Conseil en communication : 5 janvier 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 22/03754

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Conseil en communication : 5 janvier 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 22/03754
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COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 56B

12e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 5 JANVIER 2023

N° RG 22/03754 – N° Portalis DBV3-V-B7G-VHTJ

AFFAIRE :

SHB SAS

C/

E.U.R.L. YVYDY

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 20 Avril 2022 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° Chambre : 6

N° RG : 2021F01872

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Oriane DONTOT

Me Typhanie BOURDOT

TC NANTERRE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE CINQ JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

SHB SAS

RCS [Localité 5] n° 534 548 656

[Adresse 7]

[Localité 4] (MARTINIQUE)

Représentée par Me Oriane DONTOT de l’AARPI JRF AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 et Me Jean-Christophe GUERRINI de la SELARL PLASSERAUD AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : T07

APPELANTE

****************

E.U.R.L. YVYDY

RCS Paris n° 497 609 081

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Typhanie BOURDOT de la SELARL MBD AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 644 et Me Nicolas SIDIER et Me Hugo HAYOUN de la SCP PECHENARD & Associés, Plaidants, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : R047

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 03 Novembre 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur François THOMAS, Président,

Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,

Madame Bérangère MEURANT, Conseiller,

Greffier, lors des débats : M. Hugo BELLANCOURT,

EXPOSÉ DU LITIGE

La SAS SHB est spécialisée dans le développement et la vente de produits de beauté éco-responsables sous notamment sa marque « Kadalys ».

La SARL Yvydy est une agence de communication spécialisée dans le design. Son gérant et associé unique est M. [T] [M].

En mai 2021, la société SHB s’est rapprochée de la société Yvydy et lui a demandé l’établissement d’un devis en vue de la réalisation d’un travail conceptuel de recherche d’identité et de création graphique pour sa marque « Kadalys ».

Le 23 juin 2021, la société Yvydy a envoyé le devis, d’un montant de 12.000 € TTC, à la société SHB, que cette dernière a signé le 28 juin 2021.

La société Yvydy a fait plusieurs présentations créatives à la société SHB, dont celle-ci indique qu’elles ne l’ont pas satisfaite. Puis, la société Yvydy a proposé à la société SHB d’arrêter sa mission et d’être payée à hauteur de 50% du montant du devis initial. Cette proposition est restée sans réponse.

Par courrier recommandé du 21 juillet 2021, la société Yvydy a mis en demeure la société SHB de lui régler la somme de 12.000 € TTC, correspondant au devis. La société SHB a refusé de payer la somme réclamée.

Par acte du 23 août 2021, la société Yvydy a assigné la société SHB devant le tribunal de commerce de Nanterre aux fins de voir ordonner la résolution du contrat aux torts exclusifs de la société SHB et de la voir condamner au paiement de la somme de 20.000 € à titre de dommages et intérêts.

Par jugement contradictoire du 20 avril 2022, le tribunal de commerce de Nanterre :

– A dit la SAS SHB recevable mais mal fondée en son exception d’incompétence ;

– S’est déclaré compétent ;

– A dit qu’à défaut d’appel dans le délai légal, les parties seront renvoyées à l’audience de mise en état du 28 juin 2022, pour dépôt des conclusions au fond de la SAS SHB ;

– A dit n’y avoir lieu à faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile à ce stade de la procédure ;

– A réservé les dépens.

Par déclaration reçue au greffe le 7 juin 2022 et enregistrée le 8 juin 2022, la société SHB a interjeté appel du jugement et a été autorisée par ordonnance du 16 juin 2022 à assigner la partie intimée à jour fixe pour l’audience du 3 novembre 2022.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 20 octobre 2022, la société SHB demande à la cour de :

– Infirmer le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 20 avril 2022 en ce qu’il a déclaré la société SHB mal fondée en son exception d’incompétence, et s’est déclaré compétent ;

Statuant à nouveau,

– Déclarer le tribunal de commerce de Nanterre incompétent au profit du tribunal de commerce de Fort-de-France ;

En conséquence,

– Dire qu’il sera procédé selon les dispositions des articles 82 et suivants du code de procédure civile ;

– Débouter la société Yvydy de ses demandes ;

– Condamner la société Yvydy à payer à la société SHB la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Condamner la société Yvydy aux dépens, dont distraction au profit de Me Oriane Dontot, JRF & Associés, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions notifiées le 29 septembre 2022, la société Yvydy demande à la cour de :

– La juger bien fondée en l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

– Confirmer le jugement prononcé par le tribunal de commerce de Nanterre le 20 avril 2022, en ce qu’il a dit la société SHB mal fondée en son exception d’incompétence et en ce qu’il s’est déclaré compétent pour connaître des demandes formées par la société Yvydy contre la société SHB dans le cadre de l’instance pendante devant sa juridiction, sous le RG n°2021F01872 ;

– Débouter la société SHB de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions;

En tout état de cause, ajoutant au jugement,

– Condamner la société SHB à payer à la société Yvydy la somme de 5.000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles de l’appel, ainsi qu’aux entiers dépens de l’appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions des articles 695 à 699 du code de procédure civile.

Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la compétence territoriale du tribunal de commerce de Nanterre

La société SHB expose que son siège social est situé en Martinique à Saint-Esprit et qu’en application de l’article 42 du code de procédure civile, la juridiction compétente est donc le tribunal de commerce de Fort-de-France.

Elle reproche au tribunal de commerce de Nanterre de s’être néanmoins déclaré compétent au titre de l’article 46 du code de procédure civile, au motif que la société Yvydy aurait exécuté une prestation de service au [Adresse 1] à [Localité 6] (Hauts-de-Seine).

Elle conteste l’analyse des premiers juges et considère qu’il est inexact de limiter l’objet de l’obligation de la société Yvydy à une prestation intellectuelle ; que le tribunal s’est trompé en retenant que les livrables ne constitueraient pas une chose en tant que telle ; qu’en outre il s’est à l’évidence contredit en constatant la remise de livrables mais en écartant que le contrat comprendrait la livraison d’une chose.

Elle fait valoir que si le devis prévoyait la réalisation d’un travail conceptuel de recherche d’identité, il prévoyait aussi des applications concrètes en aval de ce travail ; que l’obligation de la société Yvydy consistait bien dans la livraison d’une chose ; qu’en effet les livrables visés dans le devis signé du 28 juin 2021 sont des « oeuvres graphiques et typographiques » au sens de l’article L.111-2 du code de la propriété intellectuelle ; que ces oeuvres étaient destinées à être utilisées par la société SHB, comme le révèle la cession de droits d’exploitation consentie par la société Yvydy ; qu’une oeuvre est, par définition, une chose, quel qu’en soit le support et que rien n’autorise à réduire la notion de chose aux biens corporels ; que le terme « livraison » employé par l’article 46 du code de procédure civile n’exclut pas du champ de ce texte les contrats impliquant la remise d’un bien incorporel. Elle souligne que la société Yvydy ne démontre aucunement que les fichiers et dessins techniques devaient être livrés à la société SHB, ou l’ont été, dans le ressort du tribunal de commerce de Nanterre.

Elle soutient à titre subsidiaire, pour le cas où la cour retiendrait que la société Yvydy n’était pas tenue par une obligation de livrer une chose, que le lieu d’exécution de la prestation était le lieu de remise des livrables sous forme de fichiers HD (Haute Définition) et de dessins techniques, soit le siège social de la société SHB, dont l’adresse à [Localité 5] est indiquée sur le devis signé du 28 juin 2021 ; qu’il importe donc peu de déterminer le lieu où le travail préparatoire de création est accompli dès lors que la prestation de service n’est exécutée qu’au moment où les éléments commandés sont remis à la société SHB. Elle précise qu’aucun des deux documents qui lui ont été remis les 1er et 6 juillet 2021 ne l’ont été dans des locaux que la société Yvydy prétend occuper à [Localité 6].

Elle ajoute qu’aucun élément probant ne permettait au tribunal de considérer que la société Yvydy a exécuté sa prestation de service au [Adresse 1] à [Localité 6], l’intimée ayant son siège social à Paris et s’étant limitée à produire un contrat de sous-location expiré à la date du devis, des avis d’échéance qui ne concernaient pas le local objet du contrat de sous-location et une attestation dépourvue de toute valeur probante du gérant et associé unique, M. [T] [M].

La société Yvydy répond que, comme l’a justement relevé le tribunal, son activité principale relève de la prestation de service ; que le travail de refonte du système identitaire de la marque « Kadalys » qu’elle s’est engagée à réaliser pour la société SHB consistait en une prestation de service qu’elle a exécutée dans ses locaux situés à [Localité 6], à l’adresse figurant sur le contrat et la facture ; qu’elle était donc fondée à saisir la juridiction du lieu d’exécution de la prestation, soit le tribunal de commerce de Nanterre, en application de l’article 46 du code de procédure civile.

Elle soutient que la notion de « livraison effective de la chose » au sens de ce texte implique nécessairement la remise d’un bien corporel ; qu’une oeuvre, qui peut être immatérielle, incorporelle, n’est pas nécessairement une « chose » qui peut faire l’objet d’une livraison ; que le travail fourni par la société Yvydy consistait en une prestation de service, matérialisée par des « fichiers HD et dessins techniques », et non en la livraison d’une chose.

Elle énonce enfin s’agissant du lieu de réalisation de la prestation, que le critère à retenir n’est pas celui du lieu où les contenus des fichiers HD et les dessins techniques ont été présentés à la société SHB mais celui où la prestation de service d’Yvydy a été réalisée.

*****

Selon l’article 42 du code de procédure civile, la juridiction territorialement compétente est, sauf disposition contraire, celle du lieu où demeure le défendeur.

L’article 46 du même code offre au demandeur la possibilité de saisir en matière contractuelle, la juridiction du lieu de la livraison effective de la chose ou du lieu de l’exécution de la prestation de service.

En l’espèce, le devis de la société Yvydy, daté du 23 juin 2021 à [Localité 6] et signé le 28 juin 2021 par la société SHB qui y a apposé la mention « Bon pour accord », a pour objet « Kadalys – Refonte système identitaire ».

Ce devis est ainsi rédigé :

« – Réalisation d’un travail conceptuel de recherche d’identité & création du système identitaire comprenant : logo, identité globale de la marque, identité packaging, charte graphique). Présentation de 3 axes.

– Application de l’univers de la marque sur différents supports de communication pour illustrer (Affichage métro, annonce presse).

– Application de l’univers de la marque sur 1 packaging (Flacon et étui du Sérum Booster d’éclat Pink Oil Bio).

Tous droits d’exploitation cédés à SHB SAS dans le temps et dans l’espace (média et hors média).

Confidentialité

L’Agence traitera comme confidentiels tous documents ou informations transmis à elle par l’Annonceur lors de la création de l’oeuvre et prendra toutes mesures nécessaires auprès de son personnel pour garantir cette confidentialité.

Livrables le 30/06/2021

Fichiers HD et dessins techniques :

– Eléments d’identité globale de la marque : design signature de la marque.

– Eléments présentés dans la charte graphique : logotype, typographie, éléments signature de la marque, codes visuels majeurs et mineurs de la marque, spécification des références couleurs, applicatifs, do’s et dont’s liés à l’exécution créative de ces guidelines.

– Artworks du packaging primaire et secondaire du Sérum Booster d’éclat Pink Oil Bio. »

Il ressort de ce devis que l’objet principal de la mission confiée à la société Yvydy consistait en une prestation intellectuelle visant à redéfinir l’identité visuelle de la marque « Kadalys », sur la base des éléments d’identité graphique transmis par la société SHB à compter de la fin du mois de mai 2021.

Comme l’ont d’ailleurs souligné les premiers juges, l’activité principale de la société Yvydy relève bien de la prestation de service, son extrait Kbis mentionnant au titre de ses activités « La réalisation, la commercialisation sous toutes ses formes et par tous les moyens, pour son compte et pour le compte de tiers, de tous conseils ou études en matière de design, de publicité, de communication en général, pour toutes sociétés françaises et étrangères ».

La société SHB expose que la société Yvydy lui a remis les 1er et 6 juillet 2021 deux documents de présentation, tous deux datés du mois de juin 2021 et intitulés « Kadalys – Recherches & mises au point ». Ces deux documents, versés aux débats, déclinent notamment différents logos et des exemples d’application sur divers packagings et sur plusieurs supports de communication, ce qui relève bien d’une prestation intellectuelle.

Les éléments du dossier permettent à la cour de retenir que la société Yvydy, dont le siège social est situé à [Localité 3], a exécuté sa prestation dans ses locaux sis [Adresse 1] à [Localité 6], qui est l’adresse figurant sur le devis signé par la société SHB ainsi qu’au bas de nombreux courriels adressés à celle-ci par M. [T] [M], gérant de la société Yvydy. L’intimée produit un extrait d’immatriculation secondaire au registre du commerce et des sociétés de Nanterre attestant de l’existence d’un établissement secondaire à cette adresse depuis à tout le moins le 3 juillet 2020, soit avant l’émission du devis du 23 juin 2021.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit que la société SHB était mal fondée en son exception d’incompétence et que le tribunal de commerce de Nanterre était compétent.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Les dispositions du jugement déféré relatives aux dépens et à l’article 700 du code de procédure civile seront confirmées.

La société SHB, qui succombe, sera condamnée aux dépens d’appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions des articles 695 à 699 du code de procédure civile.

Elle sera en outre condamnée à verser à la société Yvydy une indemnité de 2.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 20 avril 2022 par le tribunal de commerce de Nanterre ;

Y ajoutant,

CONDAMNE la société SHB aux dépens d’appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions des articles 695 à 699 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société SHB à verser à la société Yvydy la somme de 2.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur François THOMAS, Président et par M. BELLANCOURT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,

 


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