Your cart is currently empty!
ARRÊT DU
21 Octobre 2022
N° 1802/22
N° RG 20/01055 – N° Portalis DBVT-V-B7E-S6FK
MLB/NB
Jugement du
Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de TOURCOING
en date du
17 Février 2020
(RG 18/00272)
GROSSE :
aux avocats
le 21 Octobre 2022
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
– Prud’Hommes-
APPELANT :
Mme [U] [V]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Mario CALIFANO, avocat au barreau de LILLE
INTIMÉE :
S.A.S. VERTBAUDET
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Noémie DUPUIS, avocat au barreau de LILLE substitué par Me Scheherazade EL BEHHAR, avocat au barreau de LILLE
DÉBATS : à l’audience publique du 07 Septembre 2022
Tenue par Muriel LE BELLEC
magistrat chargé d’instruire l’affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,
les parties ayant été avisées à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER : Angelique AZZOLINI
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Soleine HUNTER-FALCK
: PRÉSIDENT DE CHAMBRE
Muriel LE BELLEC
: CONSEILLER
Gilles GUTIERREZ
: CONSEILLER
ARRÊT : Contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 21 Octobre 2022,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par Soleine HUNTER-FALCK, Président et par Angelique AZZOLINI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 17 août 2022
EXPOSE DES FAITS
Après un contrat à durée déterminée du 23 septembre 2013 au 31 mars 2014, Mme [U] [V], née le 6 août 1978, a été embauchée en contrat de travail à durée indéterminée par la société Sadas, devenue la société Vert Baudet à compter du 1er mai 2014, avec reprise d’ancienneté au 23 septembre 2013, en qualité de responsable communication interne et RSE, statut cadre, catégorie F de la convention collective des entreprises de vente à distance, au forfait annuel de 194 jours (90 % d’un temps plein).
Elle était placée sous le management de Mme [N], directrice des ressources humaines, laquelle a été remplacée à compter de la fin de l’année 2016 par M. [E], directeur des ressources humaines de transition. Sa rémunération brute mensuelle s’élevait en dernier lieu à 3 384,58 euros.
Mme [V] a fait l’objet d’un arrêt de travail à compter du 17 mai 2017.
A l’issue de la visite de reprise du 10 janvier 2018, le médecin du travail a indiqué qu’une inaptitude au poste était à prévoir avec des capacités de travail maintenues dans un environnement de travail différent.
Il a confirmé l’inaptitude de la salariée le 23 janvier 2018 en indiquant que tout maintien dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé.
Après avoir convoqué Mme [V] par lettre recommandée du 30 janvier 2018 à un entretien le 12 février 2018 en vue de son licenciement, auquel la salariée ne s’est pas rendue, la société Vert Baudet lui a notifié son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 15 février 2018.
Par requête reçue le 10 octobre 2018, Mme [V] a saisi le conseil de prud’hommes de Tourcoing pour obtenir des dommages et intérêts pour perte de chance de bénéficier d’un congé individuel de formation et harcèlement moral et faire constater la nullité de son licenciement.
Par jugement en date du 17 février 2020 le conseil de prud’hommes a dit que Mme [V] n’a pas été victime d’agissements de harcèlement moral, que son licenciement pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement est bien fondé, qu’elle n’a pas perdu une chance de bénéficier d’une formation au titre d’un congé individuel de formation, que son licenciement n’est pas nul mais repose sur une cause réelle et sérieuse, débouté Mme [V] de l’ensemble de ses demandes, la société Vert Baudet du surplus de ses demandes et laissé à chacune des parties la charge de ses propres frais et dépens.
Le 6 mars 2020, Mme [V] a interjeté appel de ce jugement.
La clôture de la procédure a été ordonnée le 17 août 2022.
Selon ses conclusions reçues le 19 novembre 2021, Mme [V] sollicite de la cour qu’elle infirme le jugement entrepris, dise qu’elle a été victime de harcèlement moral, que son licenciement pour inaptitude est nul, qu’elle a été privée d’une chance de bénéficier du CIF et condamne la société aux sommes de :
20 000 euros à titre d’indemnité pour harcèlement moral
50 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement nul
25 000 euros à titre d’indemnité pour perte d’une chance de bénéficier d’un congé individuel de formation
3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Selon ses conclusions reçues le 27 juillet 2020, la société Vert Baudet demande à la cour :
– A titre principal, de juger que Mme [V] n’a été victime d’aucun traitement qualifiable de harcèlement moral, que son licenciement pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement est fondé sur une cause réelle et sérieuse, de débouter Mme [V] de sa demande indemnitaire pour licenciement nul et en tout état de cause pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de sa demande indemnitaire au titre du prétendu harcèlement moral subi et de l’ensemble de ses demandes et, ce faisant, de confirmer le jugement et, y ajoutant, de condamner Mme [V] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– A titre infiniment subsidiaire, de réduire à de plus justes proportions et en tout état de cause à une somme qui ne saurait excéder trois mois de salaire, soit 9 882 euros, le montant de l’indemnisation sollicitée au titre du licenciement,
– En tout état de cause de juger que Mme [V] n’a subi aucune perte de chance de bénéficier d’un départ en formation dans le cadre d’un congé individuel de formation et de la débouter de sa demande indemnitaire à ce titre.
Il est référé aux conclusions des parties pour l’exposé de leurs moyens, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE L’ARRET
Sur la demande d’indemnité pour perte d’une chance de bénéficier d’un congé individuel de formation
Mme [V] expose que, dans un contexte de climat social dégradé, elle a souhaité prendre un peu de distance avec l’entreprise en préparant à compter de septembre 2017 une licence de philosophie-sociologie, dont Mme [N], directrice des ressources humaines en arrêt de travail depuis novembre 2016, lui avait indiqué qu’elle pourrait lui être profitable pour travailler sur le sujet de l’éthique d’entreprise, que le dossier devait être déposé avant le 6 avril 2017 pour la session reprise d’études longues d’avril 2017 du Fongecif, qu’elle a été reçue à sa demande par M. [E] le vendredi 31 mars 2017, que ce dernier a rejeté sa demande dès le lundi 3 avril en motivant sa décision par la nécessaire mobilisation de l’ensemble des collaborateurs, alors que ses missions étaient déjà réparties sur d’autres, sans consulter le comité d’entreprise, qu’il a ensuite tenté de réécrire l’histoire en invoquant un prétendu manque de précisions de son dossier, par un courrier tardif qui ne lui a pas permis de déposer une nouvelle demande auprès du Fongecif en prévision de sa session du mois de juillet, alors que son dossier était complet.
La société Vert Baudet répond que Mme [V] ne démontre pas qu’elle aurait perdu une chance de bénéficier d’une formation au titre d’un CIF eu égard aux conditions de délais largement insuffisants dans lesquelles elle a exigé une réponse de son employeur, que les refus qui lui ont été opposés étaient légitimes, que Mme [V] ne rapporte pas la preuve que son dossier aurait fait l’objet d’une acceptation de prise en charge et qu’elle aurait été admise par l’organisme de formation dans son programme, que la perte de chance est très hypothétique et l’étendue du préjudice évalué forfaitairement à 25 000 euros non démontré.
Pour caractériser la perte de chance alléguée, Mme [V] produit :
– son entretien de développement en date du 8 mars 2016 avec Mme [N] au cours duquel elle a indiqué réfléchir à une formation en Ethique et Economie (DU à l’Université catholique de Lille),
– le dossier du Fongecif consécutif à sa demande d’inscription en licence de Philosophie-Sociologie à l’Université Lille III pour une formation débutant le 11 septembre 2017 et se terminant le 28 juin 2020, comportant le calendrier de formation complété le 30 mars 2017 par l’Université pour toute la période de formation (avec pour chaque jour concerné le volume d’heures de présence au centre de formation), le programme de la formation et son coût pour 1 452 heures (14 520 euros),
– le calendrier des commissions paritaires du Fongecif mentionnant que pour les dossiers « longues durées », la commission se tenait en juin 2017 avec une date limite de dépôt de dossier au 6 avril 2017,
– la demande d’autorisation d’absence partielle à son poste de travail dans le cadre d’un CIF par courrier remis en main propre à M. [E] le 31 mars 2017. Cette demande comporte, conformément aux prévisions de l’article R.6322-4 du code du travail la date du début de l’activité d’enseignement, la désignation et la durée de celui-ci, ainsi que le nom de l’organisme qui en est responsable,
– le refus du directeur des ressources humaines par courrier du 3 avril 2017 motivé par le fait qu’une formation à hauteur de 23 heures de cours par semaine en moyenne obligerait l’entreprise à revoir l’organisation du poste de travail de Mme [V], à scinder ses missions et à mettre en place une solution temporaire, ce qui n’est pas envisageable au regard de la transformation et de la réorganisation en cours nécessitant la mobilisation totale de chaque collaborateur.
Ainsi que le souligne exactement Mme [V], le bénéfice du congé individuel de formation est de droit sauf dans le cas où l’employeur estime, après avis du comité d’entreprise, que cette absence pourrait avoir des conséquences préjudiciables à la production et à la marche de l’entreprise. Ainsi, un employeur ne peut pas refuser le congé de formation sans consulter préalablement le comité d’entreprise, en application de l’article L.6322-6 du code du travail, ce qu’il n’a pas fait au cas d’espèce.
Compte tenu de la date de la demande de Mme [V], l’employeur ne disposait certes que d’un délai inférieur au délai de trente jours prévu par l’article R.6322-5 du code du travail pour lui répondre avant la date de la commission paritaire du Fongecif. Pour autant, la demande de la salariée était bien conforme aux exigences de l’article R.6322-3 du code du travail puisque, s’agissant de la participation à une activité d’enseignement à temps partiel, elle a bien été adressée par écrit à l’employeur au plus tard soixante-jours avant le début de la formation, prévu le 11 septembre 2017. Au demeurant, l’employeur n’a pas répondu à la salariée qu’il était dans l’impossibilité d’instruire sa demande avant la date de la commission du Fongecif ou à cause de l’incomplétude des éléments qu’elle avait fournis et il ne lui a pas demandé la production de documents. Il a au contraire examiné sa demande de CIF et lui a opposé un refus pour des motifs liés à la marche de l’entreprise, sans pour autant prendre l’avis du comité d’entreprise ni même tenter de le faire. Il ne justifie pas que Mme [V] lui avait demandé une réponse dès le 3 avril 2017, ce qui au demeurant n’aurait pas été de nature à le dispenser de respecter les dispositions légales lui imposant la consultation du comité d’entreprise avant de refuser la demande de congé.
Ce faisant, l’employeur n’a pas respecté le code du travail. Ce n’est qu’après le courrier de la salariée du 21 juin 2017 lui reprochant de n’avoir pas respecté l’article L.6322-6 du code du travail et lui soumettant une nouvelle demande de congé pour une durée limitée de vingt-deux mois pour 1 200 heures de formation en vue de la commission classique du Fongecif de juillet 2017, en lui proposant de lui transmettre le lendemain le nouveau dossier complété par l’Université de Lille 3, que l’employeur a répondu, le 27 juin 2017, qu’il avait considéré sa demande non valable par manque de précision, ce qui n’est pas cependant le sens de son refus du 3 avril 2017.
Par son courrier du 27 juin 2017, l’employeur a indiqué à la salariée qu’il était prêt à étudier à nouveau son dossier en lui demandant les dates précises de démarrage et de fin de formation ainsi que le planning prévisionnel indiquant a minima le nombre d’heures de formation par semaine.
Mme [V] n’a répondu que le 31 juillet 2017 en expliquant n’avoir pas eu la force de le faire plus tôt tant elle avait été choquée par la tentative par son employeur de réécrire l’histoire à son avantage en soutenant contre l’évidence qu’il n’avait pas donné une suite favorable à sa demande initiale en raison d’un manque de précision.
Le refus illégal de l’employeur de la demande de congé formation de la salariée lui a fait perdre une chance d’accéder à la formation débutant le 11 septembre 2017, justifiant l’octroi d’une indemnité de 8 000 euros.
Sur les demandes au titre du harcèlement moral et de la nullité du licenciement
En application des articles L.1152-1 et L.1154-1 du code du travail, Mme [V] invoque au titre du harcèlement moral la mise en suspens des projets RSE sur lesquels elle travaillait à partir de l’arrivée à la fin de l’année 2015 d’un nouveau PDG en la personne de M. [Z], le retrait de la partie communication externe dont elle avait la responsabilité au profit d’une agence de communication parisienne, le recentrage de la communication interne sur l’activité de Vert Baudet, les entités Cyrillus et Vert Baudet Groupe n’étant plus jugées prioritaires, et sa perte d’autonomie dans la gestion de la communication interne, exercée désormais sous le contrôle direct et tatillon de la direction générale, la plaçant dans une relation proche de la subordination avec l’assistante du directeur général, un reproche sur une communication interne dont elle n’était pas l’auteur, l’absence de perspective d’action conforme à ses missions antérieures pour l’année 2017, sa mise à l’écart de sujets de communication majeurs comme la mise en ‘uvre d’un PSE, des réponses laconiques du nouveau DRH, le reproche paradoxal qui lui a été fait d’être absente le jour de l’annonce du plan de sauvegarde de l’emploi alors qu’elle se trouvait à [Localité 5] pour animer une réunion de la Fédération des entreprises de vente à distance, la remise en cause du télétravail que lui autorisait volontiers Mme [N], le refus illégal de sa demande de congé individuel de formation.
S’agissant de la RSE, Mme [V] a adressé à M. [E] le 23 janvier 2017 un mail listant les sujets sur lesquels elle aimerait avoir prioritairement un retour du directeur général. Elle ne justifie pas ne pas avoir eu de réponse, comme elle le prétend dans ses conclusions, puisqu’elle a noté le 23 février 2017, à l’occasion de l’entretien de performance de l’année 2016, que le sujet était mis en suspens par M. [Z], même s’il en reconnaissait l’importance, comme étant non prioritaire. Elle a précisé avoir néanmoins continué à se tenir informée des évolutions et à prendre des contacts pour être prête le moment voulu. La société Vert Baudet ne conteste pas une évolution des priorités de la marque et que le chantier RSE n’était pas prioritaire alors que l’entreprise s’engageait dans une démarche de réorganisation interne annonciatrice d’un PSE.
Concernant la communication externe, la société Vert Baudet rappelle que Mme [V] n’en a jamais été totalement chargée et indique que la communication externe n’a pas été externalisée mais confiée à la direction marketing dans le cadre de la réorganisation interne de la société. Le contrat de travail de Mme [V] ne mentionne que la responsabilité de la communication interne. Il n’est pas contesté cependant que la salariée était en partie chargée de la communication externe, ce qui ressort au demeurant de la qualité figurant sous sa signature dans ses mails et des objectifs qui lui ont été fixés pour l’année 2015 (réflexion sur la communication externe et mise à jour des outils existants), dans des proportions toutefois que les pièces produites ne permettent pas de mesurer. L’entretien de performance de mars 2016 relatif à l’année 2015 mentionne que la communication externe va certainement se réorganiser en lien avec l’arrivée de M. [Z] à la tête du groupe et précise que ce dernier a déjà échangé avec Mme [V] sur ce point. Parmi les objectifs fixés à Mme [V] pour l’année 2017 figure la fourniture de contenus pour nourrir une prise de parole externe pour développer l’image clients, au moyen de sa collaboration avec la « com externe Verbaudet ». L’externalisation en collaboration avec une agence parisienne évoquée dans l’entretien de performance du 23 février 2017 concerne la procédure de gestion de crise. Il est établi que la société Vert Baudet a embauché Mme [Y] à temps plein le 8 juin 2017 pour assurer sa communication externe, cette salariée étant rattachée au directeur marketing.
S’agissant de l’exercice par Mme [V] de ses responsabilités en matière de communication interne, les pièces produites traduisent l’exigence de la nouvelle direction d’être plus étroitement associée aux initiatives de Mme [V]. Ainsi, le 25 mai 2016, Mme [I], assistante de direction, a indiqué à Mme [V] qu’elle venait d’apprendre qu’elle souhaitait arrêter la distribution de gobelets et qu’elle aurait aimé en discuter avec elle car cela ne lui semblait pas réalisable. Mme [V] lui a longuement répondu en exposant les motifs et objectifs de ce projet. Mme [I] l’a remerciée pour ce retour en indiquant qu’elle aurait aimé en être informée avant. Le 29 novembre 2016, suite au constat du changement de couleur du poteau de l’accueil, Mme [I] a interrogé Mme [V] sur l’auteur de la validation de ce projet et le budget. Mme [V] lui a répondu que l’accueil allait être refait, comme vu avec Mme [N] depuis un moment, sans travaux ni budget, avec des dons, en lui expliquant le projet. Mme [N], alors en arrêt de travail, a adressé un mail pour abonder dans le sens de Mme [V] et, parallèlement, a conseillé à la salariée d’« apprendre la formalisation même ultra light tout le temps », condition de son confort chez Vertbaudet. Le 31 mars 2017, Mme [V] a fait part à M. [W] de son projet d’une petite Pop au sujet des collaborateurs DOSI. M [W] l’a remerciée pour son idée tout en lui indiquant qu’il souhaitait valider avant diffusion le principe et le contenu de toute communication relative à la DOSI en particulier dans le contexte des annonces PSE faites la veille, le dossier étant sensible. Mis en copie de ce message, M. [E] a également adressé à Mme [V] un mail pour insister auprès d’elle sur la nécessaire validation de ses propositions de communication interne par les membres du CODIR concernés.
Mme [V] justifie que M. [Z] l’a interpellée le 22 septembre 2016 au sujet d’un message diffusé via la boite de messagerie Popinfo concernant la « visite de l’administration » en lui indiquant qu’il ne savait pas si elle était à son initiative mais qu’elle devait désormais soumettre à sa validation « tout Pop info qui serait susceptible d’être envoyé (quelque soit le sujet) », ce à quoi Mme [V] lui a répondu qu’elle n’était évidemment pas à l’initiative de cette Popinfo et qu’elle avait conscience que ce genre de message devait être validé ensemble. Elle lui a adressé à cette occasion un projet de réponse, après quoi M. [Z] lui a demandé de ne rien préparer, de patienter et qu’il gérerait l’ensemble à son arrivée.
Pour autant, il n’apparaît pas que Mme [I], qui agissait comme assistante de la direction, se soit comportée comme la supérieure hiérarchique de Mme [V]. Les mails de mai 2017 relatifs au quiz montrent au contraire que Mme [I] était simplement chargée de l’envoi journalier d’une pop info sur le sujet, Mme [V] lui donnant des instructions sur le rythme de diffusion des questionnaires et des réponses et ayant préparé la communication pour l’annonce du jeu et le lien vers le quiz, comme le montre le mail de Mme [R], directrice Ecommerce. Par ailleurs, c’est Mme [V] qui a demandé à Mme [I] le 24 avril 2017 de répondre à une journaliste sollicitant des informations sur le PSE.
L’entretien de performance du 23 février 2017 mentionne la nécessaire redéfinition du champ d’intervention de Mme [V] en 2017 suite à l’externalisation ou au report de projets jugés non prioritaires. Lui ont cependant été assignés pour l’année 2017 cinq objectifs en matière de communication interne, soit un nombre d’objectifs conforme à la pratique antérieure, tous en lien avec ses missions antérieures, comme celle consistant à poursuivre la mise en ‘uvre du Plan de déplacement entreprise.
Il ne ressort pas des pièces produites que Mme [V] a été mise à l’écart de sujets de communication majeurs comme la mise en ‘uvre d’un PSE. Si M. [D] et Mme [L], anciens collègues de Mme [V], attestent avoir constaté une dégradation de son état de santé à partir de janvier 2017, suite à l’arrivée du nouveau DRH fin 2016, ils ne font cependant état d’aucun agissement du DRH en lien avec leurs constatations. De même, dans ses messages de soutien à Mme [V] du 26 janvier 2018, les allusions de M. [C], représentant du personnel, à sa « mise à l’écart brutale » et au fait qu’elle serait devenue « du jour au lendemain la pestiférée » ne s’appuient sur aucun exemple de nature à illustrer une telle éviction.
Pour caractériser les réponses laconiques du nouveau DRH, Mme [V] produit trois mails de M. [E] des 6 et 12 avril 2017 par lesquels il répond « GO » ou « OK » à des demandes de validation de messages avant diffusion.
Mme [V] justifie avoir informé M. [E] de ce qu’elle serait à [Localité 5] le 25 janvier 2017 pour une journée de travail à la Fédération des entreprises de la vente à distance. Son agenda mentionne également « Fevad [Localité 5] » à la date du 30 mars 2017. Elle ne justifie pas toutefois qu’il lui a été reprochée d’être absente le jour de l’annonce du plan de sauvegarde de l’emploi.
S’agissant de la remise en cause du télétravail, Mme [V] produit un mail de M. [E] du 22 mars 2017 qui lui indique vouloir discuter avec elle des conditions de son télétravail, l’exemple de la veille démontrant qu’elle n’était pas disponible pour sa direction. Il précise que malgré ses trois tentatives pour la joindre et ses demandes de rappel, il n’a eu aucun retour de sa part alors que plusieurs sujets concernant son périmètre ont fait l’objet de décisions en CODIR dont il voulait lui faire part pour lancer les chantiers nécessaires. De fait, le 21 mars 2017 à 15h08, Mme [H], assistante de direction des ressources humaines, a adressé à Mme [V] un mail pour lui signaler que M.[E] avait essayé de la joindre et lui demander si elle avait pu le rappeler, ce à quoi Mme [V] a répondu à 15h34 que « non, pas encore ». A 16h55, M. [E] a adressé à Mme [V] le mail suivant : « Bonjour [U], j’ai essayé de vous appeler plusieurs fois sans succès. Merci de me rappeler. Un changement de priorité vient bousculer le calendrier de la communication interne. » Il n’est pas justifié des suites données à ce mail et qu’après discussion avec M. [E] sur les modalités de son télétravail, ce dernier ait exclut le principe même du télétravail pour Mme [V].
Il résulte de ce qui précède que le directeur des ressources humaines a refusé le 3 avril 2017 la demande de congé de formation présentée par Mme [V] pour des motifs tenant à la marche de l’entreprise, sans respecter le texte lui imposant de solliciter préalablement l’avis du comité d’entreprise.
Ainsi, les seuls faits invoqués par la salariée au titre du harcèlement moral et établis par elle sont la mise en suspens de ses missions en matière de RSE, le retrait des attributions qu’elle pouvait exercer en matière de communication externe, un contrôle plus marqué de la communication interne par la direction de l’entreprise, trois réponses laconiques, mais néanmoins favorables, de M. [E] à ses demandes en vue de diffuser des contenus relevant de la communication interne et le refus par M. [E] de sa demande de congé de formation.
Ces faits qui, ainsi que le souligne Mme [V] dans ses conclusions, s’inscrivent, à l’exception du refus de sa demande de congé de formation, dans un changement de gouvernance, de culture d’entreprise et de méthodes de travail, ne peuvent, pris dans leur ensemble, laisser supposer l’existence d’un harcèlement moral, même si les témoignages et les pièces médicales produits font état de la perte d’enthousiasme, du profond désarroi et de la souffrance de la salariée rapportés à ces changements. Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu’il a débouté Mme [V] de sa demande d’indemnité pour harcèlement moral et de sa demande de nullité du licenciement.
Mme [V] ne demandant pas que son licenciement soit déclaré sans cause réelle et sérieuse et ne soutenant aucun moyen à cette fin, la demande de la société Vert Baudet tendant à ce que Mme [V] soit en tout état de cause déboutée de sa demande pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, est sans objet.
Sur les frais irrépétibles
L’issue du litige justifie que la société Vert Baudet soit condamnée à verser à Mme [V] la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant après débats en audience publique par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
Confirme le jugement déféré, sauf en ce qu’il a débouté Mme [U] [V] de sa demande au titre de la perte de chance de bénéficier d’un congé individuel de formation et sur les dépens, et statuant à nouveau :
Condamne la société Vert Baudet à verser à Mme [U] [V] la somme de 8 000 euros à titre d’indemnité pour perte de chance de bénéficier d’un congé individuel de formation.
Condamne la société Vert Baudet à verser à Mme [U] [V] la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Condamne la société Vert Baudet aux dépens de première instance et d’appel.
LE GREFFIER
Angelique AZZOLINI
LE PRESIDENT
Soleine HUNTER-FALCK