Conséquences des manquements contractuels dans le cadre d’une procédure de liquidation

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Conséquences des manquements contractuels dans le cadre d’une procédure de liquidation

Le 10 octobre 2017, M. [S] [I] et M. [X] [H] signent un contrat de maîtrise d’œuvre pour la construction d’une maison avec piscine, avec une rémunération de 25 581,60 euros. M. [I] confie à l’entreprise de M. [V] [M] la réalisation de la piscine et du gros œuvre pour 36 696,20 euros. En juin 2019, un ordre de reprise des travaux est envoyé à M. [M], qui a reçu des acomptes totalisant 48 705,36 euros. Un constat d’huissier révèle l’arrêt des travaux. M. [I] découvre que M. [M] est radié depuis le 22 juin 2019 et dépose plainte pour escroquerie. M. [H] propose un règlement amiable, mais M. [I] demande le remboursement des honoraires et acomptes versés. En avril 2022, le tribunal constate la résiliation du contrat pour faute grave de M. [H] et le condamne à rembourser M. [I] pour les honoraires et acomptes, tout en déboutant M. [I] de sa demande de préjudice locatif. M. [H] fait appel, contestando la gravité des manquements qui lui sont reprochés. En juillet 2022, M. [H] est placé en liquidation judiciaire. M. [I] déclare une créance dans cette procédure. En octobre 2023, la cour d’appel ordonne la régularisation de la procédure et la réouverture des débats. M. [I] demande des dommages et intérêts pour manque à gagner locatif, tandis que M. [H] conteste la responsabilité qui lui est imputée.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

24 septembre 2024
Cour d’appel de Pau
RG
22/01581
AB/CD

Numéro 24/02851

COUR D’APPEL DE PAU

1ère Chambre

ARRÊT DU 24/09/2024

Dossier : N° RG 22/01581 – N°��Portalis DBVV-V-B7G-IHJY

Nature affaire :

Demande en nullité d’un contrat tendant à la réalisation de travaux de construction

Affaire :

[X] [H]

C/

[S] [I],

SELARL EKIP

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 24 Septembre 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l’audience publique tenue le 10 Juin 2024, devant :

Madame BLANCHARD, magistrate chargée du rapport,

assistée de Madame DEBON, faisan fonction de greffière présente à l’appel des causes,

Madame BLANCHARD, en application des articles 805 et 907 du code de procédure civile et à défaut d’opposition a tenu l’audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame FAURE, Présidente

Madame BLANCHARD, Conseillère

Madame REHM, Magistrate honoraire

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l’affaire opposant :

APPELANT :

Monsieur [X] [H]

né le 17 novembre 1967 à [Localité 9]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représenté et assisté de Maître GACHIE de la SELARL THOMAS GACHIE, avocat au barreau de MONT-DE-MARSAN

INTIMES :

Monsieur [S] [I]

né le 11 septembre 1948 à [Localité 8]

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Localité 7]

Représenté et assisté de Maître DUTIN de la SELARL DUTIN FREDERIC, avocat au barreau de MONT-DE-MARSAN

SELARL EKIP

prise en la personne de son représentant légal, ès qualités de liquidateur de Monsieur [X] [H], domicilié ès qualités audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

Assignée

sur appel de la décision

en date du 27 AVRIL 2022

rendue par le TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MONT DE MARSAN

RG numéro : 21/00110

EXPOSE DU LITIGE :

Le 10 octobre 2017, M. [S] [I], maître d’ouvrage, et M. [X] [H] ont conclu un contrat de maîtrise d’oeuvre portant sur la construction d’une maison individuelle avec piscine, située [Adresse 3] à [Localité 7].

Pour cette mission, une rémunération forfaitaire de 25 581,60 euros a été fixée.

Selon trois devis du 15 janvier 2018, M. [I] a confié par le biais de M. [H] à l’entreprise de maçonnerie de M. [V] [M], la réalisation de la piscine et du gros oeuvre pour un montant total de 36 696,20 euros TTC.

Par courrier du 21 juin 2019, M. [H] et M. [I] ont adressé à M. [M] un ordre de reprise des travaux, rappelant le versement d’acomptes pour une somme totale de 48 705,36 euros.

Un constat d’huissier a été dressé le 7 août 2019 afin de constater l’arrêt du chantier au stade des fondations et des murs extérieurs.

Après recherches, M. [I] s’est aperçu que l’entreprise individuelle de M. [M] était radiée depuis le 22 juin 2019.

Le 20 février 2020, M. [I] a déposé plainte contre M. [M] et M. [H] pour escroquerie.

Le 21 février 2020, M. [H] a proposé à M. [I] un accord de règlement amiable aux termes duquel il proposait la prise en charge directe de certains postes de travaux pour la somme de 13 262,38 euros, en compensation du surcroît d’honoraires perçu suite à l’abandon du chantier de M. [M].

Le 15 mai 2020, M. [I] a demandé à M. [H] le remboursement des honoraires versés en faisant état de manquements multiples au contrat.

Par courrier recommandé du 16 décembre 2020, le conseil de M. [I] a mis en demeure M. [H] de régler à M. [I] les sommes suivantes : 24 302,52 euros au titre des honoraires indûment encaissés, 48 705,36 euros au titre des acomptes versés à tort à M. [M], 69 400 euros au titre du manque à gagner des loyers qu’il aurait dû percevoir de la location du bien.

Par courrier du 29 décembre 2020, le conseil de M. [H] s’est opposé à ces demandes.

Par acte du 2 février 2021, M. [I] a fait assigner M. [H] devant le Tribunal judiciaire de Mont-de-Marsan aux fins de voir constater les manquements du maître d’oeuvre au contrat, de voir constater la résiliation du contrat de maîtrise d’oeuvre et de se voir indemniser de ses préjudices.

Suivant jugement contradictoire du 27 avril 2022 (RG 21/00110), le tribunal judiciaire de Mont-de-Marsan a :

– constaté que le contrat de maîtrise d »uvre conclu entre M. [I] et M. [H] le 10 octobre 2017 a été résilié unilatéralement par M. [I] pour faute grave de M. [H] ;

– débouté M. [H] de sa demande de résolution judiciaire aux torts de M. [I] ;

– condamné M. [H] à verser à M. [I] les sommes suivantes :

– 24 302,52 euros au titre de son préjudice financier pour les honoraires versés,

– 48 705,36 euros au titre de son préjudice financier pour les acomptes versés,

– débouté M. [I] de sa demande au titre du préjudice locatif ;

– débouté M. [H] de ses demandes reconventionnelles de dommages et intérêts ;

– condamné M. [H] à verser à M. [I] une somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– débouté M. [H] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné M. [H] aux dépens ;

– rejeté les prétentions plus amples ou contraires ;

– rappelé que l’exécution provisoire est de droit en application de l’article 514 du code de procédure civile.

Le tribunal a considéré que :

– il ressort du courrier de M. [H] à M. [M] du 21 juin 2019 et des déclarations de M. [H] lors du constat d’huissier du 7 août 2019, que M. [I] a versé la somme totale de 48 705,36 euros à titre d’acompte sur le second oeuvre et que M. [M] a cessé d’intervenir sur le chantier en fin d’année 2018 pour ne plus y revenir,

– M. [H], qui avait pour mission de réaliser un appel d’offres des intervenants du chantier et des devis descriptifs quantitatifs et estimatifs, ne justifie pas de la consultation de plusieurs entreprises et ne produit aucun devis signé par M. [I] concernant la charpente et le second oeuvre confiés à M. [M],

– M. [H] ne peut prétendre que M. [I] a directement conclu avec M. [M] alors que les trois devis concernant le gros oeuvre sont à son nom et que sa mission englobe clairement l’appel d’offres concernant les intervenants au chantier,

– M. [H] ne justifie pas avoir établi un avant-projet,

– M. [H] ne s’est pas fait remettre l’attestation d’assurance couvrant la responsabilité professionnelle de chaque intervenant, obligation pourtant prévue dans le contrat de maîtrise d’oeuvre, qui en cas de manquement, constitue une faute susceptible d’engager sa responsabilité civile professionnelle et décennale,

– il ne sera pas reproché à M. [H] d’avoir proposé, suivant devis du 18 septembre 2019, l’entreprise ATR à M. [I], puisqu’aucun élément ne permet de démontrer que cette entreprise était notoirement insolvable au moment du devis,

– M. [H] a manqué à son obligation d’assistance au paiement en ce qu’il a déclenché le paiement d’acomptes conséquents alors que le chantier connaissait déjà un retard au niveau de la charpente,

– M. [H], alors que le chantier a été arrêté en fin d’année 2018, n’a mis en demeure M. [M] de reprendre le chantier que par courrier du 21 juin 2019 et n’a proposé un autre intervenant qu’en septembre 2019, de sorte qu’il n’a pas satisfait à son obligation de suivi du chantier et des délais de livraison,

– il ne peut être reproché à M. [H] de ne pas avoir contrôlé les malfaçons du chantier puisqu’aucun désordre n’est prouvé,

– les divers manquements de M. [H], essence même de la mission de maître d’oeuvre, revêtent une gravité suffisante pour justifier la rupture unilatérale du contrat par M. [I],

– M. [I] a subi un préjudice financier en rémunérant M. [H] alors que celui-ci n’a pas exercé sa mission et les obligations afférentes, de sorte qu’il devra lui verser la somme de 24 302,52 euros au titre de son préjudice pour les honoraires versés,

– M. [I] a subi un préjudice financier en lien direct avec le déblocage prématuré, par M. [H], des paiements d’acomptes à M. [M], de sorte qu’il devra lui verser la somme de 48 705,36 euros au titre du préjudice subi pour les acomptes versés,

– M. [I] ne justifie d’aucun élément permettant d’établir que le bien construit était à usage de location saisonnière et qu’il a ainsi subi un préjudice de perte locative en raison du retard du chantier,

– la clause pénale est inapplicable en raison de la résiliation imputable aux fautes du maître d’oeuvre,

– aucun abus de droit d’ester en justice n’est démontré à l’encontre de M. [I] qui a usé des voies de droit qui lui sont ouvertes, sans mauvaise foi.

Par déclaration d’appel du 7 juin 2022, M. [X] [H] a interjeté appel du jugement rendu en ce qu’il a :

– constaté que le contrat de maîtrise d’oeuvre conclu entre M. [I] et M. [H] le 10 octobre 2017 a été résilié unilatéralement par M. [I] pour faute grave de M. [H] ;

– débouté M. [H] de sa demande de résolution judiciaire aux torts de M. [I] ;

– condamné M. [H] à verser à M. [I] les sommes de 24 302,52 euros au titre du préjudice financier pour les honoraires versés, 48 705,36 euros au titre de son préjudice financier pour les acomptes versés ;

– débouté M. [H] de ses demandes reconventionnelles de dommages et intérêts, a condamné M. [H] à verser à M. [I] une somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné M. [H] aux dépens ;

– rejeté les prétentions plus amples ou contraires.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 7 septembre 2022, auxquelles il est expressément fait référence, M. [X] [H], appelant, demande à la cour de :

Vu le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Mont-de-Marsan le 27 avril 2022,

Vu l’appel principal interjeté par M. [X] [H],

– Déclarer recevable et bien fondé l’appel principal de M. [H],

– Infirmant le jugement du tribunal judiciaire de Mont-de-Marsan du 27 avril 2022,

– Débouter M. [I] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

– Condamner M. [I] à payer à M. [H] la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,

– Condamner M. [I] à payer à M. [H] la somme de 9 209,37 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel,

– Condamner M. [I] à payer à M. [H] la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance,

– Condamner M. [I] aux entiers dépens de première instance,

– Ajoutant au jugement du tribunal judiciaire de Mont-de-Marsan du 27 avril 2022,

– Condamner M. [I] à payer à M. [H] la somme de 3 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en appel,

– Condamner M. [I] aux entiers dépens d’appel.

Au soutien de son appel, M. [X] [H] fait valoir :

– que M. [I] succombe dans l’administration de la preuve lui incombant s’agissant de la gravité des manquements de M. [H] à ses obligations contractuelles,

– que le rôle du maître d’oeuvre est d’assister le maître de l’ouvrage pour contracter avec une autre entreprise et non pas de se substituer à l’entreprise défaillante.

– qu’en l’état de l’abandon du chantier, M. [I] n’aurait en tout état de cause, pu bénéficier d’aucune garantie de la part de l’assurance de M. [M] ; que par ailleurs, le point de départ de la garantie est la réception du chantier qui est inexistante en raison de l’abandon du chantier ; de sorte que M. [I] ne peut justifier d’aucune perte de chance d’être garanti des conséquences dommageables de l’abandon du chantier ou des malfaçons alléguées,

– que la réalité des malfaçons alléguées n’est aucunement justifiée et qu’elles relèveraient, dans tous les cas, d’un défaut d’exécution qui serait de la responsabilité exclusive de l’entreprise exécutante et non d’un défaut de conception des travaux imputable au maître d’oeuvre,

– qu’en application des dispositions contractuelles qui constituent une clause d’exclusion de responsabilité, M. [H] ne peut se voir imputer un éventuel retard en raison de l’abandon du chantier par une entreprise exécutante,

– que M. [H] n’a commis aucune faute en adressant les règlements reçus du client à M. [M] ; que le trop-perçu n’est apparu qu’en raison de la situation d’abandon de chantier de M. [M],

– que M. [H] est victime d’un véritable abus d’ester en justice qui est de nature à engager la responsabilité extracontractuelle de M. [I] en raison du préjudice moral subi,

– qu’il y a lieu de faire application de la clause pénale expressément prévue au contrat de maîtrise d »uvre en cas de résiliation à l’initiative du maître de l’ouvrage non justifiée par le comportement fautif du maître d »uvre.

L’activité de M. [H] a fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Mont de Marsan le 8 juillet 2022.

Le 30 novembre 2022, M. [I] a fait assigner en intervention forcée la SELARL Ekip’, ès qualités de liquidateur de M. [H].

Cette procédure, enrôlée sous le numéro RG 22/3220 a fait l’objet d’une jonction par ordonnance du 9 mars 2023, avec la première procédure enrôlée sous le numéro RG 22/1581 sous lequel l’affaire est poursuivie.

Par un arrêt avant dire droit du 31 octobre 2023, la Cour d’appel de Pau a :

– constaté l’interruption de l’instance ;

– ordonné la révocation de l’ordonnance de clôture du 30 août 2023 ;

– enjoint à M. [I] de régulariser la procédure en communiquant dans le délai de 2 mois à compter du présent arrêt sa déclaration de créance effectuée entre les mains de la SELARL Ekip’ en qualité de liquidateur de M. [H] ;

– invité les parties à conclure sur la recevabilité de la demande de dommages et intérêts de M. [H] ;

– ordonné la réouverture des débats et le renvoi de l’affaire à l’audience de mise en état du mercredi 7 février 2024 ;

– sursis à statuer sur toutes les demandes ;

– réservé les dépens jusqu’en fin de cause.

M. [I] a justifié de sa déclaration de créance au passif de la liquidation de M. [H], laquelle a été effectuée le 26 juillet 2022 pour un montant total de 75 007,80 € TTC.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 29 janvier 2024, auxquelles il est expressément fait référence, M. [S] [I], intimé, demande à la cour de :

Vu l’article 1103 du code civil ;

Vu l’article 12-17 du code civil ;

Vu les articles 1231-1 et suivants du code civil ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile ;

– Juger M. [I] bien fondé en son assignation d’appel en cause de la SELARL Ekip’ ès qualités de liquidateur de M. [H] dans la procédure pendante devant la Cour d’appel de Pau, Première Chambre, sous le numéro RG 22/01581,

– Infirmer le jugement dont appel en ce qu’il a débouté M. [I] de sa demande de condamnation de M. [H] à lui verser la somme de 72 400 euros à titre de dommages et intérêts venant compenser le manque à gagner locatif,

– Déclarer M. [I] bien fondé dans sa demande de dommages et intérêts venant compenser le manque à gagner locatif,

– Déclarer M. [H] responsable du préjudice subi par M. [I] tenant au manque à gagner locatif,

– Fixer à la somme de 72 400 euros le montant de la créance de M. [H] au titre des dommages et intérêts venant compenser le manque à gagner locatif ;

– Confirmer le jugement dont appel pour le surplus ;

Y ajoutant,

– Fixer la créance de M. [I] à la somme de 152 407 euros décomposée comme suit :

– 24 302,52 euros à titre de remboursement des honoraires indûment encaissés par M. [H],

– 48 705,36 euros à titre de remboursement des acomptes versés à tort à M. [M],

– 72 400 euros à titre de dommages et intérêts venant compenser le manque à gagner locatif,

– 2 000 euros au titre de la condamnation de première instance sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamner la SELARL Ekip’ ès qualités de liquidateur de M. [H] à verser à M. [I] la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamner la SELARL Ekip’ ès qualités de liquidateur de M. [H] aux entiers dépens d’appel.

Sur les demandes reconventionnelles de Monsieur [H],

A titre principal :

– Constater l’irrecevabilité des demandes personnelles de M. [H] en raison de l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire,

A titre subsidiaire :

– Débouter M. [H] de l’ensemble de ses demandes indemnitaires.

Au soutien de ses conclusions, M. [S] [I] fait valoir :

– que M. [H] n’a pas respecté sa mission complète de maître d’oeuvre, notamment s’agissant de la réalisation d’un avant-projet, de l’appel d’offres des intervenants sur chantier, de la réalisation et du suivi du planning d’avancement des travaux et de la coordination des intervenants sur chantier,

– que M. [H], lors de son audition dans le cadre de la plainte déposée par M. [I] le 20 février 2020, a avoué avoir été mis en relation avec l’entreprise de M. [M] en 2018, ce qui permet d’affirmer qu’il n’a jamais pris soin de réaliser un appel d’offres en application du contrat,

– qu’aucun planning d’avancement de travaux n’a été réalisé, ni aucune réunion n’a été tenue sur le chantier, de sorte qu’une coordination des intervenants sur le chantier était impossible,

– que M. [H] n’a pas vérifié que l’entreprise était dûment assurée et n’a jamais transmis au maître d’ouvrage d’attestation d’assurance,

– que M. [H] a gravement manqué à son devoir de conseil en choisissant un entrepreneur défaillant et incompétent, à savoir, M. [M], mais également l’entreprise ATR qui se trouvait en très grandes difficultés financières ; que le choix d’une entreprise notoirement insolvable est constitutif d’une faute,

– que M. [H] a commis une faute grave en versant la totalité des montants à M. [M], à savoir, cinq chèques pour un montant total de 84 913,56 euros ; alors que les devis s’élevaient à la somme de 36 228,20 euros,

– que M. [H] ne justifie pas d’un planning de travaux ni de réunions de chantier permettant de contrôler l’avancement du chantier, de sorte qu’il a également manqué à ses obligations de ce chef,

– que les travaux réalisés par l’entreprise de maçonnerie présentent de nombreuses malfaçons,

– que M. [I] n’a pu faire effectuer la fin des travaux qu’en juillet 2022, alors que le délai de construction était fixé à 12 mois à compter du jour de l’implantation de la construction, soit jusqu’au second trimestre 2019,

– que la responsabilité de M. [H] peut être engagée au titre des honoraires indûment encaissés, des acomptes versés à tort à M. [M] et du manque à gagner au titre des loyers qui auraient été payés si le délai de construction avait été respecté,

– que M. [H] qui se distingue de M. [M] qui a abandonné le chantier de M. [I], a manqué gravement à plusieurs obligations prévues dans le contrat de maîtrise d »uvre du 10 octobre 2017, de sorte que la résolution unilatérale et l’indemnisation des préjudices subis sont justifiés,

– qu’en application de l’article L. 641-9 du code de commerce, le liquidateur étant seul habilité à agir en justice au nom du débiteur, M. [H] est irrecevable à formuler des demandes indemnitaires dont il serait le bénéficiaire,

– que M. [I] utilise, en toute bonne foi, les voies de droit qui lui sont offertes ; que M. [H] ne démontre aucunement l’existence d’un tel abus.

La SELARL EKIP’ ès qualités de liquidateur de M. [H] n’a pas constitué avocat.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 15 mai 2024.

MOTIFS :

Sur la recevabilité des demandes de M. [H] :

M. [H] a interjeté appel du jugement l’ayant condamné au paiement de diverses sommes et a conclu au fond avant l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire à son encontre.

Le liquidateur judiciaire de M. [H] n’a pas constitué avocat ni conclu malgré son intervention forcée à la procédure.

Or, le débiteur en liquidation judiciaire est dessaisi de l’administration et de la disposition de ses biens dont les droits et actions sur son patrimoine sont exercés par le liquidateur en vertu de l’article L. 641-9 du code de commerce, et est irrecevable à engager seul une action en justice et présenter des demandes en paiement.

Si l’appel de M. [H] reste recevable puisque l’appelant avait la capacité juridique de faire ce recours à la date de déclaration d’appel, ses demandes en paiement formées dans le cadre de son appel principal sont irrecevables, comme le soutient M. [I].

En revanche, ce débiteur conserve le droit propre de se défendre à une instance d’appel en cours afférente à un jugement l’ayant condamné au paiement de sommes (Cass. com., 24 mai 2023, n° 21-22.398, publié).

Lorsque le débiteur a interjeté appel et conclu au fond avant l’ouverture de la procédure collective, la cour est tenue, après reprise de l’instance en présence du liquidateur, d’examiner les moyens d’infirmation du jugement opposés par le débiteur qui dispose d’un droit propre d’exercer un recours contre les décisions le condamnant au paiement de sommes à l’un de ses créanciers (Com. 1er juillet 2020, n° 19-11134).

En conséquence, la cour reste saisie des moyens d’infirmation présentés par M. [H] avant son placement en liquidation judiciaire.

Sur les manquements reprochés à M. [H] :

Les parties reprennent devant la cour leur prétentions et les moyens en fait et en droit de première instance.

En l’absence d’élément nouveau soumis à son appréciation, la cour estime que le premier juge a fait une exacte appréciation des faits de la cause et des droits des parties, en relevant par des motifs pertinents qu’elle adopte et au détail desquels il est renvoyé, notamment que :

– M. [H] avait manqué à ses obligations lors de l’établissement de l’appel d’offre et du choix des intervenant du chantier, ne justifiant ni de la consultation de plusieurs entreprises, ni d’un quelconque devis signé avec M. [M] pour la charpente et le second oeuvre,

– M. [H] avait manqué à son obligation d’assistance du maître de l’ouvrage quant aux paiements, en sollicitant le versement d’un acompte important de 48 705,36 € sans devis et en présence d’un retard de chantier déjà important,

– M. [H] avait manqué à ses obligations de suivi du chantier et des délais de livraison, en ne justifiant d’aucun planning ni réunion de chantier, en tardant à mettre en demeure M. [M] de reprendre le chantier plus de six mois après son abandon, et en ne proposant un autre intervenant qu’en septembre 2019 alors que la maison devait être livrée au 30 juin 2019.

C’est à juste titre que le premier juste a estimé que ces manquements étaient d’une gravité suffisante pour justifier la résiliation unilatérale du contrat de maîtrise d’oeuvre par M. [I] aux torts de M. [H], en application des dispositions de l’article 1126 du code civil. Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur le préjudice subi par M. [I] :

En conséquence de la résiliation intervenue, le jugement déféré a ordonné à M. [H] de restituer à M. [I] les honoraires de maîtrise d’oeuvre indûment perçus à hauteur de 24 302,52 €.

Compte tenu de la procédure collective en cours, cette somme sera fixée au passif de la liquidation de M. [H].

M. [I] justifie également avoir versé à M. [M], sur demande de M. [H] dans le cadre des demandes de déblocage de fonds, la somme de 48 705,36 € en octobre 2019 à titre d’acompte sur des postes de charpente et second oeuvre alors qu’il est constant que ces prestations n’ont jamais été exécutées et que l’entreprise de M. [M] a disparu.

M. [H] est directement à l’origine du préjudice financier subi par M. [I] au regard de ses manquements dans le choix des prestataires et le suivi de ceux-ci.

Le jugement ayant condamné celui-ci à payer à M. [I] la somme de 48 705,36 € à titre de dommages-intérêts en application de l’article 1231-1 du code civil sera en conséquence confirmé, sauf à dire que cette somme fera l’objet d’une fixation au passif de la liquidation de M. [H].

Par ailleurs, M. [I] sollicite l’indemnisation d’un préjudice locatif à hauteur de 72 400 € en expliquant que la maison faisant l’objet du chantier était destinée à la location.

Outre le fait que cette créance n’a pas été déclarée au passif de la liquidation de M. [H], et serait donc inopposable à la procédure collective, la cour estime comme le premier juge que l’intention de M. [I] de faire construire le bien pour le donner à bail n’est pas entré dans le champ contractuel des parties, puisqu’au contraire le contrat de maîtrise d’oeuvre vise un « projet de construction destiné à la vente ».

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de M. [I] au titre du préjudice locatif.

Sur le surplus des demandes :

M. [H] étant succombant, le jugement entrepris sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles, sauf à dire que :

– les dépens de première instance et d’appel seront passés en frais privilégiés de la procédure collective de M. [H],

– la somme de 2 000 € allouée à M. [I] au titre des frais irrépétibles de première instance fera l’objet d’une fixation au passif de la liquidation, en tant que créance antérieure à celle-ci.

La SELARL EKIP’ ès qualités de liquidateur de M. [H] sera par ailleurs condamnée à payer à M. [I] la somme de 2 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,

Déclare irrecevables les demandes en paiement de M. [H] présentées dans le cadre de son appel principal, au regard de la procédure collective dont il fait l’objet,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf à dire que les sommes auxquelles M. [H] a été condamné au profit de M. [I] seront fixées au passif de la liquidation judiciaire de M. [H],

y ajoutant,

Condamne la SELARL EKIP’ ès qualités de liquidateur de M. [H] à payer à M. [I] la somme de 2 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles exposés en appel,

Dit que les dépens de première instance et d’appel seront passés en frais privilégiés de la procédure collective de M. [H].

Le présent arrêt a été signé par Mme FAURE, Présidente, et par Mme DEBON, faisant fonction de Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

Carole DEBON Caroline FAURE


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