son activité mais il a l’obligation d’en rendre compte régulièrement à des périodes non déterminées

L

e titulaire participe en grande partie à ces activités de gestion

Ainsi que le fait observer l’AGS, la salariée ne justifie pas d’un niveau de formation équivalent au BTS ou au BAC.

Mme [M] se prévaut néanmoins d’une expérience confirmée et réussie pour avoir commencé à travailler dans la restauration rapide en 2010.

Selon les justificatifs versés aux débats, elle a travaillé un mois à la fin de l’année 2010 en tant qu’employée au sein de la société N.B. EURL à Gray, puis du 18 mars au 30 avril 2012 en qualité de barman au club [6], elle a ensuite occupé des emplois de serveuse : une semaine en mai 2012 « chez Achour », du 1er juin au 9 octobre 2012 au sein du café Louis à [Localité 5] (SARL DCCL), du 14 janvier au 13 mars 2013 à la brasserie Rive gauche à [Localité 5] (SARL BESAC CAFE), du 23 avril au 10 août 2013 à la brasserie Granvelle. Elle a ensuite effectué des extras pour l’Académie culinaire du Doubs (3 jours en août et 2 jours en septembre 2013). Elle a retrouvé un emploi de serveuse, niveau I, échelon 1, à la brasserie BRM 25 déjà gérée à l’époque par M. [Y] [N], d’abord une dizaine de jours en décembre 2013, puis du 16 janvier au 1er avril 2014 et enfin du 19 mai 2014 au 16 avril 2015. Elle a été embauchée à nouveau par la brasserie Granvelle dans le cadre d’un contrat de travail à durée déterminée saisonnier à temps partiel (25 heures hebdomadaires) du 18 avril au 30 septembre 2015 en qualité de barmaid, niveau I, échelon 1.

Elle a enfin effectué des missions temporaires au sein de l’entreprise 1617 SARL en tant que serveuse aux mois de juin, juillet et août 2016 ainsi que le 3 septembre, du 7 au 10 septembre, le 23 septembre, du 10 au 12 novembre et le 26 novembre 2016.

Au cours de ces périodes, Mme [M] a donc été employée de manière discontinue en qualité de serveuse, barmaid ou employée polyvalente au niveau I, échelon 1, de la convention collective applicable. Il s’agissait essentiellement d’emplois à durée déterminée ou de missions temporaires.

Il n’est justifié d’aucune période d’emploi depuis le 26 novembre 2016.

Il est seulement établi que la salariée a interrompu un stage d’assistante de direction d’hôtel au Maroc pour signer son contrat de travail au sein de la société SGBD.

Une telle expérience professionnelle, discontinue et ancienne, ne peut s’analyser en une expérience confirmée et réussie qui aurait permis à la salariée d’acquérir le niveau de formation et de connaissance requis pour occuper le poste revendiqué, notamment en matière d’hygiène, de sécurité et de législation sociale.

S’agissant des fonctions effectivement exercées par la salariée, si celle-ci s’est manifestement investie dans son emploi ainsi qu’elle en justifie (réalisation des inventaires, gestion des commandes, recrutement de Mme [J] en qualité de barmaid qui n’a en définitive pas été concrétisé, gestion des soucis matériels, mise en place des affiches du protocole sanitaire Covid 19, relations avec Mme [I] pour la création des cartes, réservation de clients, création de cocktails, relations pour une programmation (DJ) avec Mme [P] que Mme [M] a elle-même payée), il n’est pas démontré qu’elle ait effectué des « travaux d’exploitation complexe faisant appel au choix des modes d’exécution, à la succession des opérations, et nécessitant des connaissances professionnelles développées ou étendues en raison du nombre et de la complexité des produits et/ou des Services vendus et/ou des moyens et méthodes employés ».

Tout autant, contrairement aux dispositions conventionnelles relatives à l’autonomie, Mme [M] ne prenait pas de décisions avant d’en rendre compte après. Il ressort en effet des échanges de SMS avec son employeur qu’elle le sollicitait avant de les prendre (pièces n° 9 et 10 de l’appelante).

Par ailleurs, l’unique SMS (tronqué) transmis le 8 janvier 2020 à l’employeur ne suffit pas à établir que la salariée était en charge de l’organisation du travail, notamment de celle des autres collaborateurs.

L’AGS justifie en outre que dans le même temps, la société SGBD a embauché à compter du 6 décembre 2019 M. [Y] [N] sous contrat à durée indéterminée en qualité de responsable de salle (pièce 8 de l’AGS).

La circonstance que M. [N] a par son investissement contribué à la réouverture de l’établissement SGBD ne suffit pas à priver de tout effet le contrat de travail conclu en sa faveur.

Mme [M] se prévaut encore de la promesse d’embauche en qualité de manager sous contrat à durée indéterminée que M. [Y] [N], gérant de la brasserie BRM 25 (café Bohème), a signée en sa faveur le 20 décembre 2019 et lui a transmise le 2 janvier 2020.

Mais une telle promesse d’embauche, qui n’émane pas de la société SGBD, ne peut avoir une quelconque incidence sur la classification de la salariée au sein de cette dernière.

Mme [M] n’y a d’ailleurs donné aucune suite et il est manifeste, au vu de ses échanges avec le CRIJ de Bourgogne Franche-Comté, que ce document a été établi pour justifier de l’interruption du stage suivi au Maroc (pièces n° 20 de l’appelante).

Ainsi, il ne résulte pas de l’ensemble de ces éléments que le niveau de compétences de la salariée et les fonctions qu’elle exerçait effectivement remplissaient les critères de classification prévus pour le niveau IV – maîtrise.

Il s’ensuit que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de rappel de salaire présentée par Mme [M], fondée sur sa reclassification au niveau IV – maîtrise.

2- Sur les heures complémentaires :

Aux termes de l’article L. 3171-2 alinéa 1er du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l’employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. En vertu de l’article L. 3171-3 du même code, dans sa version applicable au litige, l’employeur tient à la disposition de l’agent de contrôle de l’inspection du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

Selon l’article L. 3171-4, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter à l’appui de sa demande des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

Au cas présent, à l’appui de sa demande qui ne concerne que les mois de janvier, février, mars et juin 2020, Mme [M] présente essentiellement quatre plannings mensuels mentionnant les jours de travail, les horaires de travail pour chacun de ces jours et quelquefois les tâches spécifiques effectuées (commande, inventaire, plannings, ménage, cartes), deux feuilles de décompte journalier de la durée du travail avec récapitulatif hebdomadaire relatives aux semaines du 1er au 5 janvier et du 6 au 12 janvier et plusieurs courriels, étant rappelé que selon l’avenant signé le 31 décembre 2019, la salariée était soumise à une durée de travail de 25 heures par semaine.

Elle présente dans ses conclusions un décompte des sommes dues, en appliquant les majorations de 10 % pour les heures complémentaires accomplies dans la limite du dixième des heures prévues au contrat de travail (soit pour 2,5 heures par semaine) et de 25 % pour celles accomplies au-delà.

Ces éléments sont suffisamment précis quant aux heures non rémunérées que la salariée prétend avoir accomplies pour permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Le liquidateur judiciaire de l’employeur n’a pas constitué avocat devant la cour et il ne ressort pas des termes de la décision de première instance que l’employeur ait répondu à la demande de la salariée en produisant ses propres éléments, à l’exception de trois feuilles de décompte journalier de la durée du travail avec récapitulatif hebdomadaire relatives aux semaines du 13 au 19 janvier, du 20 au 26 janvier et du 27 janvier au 2 février 2020.

L’AGS produit uniquement ces trois dernières pièces.

S’agissant de la période du 1er janvier au 2 février 2020, la cour dispose donc de l’ensemble des feuilles de décompte journalier de la durée du travail. Ces documents étant signés par la salariée et l’employeur, ils constituent la preuve des heures accomplies.

Il en résulte que la salariée a effectué 2,75 heures complémentaires entre le 1er et le 5 janvier et 11,5 heures complémentaires entre le 6 et le 12 janvier.

Aucun élément n’établissant que l’employeur ait organisé le travail par cycles, il ne peut être tenu compte du fait que la durée hebdomadaire de 25 heures n’a au contraire pas été atteinte les trois semaines suivantes.

S’agissant de la période postérieure, c’est vainement que l’AGS fait valoir que les plannings produits par la salariée ne sont pas contresignés par l’employeur, la salariée ayant uniquement la charge de présenter à l’appui de sa demande des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’elle prétend avoir accomplies.

La circonstance que dans son propre planning du mois de janvier la salariée se soit écartée des heures comptabilisées dans les feuilles de décompte journalier précitées ne permet pas de déduire qu’aucun crédit ne peut être accordé au planning renseigné pour la période postérieure, sachant qu’il n’est contredit par aucun élément au dossier.

Par ailleurs, il ressort suffisamment des courriels et des échanges de SMS produits par la salariée que les heures complémentaires ont été accomplies avec, à tout le moins, l’accord implicite de l’employeur.

Considérant l’ensemble de ces éléments, la cour acquiert la conviction que la salariée a effectué des heures complémentaires et est en mesure de lui allouer la somme de 854,63 euros en paiement des heures complémentaires réalisées entre le 2 janvier 2020 et le 17 juin 2020, outre la somme de 85,46 euros au titre des congés payés afférents, le jugement entrepris étant infirmé de ces chefs.

Ces sommes seront fixées au passif de la liquidation judiciaire de la société SGBD.

3- Sur l’indemnité pour travail dissimulé :

Aux termes de l’article L. 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié, notamment, le fait pour tout employeur de se soustraire intentionnellement à la délivrance d’un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie.

En cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l’article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire, en application de l’article L 8223-1 du code du travail.

Il doit être rappelé que la dissimulation d’emploi salarié prévue par ces textes n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur a agi de manière intentionnelle.

En l’espèce, durant la période d’exécution du contrat, la salariée n’a jamais sollicité une régularisation salariale au titre des heures complémentaires. Elle l’a évoquée pour la première fois dans un courriel du 19 juin 2020, date à compter de laquelle elle n’a plus jamais repris son poste.

La cour relève en outre, à l’examen des décomptes d’heures de travail produits de part et d’autre, que la durée hebdomadaire de 25 heures n’a pas été atteinte certaines semaines (semaines 3, 4, 5, 8 et 25), étant rappelé qu’en raison du confinement l’activité de la société SGBD a été suspendue du 16 mars 2020 au 3 juin 2020 (semaines 12 à 23).

Il n’est dès lors pas établi que l’employeur ait agi de manière intentionnelle, de sorte que le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a rejeté la demande d’indemnité pour travail dissimulé présentée par Mme [M].

4- Sur la demande en dommages-intérêts pour le téléphone cassé :

Mme [H] [M] sollicite la somme de 650 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral et financier, en faisant valoir qu’en l’absence de calculatrice mise à sa disposition sur son lieu de travail, elle a dû inévitablement utiliser son téléphone portable qui a été cassé sur son lieu de travail par une cliente.

Cependant, en l’absence du moindre élément produit en ce sens, elle ne rapporte pas la preuve de ses allégations.

C’est dès lors à juste titre que les premiers juges ont rejeté sa demande, le jugement entrepris étant donc confirmé de ce chef.

5- Sur la demande en dommages-intérêts pour absence de visite médicale d’embauche :

Aux termes des dispositions des articles L. 4624-1 et R. 4624-10 du code du travail dans leur rédaction applicable au litige, tout travailleur bénéficie d’une visite d’information et de prévention réalisée par le médecin du travail ou, sous l’autorité de celui-ci, par le collaborateur médecin mentionné à l’article L. 4623-1, l’interne en médecine du travail ou l’infirmier, dans un délai qui n’excède pas trois mois à compter de la prise effective du poste de travail.

Mme [H] [M] sollicite la somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts pour absence de visite médicale d’embauche, en affirmant que son employeur connaissait sa situation personnelle ainsi que son handicap et que cette situation a immédiatement eu des répercussions sur sa santé, de sorte qu’un avenant au contrat de travail, à hauteur de 25 heures, a été signé le 31 décembre 2019.

Elle produit deux cartes mobilité inclusion (priorité et stationnement pour personnes handicapées) attribuées pour dix ans à compter du 27 avril 2018.

Il n’est toutefois pas établi que l’avenant au contrat réduisant la durée du travail ait été motivé par l’état de santé de la salariée.

En outre, il ressort de la pièce n° 9 communiquée par l’AGS qu’une convocation à un entretien infirmier prévu le jeudi 20 février 2020 à 14h45 a bien été obtenue par l’employeur auprès de AST 25 pour Mme [H] [M] et aucune des parties n’expose la raison pour laquelle ce rendez-vous n’a pas été honoré.

A l’examen des bulletins de paie et des arrêts de travail des 3 et 18 août 2020 produits par l’AGS (ses pièces n° 5 à 7), l’employeur a pris en charge les arrêts de travail prescrits à la salariée du 23 au 26 juin, du 1er au 3 juillet, du 16 juillet au 2 août, du 3 août au 14 août et du 18 au 31 août 2020.

Le seul arrêt de travail communiqué par la salariée est un arrêt de travail initial prescrit du 16 juillet au 2 août 2020 et ainsi que le fait observer avec pertinence l’AGS, la mention « sd anxieux réactionnel » présente une écriture différente de celle du médecin prescripteur.

Mme [M] ne verse aux débats aucun autre document ou certificat médical.

Elle ne justifie pas avoir été placée en arrêt de travail du 19 au 22 juin inclus, ni du 27 au 30 juin, ni du 4 au 15 juillet, ni du 15 au 17 août, ni du 1er au 24 septembre 2020.

Il n’est ainsi pas démontré que les arrêts de travail prescrits de façon non continue soient en lien avec les conditions de travail de la salariée alors qu’elle ne travaille plus depuis le 18 juin 2020 à 1h30, de sorte qu’elle manque à rapporter la preuve du préjudice que lui aurait causé l’absence de visite médicale d’embauche, si tant est que l’employeur en porte la responsabilité.

C’est dès lors à juste titre que les premiers juges ont rejeté la demande en dommages-intérêts présentée à ce titre par Mme [M], le jugement entrepris étant donc aussi confirmé de ce chef.

6- Sur la prise d’acte de la rupture du contrat de travail et ses conséquences :

Le salarié peut prendre acte de la rupture de son contrat de travail si son employeur commet des manquements à ses obligations. La prise d’acte de la rupture du contrat de travail par le salarié entraîne la cessation immédiate de son contrat et la rupture produit les effets soit d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits le justifiaient, soit d’une démission dans le cas contraire.

La rupture n’est justifiée qu’en cas de manquements de l’employeur suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat.

Le salarié doit rapporter la preuve des manquements de l’employeur dont il se prévaut, mais le juge doit examiner l’ensemble des griefs invoqués par le salarié sans se limiter aux seuls griefs mentionnés dans la lettre de prise d’acte, laquelle ne fixe pas les limites du litige.

Au cas présent, la salariée reproché à l’employeur :

– le non-paiement des salaires résultant de sa classification réelle ;

– le non-paiement des heures complémentaires ;

– le refus d’indemnisation de divers préjudices, notamment le préjudice moral et le préjudice financier lié à la casse de son téléphone mobile ;

– l’absence de visite d’embauche, malgré son handicap ;

– le non-renvoi de l’attestation de salaire employeur à la CPAM, lui interdisant de percevoir ses indemnités journalières depuis son arrêt de travail pour maladie du mois de juillet 2020.

Aux termes de ses conclusions, elle évoque également la circonstance qu’elle a été remplacée de manière brutale et humiliante le 19 juin 2020, à la suite de son courriel du même jour auquel l’employeur n’a pas répondu.

Mais à cet égard, Mme [M], qui n’avait déjà pas ouvert l’établissement le 18 juin ainsi qu’elle l’écrit dans son courriel précité, ne justifie pas s’être rendue sur son lieu de travail le 19 juin 2020. A supposer même qu’elle s’y soit rendue, elle ne justifie pas davantage avoir constaté son remplacement, puisque selon sa lettre du 1er juillet elle aurait découvert ce jour-là la présence d’un seul autre salarié ‘ un ancien serveur de la Brasserie 1802 ‘ et que son collègue [T] était lui aussi absent.

Ce grief n’est donc pas caractérisé.

S’agissant du rappel de salaire lié à son reclassement, des préjudices moral et financier allégués et de l’absence de visite médicale d’embauche, la cour a ci-avant écarté les prétentions de Mme [M] à ces titres. Ces griefs infondés ne peuvent donc fonder la prise d’acte de la rupture.

S’agissant de l’attestation de salaire non renvoyée par l’employeur à la caisse primaire, elle était obligatoire, selon le message reçu de l’assurance maladie, pour indemniser l’arrêt de travail du 18 au 31 août 2020. En effet, celui-ci n’était pas un avis de prolongation, comme l’a indiqué par erreur le médecin prescripteur, mais un nouvel avis d’arrêt de travail initial, la salariée ne bénéficiant d’aucun arrêt de travail pour la période du 15 au 17 août.

Cependant, la situation a été régularisée, ainsi qu’il ressort du bulletin de paie communiqué par l’AGS pour le mois d’août 2020, et la salariée ne formule d’ailleurs aucune demande d’indemnisation au titre de cet arrêt de travail.

Il convient d’ajouter que le précédent arrêt de travail du 16 juillet au 14 août 2020 avait bien été pris en charge et qu’en ce qui concerne la période postérieure au 31 août 2020, elle n’est couverte par aucun avis d’arrêt de travail.

Ce grief ne peut davantage être retenu.

Seul, le grief relatif au non-paiement des heures complémentaires est donc constitué.

Cependant, la cour relève que durant la période d’exécution du contrat antérieure au confinement, la salariée n’a jamais sollicité une régularisation salariale au titre des heures complémentaires. La société a rouvert son établissement le 3 juin 2020 et la salariée a repris son poste à cette date. Elle a effectué 2 et 3 heures complémentaires, respectivement du 3 au 7 juin et du 11 au 14 juin 2020, puis elle a travaillé 8 heures la journée du 17 juin 2020. Ce n’est que par courriel du 19 juin 2020, date à compter de laquelle elle n’a plus jamais repris son poste, que la salariée a notamment évoqué des heures impayées et par lettre du 1er juillet 2020 qu’elle a formalisé officiellement ses réclamations financières et sa demande de rupture amiable du contrat de travail.

Mme [M] a donc travaillé, en tout et pour tout, moins de quatre mois ; en outre, la durée hebdomadaire de 25 heures n’a pas été atteinte certaines semaines (semaines 3, 4, 5, 8 et 25) ; quant à la période de confinement du 16 mars 2020 au 3 juin 2020, elle n’a pas été travaillée et la salariée a perçu l’« indemnité activité partielle ».

Ainsi qu’il a été dit, Mme [M] ne justifie pas avoir été placée en arrêt de travail du 19 au 22 juin inclus, ni du 27 au 30 juin, ni du 4 au 15 juillet, ni du 15 au 17 août, ni du 1er au 24 septembre 2020, étant rappelé que la cour a dit qu’il n’était pas démontré que les arrêts de travail discontinus prescrits à l’intéressée soient en lien avec ses conditions de travail.

Dans ces conditions, la cour retient au cas d’espèce que le grief relatif au non-paiement des heures complémentaires, qui est le seul grief constitué, ne constituait pas un manquement suffisamment grave de nature à avoir fait obstacle ou rendu impossible la poursuite entre les parties de l’exécution du contrat de travail.

Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en ce qu’il a retenu que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail s’analysait en une démission et débouté Mme [H] [M] de ses demandes d’indemnité compensatrice de préavis, d’indemnité conventionnelle de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par ailleurs, il n’y a pas lieu, en l’absence de tout litige sur ce point, de rappeler les limites de la garantie de l’AGS, qui procèdent de la loi.

7- Sur les frais irrépétibles et les dépens :

La décision attaquée sera confirmée en ce qu’elle a statué sur les frais irrépétibles de première instance, mais infirmée en ce qu’elle a statué sur les dépens de première instance.

La société SGBD étant en liquidation judiciaire et Mme [H] [M] bénéficiant de l’aide juridictionnelle totale, la demande présentée par celle-ci au titre de ses frais irrépétibles d’appel sera rejetée.

La liquidation judiciaire restant débitrice de la salariée, Maître [E] [B] es qualités sera condamné aux dépens de première instance et d’appel.

8- Sur la demande tendant à l’opposabilité de l’arrêt à intervenir à l’AGS :

L’AGS étant partie à l’instance d’appel et en tout état de cause les décisions de justice lui étant de plein droit opposables en application de l’article L. 3253-15 du code du travail, la demande de Mme [M] tendant à voir juger le présent arrêt opposable à l’AGS est sans objet.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt rendu par défaut mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu’il a rejeté la demande de Mme [H] [M] au titre des heures complémentaires et en ce qu’il a statué sur les dépens de première instance ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Fixe les créances de Mme [H] [M] au passif de la liquidation judiciaire de la société à responsabilité limitée Société gastronomique des bains douches (SGBD) comme suit :

– 854,63 euros au titre des heures complémentaires impayées

– 85,46 euros au titre des congés payés afférents ;

Déboute Mme [H] [M] du surplus de ses prétentions ;

Dit n’y avoir lieu de rappeler les limites de la garantie de l’AGS ;

Dit n’y avoir lieu de faire application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;

Condamne Maître [E] [B] en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société à responsabilité limitée Société gastronomique des bains douches (SGBD) aux dépens de première instance et d’appel.

Ledit arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe le dix novembre deux mille vingt trois et signé par Christophe ESTEVE, Président de chambre, et Mme MERSON GREDLER; Greffière.

LA GREFFIERE, LE PRESIDENT DE CHAMBRE,

 


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