Conséquences d’un manquement aux obligations contractuelles dans le cadre d’un prêt personnel et d’un compte débiteur

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Conséquences d’un manquement aux obligations contractuelles dans le cadre d’un prêt personnel et d’un compte débiteur

M. [S] [I] a ouvert un compte-courant auprès de la CAISSE DE CREDIT MUTUEL [Localité 2] le 31 janvier 2020. Le 5 janvier 2022, il a contracté un prêt personnel de 24.300 euros, remboursable en 84 mensualités. Son compte est devenu débiteur, et la banque lui a envoyé une lettre le 13 juillet 2023 pour exiger le règlement du solde débiteur, suivie d’une clôture de compte le 3 août 2023. M. [S] [I] a également cessé de rembourser le prêt, entraînant une mise en demeure le 13 juillet 2023 et une déchéance du terme le 25 septembre 2023. La CAISSE DE CREDIT MUTUEL a assigné M. [S] [I] devant le juge des contentieux de la protection le 15 mars 2024, demandant la constatation de l’inexécution de ses obligations et le paiement de diverses sommes. Lors de l’audience du 4 juillet 2024, M. [S] [I] n’était pas présent. Le jugement a prononcé la déchéance des droits aux intérêts de la banque pour le compte et le prêt, condamnant M. [S] [I] à rembourser 357,99 euros pour le compte débiteur et 19.648,07 euros pour le prêt, sans intérêts, et a débouté la banque de sa demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

8 octobre 2024
Tribunal judiciaire de Toulouse
RG
24/01438
TRIBUNAL JUDICIAIRE
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 2]

NAC: 53B

N° RG 24/01438 – N° Portalis DBX4-W-B7I-SZUW

JUGEMENT

N° B

DU : 08 Octobre 2024

S.C. LA CAISSE DE CREDIT MUTUEL [Localité 2]

C/

[S] [I]

Expédition revêtue de
la formule exécutoire
délivrée le 08 Octobre 2024

à Me Nabil KESSEIRI

Expédition délivrée
à toutes les parties

JUGEMENT

Le Mardi 08 Octobre 2024, le Tribunal judiciaire de TOULOUSE,

Sous la présidence de Florence LEBON, Vice Présidente au Tribunal judiciaire de TOULOUSE, chargée des contentieux de la protection statuant en matière civile, assistée de Anne-Christelle PELLETIER Greffier, lors des débats et Fanny ACHIGAR Greffier chargé des opérations de mise à disposition.
Après débats à l’audience du 04 Juillet 2024, a rendu la décision suivante, mise à disposition conformément à l’article 450 et suivants du Code de Procédure Civile, les parties ayant été avisées préalablement ;

ENTRE :

DEMANDERESSE

S.C. LA CAISSE DE CREDIT MUTUEL [Localité 2], dont le siège social est sis [Adresse 1] – [Localité 2]

représentée par Me Nabil KESSEIRI, avocat au barreau de TOULOUSE

ET

DÉFENDEUR

M. [S] [I], demeurant [Adresse 3]

non comparant, ni représenté

RAPPEL DES FAITS

Suivant convention de compte de dépôt du 31 janvier 2020, M. [S] [I] a ouvert un compte-courant n°00020999301 auprès de la CAISSE DE CREDIT MUTUEL [Localité 2].

En parallèle, suivant offre préalable acceptée le 05 janvier 2022, la CAISSE DE CREDIT MUTUEL [Localité 2] a consenti à M. [S] [I] un prêt personnel d’un montant de 24.300 euros, remboursable en 84 mensualités d’un montant de 335,03 euros, au taux de 2,86% par an, hors contrat d’assurance.

Le compte de M. [S] [I] est devenu débiteur. Se prévalant du solde débiteur persistant sur ce compte, la CAISSE DE CREDIT MUTUEL [Localité 2] lui a adressé le 13 juillet 2023 une lettre le sommant de régler le solde débiteur de son compte, à peine de clôture de son compte. Par suite, la CAISSE DE CREDIT MUTUEL [Localité 2] lui a adressé un courrier du 03 août 2023 par lequel elle a clôturé le compte et réclamé le solde débiteur.

M. [S] [I] ayant également cessé de faire face aux échéances du crédit, la CAISSE DE CREDIT MUTUEL [Localité 2] lui a adressé une lettre de mise en demeure de régler leurs échéances impayées en date du 13 juillet 2023, restée sans effet. Par suite, la CAISSE DE CREDIT MUTUEL [Localité 2] lui a adressé un courrier du 25 septembre 2023 par lequel elle a prononcé la déchéance du terme du contrat de prêt.

Par acte de commissaire de justice en date du 15 mars 2024, la CAISSE DE CREDIT MUTUEL [Localité 2] a ensuite fait assigner M. [S] [I] devant le juge des contentieux de la protection de Toulouse pour obtenir, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, de :
– s’entendre constater l’inexécution par M. [S] [I] de ses obligations contractuelles le liant la CAISSE DE CREDIT MUTUEL [Localité 2] ,
– juger les créances certaines, liquides et exigibles,
en conséquence ,
– s’entendre condamner M. [S] [I] au paiement des sommes suivantes :
– 455,04 euros pour le compte débiteur, avec intérêts au taux contractuel à compter du 17 février 2024,
-23.067,64 euros pour le prêt personnel, outre les intérêts de retard contractuels et assurances à compter du 17 février 2024,
– 1000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.

A l’audience du 04 juillet 2024, la CAISSE DE CREDIT MUTUEL [Localité 2], représentée par son conseil, se réfère oralement à son assignation et maintient ses demandes. Interrogée sur le respect des diverses obligations édictées par le Code de la consommation, la CAISSE DE CREDIT MUTUEL [Localité 2] se défend de toute irrégularité.

Convoqués par acte de commissaire de justice remis à étude le 15 mars 2024,
M. [S] [I] n’est ni présent ni représenté.

L’affaire a été mise en délibéré au 08 octobre 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

En application de l’article 472 du code de procédure civile, en l’absence du défendeur, le Tribunal ne fait droit à la demande que s’il l’estime recevable, régulière et bien fondée.

A titre liminaire il convient de préciser que les demandes de la CAISSE DE CREDIT MUTUEL [Localité 2] aux fins de s’entendre constater l’inexécution par
M. [S] [I] de ses obligations contractuelles le liant la CAISSE DE CREDIT MUTUEL [Localité 2] et de juger les créances certaines, liquides et exigibles, ne sont pas des prétentions que le juge doit trancher mais des moyens. Il n’a donc pas lieu de statuer sur ces demandes.

Il est rappelé que l’article R632-1 du code de la consommation permet au tribunal de relever d’office les moyens tirés de l’application du code de la consommation. Par ailleurs, la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union Européenne impose au juge national d’examiner d’office l’existence de violations de ses obligations par le prêteur afin de garantir l’effectivité de l’objectif de protection du consommateur poursuivi par la directive 2008/48/CE (cf. notamment CJUE, C-679/18, OPR FINANCE SRO, 05/03/2020).

II. SUR LA DEMANDE EN PAIEMENT AU TITRE DU SOLDE DEBITEUR

– Sur le découvert tacitement accepté

L’article L. 311-1 13° du code de la consommation définit le dépassement comme le « découvert tacitement accepté en vertu duquel un prêteur autorise l’emprunteur à disposer de fonds qui dépassent le solde de son compte de dépôt ou de l’autorisation de découvert convenue ».

Aux termes de l’article L312-92 du code de la consommation, lorsqu’un dépassement significatif se prolonge au-delà d’un mois, le prêteur informe l’emprunteur, sans délai, par écrit ou sur un autre support durable du montant du dépassement, du taux débiteur et de tous frais ou intérêts sur arriérés qui sont applicables.

En l’espèce, l’historique du compte produit fait apparaître un dépassement qui a débuté
le 10 mars 2023 alors que la convention de compte signée le 31 janvier 2020 ne prévoit aucune autorisation de découvert, et s’est poursuivi jusqu’au 03 août 2023, date de clôture du compte.
Ainsi le dépassement tacitement accepté s’est prolongé au-delà de trois mois, délai à partir duquel une offre de crédit est en principe obligatoire, le prêteur ayant la possibilité soit de régulariser la situation en proposant sans délai à l’emprunteur un autre type d’opération de crédit (article L312-93 du code de la consommation) soit de mettre fin à l’opération de manière anticipée en adressant à l’emprunteur une mise en demeure de régulariser la situation à peine de résiliation du compte.

A défaut d’entreprendre « sans délai » l’une ou l’autre de ces actions, le banquier est déchu du droit aux intérêts (article L341-9 du code de la consommation).

Une lettre recommandée a été adressée à M. [S] [I] le 13 juillet 2023 (AR revenue pli avisé non réclamé) pour lui demander le règlement de la somme de 459,23 euros. Ainsi la première mise en demeure exigée par la loi n’a été envoyée qu’à cette date soit plus de quatre mois après le début du dépassement de sorte que le banquier n’a pas accompli les formalités exigées de manière suffisamment diligente, outre qu’aux termes de ce courrier la banque ne propose ni un autre type d’opération de crédit ni ne précise que la régularisation doit intervenir à peine de résiliation du compte.

Dès lors, par application de l’article L341-9 du code de la consommation, le prêteur doit être déchu de son droit aux intérêts conventionnels.

– Sur les conséquences de la déchéance du droit aux intérêts

En application de l’article L.341-8 du même code, lorsque le prêteur est déchu du droit aux intérêts dans les conditions prévues aux articles L. 341-1 à L. 341-7, l’emprunteur n’est tenu qu’au seul remboursement du capital suivant l’échéancier prévu, ainsi que, le cas échéant, au paiement des intérêts dont le prêteur n’a pas été déchu. Les sommes déjà perçues par le prêteur au titre des intérêts, qui sont productives d’intérêts au taux de l’intérêt légal à compter du jour de leur versement, sont restituées par le prêteur ou imputées sur le capital restant dû.

Cette déchéance s’étend à tous les accessoires des intérêts contractuels, notamment les frais et pénalités de toute nature applicable au titre du dépassement.

Pour fixer les sommes dues par l’emprunteur, il convient de déduire du montant du découvert à la clôture du compte l’ensemble des frais et intérêts prélevés sur ce compte.

En l’espèce, l’examen des relevés de compte produits par la CAISSE DE CREDIT MUTUEL [Localité 2], non contestés par définition par le défendeur non comparant, conduit à arrêter la créance du prêteur comme suit :

Montant du découvert au 10 août 2023 (455,44 euros) – Frais et intérêts à déduire (97,45 euros) = 357,99 euros.

Par conséquent, M. [S] [I] sera condamné à payer à la CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE DE MIDI-PYRENEES la somme de 357,99 euros au titre du solde débiteur.

En outre, concernant les intérêts, il résulte des pièces versées aux débats que les montants susceptibles d’être effectivement perçus par le prêteur au titre des intérêts au taux légal majoré de cinq points, nonobstant la déchéance du droit aux intérêts ne seraient pas significativement inférieurs à ceux dont celui-ci pourrait bénéficier s’il avait respecté ses obligations découlant de la directive 2008/48 de sorte que la sanction de la déchéance du droit aux intérêts ne revêt pas de caractère effectif et dissuasif.

Afin d’assurer l’effet de la directive 2008/48 du Parlement européen et du Conseil notamment de son article 23, et par conséquent le caractère effectif et dissuasif de la sanction de la déchéance du droit aux intérêts, il convient donc de ne pas faire application de l’article 1231-6 du code civil et de l’article L.313-3 du code monétaire et financier en disant que la somme restant due en capital portera intérêts au taux légal sans majoration de cinq points à compter du 17 février 2024.

III. SUR LA DEMANDE EN PAIEMENT AU TITRE DU CONTRAT DE CREDIT

Aux termes de l’article 1353 du Code civil celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

Il appartient donc au créancier qui réclame des sommes au titre d’un crédit à la consommation de justifier des sommes dues et de la régularité de l’opération, en produisant spontanément les documents nécessaires.

En l’espèce, la CAISSE DE CREDIT MUTUEL [Localité 2] produit, au soutien de ses demandes :
– L’offre préalable de crédit signée par M. [S] [I] le 05 janvier 2022,
– La fiche d’informations précontractuelles européenne normalisée (RIPEN) dont remise est attestée,
– La fiche de dialogue sur les revenus et charges de l’emprunteur, son avis d’imposition établi en 2021 sur revenus 2020, son bulletin de paie de novembre 2021.
– Le tableau d’amortissement du prêt,
– la consultation du FICP en date du 05 janvier 2022
– La lettre de mise en demeure par courrier recommandé avec accusé de réception du 19 avril 2022 sommant M. [S] [I] de régler sa dette à peine de déchéance du terme du crédit,
– La lettre du 13 juillet 2023 de mise en demeure de régler les échéances impayées
(AR revenue pli avisé et non réclamé) et la lettre recommandée en date du
25 septembre 2023 prononçant la déchéance du terme (Retour de l’AR non produit) ,
– Un décompte de la créance,
– Un historique des opérations effectuées sur le compte.

– Sur la régularité du contrat de prêt

a) Sur la vérification de la solvabilité

En application de l’article L.312-16, avant de conclure le contrat de crédit et au plus tard sept jours après la signature de l’offre de crédit, le prêteur vérifie la solvabilité de l’emprunteur à partir d’un nombre suffisant d’informations, y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur, étant précisé que « de simples déclarations non étayées faites par un consommateur ne peuvent, en elles-mêmes, être qualifiées de suffisantes si elles ne sont pas accompagnées de pièces justificatives » (CJUE, 4e ch., 18 décembre 2014, aff. C-449/13, § 37). Le prêteur consulte le fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP).

L’article L341-2 prévoit que le prêteur qui n’a pas respecté les obligations fixées aux articles L. 312-14 et L. 312-16 est déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge.

En l’espèce, la vérification aurait du être d’autant plus complète que le contrat portait sur un montant non négligeable de 24.300€. Or le prêteur ne justifie avoir recueilli aucun élément objectif sur les charges de l’intéressé et aucune fiche de dialogue n’est produite. Cette vérification apparaît insuffisante au regard des enjeux du contrat

En conséquence, il convient de déchoir la société la CAISSE DE CREDIT MUTUEL [Localité 2] de son droit aux intérêts.

b- Sur la remise de la notice d’assurance

Aux termes de l’article L.312-29 du code de la consommation, lorsque l’offre de contrat de crédit est assortie d’une proposition d’assurance, une notice est remise à l’emprunteur, qui comporte les extraits des conditions générales de l’assurance le concernant, notamment les nom et adresse de l’assureur, la durée, les risques couverts et ceux qui sont exclus.

La charge de la preuve de l’existence de cette notice d’assurance et de sa remise repose sur l’organisme prêteur, lequel doit non seulement rapporter la preuve de l’existence de cette fiche mais encore de ce que sa teneur répond aux exigences de l’article précité.

Selon l’arrêt de la Cour de justice de l’union européenne du 18 décembre 2014 (C-449/13 CA CONSUMER FINANCE SA c. BAKKAUS, SAVARY et BONATO), les dispositions de la directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du
23 avril 2008, s’opposent à ce que le juge doive considérer que le consommateur a reconnu la pleine et correcte exécution des obligations précontractuelles incombant au prêteur en raison d’une clause type, laquelle entraîne un renversement de la charge de la preuve de l’exécution des dites obligations de nature à compromettre l’effectivité des droits reconnus par la directive 2008/48. La cour a expliqué qu’il  » ressort de l’article 22, § 3 de la directive 2008/48 qu’une telle clause ne peut permettre au prêteur de contourner ses obligations et qu’elle ne constitue qu’un indice qu’il incombe au prêteur de corroborer par un ou plusieurs éléments de preuve pertinents.  »

A défaut de production de la notice de prévue par l’article L.312-29, la déchéance du droit aux intérêts doit être prononcée par application de l’article L341-4 du même code.

En l’espèce, l’offre de crédit comporte l’adhésion à l’assurance facultative signée par l’emprunteur et comprend une clause selon laquelle celui-ci reconnaît avoir eu un exemplaire de la notice d’assurance. Toutefois aucune notice d’assurance n’est versée au débat par le prêteur.

En conséquence, il convient de déchoir la société la CAISSE DE CREDIT MUTUEL [Localité 2] de son droit aux intérêts.

– Sur les conséquences de la déchéance du droit aux intérêts et le montant de la créance

Les articles L312-39 et D312-16 du code de la consommation prévoient qu’en cas de défaillance de l’emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu’à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt. En outre, le prêteur peut demander à l’emprunteur défaillant une indemnité égale à 8% du capital restant dû à la date de défaillance, sans préjudice de l’application de l’article 1231-5 et 1231 du code civil.

En application de l’article L.341-8 du même code, lorsque le prêteur est déchu du droit aux intérêts dans les conditions prévues aux articles L. 341-1 à L. 341-7, l’emprunteur n’est tenu qu’au seul remboursement du capital suivant l’échéancier prévu, ainsi que, le cas échéant, au paiement des intérêts dont le prêteur n’a pas été déchu. Les sommes déjà perçues par le prêteur au titre des intérêts, qui sont productives d’intérêts au taux de l’intérêt légal à compter du jour de leur versement, sont restituées par le prêteur ou imputées sur le capital restant dû.

La jurisprudence nationale étend cette déchéance à tous les accessoires des intérêts contractuels, à savoir les frais de toute nature mais également les primes d’assurance (cf. notamment Civ. 1ère, 31/03/2011, n° 09-69963 et CA Paris, 29/09/2011, Pôle 04 ch. 09 n°10/01284).

Cette limitation légale de la créance du prêteur déchu du droit aux intérêts exclut qu’il puisse prétendre au paiement de l’indemnité légale de 8 %.

Du fait de la déchéance du droit aux intérêts prononcée antérieurement, les sommes versées jusqu’au 25 mai 2022 l’ont été au titre du capital exclusivement. Pour fixer les sommes dues par l’emprunteur, il convient alors de déduire du capital versé l’ensemble des sommes versées à quelque titre que ce soit par l’emprunteur depuis l’origine.

En l’espèce, les sommes dues se limiteront dès lors à la différence entre le montant effectivement débloqué au profit de M. [S] [I] (24.300€) et les règlements effectués (4657,93€), tels qu’ils résultent du décompte des sommes dues au 16 février 2024 et de l’historique du compte fournis par le prêteur, soit 19.648,07€ et à l’exclusion de toute autre somme notamment la clause pénale et des assurances.

Par conséquent, M. [S] [I] sera condamné à payer à la CAISSE DE CREDIT MUTUEL [Localité 2] la somme de 19.648,07€ , au titre du capital restant dû.

Bien que déchu de son droit aux intérêts, le prêteur est fondé, en vertu de l’article 1231-6 du Code civil, à réclamer à l’emprunteur le paiement des intérêts au taux légal sur le capital restant dû à compter de la mise en demeure, le taux d’intérêt étant en principe majoré de plein-droit deux mois après le caractère exécutoire de la décision de justice.

Cependant par arrêt du 27 mars 2014, la Cour de Justice de l’Union Européenne (affaire C-565/12, Le Crédit Lyonnais SA/Fesih Kalhan) a dit pour droit que l’article 23 de la directive 2008/48 s’oppose à l’application d’intérêts au taux légal lesquels sont en outre majorés de plein-droit deux mois après le caractère exécutoire d’une décision de justice prononçant la déchéance du droit aux intérêts si « les montants susceptibles d’être effectivement perçus par le prêteur à la suite de l’application de la sanction de la déchéance des intérêts ne sont pas significativement inférieurs à ceux dont celui-ci pourrait bénéficier s’il avait respecté » ses obligations découlant de ladite directive. La Cour de Justice a ainsi indiqué que « si la sanction de la déchéance des intérêts se trouvait affaiblie, voire purement et simplement annihilée, en raison du fait que l’application des intérêts au taux légal majoré est susceptible de compenser les effets d’une telle sanction, il en découlerait nécessairement que celle-ci ne présente pas un caractère véritablement dissuasif » (point 52).

En l’espèce, le taux légal est fixé à 4,92 % au 2ème semestre 2024 lorsque le créancier est un professionnel, tandis que le taux contractuel est fixé à 2,86 %. Il résulte de ces éléments que les montants susceptibles d’être effectivement perçus par le prêteur au titre des intérêts au taux légal majoré de cinq points ou même au seul taux légal, nonobstant la déchéance des intérêts, ne sont pas inférieurs à ceux dont celui-ci pourrait bénéficier s’il avait respecté ses obligations découlant de la directive 2008/48.

Afin d’assurer l’effet de la directive 2008/48 notamment de son article 23, et par conséquent le caractère effectif et dissuasif de la sanction de la déchéance du droit aux intérêts, il convient d’écarter toute application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil ainsi que celle de l’article L. 313-3 du code monétaire et financier, et de dire que cette somme ne produira aucun intérêt, même au taux légal.

V. SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES

M. [S] [I] , partie perdante, supportera la charge des dépens, conformément à l’article 696 du code de procédure civile.

L’équité et la situation économique des parties commandent de dispenser M. [S] [I] du paiement des frais irrépétibles exposés par le prêteur, tel que permis par l’article 700 du code de procédure civile.

En application de l’article 514 du code de procédure civile, la présente décision est de plein droit exécutoire à titre provisoire.

PAR CES MOTIFS,

Le juge des contentieux de la protection, par mise à disposition au greffe, par jugement réputé contradictoire et en premier ressort,

PRONONCE la déchéance totale du droit aux intérêts de la CAISSE DE CREDIT MUTUEL [Localité 2] concernant le compte-bancaire n°00020999301 ouvert par la convention du 31 janvier 2020 ;

CONDAMNE M. [S] [I] à payer à la CAISSE DE CREDIT MUTUEL [Localité 2] la somme de 357,99 euros au titre du solde débiteur du compte-bancaire n°00020999301 avec intérêts au taux legal à compter du 17 février 2024 ;

ÉCARTE l’application de l’article L. 313-3 du Code monétaire et financier qui prévoit la majoration de 5 points du taux d’intérêt légal deux mois à compter du jour où la décision de justice est devenu devenue exécutoire ;

PRONONCE la déchéance totale du droit aux intérêts contractuels de la CAISSE DE CREDIT MUTUEL [Localité 2] concernant le contrat n°102780220000020999317 du 05 janvier 2022 ;

CONDAMNE M. [S] [I] à payer à la CAISSE DE CREDIT MUTUEL [Localité 2] la somme de 19.648,07€ au titre de ce contrat ;

DIT que cette somme ne portera pas intérêts ;

DEBOUTE la CAISSE DE CREDIT MUTUEL [Localité 2] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [S] [I] aux dépens ;

RAPPELLE que la présente décision est exécutoire à titre provisoire ;

Le Greffier La Vice -Présidente


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