Article
Saisi par le ministre de la culture pour avis sur le projet de loi modifiant les dispositions du code de la communication et du cinéma relatives à la communication audiovisuelle, le Conseil supérieur de l’audiovisuel, après en avoir délibéré, formule l’avis suivant :
Le Conseil supérieur de l’audiovisuel a été saisi par le ministre de la culture du projet de loi modifiant les dispositions du code de la communication et du cinéma relatives à la communication audiovisuelle. Il est favorable à l’architecture de ce projet de loi qui renforce ses compétences et prend en considération un certain nombre de ses propositions.
Il prend acte de la volonté du Gouvernement de centrer son initiative sur des modifications essentielles de la loi du 30 septembre 1986 modifiée, à savoir notamment le rôle de l’instance en matière de déontologie et d’éthique des programmes, le régime applicable aux services diffusés par satellite, une restructuration partielle du secteur public de l’audiovisuel et la prise en compte de la réglementation communautaire en matière de système d’accès conditionnel.
Il se félicite enfin que ce projet de loi se présente comme une modification du projet de code de la communication et du cinéma, la loi du 30 septembre 1986 modifiée n’ayant plus désormais en sa forme, compte tenu de ses modifications successives, une cohérence suffisamment satisfaisante.
I. – Sur le renforcement des compétences
du Conseil supérieur de l’audiovisuel
Le présent projet de loi affirme le rôle du Conseil supérieur de l’audiovisuel en matière de déontologie et d’éthique des programmes.
Article
1. Extension du champ de compétence du conseil
L’article 5 du projet de loi modifiant l’article L. 312-3 du projet de code consolide juridiquement l’action que le conseil mène en matière de protection de l’enfance et de l’adolescence et de respect par les diffuseurs du pluralisme et de l’honnêteté de l’information.
Il introduit en outre trois principes complétant ceux au respect desquels le conseil veille :
La déontologie des programmes (et non plus seulement la qualité des programmes, notion floue et imprécise, et l’honnêteté de l’information qui figurent respectivement aux articles 1er et 28 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée) ;
La protection de la vie privée (principe complémentaire de celui de la dignité de la personne humaine tel que visé à l’article 1er de la loi) ;
Et, enfin, la protection des consommateurs.
Article
2. Extension du pouvoir de recommandation du conseil
L’article 4 du projet de loi dispose que le C.S.A. » peut émettre toute recommandation relative au respect des principes visés » par le livre III – » L’audiovisuel » – du code de la communication et du cinéma.
En vertu de la loi du 30 septembre 1986 modifiée, le Conseil supérieur de l’audiovisuel ne dispose jusqu’à présent que d’un pouvoir de recommandation relativement limité à quelques domaines, à destination soit du Gouvernement – développement de la concurrence dans les activités de communication audiovisuelle notamment -, soit des diffuseurs – recommandations relatives au respect du principe de pluralisme dans le cadre des campagnes électorales. Le Conseil supérieur de l’audiovisuel accueille avec satisfaction une disposition conforme à ses voeux qui étend à l’ensemble du domaine de la communication audiovisuelle et à l’égard tant des pouvoirs publics que des services de communication audiovisuelle son pouvoir de recommandation et conforte ainsi son action.
Article
3. Introduction d’une compétence consultative
L’article 6 du projet de loi dispose que le C.S.A. est consulté sur tout projet de loi relatif à la communication audiovisuelle.
Le conseil a pu regretter à plusieurs reprises de ne pas être officiellement saisi sur tout projet de loi relatif à la communication audiovisuelle. Cette modification législative emporte son approbation. Cependant, cette consultation systématique devrait être étendue à tout projet de décret réglementaire portant sur la communication audiovisuelle.
Article
4. Amélioration du pouvoir de sanction
Le projet de loi dispose en ses articles 15 et 25 que, dans le cadre de la procédure de sanction menée à l’encontre tant des services autorisés que du secteur public, le rapporteur désigné par le vice-président du Conseil d’Etat rend son rapport dans le délai d’un mois.
Le conseil a régulièrement attiré l’attention des pouvoirs publics sur la durée particulièrement excessive de l’instruction des affaires susceptibles de donner lieu à sanction, sur le fondement des articles 42 et suivants et 48-1 et suivants de la loi du 30 septembre 1986. Une telle modification de la loi permettra à n’en pas douter de rendre plus effective l’action de l’instance. Il est en effet particulièrement nécessaire pour l’efficacité de la mission dont le C.S.A. a la charge de rapprocher le prononcé de la sanction de l’infraction. Pour autant, le conseil estime que, dans le respect des principes définis par le Conseil constitutionnel, il conviendrait d’aller plus loin encore dans le sens de l’allégement de cette procédure de sanction, notamment s’agissant des cas de non-émission des services de radiodiffusion sonore autorisés.
Article
II. – Sur la modification du régime légal de certains domaines
Article
2. Modification de l’organisation
du secteur public de l’audiovisuel
Le projet de loi instaure en son article 18 une nouvelle société en charge de fournir les programmes et les moyens nécessaires à Arte et de remplir les missions jusque-là dévolues à La Cinquième. Un cahier des charges fixé par décret définira les obligations de cette nouvelle société.
Le Conseil supérieur de l’audiovisuel accueille favorablement la création de ce pôle La Cinquième-Arte. Il observe par ailleurs qu’il continuera d’exercer son pouvoir de contrôle sur les missions et les charges de cette nouvelle société telles qu’actuellement remplies par La Cinquième.
Le conseil se satisfait du renforcement des liens entre Radio France Internationale et Radio France, tel que prévu à l’article 19 du projet de loi, propre à instaurer une plus grande synergie entre les deux sociétés nationales de programme. Comme le Gouvernement, le conseil s’accorde à penser que ces restructurations sont susceptibles de mieux assurer la cohérence des politiques radiophoniques et télévisuelles nationales et extérieures.
Article
3. Sur les modifications du dispositif anticoncentration
en matière satellitaire : articles 1er, 2, 3 et 12
Les modifications apportées par les articles 1er, 2, 3 et 12 ont notamment pour objet d’abroger le dispositif anticoncentration actuel lié à la diffusion par satellite. L’article 3 lui susbtitue un nouveau dispositif.
Attaché à l’organisation du libre jeu de la concurrence dans le domaine satellitaire, le conseil note avec satisfaction la volonté du Gouvernement d’adapter la réglementation française aux évolutions techniques et économiques de ce secteur. En ce sens, il approuve l’idée de réserver une part de l’offre d’un bouquet de services à des éditeurs indépendants. Ce nouveau critère semble très certainement préférable à ceux fondés sur un cumul d’autorisations ou un seuil de population donné.
Le nouveau dispositif de l’article 125-6 mériterait toutefois d’être précisé. En l’état de sa rédaction, il est susceptible de s’appliquer tant à l’opérateur satellitaire ou au câblo-opérateur, qu’à l’ensemblier technique ou commercial ou à l’éditeur d’un ensemble de services. Par ailleurs, le C.S.A. relève que cette obligation de réserver 20 p. 100 de la ressource à des éditeurs indépendants peut aujourd’hui aisément être remplie par la seule inclusion de chaînes étrangères transnationales. Il semblerait donc opportun de préciser que cette ressource devrait être majoritairement réservée à des éditeurs de programmes francophones. En outre, la notion » d’offre commune » pourrait également être complétée afin de déterminer si elle concerne l’offre d’un opérateur commercial ou l’offre globale sur un support donné.
Le C.S.A. s’interroge en outre sur la nécessité de supprimer tout seuil relatif à l’utilisation effective soit par un même opérateur de l’ensemble de la ressource satellitaire dans le cas d’un système de satellite national,
soit de la partie de la ressource correspondant à des fréquences de liaison montante françaises dans le cas de systèmes satellitaires européens ou transnationaux. Insuffisant pour sauvegarder le pluralisme des courants d’expression socioculturels (suppression de l’article 39-II notamment), le dispositif prévu pourrait être utilement complété par l’intervention d’autres critères propres à le sauvegarder. De même, l’absence de toute procédure spécifique d’autorisation d’usage de fréquences de radiodiffusion pourrait nuire à une attribution pluraliste de cette ressource.
Ce dispositif gagnerait d’ailleurs en efficacité en désignant l’autorité chargée de le mettre en oeuvre. Le conseil considérerait comme cohérent que ces responsabilités lui soient confiées. Il devrait également intégrer, d’une part, des dispositions visant à permettre le conventionnement des opérateurs commerciaux (comme c’est déjà aujourd’hui le cas des opérateurs de réseaux câblés) et, d’autre part, un mécanisme de sanction.
Le conseil observe par ailleurs que ce projet de loi ne traite pas du conventionnement des bouquets de services de télévision numérique (en particulier lorsqu’ils sont diffusés par câble et par satellite), et notamment de la mutualisation de leurs obligations.
Le conseil regrette enfin que ce projet de loi ne traite pas des nouveaux dispositifs anticoncentration rendus indispensables par l’avènement des nouvelles technologies, et en particulier par la convergence entre les télécommunications et la communication audiovisuelle.
Article
4. Sur l’article 6
S’agissant des spécifications techniques, le conseil exprime sa réserve sur la suppression du renvoi au régime de diffusion par satellite.
Ce faisant, l’article 6 supprime toute base légale permettant de fixer à l’avenir des spécifications techniques des signaux émis pour la fourniture des services de radiodiffusion sonore ou de télévision par satellite et l’avis que le conseil était amené à rendre à cette occasion.
Article
5. Sur l’article 9
Au premièrement de l’article L. 321-6, la suppression de la référence à l’article L. 322-11 est liée à la fusion des actuels régimes de diffusion par satellite utilisant des fréquences gérées par le C.S.A. et gérées par d’autres instances.
Le conseil est défavorable à cette modification qui a pour effet de lui retirer une de ses compétences, celle d’autoriser l’établissement et l’utilisation des installations de télécommunications utilisant des fréquences de radiodiffusion par satellite.
Article
6. Sur l’article 10
Le conseil se félicite que le champ d’application du code de la communication et du cinéma soit précisé. Cette nouvelle disposition devrait permettre de régler nombre des difficultés relatives au champ d’application de la loi de 1986. Certaines améliorations rédactionnelles pourraient cependant être apportées.
En premier lieu, la formulation utilisée au I ( » les services de communication audiovisuelle mis à la disposition du public par des organismes établis sur le territoire français « ) pourrait être source de confusion. Il apparaît sans doute préférable et plus clair de viser le seul établissement du radiodiffuseur.
En deuxième lieu, le champ d’application du code lui-même mériterait d’être également précisé s’agissant des services soumis à déclaration préalable.
En troisième lieu, les critères posés provenant de la directive Télévision sans frontières du 3 octobre 1989 n’ont pas à s’appliquer aux radios.
En dernier lieu, le conseil regrette que le projet ne transpose que partiellement celles des dispositions de la directive européenne Télévision sans frontières qui ne figurent pas encore dans le droit interne français.
Article
7. Sur l’article 12
Le nouveau régime mis en place par l’article L. 322-11 fusionne le régime satellitaire actuel des articles 24 et 31 de la loi du 30 septembre 1986. Le conseil approuve l’initiative qui prend la mesure des évolutions technologiques en la matière.
Le projet de loi ne mentionne aucune procédure pour l’autorisation d’usage des fréquences gérées par le C.S.A. (fréquences affectées au service de radiodiffusion par satellite). L’article L. 322-16 relatif aux conventions câble mentionne pourtant une procédure d’autorisation à propos de l’article L. 322-11.
L’article L. 321-2 ne saurait suffire à la délivrance de telles autorisations, eu égard aux principes de valeur constitutionnelle posés à l’article 1er de la loi de 1986. Le conseil est donc opposé à une modification qui aboutit à lui retirer une de ses prérogatives importantes.
Après le retrait par la loi portant réglementation des télécommunications de la gestion des fréquences de liaison, le conseil serait évidemment hostile à une disposition qui aboutirait à lui retirer la gestion des supports.
D’une manière générale d’ailleurs, les modifications apportées par les articles 6 (Spécifications techniques), 9 (Installation de télécommunications sur les fréquences de radiodiffusion par satellite) et 12 (Régime conventionnel) suppriment l’ensemble du régime juridique relatif aux fréquences affectées au service de radiodiffusion par satellite.
Ce choix est surprenant dans la mesure où ces fréquences seront, dans les prochains mois, celles auxquelles vont principalement recourir les opérateurs de la télévision numérique du fait de la saturation de l’utilisation des fréquences du service fixe par satellite et au moment où se dessine une nouvelle planification internationale (modifications du plan UIT de Genève 1977) susceptible d’ouvrir la voie à la diffusion massive de bouquets extra-européens en Europe. De plus, il paraît également malvenu aux yeux du conseil que le lancement des nouveaux bouquets par satellite s’opère en l’absence de base juridique adéquate en droit français (par exemple, TPS sur Eutelsat et Canal satellite numérique sur Astra utilisent des fréquences de radiodiffusion).
S’agissant du régime conventionnel, plusieurs remarques peuvent être formulées : d’une part, les têtes de chapitre du décret d’application prévu par l’article L. 331-3 diffèrent de celles du décret câble et, d’autre part, le conseil s’interroge sur la portée de l’expression » oeuvre radiophonique » mentionnée à l’article L. 331-3 s’agissant des conventions passées avec les services diffusés par satellite.
Le conseil souhaite ensuite que l’article L. 322-11 prévoie que la convention définisse les obligations particulières au service considéré ainsi que les prérogatives et pénalités contractuelles dont dispose le conseil pour assurer le respect des obligations conventionnelles, comme il en va pour le câble.
Le conseil suggère par ailleurs que le régime de diffusion des oeuvres cinématographiques soit fixé, non pas par décret, mais par la convention elle-même, comme c’est aujourd’hui le cas pour les chaînes hertziennes terrestres en clair par combinaison des articles 70 et 27 de la loi du 30 septembre 1986 ou pour les chaînes diffusées par satellite par combinaison des articles 70 et 31.
En toute hypothèse, la coordination des différents régimes conventionnels mis en place pourrait également soulever quelques difficultés. En effet, tant pour la diffusion par voie hertzienne terrestre sur des fréquences non affectées au C.S.A. (art. L. 321-5) que pour la diffusion par satellite (art. L. 322-11) ou la redistribution sur les réseaux câblés (art. L. 322-16), tout éditeur de service restera soumis à son régime initial. Dès lors, si le niveau de contrainte réglementaire diffère entre les trois décrets d’application, il suffira à un opérateur de choisir le support offrant le régime le plus favorable pour étendre ensuite sa diffusion sur les autres supports.
Pour sa part, le conseil reste favorable, comme il l’a toujours été, à un alignement des régimes conventionnels du câble et du satellite, supports de communication tout à fait complémentaires.
Article
8. Article 16
Le conseil se félicite que le dispositif de sanction soit complété afin que la diffusion sans convention d’un service par satellite puisse être sanctionnée (art. L. 327-11). Il souhaiterait cependant que l’intégralité de la procédure de l’actuel article 78 soit reprise, s’agissant notamment du recours aux agents assermentés.
Par ailleurs, s’agissant de dispositions pénales, le conseil s’interroge sur la rédaction utilisée fondée sur la notion de mise à disposition au public du service. Elle pourrait tendre à confondre les responsabilités respectives des éditeurs de service, d’une part, et des câblo-opérateurs et des opérateurs de satellite, d’autre part, et enfin des sociétés commercialisant les services auprès du public.
Article
9. Sur l’article 26
Le conseil approuve la transposition de la directive 95/47 du 24 octobre 1995 relative à l’utilisation de normes pour la transmission de signaux de télévision.
Le conseil suggère cependant que les trois expressions » accès conditionnel « , » accès sous condition » et » services à conditions d’accès particulières » soient harmonisées.
Il remarque que le projet de loi ne prévoit ni l’autorité en charge de mettre en oeuvre ces dispositions des articles L. 363-1 à L. 363-5, ni la nature du contrôle exercé ou de quelconques sanctions de leur non-respect. Le conseil estime qu’il sera nécessaire de définir les conditions de mise en oeuvre de ces dispositions. Il estime pouvoir y contribuer et, par la suite, jouer un rôle opérationnel dans leur application.
Enfin, l’obligation, pour les diffuseurs, de publier la liste de leurs tarifs à l’attention des téléspectateurs en tenant compte de la fourniture ou non de matériels associés, mentionnée à l’article 4 c de la directive susmentionnée, pourrait également être reprise.
Le conseil regrette que deux des propositions qu’il a régulièrement formulées ne figurent pas dans ce projet de loi. En premier lieu, les négociations internationales en matière audiovisuelle revêtant toujours plus d’importance, le conseil souhaite, à l’instar de la nouvelle autorité de régulation des télécommunications, être associé aux négociations internationales ; en second lieu, le conseil propose que les cahiers des missions et des charges des sociétés nationales de programme soient adoptés après avis conforme afin, notamment, d’harmoniser les régimes juridiques des opérateurs publics et privés.
Fait à Paris, le 8 octobre 1996.
Pour le Conseil supérieur de l’audiovisuel :
Le président,
H. Bourges
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