Conséquences de la prescription sur la nullité des contrats de vente et de crédit affecté

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Conséquences de la prescription sur la nullité des contrats de vente et de crédit affecté

Contexte de l’affaire

Le 10 décembre 2008, M. [P] [Z] et Mme [S] [M] épouse [Z] ont signé un contrat avec la SAS Evasol pour l’installation d’un système photovoltaïque, d’un montant total de 28 476,56 euros. Ce même jour, ils ont également souscrit un crédit affecté de 28 500 euros auprès de la SA Groupe Sofemo, remboursable en 120 mensualités.

Procédures judiciaires

Le tribunal de commerce de Lyon a ouvert une procédure de redressement judiciaire contre la SAS Evasol le 29 mars 2012, qui a été convertie en liquidation judiciaire le 25 septembre 2012. La liquidation a été clôturée pour insuffisance d’actif le 7 septembre 2016. En 2022, un mandataire ad’hoc a été désigné pour représenter la SAS Evasol dans une nouvelle instance.

Assignation et demandes des plaignants

Le 28 et 29 juin 2023, M. et Mme [Z] ont assigné la SELARL [I] [X] et la SA Cofidis devant le juge des contentieux de la protection, demandant la nullité des contrats de vente et de crédit, ainsi que le paiement de diverses sommes. L’affaire a été renvoyée à une audience ultérieure.

Réponses de la SA Cofidis

La SA Cofidis a demandé la déclaration d’irrecevabilité des demandes de M. et Mme [Z] et a sollicité le rejet de leurs demandes. Elle a également demandé des condamnations à son encontre pour les frais de justice.

Position de la SELARL [I] [X]

La SELARL [I] [X], mandataire ad’hoc de la SAS Evasol, ne s’est pas présentée à l’audience et a indiqué qu’elle ne disposait d’aucun fonds, se remettant à la décision du tribunal.

Décision du tribunal

Le tribunal a déclaré M. et Mme [Z] irrecevables à agir en nullité des contrats de vente et de crédit, ainsi qu’à agir en privation du droit de la SA Cofidis de recouvrer sa créance. Ils ont également été déclarés irrecevables à demander des dommages et intérêts et à agir en déchéance du droit aux intérêts contractuels.

Condamnations et exécution provisoire

M. et Mme [Z] ont été condamnés à payer 800 euros à la SA Cofidis au titre des frais de justice, ainsi qu’aux dépens de l’instance. Le jugement a été assorti de l’exécution provisoire de droit.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

4 novembre 2024
Tribunal judiciaire de Lille
RG
23/09766
TRIBUNAL JUDICIAIRE
de LILLE
[Localité 4]

☎ :[XXXXXXXX01]

N° RG 23/09766 – N° Portalis DBZS-W-B7H-XU73

JUGEMENT

DU : 04 Novembre 2024

[P] [Z]
[S] [M] épouse [Z]

C/

S.A. COFIDIS VENANT AUX DROITS DU GROUPE SOFEMO
S.A.S. EVASOL

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

JUGEMENT DU 04 Novembre 2024

DANS LE LITIGE ENTRE :

DEMANDEUR(S)

M. [P] [Z], demeurant [Adresse 3]

Mme [S] [M] épouse [Z], demeurant [Adresse 3]

représenté par Représentant : Me Jérémie BOULAIRE, avocat au barreau de DOUAI

ET :

DÉFENDEUR(S)

S.A. COFIDIS VENANT AUX DROITS DU GROUPE SOFEMO, dont le siège social est sis [Adresse 5]
représentée par Me Xavier HELAIN, avocat au barreau d’ESSONNE

Me [I] [X], es qualité de mandataire ad hoc de la S.A.S. EVASOL, [Adresse 2], non comparant

COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DÉBATS À L’AUDIENCE PUBLIQUE DU 02 Septembre 2024

Mélanie COCQUEREL, Juge, assisté(e) de Deniz AGANOGLU, Greffier

COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DU DÉLIBÉRÉ

Par mise à disposition au Greffe le 04 Novembre 2024, date indiquée à l’issue des débats par Mélanie COCQUEREL, Juge, assisté(e) de Deniz AGANOGLU, Greffier

RG : 23/9766 PAGE

EXPOSE DU LITIGE

Le 10 décembre 2008, M. [P] [Z] et Mme [S] [M] épouse [Z] ont contracté auprès de la société par actions simplifiée (ci-après SAS) Evasol une prestation relative à la fourniture et la pose d’une installation photovoltaïque pour un montant total TTC de 28 476,56 euros, dans le cadre d’un démarchage à domicile, suivant bon de commande n°0004966.

Le même jour, M. et Mme [Z], ont souscrit une offre de crédit affecté auprès de la société anonyme (ci-après SA) Groupe Sofemo exerçant sous la marque « Sofemo Financement », d’un montant de 28 500 euros, au taux débiteur de 5,45% l’an, remboursable en 120 mensualités de 326,10 euros, hors assurance facultative, avec un différé de 270 jours.

Par jugement du 29 mars 2012, le tribunal de commerce de Lyon a prononcé l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire à l’encontre de la SAS Evasol.

Par jugement du 25 septembre 2012, le tribunal de commerce de Lyon a converti la procédure en liquidation judiciaire.

Par jugement du 7 septembre 2016, le tribunal de commerce de Lyon a prononcé la clôture des opérations de liquidation judiciaire pour insuffisance d’actif.

Par ordonnance du 20 octobre 2022, le Vice-Président du tribunal de commerce de Lyon a, à la demande de M. et Mme [Z], désigné la SELARL [I] [X] en qualité de mandataire ad’hoc afin que la SAS Evasol soit valablement représentée dans le cadre de la présente instance.

Par actes de commissaires de justice des 28 et 29 juin 2023, M. et Mme [Z] ont fait assigner la SELARL [I] [X] es qualité de mandataire ad’hoc de la SAS Evasol et la SA Cofidis, venant aux droits de la SA Groupe Sofemo, devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Lille aux fins notamment de voir prononcer la nullité des contrats de vente et de crédit affecté et condamner la SA Cofidis au paiement de diverses sommes d’argent.

L’affaire a été appelée à l’audience du 18 décembre 2023 lors de laquelle elle a été renvoyée à celle du 2 septembre 2024 à laquelle elle a été retenue.

A cette audience, M. et Mme [Z], représentés par leur conseil, s’en sont rapportés à leurs dernières écritures aux termes desquelles ils sollicitent du juge, au visa de l’article liminaire du code de la consommation, des anciens articles 1109 et 1116 du code civil, de l’article 16 de la loi n°2012-354 du 14 mars 2012 de finance rectificative pour 2012, des articles L 121-23 à L121-26 du code de la consommation, dans leur rédaction issue de la loi n°93-949 du 26 juillet 1993, de l’article L121-28 tel qu’issu de la loi n°2008-776 du 4 août 2008, de :
les déclarer recevables,prononcer la nullité du contrat de vente,prononcer, en conséquence, la nullité du contrat de prêt affecté,condamner la SA Cofidis à leur verser les sommes suivantes :20 257,30 euros correspondant aux sommes versées à la SA Cofidis dans l’exécution normale de leur contrat de crédit ;5 000 euros au titre du préjudice moral ;4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,En tout état de cause,
prononcer la déchéance du droit aux intérêts contractuels à l’encontre de la SA Cofidis,condamner la SA Cofidis à leur rembourser l’ensemble des intérêts versés au titre de l’exécution normale du contrat et enjoindre la SA Cofidis de produire un nouveau tableau d’amortissement expurgé desdits intérêts ;rejeter l’intégralité des demandes de la SA Cofidis et de la SAS Evasol,condamner la SA Cofidis aux entiers frais et dépens de l’instance.
La SA Cofidis, représentée par son conseil, s’en est également rapportée à ses dernières écritures aux termes desquelles elle sollicite du juge de :
In limine litis,
déclarer M. et Mme [Z] irrecevables,A titre subsidiaire,
rejeter l’intégralité des demandes de M. et Mme [Z],A titre très subsidiaire, si le juge venait à prononcer la nullité du contrat de crédit par suite de la nullité du contrat de vente,
rejeter l’intégralité des demandes de M. et Mme [Z],En tout état de cause,
condamner solidairement M. et Mme [Z] à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,condamner in solidum M. et Mme [Z] aux dépens.
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties et en application de l’article 455 du code de procédure civile, il sera renvoyé à leurs écritures respectives déposées à l’audience du 2 septembre 2024.

Assignée en qualité de mandataire ad’hoc de la SAS Evasol par remise de l’acte à personne morale, la SELARL [I] [X] ne s’est ni présentée ni faite représenter à l’audience.

Par courrier du 29 juin 2023, elle a indiqué qu’elle ne disposait d’aucun fonds et qu’elle s’en rapportait à la sagesse de la décision à intervenir.

A l’issue de l’audience, la décision a été mise en délibéré au 4 novembre 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité à agir en nullité du contrat de vente et de crédit affecté

Aux termes de l’article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

En application de l’article L 311-32 du code de la consommation dans sa version applicable à compter du 1er mai 2011 mais qui a repris une jurisprudence antérieure rendue en considération de l’interdépendance des contrats de vente et de crédit affecté et qui est désormais devenu l’article L 312-55 du code de la consommation, la résolution ou l’annulation d’un contrat de vente entraîne celle du crédit affecté.

L’article 1144 du code civil dispose, par ailleurs, que le délai de l’action en nullité ne court en cas de dol que du jour où il a été découvert.

S’agissant d’une installation destinée en tout ou partie à la revente d’électricité, cette découverte peut être considérée comme acquise à compter de la première facture.

S’agissant d’une installation destinée uniquement à l’autoconsommation de l’électricité produite, il est raisonnable de considérer que cette découverte est acquise un an après la livraison.

L’action en responsabilité contre l’établissement bancaire qui aurait participé au dol se prescrit par cinq ans à compter de ces mêmes dates.

En l’espèce, le contrat de vente a été conclu le 10 décembre 2008.

L’attestation de livraison a été signée le 24 avril 2009.

L’action a été introduite par actes de commissaires de justice des 28 et 29 juin 2023.

Les demandeurs sont donc irrecevables à agir en nullité du contrat de vente et de crédit affecté sur le fondement du dol.

L’action en nullité pour méconnaissance des dispositions du code de la consommation doit être introduite dans les cinq ans à compter de la conclusion du contrat.

En l’espèce, le contrat de vente a été conclu le 22 novembre 2008.

Si M. et Mme [Z] estiment qu’ils n’étaient pas en mesure de déceler les irrégularités affectant le bon de commande dès cette date, l’article 2224 du code civil ne distingue pas selon que le demandeur est ou non consommateur.

Les « délais et points de départ particuliers » sont d’ailleurs limitativement énumérés par la section 2 du chapitre du code civil relatif à la prescription extinctive, ce qui témoigne de la prudence du législateur en matière de prescription.

Il s’en déduit que la seule qualité de consommateurs de M. et Mme [Z] ne suffit pas à permettre de considérer qu’ils auraient été dans l’impossibilité de connaître les causes de nullité affectant le bon de commande dès cette date.

Ils sont donc irrecevables à agir en nullité des contrats de vente et de crédit affecté sur le fondement de la méconnaissance des dispositions du code de la consommation.

Sur la recevabilité à agir en privation du droit de la banque de recouvrer sa créance

Aux termes de l’article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaitre les faits lui permettant de l’exercer.

En application de cet article, la prescription d’une action en responsabilité contractuelle ne court qu’à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il a été révélé à la victime si celle-ci établit qu’elle n’en avait pas eu précédemment connaissance.

En application de l’article L 311-32 du code de la consommation dans sa version applicable à compter du 1er mai 2011 mais qui a repris une jurisprudence antérieure rendue en considération de l’interdépendance des contrats de vente et de crédit affecté et qui est désormais devenu l’article L 312-55 du code de la consommation, la résolution ou l’annulation d’un contrat de crédit affecté en conséquence de celle du contrat constatant la vente ou la prestation de services qu’il finance, emporte pour l’emprunteur l’obligation de restituer au prêteur le capital prêté. Cependant, le prêteur qui a versé les fonds sans s’être assuré, comme il y était tenu, de la régularité formelle du contrat principal ou de sa complète exécution, peut être privé en tout ou partie de sa créance de restitution, dès lors que l’emprunteur justifie avoir subi un préjudice en lien avec cette faute.

Le point de départ de cette action est la date de l’attestation de livraison.

En l’espèce, l’attestation de livraison date du 24 avril 2009.

Il s’en déduit que le 29 juin 2023, date à laquelle M. et Mme [Z] ont fait délivrer leur assignation à la SA Cofidis, l’action en privation du droit de la banque de recouvrer sa créance était prescrite depuis plusieurs années.

Sur la recevabilité à agir en paiement de dommages et intérêts à l’encontre de la banque

Aux termes de l’article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

En l’espèce, le point de départ de cette action est la date du déblocage des fonds.

D’après l’historique de compte, celui-ci date du 7 mai 2009.

La demande de dommages et intérêts présentée sur ce fondement est donc irrecevable comme prescrite.

Sur la recevabilité de l’action en déchéance du droit aux intérêts contractuels du prêteur

L’action en déchéance du droit aux intérêts contractuels du prêteur est soumise à la prescription quinquennale dont le point de départ se situe au jour où l’emprunteur aurait dû connaître les obligations pesant sur le prêteur dont la violation est alléguée.

Il est constant que le point de départ de la déchéance du droit aux intérêts est la date de souscription du crédit, soit en l’espèce, le 10 décembre 2008.

M. et Mme [K] sont donc également irrecevables à agir en déchéance du droit aux intérêts contractuels du prêteur.

Sur les demandes accessoires

En application de l’article 696 du code de procédure civile, M. et Mme [Z] qui succombent à la présente instance seront condamnés in solidum aux dépens.

En application de l’article 700 du même code, ils seront solidairement condamnés à payer à la SA Cofidis une somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Enfin, en application de l’article 514 du code de procédure civile, le présent jugement sera assorti de l’exécution provisoire de droit.

PAR CES MOTIFS

La juge des contentieux de la protection, statuant après débats tenus en audience publique, par jugement réputé contradictoire, rendu en premier ressort, et mis à disposition au greffe,

DECLARE M. [P] [Z] et Mme [S] [M] épouse [Z] irrecevables à agir en nullité du contrat de vente conclu le 10 décembre 2008 avec la société par actions simplifiée Evasol et en nullité du contrat de crédit affecté souscrit le même jour auprès de la société anonyme Groupe Sofemo aux droits de laquelle vient la société anonyme Cofidis ;

DECLARE M. [P] [Z] et Mme [S] [M] épouse [Z] irrecevables à agir en privation du droit de la société anonyme Cofidis, venant aux droits de la société anonyme Groupe Sofemo de recouvrer sa créance au titre du crédit affecté souscrit le 10 décembre 2008 ;

DECLARE M. [P] [Z] et Mme [S] [M] épouse [Z] irrecevables à agir en condamnation de la société anonyme Cofidis venant aux droits de la société anonyme Groupe Sofemo à leur payer des dommages et intérêts;

DECLARE M. [P] [Z] et Mme [S] [M] épouse [Z] irrecevables à agir en déchéance du droit de la société anonyme Cofidis venant aux droits de la société anonyme Groupe Sofemo de percevoir les intérêts contractuels ;

CONDAMNE solidairement M. [P] [Z] et Mme [S] [M] épouse [Z] à payer à la société anonyme Cofidis venant aux droits de la société anonyme Groupe Sofemo la somme de 800 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE in solidum M. [P] [Z] et Mme [S] [M] épouse [Z] aux dépens de l’instance,

RAPPELLE que le présent jugement est assorti de l’exécution provisoire de droit

Ainsi jugé et prononcé à Lille, le 4 novembre 2024

LE GREFFIER LA JUGE
D. AGANOGLU M. COCQUEREL


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