Conséquences de l’absence de réponse dans le cadre de la procédure de décompte définitif dans les marchés privés de travaux

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Conséquences de l’absence de réponse dans le cadre de la procédure de décompte définitif dans les marchés privés de travaux

La SEMCODA a confié à la SARL Rey Frères la réalisation de travaux de plomberie et de chauffage-ventilation pour un projet de construction de 68 logements. Après la réception des travaux en juin 2017, des réserves ont été émises. En août 2018, la SARL Rey Frères a contesté une retenue de 22’986,56 € pour absence de justificatifs. En avril 2019, elle a demandé le paiement du solde du marché, arguant que la SEMCODA avait tacitement accepté sa réclamation. La SEMCODA a rejeté cette demande, affirmant que la SARL Rey Frères n’avait pas contesté les pénalités dans le délai imparti. En avril 2021, la SARL Rey Frères a assigné la SEMCODA en paiement. Le tribunal a jugé la SARL Rey Frères irrecevable dans ses demandes et l’a condamnée à payer des dépens. La SARL Rey Frères a fait appel, soutenant que la SEMCODA avait émis des mémoires de travaux tardifs et que la retenue était injustifiée. La SEMCODA n’a pas conclu dans le délai imparti. La cour a confirmé le jugement de première instance et a condamné la SARL Rey Frères aux dépens de l’appel.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

11 septembre 2024
Cour d’appel de Lyon
RG
22/02691
N° RG 22/02691 – N° Portalis DBVX-V-B7G-OHPV

Décision du Tribunal de Commerce de BOURG-EN-BRESSE au fond

du 11 mars 2022

RG : 21/03388

S.A.R.L. REY FRERES

C/

S.A. SEMCODA EMENT DE L’AIN (SEMCODA)

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE LYON

8ème chambre

ARRÊT DU 11 Septembre 2024

APPELANTE :

La société REY FRERES, SARL au capital de 12 000 €, immatriculée au RCS de CHAMBERY sous le n° 746 820 265, dont le siège est situé [Adresse 1], prise en la personne de son gérant en exercice domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me David PAYET-MORICE, avocat au barreau de LYON, toque : 1358

INTIMÉE :

La société SOCIETE D’ECONOMIE MIXTE DE CONSTRUCTION DU DEPARTEMENT DE L’AIN (SEMCODA), SA d’économie mixte au capital social de 46 256 100 €, immatriculée au RCS de [Localité 4] sous le n° 759 200 751, dont le siège social est situé [Adresse 2], prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Stéphane LAPALUT de la SELARL QUARTESE JURIDIQUE ET CONTENTIEUX, avocat au barreau de LYON, toque : 563

* * * * * *

Date de clôture de l’instruction : 13 Février 2023

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 02 Avril 2024

Date de mise à disposition : 29 Mai 2024 prorogée au 11 Septembre 2024

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

– Bénédicte BOISSELET, président

– Véronique MASSON-BESSOU, conseiller

– Véronique DRAHI, conseiller

assistés pendant les débats de William BOUKADIA, greffier

A l’audience, un membre de la cour a fait le rapport,

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Bénédicte BOISSELET, président, et par William BOUKADIA, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

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EXPOSÉ DU LITIGE

La Société d’Économie Mixte de Construction du Département de l’Ain (ci-après SEMCODA) a entrepris, sous la maîtrise d »uvre du cabinet RCA Ruby Curis Associés, la construction de 68 logements collectifs, ainsi que des locaux tertiaires, à [Localité 3].

Suivant deux actes d’engagement signés le 30 décembre 2014, la SEMCODA a confié à la SARL Rey Frères les lots 170 «’plomberie’» et 210 «’chauffage-ventilation’» respectivement aux prix de 286’651,20 € TTC et 337’508,40 € TTC.

Le 1er juin 2017, les parties ont signé un procès-verbal de réception comportant une série de réserves.

Par lettre recommandée du 6 août 2018, la SARL Rey Frères a, en réponse à une notification reçue le 24 juillet 2018 concernant son mémoire définitif pour le lot 170 et au visa de l’article 19.6.3 de la norme NF P03-001, fait connaître à la SEMCODA ses observations, à savoir une contestation de la retenue opérée pour la somme globale de 22’986,56 € en l’absence de tout justificatif s’y rapportant.

Par lettre recommandée de son conseil en date du 23 avril 2019, la SARL Rey Frères a réclamé le paiement du solde du marché, sans la retenue de 22’986,56 €, en faisant valoir que le maître de l’ouvrage est, en application de l’article 19.6.4 de la norme NF P03-001, considéré comme ayant accepté sa réclamation en l’absence de réponse de sa part dans les 30 jours.

Par lettre recommandée en réponse du 17 juin 2019, la SEMCODA s’est opposée à cette demande en rappelant que la SARL Rey Frères lui avait transmis le projet de décompte général définitif en décembre 2017, qu’en réponse, elle avait transmis à l’entrepreneur le mémoire définitif vérifié par le maître d »uvre le 27 mars 2018 avec une retenue de 38’309,36 € HT justifiée par des devis et factures et, qu’en réponse aux observations de l’entrepreneur reçues le 23 avril 2018, elle avait répondu par courrier du 22 mai 2018, soit dans le délai de 30 jours. Elle en conclut que l’entrepreneur n’a pas contesté les pénalités appliquées dans le délai fixé à l’article 19.6.3 de la norme dont le point de départ est l’envoi du mémoire initial du 27 mars 2018 et non celui rectifié du 24 juillet 2018.

En l’absence d’accord des parties, la SARL Rey Frères a, par exploit du 22 avril 2021, fait assigner la SEMCODA en paiement et, par jugement contradictoire rendu le 11 mars 2022, le Tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse a’:

Jugé la SARL Rey Frères irrecevable dans ses demandes ;

Condamné la SARL Rey Frères à payer à la Société d’Économie Mixte de Construction du Département de l’Ain- SEMCODA la somme de 2’500 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Rejeté toutes autres demandes ;

Condamné la SARL Rey Frères aux entiers dépens de l’instance ;

Liquidé les dépens prévus par l’article 701 du Code de procédure civile à la somme de 69,59 € TTC (dont TVA : 11,60 €).

Le tribunal a retenu en substance’:

Qu’en vertu de la norme NFP 03-001, librement acceptée par les parties et qui s’applique sans restriction, exception ou extension, c’est à l’entreprise de lancer la procédure de règlement final’;

Que la SARL Rey Frères a lancé la procédure d’établissement de son décompte le 22 décembre 2017 et que les parties ont ensuite échangé leurs observations dans les délais de 30 jours prévues aux articles 19.6 entre le 27 mars et le 22 mai 2018′;

Que la SARL Rey Frères n’est pas fondée à se prévaloir de la jurisprudence des juridictions administratives conduisant à considérer que l’envoi du 24 juillet 2018 par la SEMCODA de mémoires de travaux modifiés a annulé le premier mémoire du 27 mars et relancé la procédure de règlement final du marché, inapplicables en droit privé’;

Que la norme NFP 03-001 ne prévoit en aucun cas que les délais des articles 19.5 et 19.6 puissent courir une seconde fois et qu’en tout état de cause, l’entrepreneur n’a notifié qu’une seule fois son projet de mémoire en décembre 2017.

Par déclaration en date du 12 avril 2022, la SARL Rey Frères a relevé appel de cette décision en tous ses chefs.

***

Aux termes de ses écritures remises au greffe par voie électronique le 9 juin 2022 (conclusions d’appelant), la SARL Rey Frères demande à la cour’:

Vu l’article 1103 du Code civil,

Vu le Cahier des clauses administratives générales applicables aux travaux de bâtiment faisant l’objet de marché privés (CCAG) de la norme NF P 03-001,

1°) REFORMER le jugement rendu le 11 mars 2022 par le Tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse (RG n° 21 03388) pour les chefs de jugement suivants : (reprise dispositif du jugement) et pour tout autre chef causant grief à la Société Rey Frères ;

2°) CONDAMNER la Société d’Économie Mixte de Construction du Département de l’Ain (SEMCODA) à payer à la Société Rey Frères la somme de 23’487,42 € HT ;

3°) REJETER toutes demandes ou prétentions contraire ;

4°) DIRE ET JUGER que les condamnations porteront intérêts au taux légal à compter du 6 septembre 2018 avec capitalisation en application des articles 1343 et suivants du Code civil ;

5°) DIRE ET JUGER qu’aucune circonstance de l’affaire n’est incompatible avec l’exécution provisoire de droit qui s’attachera au jugement à intervenir ;

6°) CONDAMNER la SEMCODA aux dépens de première instance et d’appel ;

7°) CONDAMNER la SEMCODA à payer à la Société Rey Frères une indemnité de 5’000 € en application de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Elle y fait valoir que la SEMCODA lui a adressé ses mémoires de travaux en juillet 2018, soit les décomptes définitifs au sens de l’article 19.6 de la norme NFP 03-001 auquel le marché est soumis en application de l’article 2 du cahier des clauses administratives particulières de l’opération. Elle indique avoir contesté ce décompte le 6 août 2018 en l’absence de justificatifs de la retenue opérée, sans que la SEMCODA n’y réponde de sorte qu’elle est réputée avoir accepté ses observations en application de l’article 19.6.4. Elle relève que la réponse de la SEMCODA du 12 octobre 2018 est tardive et elle réclame en conséquence le solde du marché, sans imputation de la retenue litigieuse.

Elle critique la décision de première instance qui a considéré que le décompte définitif se trouvait figé en mai 2018. Elle estime que cette analyse est erronée puisque la SEMCODA, en émettant un nouveau mémoire de travaux, a annulé et remplacé le précédent. Elle cite des jurisprudences administratives en ce sens, admettant la remise en cause de l’intangibilité de la procédure par une manifestation de volonté des parties. Elle conteste l’absence d’application de ces jurisprudences à des marchés privés puisque la portée de la norme est la même, soit une portée de nature contractuelle.

Elle relève qu’en tout état de cause, c’est la notification du décompte général, et non le mémoire définitif préalable de l’entreprise, qui est au centre du déclenchement de la procédure. Elle souligne à cet égard que le non-respect du délai de 60 jours pour que l’entreprise notifie son mémoire définitif préalable n’est pas sanctionné.

Sur le fond, elle fait valoir que la retenue litigieuse est injustifiée, d’abord parce qu’aucun justificatif ne vient démontrer son bien-fondé, son imputabilité et son quantum, ensuite parque les factures de nettoyage invoquées sont couvertes par le compte prorata. Or, elle relève que le gestionnaire de ce compte n’atteste pas de sommes dues à ce titre.

Elle relève également que les deux sinistres constatés le 6 avril 2017 dans les logements 5032/5022 et 4032/4023 ne peuvent donner lieu à retenues. Elle expose que le premier a été garanti par l’Auxiliaire qui a indemnisé la SEMCODA alors qu’elle a toujours soutenu que les fuites sont apparues après les travaux et résultent du fait d’un tiers. Elle fait valoir que le second est imputable au titulaire du lot étanchéité. Elle souligne qu’aucune réserve n’a été émise au sujet de ces sinistres au stade de la réception, ce qui démontre l’absence de lien entre les travaux qu’elle a réalisé et ces sinistres et en tout cas, le fait que le maître de l’ouvrage a renoncé à poursuivre sa responsabilité (désordre connu non réservé).

***

La SEMCODA, qui a constitué avocat le 6 mai 2022, n’a pas conclu dans le délai prévu à l’article 909 du Code de procédure civile.

Il est renvoyé aux écritures de l’appelante pour plus ample exposé des moyens venant à l’appui de ses prétentions.

MOTIFS,

La cour rappelle que le dernier alinéa de l’article 954 du Code de procédure civile prévoit que la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s’en approprier les motifs.

En l’espèce, la SEMCODA n’a pas conclu dans le délai qui lui était imparti par l’article 909 du Code de procédure civile, soit dans les 3 mois des conclusions de la partie appelante. Il s’ensuit que la société intimée est réputée demander la confirmation du jugement et s’en approprier les motifs.

La cour relève en outre que si les pièces produites par l’intimé en première instance ne restent pas acquises aux débats et sont irrecevables en vertu du dernier alinéa de l’article 906 tel qu’interprété par la jurisprudence, l’appelant produit celles des pièces adverses qu’il vise dans ses écritures comme il sera précisé ci-après.

Sur la demande en paiement’:

La norme Afnor NF P 03-001, qui constitue un cahier des clauses administratives générales (CCAG) applicables aux marchés de travaux privés diffusé par l’association française de normalisation, est applicable aux marchés qui s’y réfère.

En vertu de l’article 19.5.1 de cette norme, l’entrepreneur remet au maître d »uvre le mémoire définitif des sommes qu’il estime lui être dues en application du marché.

Les articles 19.6.1 et suivants de cette norme prévoient ensuite une procédure d’établissement du décompte définitif en vertu de laquelle, le maître d »uvre examine le mémoire définitif et établit le décompte définitif des sommes dues en exécution du marché qu’il transmet au maître de l’ouvrage (19.6.1), lequel notifie ce décompte définitif à l’entrepreneur dans un délai de 45 jours à dater de la réception du mémoire (19.6.2). L’entrepreneur dispose alors de 30 jours à compter de la notification pour présenter, par écrit, ses observations éventuelles au maître d »uvre et pour en aviser simultanément le maître de l’ouvrage. Passé ce délai, il est réputé avoir accepté le décompte définitif (19.6.3).

L’article 19.6.4 clôt cette procédure en énonçant’: «’Le maître de l’ouvrage dispose de 30 jours pour faire connaître, par écrit, s’il accepte ou non les observations de l’entrepreneur. Passé ce délai, il est réputé avoir accepté ces observations.’».

L’efficience de cette procédure de règlement des comptes repose sur les principes selon lesquels, d’une part, la partie qui n’a pas répondu dans les délais est réputée accepter la position de l’autre, et d’autre part, en cas de désaccord persistant des parties qui ont chacune fait connaître leurs positions divergentes dans les délais impartis, il incombe à la partie qui y a intérêt de saisir le juge.

En revanche, la position finale exprimée par le maître de l’ouvrage en application de l’article 19.6.4 n’ouvre pas droit à l’entrepreneur de présenter de nouvelles observations. Il peut toutefois être fait exception à cette règle, soit en cas d’accord non-équivoque des parties pour relancer la procédure de règlement des comptes, soit, pour préserver la loyauté contractuelle dans la mise en oeuvre de cette procédure, en cas de notification d’un décompte définitif comportant de nouvelles retenues au sujet desquelles l’entrepreneur n’aurait pas été mis en mesure précédemment de présenter des observations.

***

En l’espèce, le cahier des clauses administratives particulières (CCAP) de l’opération de construction menée au profit de la SEMCODA renvoie, en son article 2, à la norme NF 003-001 (version décembre 2000). Il s’ensuit que le cahier des clauses administratives générales (CCAG) applicables aux travaux de bâtiment faisant l’objet de marchés privés est applicable dans les relations entre la SEMCODA et la société Rey Frères, notamment au titre de la procédure d’établissement du décompte définitif.

Pour la mise en ‘uvre de cette procédure, la SARL Rey Frères a par courrier du 22 décembre 2017, adressé ses projets de mémoires définitifs à la SEMCODA pour les lots 170 et 210, comme cela résulte de l’exposé des faits constants retenus par le jugement rendu le 14 janvier 2022 et non-contestés par la société appelante. Après vérification par le maître d »uvre, le maître de l’ouvrage a, par un courrier du 27 mars 2018 figurant en annexe de la pièce 7 produite par la société appelante, retourné à l’entrepreneur un décompte définitif intégrant une retenue de 38’309,36 €. Si les pièces produites par la société appelante ne permettent pas de connaître le détail de cette retenue, la SARL Rey Frères a, par courrier du 23 avril 2018 figurant également en annexe de sa pièce 7, fait connaître ses observations détaillées portant, au titre du lot 170, sur la réintégration d’un poste arrosage (1’052 € HT) et sur deux plus-values (977,50 € HT et 5’324 € HT) et, au titre du lot 210, sur des travaux supplémentaires non-pris en compte (6’604,50 € HT).

Il résulte encore de l’exposé des faits constants retenus par le jugement rendu le 14 janvier 2022 et non-contestés par la société appelante que la SEMCODA a répondu à ces observations le 22 mai 2018 en précisant qu’elle transmettrait à nouveau les mémoires de travaux pour les lots 170 et 210 lorsqu’elle aurait eu retour des devis signés et des avenants correspondants. La société appelante communique ce courrier du 22 mai 2018 au titre des pièces adverses qu’elle vise dans ses écritures et il en résulte que le maître de l’ouvrage y répond à des observations de l’entrepreneur reçues les 5, 9 et 23 avril 2018 pour écarter la plupart de ces observations mais qu’il en a retenu certaines en demandant à la société Rey Frères de transmettre des devis afin de régulariser des avenants.

L’on comprend que les mémoires de travaux établis le 19 juillet 2018, soit la pièce n°3 au bordereau de la société appelante, constituent la nouvelle transmission des mémoires de travaux vérifiés par le maître d »uvre, étant observé que la retenue opérée est alors de 22’986,56 € HT correspondant à 7 factures imputées à l’entrepreneur, à une retenue forfaitaire pour non-conformité en attente de chiffrage et à une franchise d’assurance suite au sinistre 4023/4032.

Pour prétendre que cette transmission du 19 juillet 2018 constituerait, non pas la position finale exprimée par le maître de l’ouvrage en application de l’article 19.6.4, mais une nouvelle notification au sens de l’article 19.6.2 de la norme l’autorisant à transmettre de nouvelles observations en réponse, la société Rey Frères se prévaut de jurisprudences administratives admettant la remise en cause de l’intangibilité du décompte général définitif en cas de manifestations de volonté des parties en ce sens.

Si la procédure de règlement des comptes dans les marchés publics de travaux est effectivement comparable à celle prévue par la norme AFNOR P03-001 pour les marchés privés de travaux, les jurisprudences citées correspondent en réalité à des hypothèses où le second décompte définitif transmis par le maître de l’ouvrage se substitue au précédent, cette transmission étant alors exempte de toute volonté de la part de ce dernier de prendre une décision définitive sur le décompte. Or, la société Rey Frères ne rapporte pas la preuve d’une telle volonté de substitution de la part de la SEMCODA. En particulier, le courrier de transmission de ce second décompte définitif n’est pas versé aux débats, ni aucun autre écrit émanant du maître de l’ouvrage de nature à établir l’absence de décision définitive de sa part sur le décompte général.

Il s’ensuit que la société Rey Frères, qui prétend que la SEMCODA a entendu relancer la procédure de règlement final du marché, procède par affirmation.

Par ailleurs, la cour relève que la société Rey Frères ne prétend pas, et encore moins ne démontre, que ce second jeu de décomptes définitifs inclurait des retenues nouvelles qu’elle n’aurait pas été mise en mesure de contester lors de la première transmission du 27 mars 2018. A défaut de rapporter la preuve que la retenue de 22’986,56 € HT ne correspondrait pas à la précédente retenue de 38’309,36 €, déduction faite des plus-values et travaux supplémentaires invoqués par l’entrepreneur dans ses diverses observations d’avril 2018, la société appelante ne justifie pas que l’impératif de loyauté contractuelle imposerait de lui permettre de présenter de nouvelles observations.

Il s’ensuit que la société Rey Frères échoue à rapporter la preuve, soit de la volonté du maître de l’ouvrage de relancer une nouvelle procédure de règlement final du marché, soit de la nécessité de relancer cette procédure en raison du contenu nouveau du décompte définitif transmis en second lieu.

Dans ces conditions, en limitant ses observations du 23 avril 2018 aux sommes de 1’052 € HT (réintégration du poste arrosage) 977,50 € HT, 5’324 € HT (plus-values arrosage et demande la SAUR) et 6’604,50 € HT (travaux supplémentaires non pris en compte du lot 210), outre diverses autres observations reçues les 5 et 9 avril par la SEMCODA qui indique les intégrer à sa réponse du 22 mai 2018, la société Rey Frères est réputée, en application de l’article 19.6.3 avoir accepté le surplus des retenues opérées.

En conséquence, les observations formulées par lettre recommandée du 6 août 2018 ne peuvent pas se voir conférer la portée d’observations faites en application de l’article 19.6.3 de la norme AFNOR P03-001, d’une part, pour porter sur des retenues que l’entrepreneur est réputé avoir acceptées, d’autre part, pour être formulées en réponse, non pas à la notification de décompte définitif vérifié par le maître d »uvre, mais en réponse à la décision finale du maître de l’ouvrage sur le décompte général définitif après examen des observations présentées par l’entrepreneur.

Le jugement attaqué, en ce qu’il a déclaré la SARL Rey Frères irrecevable en sa demande en paiement, sera confirmé en ce sens que la demande en paiement du solde du marché sera rejetée, sans examen au fond puisque l’entrepreneur est réputé avoir accepté partie de la retenue opérée par le maître d »uvre au terme du décompte définitif vérifié notifié le 27 mars 2018.

Sur les autres demandes’:

La cour confirme la décision attaquée qui a condamné la société Rey Frères, partie perdante, aux dépens de première instance et à payer à la SEMCODA la somme de 2’500 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

La société Rey Frères, partie perdante, est condamnée aux dépens à hauteur d’appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement rendu le 11 mars 2022 par le tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne la SARL Rey Frères, prise en la personne de son représentant légal, aux dépens de l’instance d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


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