Conséquences d’une irrégularité contractuelle dans le cadre d’un crédit à la consommation

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Conséquences d’une irrégularité contractuelle dans le cadre d’un crédit à la consommation

Offre de contrat de crédit

Le 10 février 2022, la société AXA BANQUE FINANCEMENT a proposé à M. [R] [W] un crédit à la consommation de 15 000 euros, remboursable en 60 mensualités de 268,80 euros, avec un taux d’intérêt annuel nominal de 2,89 % et un taux annuel effectif global de 2,93 %.

Mise en demeure et déchéance du terme

Suite à des mensualités impayées, AXA BANQUE FINANCEMENT a mis en demeure M. [R] [W] par lettre recommandée le 2 août 2022, lui accordant un délai de 10 jours pour régler les sommes dues. Le 30 août 2022, la société a notifié la déchéance du terme et a exigé le remboursement intégral du crédit.

Assignation en justice

Le 29 juin 2023, AXA BANQUE FINANCEMENT a assigné M. [R] [W] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire d’Evry-Courcouronnes pour obtenir le paiement de 14 258,38 euros, incluant des intérêts et des frais.

Audience et moyens de défense

Lors de l’audience du 19 octobre 2023, la présidente a soulevé d’office des questions de nullité du contrat et de déchéance des intérêts. AXA BANQUE FINANCEMENT a reconnu ne pas avoir produit les justificatifs de solvabilité, tandis que M. [R] [W] a demandé des délais de paiement en raison de sa situation financière.

Renvois et nouvelles audiences

L’affaire a été renvoyée à plusieurs reprises, d’abord au 18 janvier 2024, puis au 2 mai 2024, où M. [R] [W] a reconnu sa dette mais a sollicité des délais de paiement. L’affaire a été mise en délibéré au 27 juin 2024, suivie d’une réouverture des débats le 10 septembre 2024.

Jugement et motivations

Le jugement a été rendu le 7 novembre 2024. Le juge a déclaré la demande d’AXA BANQUE FINANCEMENT recevable et a prononcé la nullité du contrat de crédit, en raison de l’absence de date et de signature sur l’offre de prêt. M. [R] [W] a été condamné à rembourser 12 957,68 euros, avec intérêts au taux légal.

Demande de délais de paiement

La demande de M. [R] [W] pour des délais de paiement a été rejetée, le juge considérant que ses ressources étaient insuffisantes pour couvrir la dette dans les délais légaux.

Conclusion du jugement

Le jugement a également débouté AXA BANQUE FINANCEMENT de ses autres demandes et a rappelé que, dans le cadre d’une procédure de surendettement, la créance serait remboursée selon les termes de cette procédure.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

7 novembre 2024
Tribunal judiciaire d’Évry
RG
23/01360
TRIBUNAL JUDICIAIRE d’EVRY
Pôle de proximité
[Adresse 1]
[Localité 4]

N° minute :

Références : R.G N° N° RG 23/01360 – N° Portalis DB3Q-W-B7H-PMOK

JUGEMENT

DU : 07 Novembre 2024

S.A. AXA BANQUE FINANCEMENT

C/

M. [R] [W]

JUGEMENT

Audience publique de ce Tribunal judiciaire, tenue le 07 Novembre 2024.

DEMANDERESSE:

S.A. AXA BANQUE FINANCEMENT
[Adresse 2]
[Localité 6]
représentée par Me François MIGNON, avocat au barreau de PARIS

DEFENDEUR:

Monsieur [R] [W]
[Adresse 3]
[Localité 5]
comparant à l’audience du 02 mai 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Président : Alexia CHABALGOITY, Juge placée
Greffier : Odile GUIDAT, Greffier

DEBATS :

Audience publique du 10 septembre 2024

JUGEMENT :

Contradictoire et en premier ressort, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, par Alexia CHABALGOITY, Juge placée, assistée de Odile GUIDAT, Greffier

Copie exécutoire délivrée le :
À : Me MIGNON + CCC
CCC défendeur

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Suivant offre de contrat n°3300007488 présentée le 10 février 2022, la société AXA BANQUE FINANCEMENT a proposé à M. [R] [W] un crédit à la consommation d’un montant de 15000 euros, remboursable en 60 mensualités de 268,80 euros, moyennant un taux d’intérêt annuel nominal de 2,89 % et un taux annuel effectif global de 2,93 %.

Des mensualités étant restées impayées à leur échéance, la société AXA BANQUE FINANCEMENT a, par lettre recommandée avec accusé de réception du 2 août 2022, mis en demeure M. [R] [W] de s’acquitter des mensualités échues impayées, dans un délai de 10 jours, sous peine de déchéance du terme. Puis, par lettre recommandée avec accusé de réception du 30 août 2022, la société AXA BANQUE FINANCEMENT lui a finalement notifié la déchéance du terme, et l’a mis en demeure de rembourser l’intégralité du crédit.

Par acte de commissaire de justice du 29 juin 2023, la société AXA BANQUE FINANCEMENT a fait assigner M. [R] [W] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire d’Evry-Courcouronnes, afin d’obtenir sa condamnation à lui payer les sommes suivantes :
14258,38 € au titre de l’intégralité des sommes restant dues en exécution du contrat du 10 février 2022, outre intérêts au taux contractuel de 2,93 % à compter de la mise en demeure jusqu’au jour du parfait paiement sur une somme de 13 595,54 € et au taux légal pour le surplus,760 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, et statuer ce que de droit sur les dépens.
L’affaire a été appelée à l’audience du 19 octobre 2023, où la présidente a relevé d’office les moyens tirés de la nullité du contrat et de la déchéance du droit aux intérêts.

A cette audience, la société AXA BANQUE FINANCEMENT, représentée par son conseil, a indiqué ne pas être en mesure de produire le justificatif de consultation du FICP ainsi que les pièces justificatives de la solvabilité. Elle a précisé que le premier incident non régularisé de paiement était daté du 7 mars 2022. Elle a sollicité le renvoi pour un éventuel désistement de l’affaire. M. [R] [W], comparant assisté de son fils, M. [S] [W], n’a pas formulé d’observations.

L’examen de l’affaire a été renvoyé à l’audience du 18 janvier 2024 puis, à la demande de la société AXA BANQUE FINANCEMENT, à l’audience du 2 mai 2024.

A l’audience, la société AXA BANQUE FINANCEMENT, représentée par son conseil, sollicite le bénéfice de son assignation et indique s’opposer aux délais de paiement.

M. [R] [W], comparant assisté de sa fille Mme [X] [W], reconnaît le principe de sa dette mais sollicite des délais de paiement compte tenu de sa situation financière. Il propose de s’acquitter de la somme de 150 € par mois. Il précise qu’il perçoit l’AAH à hauteur de 900 €, une allocation de pôle emploi à hauteur de 400 € et une allocation logement.

L’affaire a été mise en délibéré au 27 juin 2024, puis a fait l’objet d’une réouverture des débats à l’audience du 10 septembre 2024 pour production par le demandeur des pièces visées à son bordereau.

A l’audience, la société AXA BANQUE FINANCEMENT, représentée par son conseil, dépose ses pièces.

Monsieur [R] [W], bien que régulièrement convoqué, n’a pas comparu.

L’affaire a été mise en délibéré au 7 novembre 2024, où le présent jugement a été rendu par mise à disposition au greffe.

MOTIVATION

Selon l’article R.632-1 du code de la consommation, le juge peut relever d’office tous les moyens tirés de l’application des dispositions de ce code.

Il convient donc, en l’espèce, d’appliquer d’office au contrat litigieux les dispositions du code de la consommation, dans leur numérotation et rédaction en vigueur au 10 février 2022, sur lesquelles les parties ont été en mesure de présenter leurs observations, conformément aux dispositions de l’article 16 du code de procédure civile.

Sur la recevabilité de la demande

La forclusion de l’action en paiement d’un crédit à la consommation est une fin de non-recevoir qui doit être relevée d’office par le juge comme étant d’ordre public, en vertu de l’article 125 du code de procédure civile.

Selon l’article R. 312-35 du code de la consommation, les actions en paiement engagées devant le tribunal judiciaire à l’occasion de la défaillance de l’emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l’événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion.

Cet événement est caractérisé par le non-paiement des sommes dues à la suite de la résiliation du contrat ou de son terme, le premier incident de paiement non régularisé, le dépassement non régularisé du montant total du crédit consenti dans le cadre d’un contrat de crédit renouvelable ou le dépassement, du découvert tacitement accepté ou de l’autorisation de découvert convenue au sens du 13° de l’article L. 311-1 du code de la consommation, non régularisé à l’issue du délai de 3 mois prévu à l’article L. 312-93 du même code sans proposition par le prêteur d’un autre type d’opération de crédit au sens du 4° de l’article L. 311-1 précité.

Au regard des pièces produites aux débats, en particulier le contrat et l’historique de compte, il apparaît que la présente action a été engagée avant l’expiration d’un délai de deux années à compter du premier incident de paiement non régularisé (7 mai 2022).

La demande de la société AXA BANQUE FINANCEMENT est par conséquent recevable.

Sur l’opposabilité du contrat de crédit à M. [R] [W]

Aux termes de l’article 1353 du Code civil celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. En application de l’article 1359 du code civil, les obligations d’un montant supérieur à 1.500 € se prouvent par écrit, a fortiori quand le contrat est soumis à un formalisme impératif d’ordre public.

Selon l’article 1361 du code civil, il peut être suppléé à l’écrit par l’aveu judiciaire, le serment décisoire ou un commencement de preuve par écrit corroboré par un autre moyen de preuve.

Selon l’article 1362 du même code, constitue un commencement de preuve par écrit tout écrit qui, émanant de celui qui conteste un acte ou de celui qu’il représente, rend vraisemblable ce qui est allégué, étant précisé que le juge peut considérer que la non-comparution d’une partie constitue un commencement de preuve par écrit.

Une vérification minimale de ce que la demande est bien fondée en matière contractuelle consiste à s’assurer que le défendeur à l’instance est bien celui qui a conclu le contrat dont le demandeur sollicite l’exécution. Dès lors, le juge entend statuer sur l’imputabilité du contrat à M. [R] [W].

En l’espèce, l’offre de prêt produite n’est pas signée par [R] [W].

Néanmoins, [R] [W] a comparu à l’ensemble des audiences, à l’exception de l’audience tenue sur réouverture des débats. Au cours des audiences, il n’a pas contesté le principe ni le montant de la dette et a sollicité des délais de paiement.

Par ailleurs, il ressort des pièces produites, et notamment de l’historique de compte et du décompte actualisé, que M. [R] [W] a réglé les deux premières échéances du crédit.

Ces éléments concordants suffisent à démontrer l’existence d’un contrat de prêt entre les parties.

Sur la nullité du contrat

Aux termes de l’article L.312-25 alinéas 1 et 2 du code de la consommation, pendant un délai de sept jours à compter de l’acceptation du contrat par l’emprunteur, aucun paiement, sous quelque forme et à quelque titre que ce soit, ne peut être fait par le prêteur à l’emprunteur ou pour le compte de celui-ci, ni par l’emprunteur au prêteur. Pendant ce même délai, l’emprunteur ne peut non plus faire, au titre de l’opération en cause, aucun dépôt au profit du prêteur ou pour le compte de celui-ci.

Le non respect de cette interdiction est sanctionné par la nullité du contrat de prêt par application de l’article 6 du Code civil.

En l’espèce, il est constant que l’offre de contrat a été présentée le 10 février 2022 et était valable 15 jours à compter de cette date. L’absence de date et de signature sur l’offre de prêt ne permet pas de déterminer la date d’acceptation du contrat par l’emprunteur. En conséquence, il ne peut être démontré que la mise à disposition des fonds le 18 février 2022 est intervenue postérieurement au délai de sept jours prévus par l’article précité.

Le consommateur ne peut renoncer au bénéfice de ces dispositions d’ordre public, de sorte que ni l’utilisation des fonds, ni le remboursement d’échéances ne sont donc de nature à en couvrir le non-respect.

Il s’en suit que le prêt personnel litigieux est affecté d’une cause de nullité.

Dès lors, les parties doivent être remises dans l’état antérieur à la formation du contrat, de sorte que M. [R] [W] doit restituer les fonds prêtés et la société AXA BANQUE FINANCEMENT l’ensemble des sommes payées.

La créance de la société AXA BANQUE FINANCEMENT s’établit donc comme suit :

somme mise à disposition : 15 000 €➢moins les versements réalisés : 2 042,32 €
soit un TOTAL restant dû de 12 957,68 € au titre du solde du contrat de prêt, sous réserve des versements postérieurs et/ou non pris en compte dans le décompte en date du 12 mai 2023.

En conséquence, il convient de condamner M. [R] [W] à payer à la société AXA BANQUE FINANCEMENT la somme de 12 957,68 € au titre du solde du contrat de prêt n°3300007488, avec intérêts au taux légal à compter de la décision.

Sur la demande de délais de paiement

En vertu de l’article 1343-5 nouveau du code civil, le juge peut, dans la limite de deux années, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues, compte-tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier.

En l’espèce, M. [R] [W] justifie de ressources et de propositions d’apurement trop faibles au regard de l’importance de la dette, qui ne permettent pas de solder la présente dette dans les délais légaux. En effet, il déclare percevoir l’AAH à hauteur de 900 € par mois et 400 € d’allocation Pôle emploi. Il propose de s’acquitter de la somme de 150 € par mois, alors même que l’octroi de délais de paiement à hauteur du maximum légal de 24 mois le contraindrait à s’acquitter de la somme de 539,90 €.

La demande de délais de paiement de M. [R] [W] sera ainsi écartée.

PAR CES MOTIFS

La juge des contentieux de la protection, statuant après débats publics, par jugement mis à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort,

DECLARE la société AXA BANQUE FINANCEMENT recevable en ses demandes ;

PRONONCE la nullité du contrat de crédit n°3300007488 conclu entre la société AXA BANQUE FINANCEMENT et Monsieur [R] [W] selon offre de crédit présenter le 10 février 2022 ;

En conséquence,

CONDAMNE Monsieur [R] [W] à payer à la société AXA BANQUE FINANCEMENT la somme de 12 957,68 € (douze-mille neuf-cent-cinquante-sept euros et soixante-huit centimes) pour solde du contrat de crédit, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

REJETTE la demande de délais de paiement présentée par Monsieur [R] [W],

DÉBOUTE la société AXA BANQUE FINANCEMENT de ses autres demandes ;

RAPPELLE qu’en cas de mise en place d’une procédure de surendettement, la créance sera remboursée selon les termes et conditions fixées dans la dite procédure ;

DÉBOUTE la société AXA BANQUE FINANCEMENT de sa demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Monsieur [R] [W] aux entiers dépens de l’instance ;

RAPPELLE l’exécution provisoire de la présente décision ;

LE PRÉSENT JUGEMENT A ÉTÉ SIGNE PAR LA JUGE ET LA GREFFIERE PRÉSENTES LORS DU PRONONCE

La GREFFIERE La JUGE


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