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PhD/CS
Numéro 23/1069
COUR D’APPEL DE PAU
2ème CH – Section 1
ARRET DU 21 mars 2023
Dossier : N° RG 21/03392 – N° Portalis DBVV-V-B7F-IAJD
Nature affaire :
Autres demandes relatives à un contrat de prestation de services
Affaire :
S.A.S.U. LASER IMMO COMMERCE
C/
S.A.R.L. AGENCE GRAPHICS
Grosse délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R E T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 21 mars 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l’audience publique tenue le 24 janvier 2023, devant :
Philippe DARRACQ, magistrat chargé du rapport,
assisté de Madame SAYOUS, Greffière présente à l’appel des causes,
Philippe DARRACQ, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d’opposition a tenu l’audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Jeanne PELLEFIGUES et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame Jeanne PELLEFIGUES, Présidente
Monsieur Philippe DARRACQ, Conseiller
Madame Joëlle GUIROY, Conseillère
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l’affaire opposant :
APPELANTE :
S.A.S.U. LASER IMMO COMMERCE
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Laure DARZACQ de la SELARL LAURE DARZACQ, avocat au barreau de DAX
INTIMEE :
S.A.R.L. AGENCE GRAPHICS
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Me Corinne CAPDEVILLE, avocat au barreau de MONT-DE-MARSAN
sur appel de la décision
en date du 17 SEPTEMBRE 2021
rendue par le TRIBUNAL DE COMMERCE DE MONT DE MARSAN
FAITS-PROCEDURE -PRETENTIONS et MOYENS DES PARTIES
La société Laser immo commerce (sasu), spécialisée dans la vente de fonds de commerce, a confié à la société Agence graphics (sarl), agence de communication d’entreprises, la réalisation de prestations :
– par contrat du 7 août 2018, de création et d’hébergement d’un site internet
– par contrat du 7 août 2018, de création d’un logo.
Le 23 décembre 2019, la société Laser immo commerce a résilié par anticipation le premier contrat, lequel n’a fait l’objet d’aucun litige.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 17 janvier 2020, la société Agence graphics a mis en demeure la société Laser immo commerce de cesser d’utiliser sans son autorisation le logo créé par l’agence, sous peine de poursuites pour contrefaçon, joignant à la lettre une facture de 35.000 euros au titre de l’indemnité contractuelle prévue dans le second contrat en cas de non respect du droit d’auteur.
Par ordonnance du 31 janvier 2020, le président du tribunal de commerce de Mont-de-Marsan a enjoint à la société Laser immo commerce de payer la somme de 35.000 euros.
L’ordonnance a été signifiée le 20 février 2020.
Par déclaration au greffe reçue le 21 février 2020, la société Laser immo commerce a formé opposition à la dite ordonnance.
Par jugement contradictoire du 17 septembre 2021, le tribunal de commerce de Mont-de-Marsan a :
– reçu en la forme l’opposition
– dit que la société Agence graphics a bien constitué avocat pour la représenter à l’audience
– débouté la société Laser immo commerce de sa demande d’irrecevabilité de la procédure d’injonction de payer
– dit que la créance de la société Agence graphics est certaine, liquide et exigible
– condamné la société Laser immo commerce à payer à la société Agence graphics la somme de 35.000 euros outre intérêts de droit à compter du 20 février 2020, date de la signification de l’ordonnance d’injonction de payer
– condamné la société Laser immo commerce à payer à la société Agence graphics la somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Par déclaration faite au greffe de la cour le 19 octobre 2021, la société Laser immo commerce a relevé appel de ce jugement.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 14 décembre 2022.
***
Vu les dernières conclusions notifiées le 14 mars 2022 par la société Laser immo commerce qui a demandé à la cour de réformer le jugement entrepris, et, statuant à nouveau, de :
– débouter la société Agence graphics de ses demandes
– à titre subsidiaire, de modérer le montant de la clause pénale à la somme symbolique d’1 euro
– condamner la société Agence graphics à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Vu les dernières conclusions notifiées le 25 février 2022 par la société Agence graphics qui a demandé à la cour de confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris, de débouter la société Laser immo commerce de ses demandes et la voir condamner au paiement d’une indemnité de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS
L’appelante fait grief au jugement entrepris de l’avoir condamnée au paiement de la clause pénale contractuelle alors que, d’une part, cette clause, rédigée en termes obscurs, visant des dispositions légales abrogées et faisant référence à un calcul des droits d’auteur selon un barème non produit, ne respecte pas l’obligation de loyauté contractuelle, de sorte qu’elle est inapplicable, et, d’autre part, à titre subsidiaire, elle présente un caractère manifestement excessif qui commande de la réduire à 1 euro eu égard aux circonstances de la cause, de l’absence de mise en demeure préalable et de préjudice démontré.
Mais, il est constant que suivant devis accepté le 7 avril 2018, la société Laser immo commerce a commandé la création d’un logo commercial moyennant le prix de 450 euros, et qu’elle n’a pas donné de suite à l’offre, mentionnée dans le devis, de signer un contrat de cession du droit d’auteur pour le logo à créer.
Les conditions générales de vente comportent un article 18 intitulé ‘droit d’auteur’ qui stipule que :
‘La reproduction et la réédition des créations du partenaire expert sont soumises à la perception de droits d’auteur selon les lois 57-298 du 11 mars 1957, 85-600 du 3 juillet 1895 et de la décision du 23 février 1987 de la commission créée par cette loi sauf clause spécifique définie expressément sur le devis ou la facture.
En cas d’usage de documents imposés et fournis par le client, et soumis à la perception de droits d’auteur et/ou d’autorisation de reproduction, le client engage son entière responsabilité. Il reconnaît avoir été informé par l’ Agence graphics des obligations légales relatives au droit d’auteur.
Le titulaire des droits est Agence graphics qui a réalisé le logo (la société prestataire, le graphiste ou l’agent ayant réalisé le logo). Le fait que le créateur du logo soit un agent public ne déroge pas à cette régle (CPI, article L111-1 alinéa 2).
Les modifications ou interprétations d’une création graphique ne peuvent en aucun cas être faites dans le consentement de l’auteur.
Les droits de reproduction sont calculés selon la méthode et le barème de l’ouvrage ‘droits d’auteurs et publicité’ publié par les organisations professionnelles d’auteurs, avec le concours du ministère de la culture et de la communication, en application de l’article 14 de la loi du 85-60 du 3 juillet 1985.
Toutes utilisations frauduleuses, ou contrefaçon sans notre accord écrit sera poursuivi et facturé à hauteur de 35.000 E TTC, sans pouvoir en contester Agence graphics tant qu’il en aménera les preuves numériques de cette utilisation (sic)’.
S’il est exact que la clause vise des dispositions législatives abrogées par la loi 92-597 du 1er juillet 1992 relative au code de la propriété intellectuelle, cette référence obsolète n’a aucune portée, non seulement sur la validité de la clause, au demeurant non contestée par l’appelante, ni sur son applicabilité dès lors, d’une part, que les oeuvres de l’esprit, dont les créations graphiques, jouissent de plein droit de la protection légale qui leur est attachée du seul fait de leur création, et, d’autre part, que les mentions de la clause reprennent pour l’essentiel les anciennes dispositions transposées dans le code de la propriété intellectuelle, dans leur rédaction à la date du devis du 7 avril 2018, ainsi que des extraits des textes codifiés.
Le rappel de ces dispositions, comme la référence au calcul des droits d’auteur, selon un barème, revêt un caractère informatif, tandis que la clause rappelle expressément que l’agence était propriétaire du logo ainsi que les conditions de sa représentation ou reproduction, sous la sanction de la clause pénale dont les termes se suffisent à eux-mêmes.
Au demeurant, déjà sensibilisée au droit d’auteur dans la convention relative à la création et l’hébergement d’un site internet, et n’ayant pas exercé la faculté d’acquérir les droits d’auteur sur le logo, l’appelante ne peut sérieusement soutenir que la clause pénale était obscure.
L’article L112-4 du code de la propriété intellectuelle dispose que toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite.
L’appelante ne conteste pas que le logo litigieux présente les caractères d’une oeuvre graphique constitutive d’une oeuvre de l’esprit.
L’intimée ne conteste pas que l’indemnité forfaitaire de 35.000 euros prévue en cas d’utilisation illicite ou de contrefaçon du logo s’analyse en une clause pénale.
En droit, il résulte de l’article 1231-5 du code civil que le juge peut, même d’office, modérer ou augementer la pénalité convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire.
Selon le dernier alinéa, sauf inexécution définitive, la pénalité n’est encourue que lorsque le débiteur est mis en demeure.
Il est de jurisprudence constante que le caractère excessif de la clause pénale peut se déduire de la disproportion manifeste entre l’importance du préjudice effectivement subi et le montant de la peine conventionnellement fixé.
En l’espèce, le 17 janvier 2020, la société Laser immo commerce a bien été mise en demeure de cesser d’utiliser le logo créé par l’agence.
L’émission prématurée de la facture de 35.000, le même jour, n’a pas de conséquence sur la mise en jeu de la clause pénale puisque l’intimé produit des captures d’écran montrant que l’utilisation du logo s’est poursuivie jusqu’au 21 septembre 2020, aucun élément postérieur n’ayant été produit aux débats.
En revanche, les justications de l’intimé concernant le montant de l’indemnité forfaitaire qui correspondrait à un calcul des droits d’utilisation sur 10 ans, ne sont corroborées par aucun élément.
L’intimée n’a fourni aucune précision quant à la valeur économique réelle des droits d’auteur qu’elle aurait pu céder pour un logo, original mais relativement simple, dont la création a été facturé pour la somme de 450 euros.
En outre, il n’est justifié d’aucune utilisation du logo après le 21 septembre 2020.
Il s’ensuit que le clause pénale, dont le montant forfaitaire a été déterminé de façon abstraite sans rapport économique avec la prestation réalisée, apparaît manifestement disproportionnée avec le préjudice que peut avoir subi par l’Agence graphics du fait de l’utilisation du logo sans son accord.
Il s’ensuit que, manifestement excessive, la clause pénale doit être réduite à la somme de 5.000 euros.
Le jugement sera infirmé, et la société Laser immo commerce condamnée à payer cette somme augmentée des intérêts au taux légal à compter du 20 février 2020.
Le jugement sera confirmé sur les dépens et les frais irrépétibles et l’appelante condamnée aux dépens d’appel.
Les parties seront déboutées de leurs demandes fondée sur l’article 700 du code de procédure civile en appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
INFIRME le jugement entrepris sur le montant de la condamnation prononcée contre la société Laser immo commerce au titre de la clause pénale,
et statuant à nouveau,
CONDAMNE la société Laser immo commerce à payer à la société Agence graphics la somme de 5.000 euros au titre de la clause pénale,
CONFIRME le jugement pour le surplus,
y ajoutant,
CONDAMNE la société Laser immo commerce aux dépens d’appel,
DEBOUTE les parties de leurs demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile en appel.
Le présent arrêt a été signé par Madame PELLEFIGUES, Présidente, et par Madame Catherine SAYOUS, greffier suivant les dispositions de l’article 456 du Code de Procédure Civile.
LA GREFFIÈRE, LE PRÉSIDENT,