Conséquences de la Défaillance d’un Emprunteur dans un Contrat de Crédit à la Consommation

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Conséquences de la Défaillance d’un Emprunteur dans un Contrat de Crédit à la Consommation

Madame [W] [E] a souscrit un contrat de crédit le 31 janvier 2022 auprès de la SA DIAC pour l’achat d’un véhicule PEUGEOT 208 d’un montant de 22 611,76 €, remboursable en 72 mensualités de 361,90 € à un taux d’intérêt de 4,78 % par an. En raison de défauts de paiement, la SA DIAC a mis en demeure Madame [W] [E] le 20 octobre 2022 et a prononcé la déchéance du terme le 14 mars 2024. La SA DIAC a ensuite assigné Madame [W] [E] devant le juge des contentieux de la protection pour obtenir le paiement de 27 039,10 € et 600 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile. À l’audience du 4 juillet 2024, la SA DIAC a maintenu ses demandes, tandis que Madame [W] [E] n’était pas présente. Le 8 octobre 2024, le juge a prononcé la déchéance du droit aux intérêts pour la SA DIAC, condamné Madame [W] [E] à payer 22 139,82 € sans intérêts, débouté la SA DIAC de sa demande d’article 700 et condamné Madame [W] [E] aux dépens, tout en rappelant que l’exécution provisoire de la décision est de droit.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

8 octobre 2024
Tribunal judiciaire de Toulouse
RG
24/01534
TRIBUNAL JUDICIAIRE
[Adresse 8]
[Adresse 2]
[Adresse 7]
[Localité 3]

NAC: 53B

N° RG 24/01534 – N° Portalis DBX4-W-B7I-S2SQ

JUGEMENT

N° B

DU : 08 Octobre 2024

S.A. DIAC

C/

[W] [E]

Expédition revêtue de
la formule exécutoire
délivrée le 08 Octobre 2024

à Me Jérôme MARFAING-DIDIER

Expédition délivrée
à toutes les parties

JUGEMENT

Le Mardi 08 Octobre 2024, le Tribunal judiciaire de TOULOUSE,

Sous la présidence de Florence LEBON, Vice Présidente au Tribunal judiciaire de TOULOUSE, chargée des contentieux de la protection statuant en matière civile, assistée de Anne-Christelle PELLETIER Greffier, lors des débats et Fanny ACHIGAR Greffier chargé des opérations de mise à disposition.
Après débats à l’audience du 04 Juillet 2024, a rendu la décision suivante, mise à disposition conformément à l’article 450 et suivants du Code de Procédure Civile, les parties ayant été avisées préalablement ;

ENTRE :

DEMANDERESSE

S.A. DIAC, dont le siège social est sis [Adresse 1] – [Localité 5]

représentée par Maître Jérôme MARFAING-DIDIER de la SELARL DECKER, avocats au barreau de TOULOUSE

ET

DÉFENDERESSE

Mme [W] [E], demeurant [Adresse 6] – [Localité 4]

non comparante, ni représentée

EXPOSE DU LITIGE

Selon offre acceptée le 31 janvier 2022, Madame [W] [E] a souscrit auprès de la SA DIAC un contrat de crédit affecté à l’acquisition d’un véhicule PEUGEOT 208 Puretech n° de série [Numéro identifiant 9] immatriculé
[Immatriculation 10] d’un montant de 22611,76€ remboursable en 72 échéances d’un montant de 361,90€ hors assurance facultative au taux débiteur fixe de 4,78% par an.

Étant défaillante dans le paiement des loyers, la SA DIAC après relances infructueuses a mis en demeure Madame [W] [E] de régler les échéances impayées par courrier recommandé du 20 octobre 2022 sous huitaine sous peine de déchéance du terme, puis l’a prononcé par courrier du 14 mars 2024.

La SA DIAC a en conséquence, assigné par acte de commissaire de justice en date du 25 mars 2024 Madame [W] [E] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de céans pour obtenir, sous le bénéfice de l’exécution provisoire sa condamnation au paiement des sommes suivantes :
– 27039,10€ avec intérêts au taux contractuel depuis l’arrêté de compte du 14 mars 2024 ;
– 600€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

À l’audience du 04 juillet 2024, la SA DIAC, représentée par son conseil, a maintenu ses demandes dans les termes de son assignation, à laquelle Il convient de se reporter pour un plus ample exposé des moyens conformément à l’article 455 du code de procédure civile. Interrogée sur le respect des diverses obligations édictées par le Code de la consommation et les moyens pouvant être relevés d’office, elle a produit à l’audience la fiche de liaison avec le tribunal comportant ses observations détaillées par laquelle elle a rejeté toute irrégularité.

Convoquée par acte de commissaire de justice du 25 mars 2024, selon procès-verbal de recherches infructueuses à sa dernière adresse connue en application des modalités prévues à l’article 659 du Code procédure civile (AR revenu « destinataire inconnu à l’adresse indiquée »), Madame [W] [E] n’a pas comparu et n’était pas représentée.

L’affaire a été mise en délibéré au 08 octobre 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Aux termes de l’article R 632-1 du code de la consommation, le juge peut soulever d’office toutes les dispositions du présent code dans les litiges nés de son application.

En outre, en application de l’article 472 du code de procédure civile, quand le défendeur ne comparaît pas le juge ne fait droit à la demande que si elle est recevable et bien fondée.

Les articles L312-39 et D312-16 du code de la consommation prévoient qu’en cas de défaillance de l’emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu’à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt. En outre, le prêteur peut demander à l’emprunteur défaillant une indemnité égale à 8% du capital restant dû à la date de défaillance, sans préjudice de l’application de l’article 1231-5 et 1231 du code civil.

Aux termes de l’article 1103 du Code civil, les conventions légalement formées engagent leurs signataires. En application de l’article 1217 du même code, lorsque l’emprunteur cesse de verser les mensualités stipulées, le prêteur est en droit de se prévaloir de la déchéance du terme et de demander le remboursement des fonds avancés ;
Il appartient toutefois au créancier qui réclame des sommes au titre d’un crédit à la consommation de justifier de la régularité de l’opération.

En l’espèce, la SA DIAC produit :
Le contrat de crédit signé le 31 janvier 2022,La fiche d’informations précontractuelles européennes normalisées,Une fiche conseil assurance,Des notices d’information en matière d’assurance,Une attestation de formation vendeur, La fiche de renseignements sur la situation personnelle et financière de l’emprunteurLe procès-verbal de réception du véhicule Le justificatif de déblocage des fonds,L’historique de compte,Le décompte des sommes dues,Les courriers de relances des 15 avril et 09 mai 2022 ;Les mises en demeure adressées le 20 octobre 2022 et le 14 mars 2024
En revanche, la SA DIAC ne justifie pas des éléments suivants :
– avoir vérifié la solvabilité de l’emprunteur à partir d’un nombre suffisant d’informations corroborées par des justificatifs contemporains à la souscription du crédit conformément à l’article L312-16 du code de la consommation. En l’espèce, la vérification aurait dû être d’autant plus complète que le contrat portait sur un montant non négligeable de 22611,76 euros or le prêteur, ne fournit aucun justificatif des charges de Madame [W] [E].
– le double de la fiche d’informations précontractuelles et celui des notices d’informations en matière d’assurance. La signature par l’emprunteur d’une fiche explicative et de l’offre préalable de crédit comportant chacune une clause selon laquelle il reconnaît que le prêteur lui a remis la fiche pré contractuelle d’information normalisée européenne et la notice d’assurance constitue seulement un indice qu’il incombe à celui-ci de corroborer par un ou plusieurs éléments complémentaires (Civ. 1re, 8 avr. 2021, n° 19-20. 890 ; articles L.312-12 et L.312-7 du Code de la consommation).

En l’espèce, si le prêteur se prévaut d’une signature électronique du contrat, ainsi que des documents requis avec la mention de leurs références, le fichier de preuve Protect&Sign qu’il fournit indique au titre des documents signés « contrat.pdf », sans qu’il ne puisse être identifiés les documents réellement soumis à l’emprunteur, et signés par lui.
Il n’est pas, dans ces conditions, rapporté par la SA DIAC la remise desdits documents à Madame [W] [E].

En raison des manquements précités, et par application des dispositions combinées de l’article 6 du Code civil et de l’article L 311-48 devenu L 341-1 et suivants du Code de la consommation, le prêteur doit être déchu du droit aux intérêts.

Conformément à l’article L 311-48 al. 3 devenus L 341-8 du Code de la consommation, en cas de déchéance du droit aux intérêts, le débiteur n’est tenu qu’au remboursement du seul capital restant dû. Cette déchéance s’étend donc aux intérêts et à tous leurs accessoires : frais de toute nature (Civ. 1°, 31 mars 2011, n° 09-69 963 – CA Paris,
29 septembre 2011, Pôle 04 Ch. 09 n° 10/01 284), et primes d’assurances.

Cette limitation légale de la créance du prêteur déchu du droit aux intérêts exclut qu’il puisse prétendre au paiement de l’indemnité légale de 8 %.

Les sommes dues se limiteront dès lors à la différence entre le montant effectivement débloqué au profit de Madame [W] [E] (22.611,76 euros) et les règlements effectués (471,94euros), tels qu’ils résultent de l’historique de compte, soit 22.139,82 euros.
Bien que déchu de son droit aux intérêts, le prêteur est fondé, en vertu de l’article 1231-6 (ancien 1153) du Code civil, à réclamer à l’emprunteur le paiement des intérêts au taux légal sur le capital restant dû à compter de la mise en demeure, le taux d’intérêt étant en principe majoré de plein-droit deux mois après le caractère exécutoire de la décision de justice.

Cependant par arrêt du 27 mars 2014, la Cour de Justice de l’Union Européenne (affaire C-565/12, Le Crédit Lyonnais SA/Fesih Kalhan) a dit pour droit que l’article 23 de la directive 2008/48 s’oppose à l’application d’intérêts au taux légal lesquels sont en outre majorés de plein-droit deux mois après le caractère exécutoire d’une décision de justice prononçant la déchéance du droit aux intérêts si « les montants susceptibles d’être effectivement perçus par le prêteur à la suite de l’application de la sanction de la déchéance des intérêts ne sont pas significativement inférieurs à ceux dont celui-ci pourrait bénéficier s’il avait respecté » ses obligations découlant de ladite directive. La Cour de Justice a ainsi indiqué que « si la sanction de la déchéance des intérêts se trouvait affaiblie, voire purement et simplement annihilée, en raison du fait que l’application des intérêts au taux légal majoré est susceptible de compenser les effets d’une telle sanction, il en découlerait nécessairement que celle-ci ne présente pas un caractère véritablement dissuasif » (point 52).

En l’espèce, le taux légal est fixé au 2e semestre 2024 à 4,92 % lorsque le créancier est un professionnel, tandis que le contrat indique un taux débiteur de 4,78%. Il en résulte que les montants susceptibles d’être effectivement perçus par le prêteur au titre des intérêts au taux légal majoré de cinq points, et même non majoré, nonobstant la déchéance des intérêts, ne sont pas suffisamment inférieurs ou peuvent être supérieurs à ceux dont celui-ci pourrait bénéficier s’il avait respecté ses obligations découlant de la directive 2008/48, de sorte que la sanction de la déchéance du droit aux intérêts ne revêt pas de caractère effectif et dissuasif.

Afin d’assurer l’effet de la directive 2008/48 notamment de son article 23, et par conséquent le caractère effectif et dissuasif de la sanction de la déchéance du droit aux intérêts, il convient d’écarter toute application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil ainsi que celle de l’article L. 313-3 du code monétaire et financier, et de dire que cette somme ne produira aucun intérêt, même au taux légal.

Madame [W] [E] sera en conséquence condamnée au paiement de la somme de 22 139,82 euros qui ne produira aucun intérêt conventionnel ni au taux légal.

Sur les demandes accessoires

En application des dispositions de l’article 696 du Code de procédure civile, Madame [W] [E] partie perdante, est condamnée aux dépens.

Eu égard aux circonstances de la cause et à la situation des parties, il n’apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de la société demanderesse les frais irrépétibles exposés par elle pour agir en justice et non compris dans les dépens.

En application de l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.

PAR CES MOTIFS

Le juge des contentieux de la protection, statuant au fond, par mise à disposition au greffe, par décision réputée contradictoire et en premier ressort,

PRONONCE la déchéance du droit aux intérêts de la SA DIAC sur le crédit consenti le 31 janvier 2022 à Madame [W] [E] ;
CONDAMNE Madame [W] [E] à payer à la SA DIAC la somme de 22 139,82 € arrêtée au 14 mars 2024 ;

DIT que cette somme ne portera pas d’intérêts même au taux légal ;

DEBOUTE la SA DIAC de sa demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNE Madame [W] [E] aux entiers dépens ;

RAPPELLE que l’exécution provisoire de la présente décision est de droit.

La Greffière La Vice-Présidente


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