Contexte du litigeLa SA CA CONSUMER FINANCE a accordé un crédit personnel de 25 000 euros à Monsieur [X] [F] le 15 décembre 2021, avec un taux nominal de 4,879% et un remboursement en 120 mensualités. Suite à des impayés, la SA CA CONSUMER FINANCE a assigné Monsieur [X] [F] devant le tribunal judiciaire de Paris pour obtenir le paiement de la somme due, ainsi que des intérêts et des dépens. Procédure judiciaireL’affaire a été entendue le 2 septembre 2024, où la SA CA CONSUMER FINANCE a demandé le bénéfice de son acte introductif d’instance. Monsieur [X] [F] ne s’est pas présenté, et le jugement a été rendu réputé contradictoire. La décision a été mise en délibéré pour le 28 octobre 2024. Analyse de la demande en paiementLe litige est soumis aux dispositions de la loi n°2010-737, et le juge a relevé d’office les moyens tirés du code de la consommation. En cas de défaillance de l’emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus. Toutefois, la régularité de la signature du contrat et l’absence de forclusion doivent être vérifiées. Validité de la signature du contratLa signature électronique doit être identifiée et conservée de manière à garantir son intégrité. En l’absence de certificat de prestataire de services de certification électronique, la SA CA CONSUMER FINANCE doit prouver la fiabilité de la signature. Malgré cela, la régularité de la signature a été reconnue en raison de l’absence de contestation de la part de Monsieur [X] [F]. Forclusion de la créanceLes actions en paiement doivent être engagées dans les deux ans suivant la défaillance de l’emprunteur. Le premier incident de paiement non régularisé étant survenu en mai 2023, la demande de la SA CA CONSUMER FINANCE n’est pas forclose. Nullité du contrat de créditLe déblocage des fonds avant l’expiration du délai de sept jours suivant l’acceptation du contrat entraîne la nullité de celui-ci. La SA CA CONSUMER FINANCE a donc violé les dispositions d’ordre public, ce qui justifie la nullité du contrat de crédit. Restitution des sommesMonsieur [X] [F] est condamné à restituer 20 620,90 euros à la SA CA CONSUMER FINANCE, sans application d’intérêts, en raison de la nullité du contrat. Les parties conservent la charge de leurs dépens, et aucune somme n’est allouée au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Décision finaleLe tribunal déclare le prêt personnel nul et condamne Monsieur [X] [F] à restituer la somme mentionnée, sans intérêts. Le jugement est exécutoire à titre provisoire. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1] Copie conforme délivrée
le :
à :Monsieur [X] [F]
Copie exécutoire délivrée
le :
à : Me Eric BOHBOT
Pôle civil de proximité
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PCP JCP fond
N° RG 24/03344 – N° Portalis 352J-W-B7I-C4NJ6
N° MINUTE :
JUGEMENT
rendu le lundi 28 octobre 2024
DEMANDERESSE
La société CA CONSUMER FINANCE,
dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par Me Eric BOHBOT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0430
DÉFENDEUR
Monsieur [X] [F],
demeurant [Adresse 2]
non comparant, ni représenté
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Romain BRIEC, Juge des contentieux de la protection
assisté de Coraline LEMARQUIS, Greffière,
DATE DES DÉBATS
Audience publique du 02 septembre 2024
JUGEMENT
réputé contradictoire, en premier ressort, prononcé par mise à disposition le 28 octobre 2024 par Romain BRIEC, Juge des contentieux de la protection assisté de Coraline LEMARQUIS, Greffière
Décision du 28 octobre 2024
PCP JCP fond – N° RG 24/03344 – N° Portalis 352J-W-B7I-C4NJ6
Selon offre préalable acceptée le 15 décembre 2021, la SA CA CONSUMER FINANCE a consenti à Monsieur [X] [F] un crédit personnel d’un montant en capital de 25000 euros remboursable au taux nominal de 4,879% (soit un TAEG de 4,990%) en 120 mensualités de 263,69 euros hors assurance.
Des échéances étant demeurées impayées, la SA CA CONSUMER FINANCE a fait assigner Monsieur [X] [F] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris, par acte de commissaire de justice en date du 8 mars 2024, en paiement des sommes suivantes, sous le bénéfice de l’exécution provisoire :
– 25122,13 euros au titre du crédit, avec intérêts contractuels au taux de 4,87% à compter du 10 novembre 2023, avec prononcé de la résiliation judiciaire aux torts de l’emprunteur si le tribunal estimait la déchéance du terme irrégulière,
– 1000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l’instance.
Au soutien de sa demande, la SA CA CONSUMER FINANCE fait valoir que les mensualités d’emprunt n’ont pas été régulièrement payées, ce qui l’a contraint à prononcer la déchéance du terme le 9 novembre 2023, rendant la totalité de la dette exigible. Elle précise que le premier incident de paiement non régularisé se situe au 5 mai 2023 et que sa créance n’est ainsi pas forclose.
L’affaire a été appelée et retenue à l’audience du 2 septembre 2024.
A cette audience, la SA CA CONSUMER FINANCE, représentée par son conseil, a sollicité le bénéfice de son acte introductif d’instance. La forclusion, la nullité, la déchéance du droit aux intérêts contractuels (FIPEN, notice d’assurance, FICP, vérification solvabilité) et légaux ont été mis dans le débat d’office, sans que le demandeur ne présente d’observations supplémentaires sur ces points.
Bien que régulièrement assigné à étude, Monsieur [X] [F] n’a pas comparu et ne s’est pas fait représenter. Conformément à l’article 473 du code de procédure civile, il sera statué par jugement réputé contradictoire.
La décision a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 28 octobre 2024.
Selon l’article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, le juge ne fait droit à la demande que s’il l’estime régulière, recevable et bien fondée.
Sur la demande en paiement
Le présent litige est relatif à un crédit soumis aux dispositions de la loi n°2010-737 du 1er juillet 2010 de sorte qu’il sera fait application des articles du code de la consommation dans leur rédaction en vigueur après le 1er mai 2011 et leur numérotation issue de l’ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016 et du décret n°2016-884 du 29 juin 2016.
L’article R.632-1 du code de la consommation permet au juge de relever d’office tous les moyens tirés de l’application des dispositions du code de la consommation, sous réserve de respecter le principe du contradictoire. Il a été fait application de cette disposition par le juge à l’audience du 2 septembre 2024.
L’article L.312-39 du code de la consommation prévoit qu’en cas de défaillance de l’emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu’à la date du règlement effectif, les sommes restantes dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt. En outre, le prêteur peut demander à l’emprunteur défaillant une indemnité qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat et sans préjudice de l’application de l’article 1231-5 du code civil, est fixée suivant un barème déterminé par décret. L’article D.312-16 du même code précise que lorsque le prêteur exige le remboursement immédiat du capital restant dû en application de l’article L.312-39, il peut demander une indemnité égale à 8% du capital restant dû à la date de la défaillance.
Ce texte n’a toutefois vocation à être appliqué au titre du calcul des sommes dues qu’après vérification de la régularité de la signature du contrat, de l’absence de forclusion de la créance, de l’absence de cause de nullité du contrat, et le cas échéant, de ce que le terme du contrat est bien échu et de l’absence de déchéance du droit aux intérêts conventionnels.
Sur la signature du contrat
Aux termes de l’article 1366 du code civil, l’écrit électronique a la même force probante que l’écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu’il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l’intégrité. L’article 1367 du même code ajoute que la signature nécessaire à la perfection d’un acte juridique identifie son auteur. Elle manifeste son consentement aux obligations qui découlent de cet acte. Lorsqu’elle est électronique, elle consiste en l’usage d’un procédé fiable d’identification garantissant son lien avec l’acte auquel elle s’attache.
Il en résulte qu’il existe deux types de signatures dites électroniques, la différence se situant au niveau de la charge de la preuve :
– la signature électronique « qualifiée », répondant aux conditions de l’article 1367 du code civil et obtenue dans les conditions fixées par le décret n° 2001-272 du 30 mars 2001 (auquel s’est substitué le décret n°2017-1416 du 28 septembre 2017 lequel renvoie au règlement (UE) n° 910/2014 du Parlement européen et du Conseil du 23 juillet 2014), laquelle repose sur un certificat qualifié de signature électronique délivré au signataire par un prestataire de services de certification électronique (PSCE) notamment après identification du signataire, signature dont la fiabilité est présumée,
– la signature électronique « simple » ne répondant pas à ces conditions (signature accompagnée d’un certificat électronique qui n’est pas qualifié ou sans vérifications de l’identité du signataire) et qui n’est pas dépourvue de toute valeur, mais pour laquelle il appartient à la SA CA CONSUMER FINANCE de justifier en outre que les exigences de fiabilité de l’article 1367 du code civil sont respectées, à savoir l’identification de l’auteur et l’intégrité de l’acte, pour la vérification desquels sont examinés les éléments extérieurs suivants : production de la copie de la pièce d’identité, absence de dénégation d’écriture, paiement de nombreuses mensualités, échéancier de mensualités, existence de relations contractuelles antérieures entre le signataire désigné et son cocontractant etc.
En l’espèce, aucun certificat de PSCE n’a pas été produit, de sorte que la signature électronique ne saurait être qualifiée et sa fiabilité ne saurait donc être présumée.
Il appartient donc à la SA CA CONSUMER FINANCE de prouver qu’il y a eu usage d’un procédé fiable d’identification garantissant le lien de la signature identifiant le signataire avec l’acte auquel la signature s’attache.
En l’espèce, on peut constater que la copie de la carte nationale d’identité est présentée et que Monsieur [X] [F] a exécuté partiellement le contrat.
En ces conditions, et en l’absence de toute contestation du défendeur, la régularité de la signature sera reconnue.
Sur la forclusion
L’article R. 312-35 du code de la consommation dispose que les actions en paiement à l’occasion de la défaillance de l’emprunteur dans le cadre d’un crédit à la consommation, doivent être engagées devant le tribunal d’instance dans les deux ans de l’événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion. Ainsi, le prêteur est forclos pour l’intégralité de sa créance, dès lors que deux ans se sont écoulés depuis la première échéance impayée et non régularisée.
En l’espèce, au regard de l’historique du compte produit, il apparaît que le premier incident de paiement non régularisé est intervenu pour l’échéance de mai 2024 de sorte que la demande effectuée le 8 mars 2024 n’est pas atteinte par la forclusion.
Sur la nullité du contrat
Aux termes de l’article L.312-25 du code de la consommation, pendant un délai de sept jours à compter de l’acceptation du contrat par l’emprunteur, aucun paiement, sous quelque forme et à quelque titre que ce soit, ne peut être fait par le prêteur à l’emprunteur ou pour le compte de celui-ci, ni par l’emprunteur au prêteur.
La jurisprudence sanctionne la violation de ce texte par la nullité du contrat en vertu de l’article 6 du code civil, laquelle entraîne le remboursement par l’emprunteur du capital prêté (Ccass civ 1ère, 22 janvier 2009, 03-11.775).
En l’espèce, le déblocage des fonds a eu lieu le 22 décembre 2021, soit avant l’expiration du délai de sept jours précité courant à compter du 15 décembre 2021, de sorte que le contrat de prêt est nul.
Il s’en déduit que la SA CA CONSUMER FINANCE a violé les dispositions d’ordre public de l’article L. 312-25 du code de la consommation.
Dans ces conditions, et sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres moyens, il convient de prononcer la nullité du contrat de crédit conclu en violation des dispositions précitées, et de replacer les parties dans l’état où elles se trouvaient avant sa conclusion.
Au regard du décompte versé aux débats, après imputation sur le capital prêté de tous les versements effectués à quelque titre que ce soit par Monsieur [X] [F], il y a lieu de le condamner à restituer à la SA CA CONSUMER FINANCE la somme de 20620,90 euros (25000-4379,10).
La nullité étant imputable au prêteur, il convient, en outre, d’écarter toute application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil et L 313-3 du code monétaire et financier et de dire que cette somme ne produira aucun intérêt, même au taux légal.
Sur les demandes accessoires
Les parties garderont la charge de leurs dépens, en application de l’article 696 du code de procédure civile.
L’équité commande de n’allouer aucune somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La présente décision est exécutoire à titre provisoire, conformément à l’article 514 du code de procédure civile.
Le juge des contentieux de la protection, statuant publiquement, après débats en audience publique, par jugement mis à disposition au greffe réputé contradictoire et en premier ressort,
DÉCLARE que le prêt personnel du 15 décembre 2021 de 25000 euros accordé par la SA CA CONSUMER FINANCE à Monsieur [X] [F] est nul ;
CONDAMNE en conséquence Monsieur [X] [F] à restituer à la SA CA CONSUMER FINANCE la somme de 20620,90 euros, sans application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil et L 313-3 du code monétaire et financier, et sans que cette somme ne produise aucun intérêt même au taux légal ;
DIT que les parties garderont la charge de leurs dépens ;
REJETTE le surplus des demandes ;
RAPPELLE que le présent jugement est exécutoire de plein droit à titre provisoire.
La greffière Le juge des contentieux de la protection