Conseil en communication : 14 mars 2023 Cour d’appel de Colmar RG n° 20/03606

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Conseil en communication : 14 mars 2023 Cour d’appel de Colmar RG n° 20/03606
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EP/KG

MINUTE N° 23/289

NOTIFICATION :

Pôle emploi Alsace ( )

Clause exécutoire aux :

– avocats

– délégués syndicaux

– parties non représentées

Le

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE – SECTION A

ARRET DU 14 Mars 2023

Numéro d’inscription au répertoire général : 4 A N° RG 20/03606

N° Portalis DBVW-V-B7E-HOFY

Décision déférée à la Cour : 12 Novembre 2020 par le CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE STRASBOURG

APPELANTE :

S.A.R.L. INTERVIEW INTERNATIONAL

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Pascaline WEBER, avocat au barreau de STRASBOURG

INTIMEE :

Madame [L] [C] épouse [I]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Valérie SPIESER, avocat à la Cour

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 10 Janvier 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme DORSCH, Président de Chambre

M. PALLIERES, Conseiller

M. LE QUINQUIS, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme THOMAS

ARRET :

– contradictoire

– prononcé par mise à disposition au greffe par Mme DORSCH, Président de Chambre,

– signé par Mme DORSCH, Président de Chambre et Mme THOMAS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

La société Interview International est une agence de communication employant un effectif de 5 ou 7 salariés, selon les parties.

Par contrat de travail à durée indéterminée du 10 mai 2000, Madame [L] [C] épouse [I] a été embauchée par la société Interview International au poste d’assistante marketing débutante, statut employé, coefficient 210 de la convention collective nationale des bureaux d’études techniques.

Le 31 mai 2018, Madame [C] a été convoquée à un entretien préalable à une mesure éventuelle de licenciement avec mise à pied à titre conservatoire.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 15 juin 2018, la société Interview International lui a notifié son licenciement pour faute grave.

Par requête du 19 novembre 2018, Madame [L] [C] saisi le Conseil de prud’hommes de Strasbourg, activités diverses, d’une action en contestation de son licenciement, avec les indemnisations y afférentes (pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, compensatrice de préavis, de congés payés sur préavis, légale de licenciement), outre des rappels de salaire pour la période de mise à pied à titre conservatoire, congés payés y afférents.

En cours de procédure, elle a augmenté ses demandes en sollicitant un rappel de salaires pour modification unilatérale de la rémunération par l’employeur et au titre d’une prime d’ancienneté prévue par la convention collective nationale de la publicité.

Par jugement du 12 novembre 2020, ledit Conseil de prud’hommes a :

– dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– condamné la Sarl Interview International à payer à Madame [C] les sommes de :

* 11 148 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 857,48 euros brut à titre d’arriéré de salaire au titre de la mise à pied conservatoire,

* 85,75 euros au titre des congés payés sur arriérés de salaire précité,

* 3 430,16 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

* 343,02 euros bruts au titre des congés payés sur préavis,

* 10 719, 26 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,

* 4 786,17 euros brut à titre de rappel sur salaire et 478,62 euros à titre de congés payés y afférents,

* 6 228,80 euros bruts à titre d’arriérés de primes d’anciennetés ainsi que 622,68 euros bruts à titre de congés payés y afférents,

le tout augmenté des intérêts légaux à compter de 10 jours au-delà du jugement prononcé,

* 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et les dépens,

– rejeté la demande de la Sarl au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 23 novembre 2020, la Sarl Interview International a interjeté appel du jugement en toutes ses dispositions.

Par écritures transmises par voie électronique le 3 mai 2022, la Sarl Interview International sollicite la réformation du jugement entrepris, et que la Cour statuant à nouveau, rejette l’ensemble des demandes de Madame [C], et condamne cette dernière à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par écritures transmises par voie électronique le 2 mai 2022, Madame [L] [C] épouse [I], qui a formé un appel incident, sollicite l’infirmation du jugement entrepris sur le quantum des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et sur le montant au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et que la Cour, statuant à nouveau, condamne la Sarl Interview International à lui payer les sommes de :

* 26 941 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse augmentée des intérêts légaux à compter de la décision à intervenir ;

* 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la première instance ;

Elle sollicite, pour le surplus, la confirmation du jugement entrepris et la condamnation de la société Interview International à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel, et les dépens.

Une ordonnance de clôture de l’instruction a été rendue le 13 décembre 2022.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère aux conclusions susvisées pour plus amples exposé des prétentions et moyens des parties.

En cours de délibéré, la Sarl Interview International et Madame [C] ont produit des notes, non sollicitées par la Cour.

MOTIFS

I. Sur la recevabilité des notes en délibéré

En application de l’articles 16 et au regard de la clôture de l’instruction du 13 décembre 2022, les notes en délibéré, des parties, non sollicitées par la Cour, sont irrecevables, étant relevé, par ailleurs, que la Cour n’a pas été saisie d’une demande d’écart de pièces produites par Madame [C].

II. Sur le licenciement

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.

La charge de l’administration de la preuve de la faute grave repose sur l’employeur (dans le même sens, notamment, Cass. soc 20 mars 2019, n° 17-22.068).

En l’espèce, il est reproché à la salariée, dans la lettre de licenciement qui fixe les débats :

– une baisse dans la qualité de travail : à savoir des fautes d’orthographe, de liaisons et des erreurs de style, la fourniture d’informations erronées à l’infographiste,

– une attitude agressive, avec refus d’autorité, comportement irrespectueux à l’égard de Madame [M], représentant légal de l’employeur, et du personnel,

– une perte de confiance, suite à un transfert d’un document d’un dossier confidentiel sur l’adresse mail de Madame [I].

1. Sur la baisse de qualité de travail suite à fautes d’ortographe, informations erronées’

a. L’employeur fait état notamment, de fautes d’orthographe, et de liaison, lors de la rédaction des textes pour la société Synergy, le 15 mai 2018.

Si effectivement, quelques fautes ont été commises par la salariée, la Cour relève qu’il n’est pas établi que ces fautes aient porté sur un document ayant fait l’objet d’une publication, alors que l’échange entre la salariée et Monsieur [W], de la société Synergy, font apparaître qu’il ne s’agissait que d’une maquette.

Ces courriels échangés entre Madame [C] et Monsieur [W], du 16 mai 2018, montrent, par ailleurs, que les rectifications ont été apportés aux maquettes et que le représentant de la société Synergy était satisfait du travail de Madame [C] dès lors qu’il écrivait : ” J’ai feuilleté vite fait vos propositions’ça commence à me plaire “.

Si l’employeur produit un courriel du 31 mai 2018 de Madame [C] à Monsieur [W] comportant une erreur de conjugaison et de syntaxe, de telles erreurs ne sauraient constituer des fautes suffisamment importantes pour justifier un licenciement.

b. L’employeur reproche également des informations erronées données à l’infographiste, le 2 mai 2018, concernant le client Clara.

Toutefois, il fait référence à une pièce n°21, qui ne correspond pas dès lors qu’il ne s’agit pas d’un courriel, mais d’une attestation de témoin, sans rapport, et produit, en outre, des courriels rédigés en allemand, sans traduction en langue française.

En l’absence de traduction des pièces en langue étrangère, la Cour ne peut, les admettre ; leur signification, ou leur sens, en étant inconnus.

L’employeur ne saurait valablement soutenir que la salariée n’ayant pas contesté, lors de l’entretien préalable à la mesure de licenciement, les faits invoqués, ils sont donc établis, alors que, sauf dispositions légales ou réglementaires contraires, le silence ne vaut pas acceptation.

c. La Sarl Interview International invoque, également, dans la lettre de licenciement le harcèlement d’un client, Monsieur [H], directeur commercial et marketing de la société Clara.

Toutefois, le courriel du 30 mai 2018, produit par Madame [L] [I] née [C], comporte des demandes précises nécessaires à la réalisation des travaux confiés, et aucun terme déplacé ou excessif.

L’attestation de témoin de Monsieur [T] [H], produite par l’employeur, fait état de plusieurs appels téléphoniques de Madame [C], uniquement pour les besoins de la réalisation des travaux confiés, et du caractère excédé de Monsieur [H] qui a écourté la communication.

Cette attestation ne justifie nullement d’un harcèlement.

d. De même les échanges de courriels du 20 octobre 2017 entre Monsieur [E], directeur de la société Effeff France et Madame [C], ne justifient aucune faute de la salariée, mais un échange sur un projet de compte rendu de réunion, compte rendu ayant été modifié par la suite, alors que l’employeur ne justifie pas d’avoir demandé à Madame [C] de modifier, avant envoi à Monsieur [E], le projet.

Si Madame [C] invoque la prescription de ces faits, le dispositif de ses écritures ne comporte aucune prétention de fin de non recevoir, à ce titre.

e. L’employeur invoque, également, dans ses écritures, la non transmission d’un mail urgent à Madame [M].

Mais, comme invoqué par l’intimée, la lettre de licenciement ne fait pas état de défaut de transmission d’un courriel, mais de fautes d’orthographe, de liaison, de réponses inappropriées à des clients, d’informations erronées, de telle sorte que l’employeur est irrecevable à invoquer ce fait comme motif de licenciement, une mention générale du type ” la liste n’est pas exhaustive et pourra être le cas échéant complétée ” ne pouvant permettre à l’employeur d’invoquer des faits de nature différente à celle indiquée dans la lettre de licenciement.

f. La Sarl Interview International invoque, également, que le 29 mai 2018, Madame [L] [I] née [C] aurait eu une attitude agressive suite à la demande d’un client, la société Interpane, de gadgets publicitaires.

Toutefois, l’employeur ne produit aucune pièce justificative, la force probante du courriel du 29 mai 2018 ne pouvant être retenue, s’agissant d’un courriel en allemand, non traduit et dont le sens n’est pas donné, alors que les faits sont contestés par la salariée.

g. Les autres faits, invoqués par l’employeur, et non visés dans la lettre de licenciement, ne peuvent être valablement invoqués.

2. Sur une attitude agressive, avec refus d’autorité, comportement irrespectueux à l’égard de Madame [M], représentant légal de l’employeur, et du personnel

La lettre de licenciement précise que, dès qu’une remarque lui a été faite relative, notamment, à la qualité de son travail, la salariée l’a systématiquement contestée, ceci en agressant la représentante de l’employeur, Madame [M], ou en l’invectivant.

Pour justifier de ce comportement agressif de la salariée, l’employeur produit :

– une attestation de témoin de Madame [V] [B], selon laquelle [L] ne supportait pas la critique et s’adressait à [N] ([M]) sur un ton inapproprié et lui manquait parfois de respect sans raison.

Comme invoqué par Madame [C], la force probante de cette attestation ne saurait être retenue dès lors qu’elle est rédigée en des termes généraux, non circonstanciées dans le temps.

– Une attestation de témoin de Madame [K] [S], selon laquelle ce qui l’a offusqué, c’est la manière avec laquelle [L] ([C]) s’adresse aux gens, particulièrement à [N] avec qui elle crie.

De même que précédemment, la force probante de cette attestation ne saurait être retenue en l’absence de tout fait précis et circonstancié, alors que la Cour relève, tant dans l’attestation de Madame [B] que dans l’attestation de Madame [S], que les deux intéressées avaient un conflit avec Madame [C] à qui elle reprochait, en leur qualité de stagiaires, de les avoir accusées de la commission d’erreurs.

– une attestation de Monsieur [G] [O], graphiste au sein de la même société, selon laquelle il fut pris en grippe par Madame [C], qui le qualifiait de traître, et lui faisait des remarques devant des clients ou des tiers, et qu’en près de 8 années, il avait dû subir plus d’une vingtaine de remarques, chacune de ces remarques d’agressivité ayant quasiment eu lieu en l’absence de Madame [N] [M].

Toutefois, comme pour les attestations de témoin précédentes, les faits rapportés ne sont pas circonstanciés.

Or, par courriel du 6 novembre 2017, Madame [N] [M] a adressé un rappel à l’ordre, tant à Madame [C] que Monsieur [O], compte tenu de leur impossibilité de communiquer et de travailler ensemble.

Si l’employeur analyse ce courriel comme un avertissement, la rédaction dudit courriel devrait, dans ces conditions, s’analyser comme à l’avertissement adressé aux 2 salariés, et non spécifiquement à Madame [C].

Il en résulte que le caractère agressif de la salariée à l’égard de Monsieur [O] n’est pas prouvé.

– l’attestation de témoin de Madame [J] [U] faisant état qu’en l’absence de Madame [M], Madame [C] avait souvent un comportement agressif avec ses collègues et elle-même.

Toutefois, outre qu’aucun fait circonstancié n’est indiqué, cette attestation précise que Madame [J] [U] était salariée, de la Sarl Interview International, en 2009, soit près de 9 ans avant l’engagement de la procédure de licenciement.

– l’attestation de témoin de Monsieur [R] [Z] selon laquelle collaborateur depuis plus de 20 ans, il a constaté que Madame [C] finissait par envenimer les relations avec les graphistes et que lorsque Madame [N] [M] était absente, Madame [C] adoptait un comportement encore plus exécrable usant d’une autorité totalement déplacée vis-à-vis de ses collègues.

Il ajoute, également, que :

– la situation s’aggravant, il a personnellement contacté Madame [M] pendant ses congés afin de lui signaler que cette situation ne pouvait perdurer. Madame [C] s’acharnait sur Monsieur [O] qui menaçait de quitter la société.

– les derniers mois, la situation empirait, Madame [C] arrivait souvent le matin avec une haleine chargée d’alcool et ses mains tremblaient. Elle n’arrivait plus à se contrôler, s’en prenait également à Madame [M] qu’elle agressait verbalement, ne reconnaissant aucune des erreurs qui se multipliaient les derniers mois. À de nombreuses reprises, Madame [M] a tenté de la raisonner sans pour autant qu’elle ne change de comportement.

Cette attestation est également rédigée en termes généraux et non circonstanciés.

Il apparaît particulièrement surprenant qu’aucune des attestations précitées ne fasse état d’un fait précis, daté, alors même que des faits d’agressivité auraient été commis peu de temps avant l’engagement de la procédure de licenciement et postérieurement à l’avertissement du 6 novembre 2017 adressé tant à Madame [C] qu’à Monsieur [O].

Madame [C] invoque que son licenciement fait suite, à un rapport d’audit qui a été réalisé par Monsieur [Y] [A] au mois de février 2017 et dont elle produit une copie, jointe à un courriel échangé entre Madame [M] et Monsieur [A] du 17 février 2017.

La Cour relève que ce rapport d’audit, visant à améliorer les ” chiffres ” et le fonctionnement de la Sarl Interview International, propose des solutions dont une est le remplacement de Madame [C] par une ou un secrétaire a minima bilingue issu d’une entreprise commerciale aux motifs que :

– la clientèle ” est a priori 100 % de boîtes allemandes ” (les termes en parenthèses sont les termes utilisés par Monsieur [A]),

– ” [L] ([C]) ne parle ni allemand ni anglais “,

– ” le mi-temps permettrait à [L] d’envisager une formation en langue dont elle a visiblement besoin pour tenir son emploi au poste qu’elle occupe. À la sortie du mi-temps (chômage partielle indemnisé, pendant un an) 2 sorties sont possibles, soit elle réintègre son poste à temps plein, soit elle part en licenciement économique “,

– ” autre mesures plus radicale, [L] est rayée des cadres. Question : remplacée par quel profil “,

– ” il ne faut pas minimiser la situation avec [L] même si la tension que je ressentais semble apaisée. Son état de santé, sa psychologie sont des points à ne pas négliger. Ce n’est pas parce que ça va mieux, socialement, que le problème est réglé “,

– ” Rien ne sert de continuer à marcher avec un caillou dans la chaussure. ON s’assoit et on déchausse pour mieux repartir “.

Pour s’opposer à cette explication, de la salariée, l’employeur produit une attestation de témoin de Monsieur [Y] [A], expliquant sa démarche, prise de sa propre initiative, et rapportant que Madame [N] [M] avait souhaité maintenir l’organisation de la structure sans lui apporter aucune modification alors que ” les compétences étaient pourtant bien inadaptées à la situation “.

Monsieur [A] fait état de la constatation d’une dégradation de l’aspect extérieur de Madame [C], lié à un problème de consommation d’alcool, d’une personne de plus en plus tendue et désengagée de la structure. Ses relations avec les autres demandes de l’équipe étaient difficiles.

Compte tenu des rapports d’amitié, reconnus par Monsieur [A], avec Madame [N] [M], et de la collaboration entre ces deux personnes, la force probante de l’attestation de témoin de Monsieur [A] ne saurait être retenue.

Il en résulte que l’employeur ne rapporte pas la preuve d’un comportement agressif ou déplacé de Madame [C] à l’égard tant de Madame [M], chef d’entreprise, que des autres salariés de l’entreprise.

3. perte de confiance, suite à un transfert d’un document d’un dossier confidentiel de l’ordinateur de la société sur l’adresse mail de Madame [P]

Pour justifier ce fait, l’employeur produit, en sa pièce n°26, la copie des envois, du 31 mai 2018, de courriels de la boîte mail de la société.

Il en résulte qu’un courriel a été émis de l’adresse mail de la société à l’adresse mail de Madame [L] [I] ([C]) le 31 mai à 12 h 38, les autres mails étant postérieurs.

La nature du ou des éléments transférés n’est pas précisée sur ce document.

La salariée reconnaît avoir récupéré des témoignages d’autres salariés dans le cadre d’un litige opposant la société à Monsieur [F], litige, tranché, datant de 2008.

Selon elle, l’employeur lui avait demandé, à l’époque, ” d’aider les salariés dans la rédaction des témoignages “, en d’autres termes, de dicter le contenu des attestations de témoin.

Elle en conclut que ces documents n’avaient aucun caractère confidentiel.

Selon écritures du 20 janvier 2020 de l’employeur, produites en premier ressort, ” en réalité, Madame [I] n’a fait que dactylographier des témoignages qui avaient été donnés spontanément par les salariés et de reprendre des faits que lui avait demandé de noter Madame [M] ”

.

Il en résulte que ces documents n’avaient, d’une part, aucun caractère confidentiel, et, d’autre part, avaient été mis à la disposition de Madame [C] dans le cadre de ses fonctions.

Il n’existe donc aucune faute dans le transfert de ces documents, ce d’autant plus que Madame [M] avait déjà informé Madame [C], le 29 mai 2018, de l’impossibilité ” de poursuivre la collaboration ” (selon écritures de la société, point 3. relatif au vol de documents), soit de procéder au licenciement de la salariée, et, ce, avant même la convocation à l’entretien préalable de licenciement.

Pour le surplus, la Sarl Interview International invoque, de nouveau, dans ses écritures, des faits, prétendument de vol de documents, non visés dans la lettre de licenciement, notamment par le biais d’une clef Usb.

En conséquence, à l’exception de quelques fautes d’orthographe ou de syntaxe, l’employeur ne rapporte la preuve d’aucun autre fait fautif de la part de la salariée.

Les fautes d’orthographes et de syntaxe ne sauraient justifier le licenciement, même, pour faute simple de la salariée qui présentait une ancienneté de plus de 18 ans, une telle sanction apparaissant totalement disproportionnée, à fortiori, la qualification de faute grave.

Dès lors, le jugement du Conseil de prud’hommes sera confirmé en ce qu’il a dit et jugé le licenciement comme sans cause réelle et sérieuse.

III. Sur les rappels de salaires

A. Sur l’arriéré suite au passage de 169 à 151, 67 heures

Si l’employeur invoque la prescription de l’article L 3245-1 du code du travail, la Cour relève que le dispositif de ses écritures ne comporte aucune fin de non-recevoir, de telle sorte qu’en application de l’article 954 du code de procédure civile, elle n’est pas saisie d’une prétention, à ce titre.

Madame [L] [I] née [C] soutient que suite à l’audience de conciliation, l’employeur lui a remis l’intégralité de ses bulletins de paie et qu’elle a constaté que jusqu’en septembre 2007, elle était rémunérée sur la base de 1 911 euros bruts pour 169 heures de travail et que, depuis octobre 2007, elle a été rémunérée sur la base de 1 715,08 euros pour un horaire mensuel de 151, 67 heures.

Le contrat de travail prévoit une durée de travail de 39 heures par semaine.

La durée du travail, et de la rémunération conséquente, constitue un élément essentiel du contrat de travail qui, pour être modifié, implique l’acceptation préalable du salarié.

Le seul fait que la salariée ait pu indiquer sa durée de présence dans l’entreprise, sur des fiches de présence, ne manifeste pas, de façon claire et non équivoque, l’acceptation d’une modification de la durée de travail et de la rémunération en conséquence.

Madame [L] [I] née [C] a chiffré sa demande de rappel de salaire, à ce titre, en limitant cette dernière à 3 ans, faisant application, elle-même, des dispositions de l’article L 3245-1 du code du travail.

Au regard du taux horaire de 11, 308 euros bruts de l’heure, et des calculs figurant en page 27 et 28 des écritures de la salariée, le Conseil de prud’hommes a fait une juste application en condamnant l’employeur à payer à la salariée un rappel de salaire de 4 786,17 euros bruts, outre une somme de 478,62 euros bruts au titre des congés payés y afférents.

En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

B. Sur le rappel relatif à la prime d’ancienneté

Il est un fait constant que jusqu’au mois de juillet 2006, l’employeur appliquait les dispositions de la convention collective des bureaux d’études techniques des Cabinets d’Ingénieurs-Conseils et des Sociétés de Conseils (Syntec), conformément aux mentions du contrat de travail, et qu’à partir d’août 2006, il a fait application de la convention collective des cadres, techniciens et employés de la publicité française (appelée communément, de la publicité), puis à compter de mai 2007, n’a fait application d’aucune convention collective, se référant au code du travail.

La convention collective Syntec ne prévoit pas de prime d’ancienneté.

Pour contester la condamnation au titre de ce rappel de salaire, l’employeur indique que la convention collective de la publicité ne pouvait être appliquée à la salariée, en l’absence de respect des démarches obligatoires pour dénoncer la convention collective visée dans le contrat de travail.

Toutefois, le versement, par l’employeur, de la prime d’ancienneté, à compter d’août 2006 jusqu’au mois de mai 2007, constitue un usage dès lors qu’il présente les caractères de généralité, fixité et constance.

Au surplus, comme invoqué par la salariée, l’indication, sur les bulletins de paie depuis août 2006 jusqu’à avril 2007, de la convention collective agences, conseil en publicité, fait preuve de la soumission volontaire par l’employeur à cette convention plus favorable, pour les salariés, que la convention collective Syntec.

Or, la Sarl Interview International ne justifie pas de la dénonciation régulière de la convention collective de la publicité.

En conséquence, l’employeur ne pouvait, unilatéralement, supprimer le versement de cette prime d’ancienneté.

Dès lors, au regard du chiffrage, en page 31 des écritures de Madame [C], le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a condamné l’employeur à payer la somme de 6 226,80 euros bruts, outre 622,68 euros bruts au titre des congés payés y afférents.

IV. Sur les indemnisations

Le conseil de prud’hommes a retenu un salaire moyen brut de référence de 1 715,08 euros, conformément aux écritures de la salariée.

La salariée a chiffré sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle sérieuse sur la base de la somme mensuelle de 1 858 euros bruts, alors, que d’aune part, elle retient une somme de 1 715,08 euros bruts, comme base de calcul de l’indemnité compensatrice de préavis, et que, d’autre part, elle n’a formé d’appel incident que sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et sur les frais irrépétibles.

La Cour retiendra donc la somme de 1 715, 08 euros bruts au titre du salaire mensuel de référence.

A. Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Au regard de l’article L 1235-3 du code du travail, de l’âge de Madame [C], née le 13 février 1973, de son ancienneté de plus de 18 ans, et du préjudice subi, étant rappelé que l’employeur comptait moins de 11 salariés, le Conseil de prud’hommes a fait une juste évaluation du préjudice en fixant ce dernier à la somme de 11 148 euros bruts.

B. Sur le rappel de salaire au titre de la période de mise à pied à titre conservatoire

Au regard de la retenue appliquée sur le bulletin de paie du mois de juin 2018, et des motifs supra, le jugement du Conseil de prud’hommes en ce qu’il a condamné l’employeur à payer à la salariée la somme de 857,48 euros bruts, outre 85,75 euros bruts au titre des congés payés y afférents, sera confirmé.

C. Sur l’indemnité conventionnelle de licenciement

Au regard du chiffrage, effectué en page 25 des écritures de Madame [C], le Conseil de prud’hommes a fait une juste application de l’article 31 de la convention collective nationale de la publicité, en condamnant l’employeur à payer la somme de 10 719, 26 euros nets.

Toutefois, le jugement doit, néanmoins, être infirmé de ce chef en ce que l’indemnité licenciement n’est pas l’indemnité légale, comme indiqué par erreur, mais l’indemnité conventionnelle.

D. Sur l’indemnité compensatrice de préavis

Au regard de la demande, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a condamné l’employeur à payer l’équivalent de deux mois de rémunération, sur la base du salaire mensuel de référence indiquée par la salariée, soit au total la somme de 3 430,16 euros bruts, outre 343, 02 euros bruts au titre des congés payés y afférents.

V. Sur le remboursement à Pole Emploi

Aux termes de l’article L. 1235-4 du code du travail, dans les cas prévus aux articles L 1132-4, L 1134-4, L 1144-3, L 1152-3, L 1152-4, L 1235-3, et L 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage par salarié intéressé ;

Ce remboursement est ordonné d’office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l’instance ou n’ont pas fait connaître le montant des indemnités versées, ce qui est le cas en l’espèce ;

Il conviendra en conséquence d’ordonner le remboursement des indemnités éventuellement versées dans la limite de 6 mois.

VI. Sur les demandes annexes

En application de l’article 696 du code de procédure civile, la Sarl Interview International sera condamnée aux dépens d’appel.

En application de l’article 700 du même code, elle sera condamnée à payer à Madame [L] [I] née [C] la somme de 2 000 euros.

La demande de la Sarl Interview International, à ce titre, sera rejetée.

Le jugement entrepris sera confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour, Chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement du 12 novembre 2020 du Conseil de prud’hommes de Strasbourg SAUF en ce qu’il a condamné la Sarl -Interview International à payer à Madame [L] [I] née [C] la somme de 10 719, 26 euros à titre d’indemnité légale de licenciement ;

Statuant à nouveau sur le chef infirmé et y ajoutant,

CONDAMNE la Sarl Interview International à payer à Madame [L] [I] née [C] la somme de 10 719, 26 euros net (dix mille sept cent dix neuf euros et vingt six centimes), à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement ;

ORDONNE le remboursement par la Sarl Interview International aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées le cas échéant à Madame [L] [I] née [C] dans la limite de 6 mois à compter de la rupture sur le fondement des dispositions de l’article L 1235-4 du code du travail ;

CONDAMNE la Sarl Interview International à payer à Madame [L] [I] née [C] la somme de 2 000 euros (deux mille euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE la Sarl Interview International de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure ;

CONDAMNE la Sarl Interview International aux dépens d’appel.

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le 14 mars 2023, signé par Madame Christine Dorsch, Président de Chambre et Madame Martine Thomas, Greffier.

Le Greffier, Le Président,

 


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