Conseil en communication : 15 décembre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 19/08718

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Conseil en communication : 15 décembre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 19/08718
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Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 8

ARRET DU 15 DECEMBRE 2022

(n° , 15 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/08718 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CAOXA

Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Mai 2019 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° 18/04449

APPELANTE

Madame [J] [H]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Amandine RAVEL, avocat au barreau de CHARTRES, toque : 000049

INTIMÉE

SA SAFI SALONS FRANCAIS ET INTERNATIONAUX

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Joël WILLER, avocat au barreau de PARIS, toque : E1206

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 15 Novembre 2022, en audience publique,les avocats ne s’étant pas opposés à la composition non collégiale de la formation, devant Madame Nathalie FRENOY, Présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Nathalie FRENOY, présidente

Madame Corinne JACQUEMIN, conseillère

Madame Emmanuelle DEMAZIERE, vice-présidente placée

Greffier, lors des débats : Mme Nolwenn CADIOU

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

– signé par Madame Nathalie FRENOY, présidente et par Madame Nolwenn CADIOU, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Madame [J] [H] a été engagée par la société Salons Français et Internationaux (SAFI) par contrat à durée déterminée du 4 avril 2007 en qualité d’assistante commerciale, coefficient 210, position 1.2 de la convention collective nationale des bureaux d’études techniques, cabinets d’ingénieurs-conseils et sociétés de conseils, dite Syntec.

La relation de travail s’est poursuivie par contrat à durée indéterminée à compter du 1er décembre 2007.

Au dernier état de la relation contractuelle, Mme [H] était responsable des partenariats et événements spéciaux, position IC2.3, coefficient 150, depuis février 2016.

Son contrat de travail a été suspendu pour cause de maladie en février, avril, mai, juillet, novembre et décembre 2016 ainsi qu’en février, mars, juillet 2017.

Un avertissement lui a été notifié par courrier du 2 juin 2017.

Par courrier du 4 octobre 2017, la salariée a été convoquée à un entretien préalable et mise à pied à titre conservatoire.

Par lettre recommandée du 26 octobre 2017, la société SAFI lui a notifié son licenciement pour faute grave.

Mme [H] a saisi le 15 juin 2018 le conseil de prud’hommes de Paris qui, par jugement en date du 13 mai 2019, notifié aux parties par lettre en date du 10 juillet 2019, a :

-dit qu’il y a bien faute grave

-condamné la société Salons Français et Internationaux à lui verser les sommes de :

*4 608 euros au titre de la rémunération variable S2 pour l’année 2016

*460,08 euros au titre de l’indemnité de congés payés afférents

*5 208 euros au titre de la rémunération variable S1 pour l’année 2017

*520 euros au titre de l’indemnité de congés payés afférents

*3 940,63 euros au titre de la rémunération variable S2 pour l’année 2017

*394,06 euros au titre de l’indemnité de congés payés afférents

*705 euros au titre des congés payés afférents au rappel de rémunération versé en 2018

avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation, jusqu’au jour du paiement

-rappelé qu’en vertu de l’article R1454-28 du code du travail, ces condamnations sont exécutoires de droit à titre provisoire, dans la limite maximum de 9 mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire

-fixé cette moyenne à la somme de 4 841,06 euros

-condamné la société Salons Français et Internationaux à verser à Mme [H] 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

-débouté Mme [H] du surplus de ses demandes

-débouté la société SAFI Salons Français et Internationaux de ses demandes reconventionnelles

-condamné la société SAFI Salons Français et Internationaux au paiement des entiers dépens.

Par déclaration en date du 30 juillet 2019, Mme [H] a interjeté appel de ce jugement.

Par ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 4 janvier 2022, Mme [H] demande à la Cour :

-de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a condamné la société SAFI à lui verser les sommes de :

-4 608 euros bruts à titre de rappel de rémunération variable 2ème semestre 2016

-460,08 euros bruts à titre de congés payés y afférents

-5 208 euros bruts à titre de rappel de rémunération variable 1er semestre 2017

-520 euros bruts à titre de congés payés y afférents

-3 940,63 euros bruts à titre de rappel de rémunération variable 2ème semestre 2017

-394,06 euros bruts à titre de congés payés y afférents

-705 euros bruts à titre de congés payés afférents au rappel de rémunération versé en août 2018

-débouté la société SAFI de l’intégralité de ses demandes reconventionnelles pour procédure abusive et au titre de l’article 700 du code de procédure civile

-de confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société SAFI sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

-d’infirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté Mme [H] de ses demandes de :

à titre principal,

-75 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul

à titre subsidiaire,

-48 400 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

en tout état de cause :

-2 495,64 euros bruts à titre de rappel de salaire sur mise à pied

-249,56 euros bruts à titre de congés payés y afférents

-2 454 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis sur rappel de rémunération variable

-245,40 euros bruts à titre de congés payés y afférents

-14 523 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis

-1 452,30 euros bruts à titre de congés payés y afférents

-17 347,14 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement

-20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour réparation du préjudice moral

-remise de l’attestation d’employeur destinée au Pôle Emploi et d’un bulletin de paie rectifié conformément à la décision à intervenir

-intérêts au taux légal

-dépens y compris les frais d’exécution

-limité la condamnation de la société SAFI au titre de l’article 700 du code de procédure civile à la somme de 1 000 euros

et, statuant à nouveau :

-de condamner la société SAFI au paiement des sommes de :

à titre principal,

-75 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul

à titre subsidiaire,

-48 400 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

en tout état de cause :

-2 495,64 euros bruts à titre de rappel de salaire sur mise à pied

-249,56 euros bruts à titre de congés payés y afférents

-2 454 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis sur rappel de rémunération variable

-245,40 euros bruts à titre de congés payés y afférents

-14 523 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis

-1 452,30 euros bruts à titre de congés payés y afférents

-17 347,14 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement

-20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour réparation du préjudice moral

-4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

-d’ordonner que ces sommes produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par la société SAFI de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes de Paris, avec capitalisation des intérêts sur le fondement de l’article 1343-2 du Code civil,

-d’ordonner la remise de l’attestation d’employeur destinée au Pôle Emploi et d’un bulletin de paie rectifié conformément à la décision à intervenir,

-de condamner la société SAFI Salons Français et Internationaux aux entiers dépens.

Par ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 22 février 2022, la société SAFI Salons Français et Internationaux demande à la Cour :

-de dire et juger que le licenciement de Mme [H] intervenu pour faute grave le 26 octobre 2017 était parfaitement fondé et légitime,

en conséquence,

-de confirmer de ce chef le jugement entrepris,

mais, recevant et faisant droit à l’appel incident de la SAFI Salons Français et Internationaux,

-d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il est entré en voie de condamnation à l’encontre de la SAFI du chef de la rémunération variable de la salariée, et l’a déboutée tant de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive que de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

en conséquence,

-de constater que Mme [H] a bien été réglée de l’ensemble des rémunérations variables qui lui étaient dues,

en conséquence,

-de condamner Mme [H] à rembourser à la SAFI les sommes qu’elle a perçues au titre de l’exécution provisoire dont le jugement entrepris était assorti, à savoir au total la somme de 11 828,63 euros, avec intérêts de droit à compter du règlement de ces sommes jusqu’au jour de leur remboursement,

-de débouter purement et simplement Mme [H] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions comme irrecevables, en tous cas mal fondées,

-de dire et juger que le comportement de Mme [H], ses accusations et les demandes qu’elle a formées et persiste à former, au titre d’un prétendu harcèlement, en cause d’appel, de même que la poursuite d’une condamnation de la société SAFI à lui régler des sommes qu’elle a effectivement perçues et/ou des sommes qui ne lui étaient pas dues, sont constitutives d’un abus de droit,

en conséquence,

-de la condamner à payer à la société SAFI Salons Français et Internationaux, en réparation de son préjudice, la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts,

-de condamner Mme [H] à payer à la SAFI la somme de 7 000 euros à titre d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

-de condamner Mme [H] aux entiers dépens de l’instance.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 22 mars 2022.

Il convient de se reporter aux énonciations de la décision déférée pour plus ample exposé des faits et de la procédure antérieure, ainsi qu’aux conclusions susvisées pour l’exposé des moyens des parties devant la cour.

MOTIFS DE L’ARRET

Sur les rappels de salaire au titre de la rémunération variable :

Rappelant que laissée dans l’incertitude la plus absolue concernant sa rémunération lors de sa promotion au poste de responsable des partenariats et événements spéciaux en février 2016 et ayant droit de ce fait à l’intégralité de sa rémunération variable, Mme [H] sollicite la confirmation du jugement qui lui a octroyé des rappels de rémunération, tout en prenant en compte, pour l’année 2016, une prime d’objectifs et une prime PDP effectivement versées, et pour l’année 2017, les sommes perçues aux premier et second semestres. Elle réclame en outre la somme de 705 € correspondant aux congés payés sur la somme versée lors de l’audience de conciliation au titre du second semestre 2017.

La société Salons Français et Internationaux considère que conformément aux objectifs fixés et à la performance de la salariée, il lui a été réglé ce qui lui était dû pour l’année 2016, qu’il en a été de même pour l’année 2017 par application des deux avenants conclus le 11 mars 2017 à effet au 1er janvier précédent, et s’interroge sur la nature des sommes dont elle resterait prétendument redevable.

Au vu des pièces produites, il est établi qu’alors qu’elle percevait une rémunération variable calculée en fonction d’objectifs fixés par son employeur, Mme [H] n’a reçu aucune explication quant à la structure de sa rémunération lors de sa promotion au poste de responsable des partenariats et des événements spéciaux, en dépit de sa demande précise en ce sens. Si, comme l’a constaté le conseil de prud’hommes, elle n’a été éclairée à ce sujet qu’en mars 2017, elle est fondée à défaut de fixation de ses objectifs pour l’année 2016 à percevoir la somme arbitrée en première instance.

En ce qui concerne l’année 2017, l’avenant conclu le 11 mars 2017 stipule une prime collective de 3300 € si le département dont elle est responsable atteint un chiffre d’affaires encaissé de 230 K€ au 30 juin 2017 ou un chiffre très proche ( selon des modalités précisées en fonction du pourcentage atteint), une prime de 5 000 € en cas d’atteinte d’un chiffre d’affaires de 770K€ au 30 novembre 2017 ou un chiffre très proche (selon des modalités déterminées en annexe de l’avenant), avec réajustement possible des primes en fin d’année.

Il est stipulé également une prime individuelle pour la session de janvier 2017 et pour celle de septembre 2017 sous réserve d’atteinte de certains montants de chiffre d’affaires, une prime de dépassement en cas de chiffre d’affaires encaissé supérieur à l’objectif individuel annuel ainsi qu’une prime qualitative en fonction de la réalisation d’objectifs énumérés dans le PDP.

La fixation tardive des objectifs pour le premier semestre 2017 légitime l’octroi du complément de rémunération variable fixé par le jugement de première instance.

En revanche, pour le second semestre 2017, en l’état des objectifs fixés, par conséquent connus de la salariée depuis mars 2017, des éléments de chiffres d’affaires et des pourcentages atteints par le service de la salariée, le bien-fondé d’un rappel de rémunération variable n’est pas démontré.

Le jugement de première instance sera donc infirmé de ce chef.

En ce qui concerne le rappel de congés payés afférant au rappel de rémunération versé en 2018 à l’issue de l’audience de conciliation, il n’est pas sérieusement contesté par la société Salons Français et Internationaux et correspond au dizième de ladite somme.

Le jugement de première instance doit donc être confirmé de ce chef.

Sur le licenciement :

La lettre de licenciement adressée le 26 octobre 2017 à Mme [H] contient les motifs suivants, strictement reproduits :

« Vous vous êtes peu à peu enfermée dans un fonctionnement inadapté, en cultivant en permanence l’incertitude sur le fait que vous mèneriez à bien ou pas les tâches qui vous étaient confiées, en vous plaignant en permanence ne pas être considérée, de ne pas être secondée, de devoir effectuer seule les missions que vous effectuiez précédemment avec l’appui de votre équipe.

En prenant la responsabilité de dossiers importants et en les laissant souvent tomber au moment où ils devaient être délivrés.

Avec pour conséquence logique de générer un climat de tension au sein du service.[…]

Contrairement à ce que la Direction de l’entreprise et votre supérieur hiérarchique pensaient, à savoir que vous finirez par surmonter et gérer votre problème, la situation s’est au contraire dégradée.[…]

Un avertissement vous a été notifié le 2 juin 2017, avec pour but, et dans l’espoir de vous voir vous ressaisir. Au lieu de quoi vous avez réagi de façon inverse.

Jusqu’au point d’en arriver à l’inacceptable : les accusations graves contenues dans votre courrier du 24 juillet 2017 lesquels nous ont évidemment amené à diligenter une enquête dont le résultat nous contraint aujourd’hui à vous licencier pour faute grave.

Étant observé que durant cette enquête les incidents se sont poursuivis.

Avec notamment sur les mois d’août à octobre 2017 :

-Vous avez accordé un certain nombre de gratuités et de remises à des clients sans en référer et sans demander les validations à votre Manager, que vous saviez nécessaires, de bon sens et impératives : participants au parcours Paris Design Week ou exposants de l’exposition Now le Off.

– Dans le cadre de notre partenariat avec Land Rover (votre périmètre), des surcoûts liés à des dépenses non budgétées, non prévues et non validées à engager. Le montant du surplus connu à date est de 5888 €, et des dépenses d’assurance des véhicules d’un montant de 1000 €.

-le 09/09/2017 : au cours de la soirée officielle des PDW, avec plus de 3000 personnes attendues, vous aviez omis de distribuer les bracelets donnant accès à l’espace VIP aussi bien à nos grands comptes qu’à vos collègues de travail. La soirée commençait à 19 h 00, ce n’est qu’à 20h45 que [P], après de longues recherches, a pu retrouver les bracelets, vous les gardiez dans votre sac.

– le 03/10/2017, [P] vous demandait le point sur les dépenses engagées en lien avec les partenariats ainsi que les économies induites pour les différents services de l’entreprise.

Vous lui adressiez un montant de 15’000 € en lui certifiant qu’il s’agissait d’un chiffrage validé par le service Production. Après vérification auprès du service, le montant était ramené à 3 000 €. Le montant communiqué n’ayant pas été validé comme indiqué.

– Le 04/10/2017, dans un souci d’assurer la continuité du service, et après vous avoir remis votre convocation pour l’entretien préalable à une éventuelle sanction pouvant aller jusqu’au licenciement pour faute avec mise à pied conservatoire, je demandais au service informatique de me donner les droits d’accès à votre boîte mail professionnelle. Ayant pu disposer des habilitations nécessaires le 6 octobre 2017, je découvrais à mon grand étonnement que vous aviez envoyé de manière frauduleuse, 11 mails de votre boîte mail professionnelle à votre boîte mail personnelle, ce qui représente 468 pièces jointes, ou encore 125 Méga Octet, et ce entre le moment où je vous ai envoyé un e-mail d’invitation (à 16h46) pour demander à vous rencontrer et notre entrevue (de 17h40 le jour même).

C’est pourquoi je vous fais DEFENSE de faire une quelconque utilisation de tous ces éléments et données appartenant à la SAFI, de les communiquer à tout tiers ou quelque usage que ce soit, et je vous mets EN DEMEURE de nous les restituer.

– Alors que la mise à pied à titre conservatoire vous a été signifiée le 4 octobre 2017, dès le lendemain, vous prenez contact avec l’une de nos standardistes, pour lui demander de vous envoyer par courrier, deux invitations gratuites pour la Foire Internationale d’Art Contemporain 2017.

Ces divers et nombreux incidents et fautes récemment commises étant rappelés, je reviens à l’analyse de votre courrier daté du 24 juillet 2017.

Aux termes de ce courrier, vous contestez l’avertissement du 2 juin 2017 et, pour la première fois, vous faites état d’une dégradation de vos conditions de travail et d’agissements à votre encontre constitutif, selon vous, de harcèlement moral que vous auriez subi depuis 2 ans.

Nous avons alors immédiatement diligenté une enquête contradictoire en lien avec le CHSCT.

Cette enquête a été menée tant auprès de salariés aujourd’hui présents dans l’entreprise, qu’auprès de certains anciens salariés de SAFI ayant pu être témoins des éléments accusatoires contenus dans votre courrier.

Les auditions des salariés ont débuté le 17 août 2017 à 15 h00 et se sont terminées le 18 septembre 2017 à 12 h00.

[…]

À l’issue des auditions, et lors de la réunion du CHSCT du 10 octobre 2017, la commission en charge de l’enquête contradictoire a constaté qu’aucune personne n’avait corroboré vos dires et qu’en conséquence M. [P] n’avait commis aucun acte de harcèlement moral à votre encontre.

Mais, à cette occasion, elle a constaté, à l’examen des questionnaires, que plusieurs salariés faisaient état de faits qui vous étaient imputables et qui sont caractéristiques d’un harcèlement moral de votre part à l’encontre de vos anciens collaborateurs ; étant observé que ces mêmes faits, ou des faits similaires, persistent à ce jour vis-à-vis de vos collègues de travail.

Nous avons ainsi appris que vous aviez adopté un comportement totalement inadapté à l’égard de vos anciens collaborateurs :

– Madame [S], dont le CDD a pris fin le 30 Septembre 2015 et qui a décliné notre proposition de collaboration en CDI

– Madame [X], qui a démissionné et quitté la SAFI le 11 Décembre 2015

– Madame [T], qui a démissionné et quitté la SAFI le 31 Janvier 2016

– Madame [R], qui a démissionné et quitté la SAFI le 16 Mars 2016.

À titre d’exemples, les verbatim suivants nous ont été remontés :

– « j’ai souvent constaté des mensonges et extrapolations de la part de [J] [H] »

– « bipolaire : il y a des jours où elle se comportait comme une copine alors que le lendemain elle ne m’adressait plus la parole ou me parlait sèchement »,

– « me place volontairement en situation de difficulté »,

– « sentiment d’insécurité à travailler avec elle »,

– « culpabilisante et condescendante »,

– « rabaissante »,

[…]

1/ le 18 avril 2017 en réunion hebdomadaire équipe, votre supérieur hiérarchique, [P] a présenté le projet d’un parcours de bars ou de bars d’hôtels qui peuvent s’associer aux soirées vernissages de la Paris Design Week. S’agissant d’une opération qui n’est a priori pas de nature à générer des recettes, il a proposé à MPM de gérer cette opération. Celle-ci était à ce moment-là disponible alors que vous indiquiez régulièrement que vous aviez trop de tâches à gérer et des objectifs de CA difficiles à tenir. Vous n’avez pas fait de remarques particulières à propos de ce projet de parcours ni pendant, ni après cette réunion.

Au cours des semaines qui ont suivi MPM a avancé sur ce projet et en a rendu compte en réunion.

Parallèlement à cela vous étiez en contact depuis plusieurs mois avec une marque d’alcool « St Germain » afin de leur vendre une opération de partenariat dans le cadre de Paris Design Week (PDW).

Le 14 juin 2017, vous adressiez à [P] un mail dans lequel vous lui indiquiez que cette marque venait d’apprendre que nous avions monté un parcours de bars dans le cadre de la PDW et qu’ils en étaient très surpris […] Alors que vous aviez été associée à ce projet depuis le début et qu’il vous revenait d’en informer votre client.

En réponse à ce mail, [P] vous a demandé de lui indiquer le descriptif précis des engagements pris avec cette marque […] Vous n’avez pas jugé utile de répondre.

Le 16 juin 2017 […] vous indiquiez que comme vous l’aviez prévu la marque « St Germain» renonçait à l’opération valorisée à 15’000 € à cause de la présence du parcours de bars qui avait été mis en place par MPM.

Le 10 juillet 2017, lors de la conférence de presse organisée pour Paris Design Week, [P] s’est entretenu avec les équipes de St Germain et leurs agences de communication de cette opération. Ceux-ci ont indiqué qu’ils n’étaient nullement gênés par la présence de bars, de restaurants dans le parcours Paris Design Week, qu’ils en ignoraient d’ailleurs l’existence, et qu’ils souhaitaient précisément se différencier par leur opération de ce qui a pu être fait dans ce domaine.

Cette man’uvre de votre part ne semble avoir eu d’autre but que de faire annuler l’opération montée par M PM.

2/ Dans le cadre de l’accord de partenariat conclu avec Land Rover au mois de février 2017 il a été prévu l’organisation d’une conférence au cours de laquelle interviendraient les designers avec lesquels ils collaborent. Vous aviez la responsabilité de la préparation et du suivi de ce dossier et de la relation avec les équipes Land Rover.

La date de bouclage des supports de communication des conférences, fixée début juillet 2017, approchant, M PM et [P] vous ont relancé à de nombreuses reprises afin de savoir si cette conférence était confirmée et obtenir les informations nécessaires à son organisation. Vous aviez indiqué pendant plusieurs semaines jusqu’à début juillet que vous n’aviez pas de confirmation et que la décision revenait à leur agence de communication basée à Francfort avec laquelle vous étiez en relation pour la mise en place du partenariat.

Au cours de la réunion avec les équipes de Land Rover et leur agence de communication le 13 juillet 2017, [P] a indiqué qu’en fonction des délais de préparation et de communication cette conférence pourrait difficilement être maintenue. Les responsables de Land Rover s’en sont étonnés car cette conférence, sa date et heure de déroulement étaient validés depuis plusieurs semaines ainsi que les noms des participants, et que vous en aviez été tout à fait informée. Ils ignoraient le caractère d’urgence de cette opération et les deadline fixées pour son organisation. MPM a dû en urgence prendre contact avec ces interlocuteurs pour faire au mieux pour organiser cette conférence et repousser la réalisation du programme afin de rattraper cette situation et ainsi respecter nos engagements contractuels vis-à-vis de Land Rover.

Ce nouvel incident apparaît aujourd’hui avoir été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase de MPM (embauchée en CDI le 05 Décembre 2016) , et qui l’ a poussée à présenter sa démission. MPM a quitté la SAFI le 12 Septembre 2017, au motif qu’elle ne pouvait continuer à travailler dans cet environnement malveillant.

Cette situation, [P] en est aujourd’hui également la victime, votre victime :

Il a dû, tout d’abord et de façon croissante depuis plusieurs mois, assumer le surcroît de travail qu’a généré votre comportement, vos insuffisances et diverses man’uvres d’évitement, lui causant un stress permanent lié principalement à l’incertitude entretenue par vous quant au bon achèvement des dossiers dont vous aviez la responsabilité.

Ce dont manifestement et malheureusement il n’a pas pris assez vite la juste mesure.

Au cours du printemps et de l’été 2017, dans le souci de mener à bien les projets du service, il a dû faire appel à toutes les ressources disponibles au sein de l’équipe.

Le fait de ne pouvoir bénéficier de repos au cours de l’été l’a conduit à aborder la période du salon et de la PDW dans un état de stress et de fatigue qu’il a ressenti brutalement et douloureusement à la fin du mois de septembre.

Je pense, et il m’apparaît plus que vraisemblable pour ne pas dire évident, que vos accusations à son égard ont largement contribué à la dégradation de son état de santé physique et mentale.

Il a en effet été victime d’une affection et d’un lumbago dont son médecin traitant a estimé qu’il était vraisemblablement lié à son activité et à sa vie professionnelles.

Ainsi, il apparaît que votre comportement général, celui que vous adoptez tant à l’égard de vos collaborateurs et collègues que vis-à-vis de votre supérieur hiérarchique, est déplacé, dangereux et totalement inacceptable, à tous égards.

Tout salarié dans l’entreprise doit se conduire de façon adaptée et agir en toute circonstance avec bienveillance et loyauté.

Au lieu de quoi vous avez adopté, pour des raisons qui vous sont propres mais qui sont radicalement inacceptables quelles qu’elles soient, un comportement gravement fautif et dangereux pour la santé de vos collègues et supérieur hiérarchique, autant que pour la bonne marche de l’entreprise.

[…]

C’est pourquoi nous vous notifions par la présente votre licenciement pour faute grave. »

Mme [H] soutient que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse dans la mesure où il se fonde sur des griefs non visés dans la lettre de licenciement, prescrits, imprécis, ne revêtant pas le caractère sérieux nécessaire à la qualification de faute grave et qu’en réalité la rupture avait pour véritable motif son éviction en tant que salariée ancienne bénéficiant d’une rémunération parmi les plus élevées et qui avait osé demander que cesse le harcèlement moral dont elle était victime. Elle rappelle qu’à peine plus de deux mois après sa réitération par lettre recommandée de la dénonciation du harcèlement moral qu’elle subissait, elle a été mise à pied et licenciée et souligne que la chronologie des faits témoigne à elle seule du motif réel de la rupture, alors qu’en plus de 10 ans, elle n’avait pas reçu la moindre alerte quant à son prétendu comportement inapproprié ou à la réalisation de ses missions. Elle soutient que son employeur a instrumentalisé l’enquête interne, menée de mauvaise foi puisqu’il s’est abstenu d’y associer le médecin du travail et l’inspection du travail, pour justifier le licenciement.

A titre subsidiaire, elle affirme que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

La société SAFI liste les nombreux manquements de la salariée, relève l’absence de preuve d’un comportement radicalement modifié de la part de son supérieur hiérarchique, souligne que les trois courriers invoqués par la salariée comme étant des alertes adressées à l’employeur à raison d’un harcèlement moral subi ne sont pas explicites à ce sujet. L’intimée rappelle que dans son courrier de contestation de l’avertissement du 2 juin 2017, courrier véhément, excessif et polémique mais également insultant et diffamatoire à l’encontre de M. FM, son supérieur hiérarchique, la salariée a eu un comportement inadmissible, comme confirmé à l’égard d’autres collaborateurs par l’enquête que son intervention avait déclenchée.

*

L’employeur dispose d’un délai de deux mois, à compter du jour où il a connaissance d’un fait fautif imputé à un salarié, pour engager une procédure disciplinaire s’il le souhaite, en application de l’article L. 1332-4 du code du travail.

Dès lors qu’il existe de nouveaux griefs, des faits fautifs antérieurs peuvent être invoqués (même s’ils n’ont pas été sanctionnés) à l’appui d’une sanction, sous réserve du délai de prescription de deux mois.

Si différents griefs reprochés à la salariée sont très antérieurs au délai de deux mois de l’article L 1332-4 du code du travail, puisque remontant pour certains à la fin de l’année 2015, dans la mesure où d’autres au contraire datent du 3 octobre ou de septembre 2017, soit très peu avant la convocation à entretien préalable, ils peuvent être utilement invoqués dans la justification du licenciement décidé. Aucune prescription ne saurait être encourue en l’espèce.

La faute grave, qui seule peut justifier une mise à pied conservatoire, résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputable au salarié qui constitue une violation des obligations du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise; il appartient à l’employeur d’en rapporter la preuve.

Si certains griefs, comme celui selon lequel la salariée se serait ‘peu à peu enfermée dans un fonctionnement inadapté, en cultivant en permanence l’incertitude sur le fait qu’elle mènerait à bien ou pas les tâches qui lui étaient confiées’, apparaissent imprécis, d’autres tels que le reproche tiré du harcèlement moral exercé par la salariée, en dépit des termes généraux utilisés par la société SAFI, visent des faits précis et notamment le cas individuel d’une salariée, Mme M. P.-M., dont un des courriels relate les raisons de sa démission à savoir ‘la place m’ayant été accordée au sein de l’équipe et l’ambiance générale ayant fortement altéré mon envie de rester et a accentué l’anxiété qui demeure depuis mon arrivée’, ou le cas d’autres collaboratrices, situations que la société SAFI démontre par plusieurs pièces ( attestations de salarié(e)s ou d’anciens salariés parlant d’un ‘management dur’ , ‘de la souffrance de certains membres’ de l’équipe).

Nonobstant les contestations de l’appelante, la société Salons Français et Internationaux établit le lien existant entre les départs de collaboratrices de Mme [H] et son comportement, et produit notamment à ce sujet un courriel du 3 mars 2016 de Mme [R], très explicite sur le comportement de l’appelante, sur des accusations infondées et sur son ‘avenir dans ce service et les conditions de travail sous sa responsabilité’.

De nombreux courriels permettent de vérifier par ailleurs les postures inadaptées de la salariée vis-à-vis de son supérieur hiérarchique, M. [P], comme par exemple celui du 9 décembre 2016 ‘je voulais t’informer que je ne participerai plus au réunion contenu (sic) et donc au MOM inspiration. Les retours que tu m’as faits me laissent penser que je ne suis pas la personne adaptée pour ce type de projet. Bien à toi ‘ ou des échanges de courriels montrant une posture de refus, sans explication, à l’occasion de choix qu’elle désapprouvait, griefs parfaitement distincts de ceux repris dans l’avertissement du 2 juin 2017 par lequel il était reproché à Mme [H] de n’avoir pas respecté diverses consignes et procédures mises en place en interne, ni fait divers retours demandés par son supérieur.

Différentes pièces sont produites en outre pour illustrer la réalité des manquements de la salariée relativement aux différentes opérations montées soit par des collègues, soit par elle-même, ayant eu des conséquences négatives notamment en termes d’organisation et d’image pour l’entreprise, relativement à des décisions prises par elle et à des réponses données sans vérification.

Sur les bracelets d’accès à l’espace VIP, lors de l’événement Paris Design Week, la société SAFI produit notamment l’attestation du chargé de relations publiques ayant constaté ‘les membres de l’équipe d’organisations de PDW’ ne pouvaient ‘obtenir les bracelets pour les invités VIP en possession de [J] [H]’.

Le fait que Mme [H] ait eu en charge dans ce projet diverses tâches et ait travaillé en parallèle sur un autre salon ne saurait la disculper, l’accès des visiteurs à un événement faisant partie des tâches primordiales de l’organisateur.

Quant à l’erreur de chiffrage des économies réalisées, grief reconnu, si Mme [H] ne disposait d’aucun historique sur le budget correspondant au partenariat mis en place, elle ne justifie pas du mail qu’elle aurait adressé aux responsables techniques, pas plus par conséquent que de leur silence face aux données transmises à M. [P]

Enfin, le transfert par la salariée, juste avant sa mise à pied, de documents professionnels sur son adresse mail personnelle, n’est pas contesté.

En ce qui concerne le moyen tiré de ce que d’une part, la société SAFI a méconnu ses obligations en matière de sécurité en n’enquêtant pas sur le harcèlement moral dénoncé, n’apportant pendant de longs mois aucune réponse aux doléances de l’intéressée et d’autre part, cette dénonciation serait le motif réel de son licenciement, il convient de rappeler que les alertes que Mme [H] dit avoir données en vain, correspondent, selon elle, à ses pièces n° 29 (courriel du 9 décembre 2016 ), n°34 (courriel du 21 mars 2017), n°35 (courriel du 9 mars 2017) , ainsi qu’à la pièce adverse 6.6 ( avis du CHSCT suite à l’enquête contradictoire dans le dossier de harcèlement moral).

Il s’avère que par ce courriel du 9 décembre 2016, Mme [H] a sollicité M.P.M., de la direction des ressources humaines pour ‘échanger sur une situation qui me remet dans une position délicate. Je n’ai pas envie de craquer et j’aimerais avoir vos conseils’; faute de plus amples explicitations, et nonobstant le terme « craquer » utilisé, cet envoi ne saurait constituer une alerte informant sur un éventuel harcèlement moral.

Par son courriel du 21 mars 2017, faisant suite à un entretien du même jour, la salariée répond aux plaintes de membres de son service et d’autres services dans l’entreprise, mettant en place des dispositifs pour y remédier, et s’interroge sur sa rémunération variable.

Dans ce dernier courriel, cependant, la salariée évoque sa ‘souffrance’ et son ‘manque de confiance’ en elle.

Il en va de même du courriel du 9 mars 2017 dans lequel la salariée sollicite un rendez-vous relativement à ses conditions de travail. Elle indique ‘j’ai vraiment besoin de vous voir car je n’arrive pas à mener à bien mon travail dans ses conditions’ (sic).

Enfin, dans son avis consécutif à l’enquête, le 20 septembre 2017, le CHSCT ‘souligne que les représentants du personnel avaient déjà alerté la direction il y a plus d’un an, le 24 mars 2016, quant à la dégradation des relations de travail entre ces deux personnes, au sein du service concerné par l’enquête contradictoire, sans que la direction n’y apporte une réponse particulière.’

Cependant, il est manifeste que le CHSCT, après avoir évoqué ‘la teneur des propos des collaborateurs qui ont quitté la société envers la salariée faisant état d’un harcèlement moral à son égard’ , retenant ‘le comportement de cette même personne’, ‘comportement que certains qualifient même de harcèlement à leur encontre’, fait le constat de la ‘nette détérioration et la gravité des conditions de travail au sein de ce service’ et demande à la Direction ‘de prendre la pleine responsabilité de son obligation de veiller à la santé et à la sécurité de ses salariés en agissant sans tarder pour le cas présent’. Si le CHSCT conclut aussi à la nécessité que ‘chaque alerte, des salariés ou de leurs représentants, relative à une dégradation des conditions de travail, soit prise en compte immédiatement par la direction pour qu’une telle situation grave ne se produise pas’, c’est manifestement dans le cadre d’un harcèlement moral que Mme [H] a fait subir aux membres de son service.

Ce document confirme une partie des griefs retenus par l’employeur dans la rupture.

Par conséquent, même s’il peut être reproché à la société SAFI une réaction tardive face à une dénonciation de harcèlement moral, ce point ne saurait lui être opposé dans le cadre du licenciement de l’espèce.

La société SAFI justifie donc de faits fautifs nombreux justifiant le licenciement pour faute grave, indépendamment de la dénonciation par l’appelante d’un harcèlement moral qu’elle aurait subi, au titre duquel elle ne formule d’ailleurs aucune demande d’indemnisation.

Le licenciement étant fondé, il convient de confirmer le jugement de première instance qui a rejeté les demandes d’indemnité de rupture, de rappels de salaire au titre de la mise à pied et d’indemnisation à ce titre.

Sur le préjudice moral distinct :

Mme [H] conclut à la réformation du jugement entrepris et rappelle qu’au cours des deux dernières années de collaboration, elle a subi des pressions, des instructions contradictoires, de multiples humiliations (ayant été rabaissée lors de réunions), des reproches infondés, lui ayant occasionné des attaques de panique, des crises de larmes notamment. Elle souligne que la réponse apportée à ses doléances a été une convocation à entretien préalable avec mise à pied conservatoire, sans en connaître les motifs, dans le cadre d’une éviction déloyale, dans des termes ironiques et inutilement blessants, la laissant en grande détresse, laquelle a été suivie d’une phase dépressive aiguë. Elle relève que son employeur n’a pas hésité à invoquer le handicap dont elle souffre, à savoir une bipolarité, et, même plusieurs années après le licenciement à lui donner publiquement des injonctions et à l’évincer du salon ‘Paris Design Week’, ce qui a mis à mal son projet professionnel et l’a contrainte à orienter différemment son activité. Elle réclame la somme de 20’000 € en réparation du préjudice moral distinct qu’elle a subi.

La société SAFI conclut au rejet de la demande.

Toute demande d’indemnisation suppose, pour être accueillie, la démonstration d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité entre eux.

Tant le contenu des courriers (convocation à entretien préalable et mise à pied conservatoire, lettre de licenciement) que les circonstances de la rupture ne recèlent, au vu des pièces produites par la salariée, d’élément de brutalité ou de vexation, susceptible de lui avoir causé un préjudice moral.

Au surplus, l’avis d’arrêt de travail versé aux débats, non seulement est antérieur à la lettre de licenciement, mais encore mentionne un état anxiodépressif réactionnel sans faire de lien avec la procédure de licenciement en cours.

Par ailleurs, Mme [H] justifie d’une déclaration de main courante de sa part, relativement à une altercation qu’elle aurait eue avec M. [P] le 8 septembre précédent lors d’un événement Paris Design Week au cours de laquelle il aurait hurlé à son encontre, lui demandant d’aller ‘faire ton cirque ailleurs, tu dégages, tu sors tout de suite’ et qui aurait eu pour elle des conséquences professionnelles importantes puisque une personne avec laquelle elle devait collaborer s’est désistée du projet après avoir assisté à la scène.

Cependant, non seulement l’intéressée ne produit aucun élément objectif, et notamment aucune attestation ni de l’ex-collaboratrice qui l’aurait raccompagnée vers la sortie, ni même de la personne ayant eu un projet professionnel avec elle, pour corroborer ses propres déclarations contenues dans la main courante, laquelle a été effectuée en date du 12 mai 2021, soit plus de huit mois après les faits allégués, mais encore elle n’établit nullement la réorientation professionnelle qu’elle invoque, ni même le préjudice de santé décrit dans la main courante, pas plus que le préjudice moral qui en serait résulté.

À ce sujet, le courrier du 27 novembre 2021 de la psychologue clinicienne ayant reçu Mme [H] à plusieurs reprises, décrivant des ‘troubles anxio-déprimés qui sont congruents avec le climat délétère de son ancienne activité professionnelle’ ainsi que l”hypervigilance’, le ‘sentiment de malaise, d’oppression’, les ‘palpitations’ de l’intéressée à l’occasion d’événements professionnels où elle est susceptible de croiser son ancien N +1, ne saurait établir les préjudices invoqués, ce document reflétant les propres déclarations de la patiente sans que son auteur ait pu constater personnellement les situations décrites.

En outre, il n’est pas démontré non plus par Mme [H] qu’elle ait été invitée sur l’événement PDW organisé par la société SAFI par des membres de son ancienne équipe pour y boire un verre.

Il résulte enfin de la lecture des conclusions de la SAFI que cette dernière fait référence à des commentaires de salariés et indique que Mme [H] souffrirait ‘très vraisemblablement’ de troubles bipolaires; toutefois, aucun préjudice lié à cette assertion n’est démontré en l’espèce.

La demande d’indemnisation doit donc être rejetée et le jugement de première instance confirmé de ce chef.

Sur la restitution des sommes perçues :

La société Salons Français et Internationaux réclame la condamnation de Mme [H] à lui rembourser les sommes qu’elle a perçues au titre de l’exécution provisoire dont le jugement était assorti, à savoir la somme de 11’828,63 €, avec intérêts de droit à compter du règlement de ces sommes jusqu’au jour de leur remboursement.

Il est constant que l’arrêt infirmatif emporte de plein droit obligation de restitution et constitue le titre exécutoire ouvrant droit à cette restitution.

En l’espèce, ce principe doit recevoir application, même si le présent arrêt n’infirme qu’une partie des sommes fixées par le jugement du 13 mai 2019 au titre de la rémunération variable et des congés payés y afférents.

Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur la demande.

En outre, il convient de rappeler que les sommes restituées ne portent intérêts au taux légal qu’à compter de la notification, valant mise en demeure, de l’arrêt infirmatif.

Sur la procédure abusive :

La société SAFI invoque les préjudices que la salariée lui a causés, son comportement fautif, ses accusations aussi graves qu’infondées ainsi que le caractère abusif de la procédure et réclame la somme de 10’000 € à titre de dommages-intérêts.

Mme [H] considère que cette demande ne se justifie ni en son principe, ni en son quantum et conclut à son rejet.

L’exercice d’une action en justice ou d’un recours constitue en son principe un droit qui ne dégénère en abus pouvant donner lieu à dommages et intérêts que s’il caractérise un acte de mauvaise foi ou de malice ou une erreur grossière équipollente au dol.

En l’espèce, la démonstration d’un abus de la part de la salariée dans le cadre de la présente instance et même dans le cadre de son action prud’homale n’est pas faite, d’autant que la teneur du présent arrêt reflète qu’une partie de ses réclamations était fondée.

La demande doit donc être rejetée.

Sur les intérêts :

Conformément aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du Code civil et R1452-5 du code du travail, les intérêts au taux légal courent, avec capitalisation dans les conditions de l’article 1343-2 du Code civil, sur les créances salariales (rappel de salaire et indemnité compensatrice de congés payés) à compter de l’accusé de réception de la convocation de l’employeur devant le bureau de conciliation ; le jugement qui a rappelé ce principe doit donc être confirmé de ce chef.

Sur la remise des documents sociaux :

La remise d’un bulletin de salaire récapitulatif, conforme à la teneur du présent arrêt, s’impose en l’espèce. En revanche, la demande tendant à la remise d’une attestation d’employeur destiné au Pôle Emploi ne saurait prospérer, le présent arrêt n’ayant aucune incidence sur celle d’ores et déjà délivrée à la salariée.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

L’employeur, qui succombe, doit être tenu aux dépens de première instance, par confirmation du jugement entrepris.

Le recours ayant été interjeté par Mme [H], qui succombe dans ses réclamations au regard de la décision rendue en première instance, devra les dépens d’appel.

L’équité commande de confirmer le jugement de première instance relativement aux frais irrépétibles, mais de ne pas faire application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel pour l’une quelconque des parties.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

CONFIRME le jugement déféré, sauf en ses dispositions relatives à la rémunération variable S2 pour l’année 2017 et aux congés payés y afférents,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

DÉBOUTE Mme [J] [H] de sa demande de rémunération variable S2 pour l’année 2017 et des congés payés y afférents,

DIT n’y avoir lieu à statuer sur la demande de restitution d’une partie des sommes versées en vertu de l’exécution provisoire attachée au jugement déféré à la cour,

ORDONNE la remise par la société Salons Français et Internationaux à Mme [J] [H] d’un bulletin de salaire récapitulatif conforme à la teneur du présent arrêt, au plus tard dans le mois suivant son prononcé,

REJETTE les autres demandes des parties,

CONDAMNE Mme [H] aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

 


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