Conseil en communication : 12 mai 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/16270

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Conseil en communication : 12 mai 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/16270
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Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 2

ARRÊT DU 12 MAI 2023

(n°76, 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : n° RG 21/16270 – n° Portalis 35L7-V-B7F-CEKSM

Décision déférée à la Cour : jugement du 13 août 2021 – Tribunal judiciaire de PARIS – 3ème chambre 2ème section – RG n°20/01357

APPELANTE AU PRINCIPAL et INTIMEE INCIDENTE

S.A.S.U. MAJE, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé

[Adresse 2]

[Localité 3]

Immatriculée au rcs de Paris sous le numéro 382 544 310

Représentée par Me Matthieu BOCCON-GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque C 2477

Assistée de Me Julien CANLORBE plaidant pour la SELARL MOMENTUM, avocat au barreau de PARIS, toque G 343

INTIMEE AU PRINCIPAL et APPELANTE INCIDENTE

Mme [S] [N]-[L]

Née le 2 décembre 1988 à [Localité 5]

Exerçant la profession de consultante en communication et bloggeuse / influenceuse mode

Demeurant [Adresse 4]

Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP JEANNE BAECHLIN, avocate au barreau de PARIS, toque L 0034

Assistée de Me Pierre LAUTIER, avocat au barreau de PARIS, toque B 925

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 15 février 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Véronique RENARD, Présidente

Mme Laurence LEHMANN, Conseillère

Mme Agnès MARCADE, Conseillère

qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT

ARRET :

Contradictoire

Par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile

Signé par Mme Véronique RENARD, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

Vu le jugement contradictoire rendu le 13 août 2021par le tribunal judiciaire de Paris.

Vu l’appel interjeté le 7 septembre 2021 par la société Maje.

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 12 décembre 2022 par la société Maje, appelante et incidemment intimée.

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 15 décembre 2022 par Mme [N]-[L], intimée et appelante incidente.

Vu l’ordonnance de clôture rendue le 12 janvier 2023.

SUR CE, LA COUR,

Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.

Mme [N]-[L] se présente comme directrice stratégie au sein d’une agence de communication et influenceuse, activité qu’elle exerce parallèlement dans le cadre d’une entreprise individuelle. Elle édite et exploite un blog à l’adresse [01], sur lequel elle diffuse notamment des selfies réalisés dans un ascenseur lui permettant de montrer ses tenues qui sont « taguées » à destination des internautes pour leur permettre d’identifier et d’acquérir les vêtements qu’elle porte.

La société Maje a pour activité la commercialisation, l’importation et l’exportation d’articles de prêt-à-porter et d’accessoires de mode en France et à l’étranger. Elle exploite des boutiques et corners à l’enseigne éponyme ainsi qu’un site de vente en ligne accessible à l’adresse .

Reprochant à la société Maje d’avoir lancé une campagne publicitaire relative à sa collection automne-hiver 2019 intitulée « Maje, my dog and I » qu’elle estimait constituée d’une reprise des visuels publiés sur son blog, Mme [N]-[L] lui a adressé le 16 septembre 2019 une lettre lui demandant de cesser ces agissements et de lui présenter une offre indemnitaire, lequel a été suivi de plusieurs échanges entre les parties ne permettant pas de mettre un terme amiable au litige les opposant.

Par acte délivré le 31 janvier 2020, Mme [N]-[L] a fait assigner la société Maje devant le tribunal judiciaire de Paris sur le fondement de la contrefaçon de droits d’auteur et de la concurrence déloyale et parasitaire.

C’est dans ce contexte qu’a été rendu le jugement dont appel, qui a’:

– débouté Mme [N]-[L] de ses demandes fondées sur le droit d’auteur,

– condamné la société Maje à payer à Mme [N]-[L], à titre de dommages et intérêts, la somme de 1 000 euros en réparation du préjudice matériel et la somme de 4 000 euros en réparation du préjudice moral subis en raison des actes de parasitisme relevés,

– fait interdiction à la société Maje de poursuivre ou reprendre l’exploitation du visuel objet du litige,

– condamné la société Maje à payer à Mme [N]-[L] la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– rejeté la demande visant au remboursement des frais d’huissier liés aux différents procès-verbaux de constat,

– condamné la société Maje aux dépens de la présente instance,

– ordonné l’exécution provisoire.

La société Maje a relevé appel de cette décision et par ses dernières conclusions sollicite de la cour de’:

– confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 13 août 2021 en ce qu’il a :

– débouté Mme [N]-[L] de ses demandes fondées sur le droit d’auteur,

– rejeté les demandes visant au remboursement des frais d’huissier liés aux différents procès-verbaux de constat,

– infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 13 août 2021 en ce qu’il a :

– condamné la société Maje à payer à Mme [N]-[L], à titre de dommages et intérêts, la somme de 1 000 euros en réparation du préjudice matériel et la somme de 4 000 euros en réparation du préjudice moral subis en raison des actes de parasitisme relevés,

– fait interdiction à la société Maje de poursuivre ou reprendre l’exploitation du visuel objet du litige,

– condamné la société Maje à payer à Mme [N]-[L] la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la société Maje aux dépens,

Statuant à nouveau,

– débouter Mme [N]-[L] de l’intégralité de ses demandes,

– condamner Mme [N]-[L] à payer à la société Maje la somme de 15 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner Mme [N]-[L] aux entiers dépens.

Mme [N]-[L] demande à la cour de’:

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a déclaré recevable les demandes de Mme [N]-[L] :

– fait interdiction à la société Maje de poursuivre ou reprendre l’exploitation du visuel objet du litige,

– condamné la société Maje aux dépens de la présente instance,

– ordonné l’exécution provisoire.

– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a déclaré irrecevables les demandes de Mme [N]-[L] :

– condamné la société Maje à payer à Mme [N]-[L], à titre de dommages et intérêts, la somme de 1 000 euros en réparation du préjudice matériel et la somme de 4 000 euros en réparation du préjudice moral subis en raison des actes de parasitisme relevés,

– condamné la société Maje à payer à Mme [N]-[L] la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles en application de l’article 700 du code de procédure civile

– débouté Mme [N]-[L] de ses demandes fondées sur le droit d’auteur,

– rejeté la demande visant au remboursement des frais d’huissier liés aux différents procès-verbaux de constat,

En conséquence, il est sollicité de la cour d’appel de paris de,

Principalement,

– juger que la société Maje s’est rendue coupable d’actes de contrefaçon en reproduisant illicitement la photographie de Mme [N]-[L] à des fins publicitaires,

En conséquence,

– condamner la société Maje à lui payer la somme de 70 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel que cette dernière a subi en raison des actes de contrefaçon commis,

– condamner la société Maje à lui payer la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral qu’elle a subi en raison des actes de contrefaçon commis,

Subsidiairement, dans l’hypothèse où la cour devait ne pas retenir les actes de contrefaçon visés ci-dessus, sur les actes de concurrence déloyale,

– constater que la société Maje s’est rendue coupable d’actes de concurrence déloyale en créant un risque manifeste de confusion pour le public ainsi que le discrédit qui en résulte pour elle,

En conséquence,

– condamner la société Maje à lui payer la somme de 70 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel qu’elle a subi en raison des actes de concurrence déloyale commis,

– condamner la société Maje à lui payer à la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral qu’elle a subi en raison des actes de concurrence déloyale commis,

Subsidiairement, dans l’hypothèse où la cour devait ne pas retenir les actes de contrefaçon visés ci-dessus, sur les agissements parasitaires,

– juger que la société Maje s’est rendue coupable d’agissements parasitaires en s’immisçant délibérément dans son sillage afin de tirer profit des investissements et de sa notoriété,

En conséquence,

– condamner la société Maje à lui payer la somme de 70 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel qu’elle a subi en raison des agissements parasitaires commis,

– condamner la société Maje à lui payer la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral que cette dernière a subi en raison des agissements parasitaires,

– condamner la société Maje à lui payer la somme de 15’000 euros au titre des frais irrépétibles engendrés par la présente instance en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société Maje à lui payer la somme 62,43 euros, 313,08 euros, 422,56 euros et 307,67 euros pour un montant total de 1 105,74 euros au titre des frais d’huissier pour la signification de l’assignation et les différents constats (pièce n°40),

– condamner la société Maje aux entiers dépens de la présente instance.

– Sur la contrefaçon de droit d’auteur

Il résulte des dispositions des articles L. 111-1, L.112-1 et L. 112-2 9° du code de la propriété intellectuelle que l’auteur d’une ‘uvre de l’esprit jouit sur cette ‘uvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous, comportant des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial, que ce droit est conféré à l’auteur de toute ‘uvre de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination et que sont considérées comme des ‘uvres de l’esprit, les ‘uvres photographiques et celles réalisées à l’aide de techniques analogues à la photographie.

Sur l’identification de l”uvre

Mme [N]-[L] reproche à la société Maje d’avoir à l’occasion d’une campagne publicitaire «’My dog and I’» pour la collection automne/hiver 2019, diffusé sans son autorisation et en l’absence de toute rémunération, une photographie reproduisant selon elle les caractéristiques essentielles de ses clichés et plus particulièrement d’une photographie postée en «’story’» le 27 juillet 2018.

Elle relève que la photographie qu’elle critique est le visuel principal de la campagne Maje, a été le premier à être communiqué au public et utilisé tout au long de la campagne publicitaire en France comme à l’international, dans la presse, par voie d’affichage et sur les réseaux sociaux. Elle fait valoir que le mannequin choisi pour ce cliché lui ressemble, certains de ses abonnés ayant cru que c’était elle, et que les choix de mise en en scène, de cadrage, de posture et de décor sont proches de celui qu’elle a elle-même réalisé et posté sur Instagram.

La société Maje soutient que Mme [N]-[L] échoue à identifier et dater la photographie sur laquelle elle revendique les droits et ne démontre pas l’originalité de celle-ci, ni la contrefaçon alléguée. Elle sollicite en conséquence la confirmation du jugement entrepris qui a débouté Mme [N] [L] de ses demandes au titre de la contrefaçon du droit d’auteur.

Mme [N]-[L] précise désormais se fonder sur une unique photographie ci-dessus représentée à droite du visuel estampillé «’Maje’» (pièce 8). Il apparaît en outre du procès-verbal de constat dressé par huissier de justice le 12 janvier 2021 sur le compte Instagram [01] à la demande de Mme [N]-[L] (pièce 30) que la photographie en cause a été publiée le 27 juillet 2018, étant relevé que l’huissier instrumentaire constate que cette photographie est présente dans la mémoire du compte WhatsApp et du compte Instagram de Mme [N]-[L] mais n’établit pas que ce cliché a fait l’objet d’une diffusion.

La cour relève néanmoins que le procès-verbal de constat dressé par huissier de justice le 17 septembre 2020 à la demande de la société Maje (pièce 4-4 Maje) montre que cette photographie invoquée par Mme [N]-[L] au titre de la contrefaçon de droit d’auteur n’est pas présente sur son profil public. Ce cliché faisant partie d’une «’story’» ainsi que le reconnaît l’intimée n’était donc accessible que temporairement (24 heures), aucun élément ne venant établir combien de personnes a eu accès à cette «’story’» et particulièrement à ce cliché contrairement aux affirmations de l’intimée selon lesquelles cette photographie aurait été largement diffusée et accessible, les attestations de certains de ses abonnés (pièces 80 et 90 [N]-[L]) confirmant que ce cliché publié sur sa «’story’» Instagram n’était visible que 24 heures.

Sur l’originalité

Il revient à celui qui se prévaut d’un droit d’auteur dont l’existence est contestée de définir et d’expliciter les contours de l’originalité qu’il allègue.

Seul l’auteur est en mesure d’identifier les éléments traduisant sa personnalité et qui justifient son monopole, et le défendeur doit pouvoir, en application du principe de la contradiction, connaître précisément les caractéristiques qui fondent l’atteinte qui lui est imputée et apporter la preuve qui lui incombe de l’absence d’originalité.

L’originalité d’une ‘uvre doit s’apprécier de manière globale de sorte que la combinaison des éléments qui la caractérise du fait de leur agencement particulier lui confère une physionomie propre qui démontre l’effort créatif et le parti pris esthétique portant l’empreinte de la personnalité de l’auteur.

Il appartient donc à Mme [N]-[L] qui revendique une protection au titre du droit d’auteur sur la photographie dont l’originalité est contestée de préciser en quoi l”uvre revendiquée porte l’empreinte de la personnalité de son auteur.

A cet égard, elle soutient qu’elle a été à l’initiative des choix artistiques suivants :

– le choix du décor, une cage d’ascenseur au revêtement argent éclairée par une lumière artificielle et non un lieu à l’extérieur avec une lumière naturelle ;

– le choix du sujet c’est-à-dire de se photographier elle-même avec un téléphone au lieu de faire appel à un photographe professionnel ;

– le choix d’une posture particulière, la laisse de son chien dans une main, son téléphone portable dans l’autre main et le regard vers le bas ;

– le choix de mettre en scène son chien ;

– le choix du cadrage c’est-à-dire en optant pour un format vertical, permettant une photographie en pied et la mise en valeur de sa tenue.

Elle ajoute que la combinaison de l’ensemble de ces éléments est le fondement de l’originalité de la photographie qu’elle a réalisée.

Elle fait également valoir que’:

– lors de la phase préparatoire, elle a choisi d’utiliser son téléphone pour prendre la photographie, de réaliser la photographie dans sa cage d’ascenseur, avec son chien tenu en laisse et qu’elle a également choisi ses vêtements (robe rose cache-c’ur serrée à la taille avec une jupe plissée) et sa coiffure’;

– lors de la prise de vue, l’utilisation particulière de son téléphone donne pour résultat un cadrage singulier, mettant en avant sa posture (jambes, hanches, le regard dirigé vers le bas en direction du téléphone, la façon de tenir la laisse), ainsi que le décor et la lumière de la photographie dans le miroir afin de mettre autant en valeur sa personne que le décor singulier,

– le choix de publier cette photographie en «’story’» sur Instagram et sans retouche tirage.

Mme [N]-[L] se borne à décrire la photographie sans expliciter les raisons ayant motivé les choix qu’elle dit avoir fait, celle-ci se contentant d’affirmer, sans le démontrer, que l’ensemble des réglages de la luminosité et des contrastes ainsi que des retouches couleur, tout comme le cadrage, sont des paramètres techniques qui lui sont propres alors que le «’selfie’» qu’elle oppose apparaît se borner à reproduire l’éclairage artificiel de l’ascenseur dans lequel il est réalisé sans autre intervention.

Ainsi que l’établit le procès-verbal de constat précité du 17 septembre 2020, était déjà connu sur les réseaux sociaux antérieurement au mois de juillet 2018, notamment chez les influenceurs, tel qu’il résulte des comptes Instagram de [E], [B] ou [Z] qui bénéficient d’une audience beaucoup plus étendue que celle du compte de Mme [N]-[L], le fait de se mettre en scène et de se photographier dans une cage d’ascenseur selon la technique dite du «’selfie’» accompagné d’un chien.

Ces clichés montrent que les choix revendiqués par Mme [N]-[L] même pris en combinaison (décor de cage d’ascenseur métallisé, technique du selfie dans le miroir de l’ascenseur, présence d’un chien, posture avec le téléphone d’une main, la laisse du chien dans l’autre, et le regard baissé vers le téléphone, format vertical pour une photographie en pied) sont des choix déjà retenus par des influenceurs avant elle, qui sont par ailleurs dictés par la technique du «’selfie’» ou la mise en valeur de la tenue qu’ils portent.

Or, Mme [N] [L] ne peut être suivie lorsqu’elle soutient qu’elle avait mis en place un rituel quotidien sur sa «’story’» Instagram à destination de ses abonnés pour présenter les tenues qu’elle avait choisies de porter. En effet, cette habitude ne caractérise pas l’originalité de la photographie opposée en l’espèce, Mme [N] [L] ne pouvant s’approprier ce «’style’» qu’elle explicite comme une «’démarche [qui] s’inscrit dans une volonté de partager un style de vie moderne et par là également féministe, montrant une jeune femme active et dynamique, se prenant en selfie en se rendant au travail avec son chien’».

Elle ne peut pas plus fonder l’originalité du cliché en cause par le fait que certains de ses abonnés ont cru la reconnaître dans la publicité Maje.

Mme [N]-[L] échoue donc à établir les choix arbitraires qu’elle a fait quant à la mise en scène, les jeux de contraste, les effets de lumière, le positionnement des éléments ou le travail de postproduction/retouche et partant l’originalité du cliché qu’elle invoque au titre du droit d’auteur.

Elle sera en conséquence déboutée de l’ensemble de ses demandes fondées sur la contrefaçon du droit d’auteur.

Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

– Sur la concurrence déloyale et le parasitisme

Le principe de la liberté du commerce implique qu’un produit qui n’est pas l’objet de droits privatifs peut être librement reproduit et commercialisé à moins que la reproduction ou l’imitation du produit ait pour objet ou pour effet de créer un risque de confusion entre les produits dans l’esprit du public, comportement déloyal constitutif d’une faute au sens de l’article 1240 du code civil.

Le parasitisme consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d’un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire, de la notoriété acquise ou des investissements consentis.

La demande en concurrence déloyale et parasitaire présente un fondement délictuel et il incombe en conséquence à Mme [N]-[L] de rapporter la preuve d’un agissement fautif de la société Maje commis à son préjudice par la création d’un risque de confusion et / ou la captation des investissements consentis pour développer un produit phare.

Une situation de concurrence directe ou effective entre l’activité d’influenceuse dans le domaine de la mode exercée par Mme [N]-[L] à titre individuel et celle de vente et de création d’articles de prêt-à-porter exercée par la société Maje n’est pas une condition de l’action en concurrence déloyale qui exige seulement l’existence de faits fautifs générateurs d’un préjudice.

De même, Mme [N]-[L] peut intenter une action en concurrence déloyale même en l’absence de droit privatif à condition qu’il y ait une faute, étant toutefois rappelé qu’au regard du principe de liberté du commerce et de l’industrie, qui prévaut en l’absence de droit privatif, le seul fait pour la société Maje d’utiliser une photographie qui présenterait des ressemblances avec le cliché posté antérieurement sur Instagram par Mme [N]-[L] n’est pas fautif.

Ainsi qu’il a été précédemment relevé, le décor de cage d’ascenseur métallisé, la technique du selfie dans le miroir de l’ascenseur, la présence d’un chien, la posture avec le téléphone d’une main, la laisse du chien dans l’autre et le regard baissé vers le téléphone, le format vertical pour une photographie en pied, sont des éléments déjà retenus par des influenceurs avant Mme [N]-[L], qui sont par ailleurs dictés par la technique du «’selfie’» ou la mise en valeur de la tenue qu’ils portent. La reprise de ces éléments dans le cliché critiqué de la publicité «’My dog and I’» ne caractérise pas un comportement déloyal de la part de la société Maje qui ne fait que s’inscrire dans la tendance du moment.

En outre, la circonstance que des abonnés du compte Instagram de Mme [N]-[L] ont cru la reconnaître sur la photographie critiquée de la société Maje, le mannequin apparaissant sur ce cliché qui lui ressemblerait, ne constitue pas un acte de concurrence déloyale, le risque de confusion invoqué portant alors sur la personne de Mme [N]-[L] et non sur les services qu’elle offre dans le cadre de son activité d’influenceuse.

Contrairement à ce que soutient l’intimée, le recours de la société Maje à des mannequins issus d’origines diverses et notamment métisses pour ses campagnes publicitaires n’est pas nouveau’et existait antérieurement à la campagne critiquée «’Maje my dog and I’» pour sa collection automne/hiver 2019, campagne à l’occasion de laquelle apparaissent non seulement le mannequin métisse coiffé «’à l’affro’» mais également divers mannequins de style et d’apparence différents.

De même, les quelques attestations d’abonnées au compte Instagram de Mme [N]-[L] qui témoignent avoir cru à un partenariat entre cette dernière et la société Maje sont pour la plupart établies en réaction à la publication par Mme [N]-[L] sur Instagram d’une story partageant le cliché de la société Maje et ne sont donc pas à même d’établir un risque de confusion.

Enfin, la notoriété dont fait état Mme [N]-[L] en tant qu’influenceuse sur Instagram apparaît relative ainsi que le démontre la société Maje (pièce 9-5 PV de constat du 8 avril 2022), celle-ci ne justifiant un taux d’engagement qu’à hauteur de 1,02 % (pièce 97 [N]-[L]) ce qui représente une audience de 300 personnes par publication. Il en résulte que Mme [N]-[L] doit être considérée comme une «’micro-influenceuse’» bénéficiant d’une audience limitée dont elle perçoit d’ailleurs peu de revenus. En outre, les deux articles de presse qu’elle fournit au débat (pièces 112 et 113), s’ils citent Mme [N]-[L], pour le premier, parmi d’autres influenceurs, et, pour le second, à titre principal car consacré à son blog, aucun de ces articles ne fait référence au rituel du selfie dans un ascenseur que dit avoir institué Mme [N]-[L] comme signe de reconnaissance.

Aucune volonté de créer une confusion dans l’esprit du consommateur de la part de la société Maje n’est ainsi établie.

Mme [N]-[L] doit donc être également déboutée de ses demandes au titre de la concurrence déloyale.

Le jugement sera également confirmé de ce chef.

Mme [N]-[L] reproche également à la société Maje des agissements parasitaires.

Elle fait valoir à ce titre sa notoriété, le rituel qu’elle a mis en place sur sa «’story’» Instagram pour partager chaque jour ses tenues vestimentaires avec ses abonnés, et les grandes ressemblances que présente la photographie en cause utilisée par la société Maje dans sa campagne publicitaire et celle qu’elle a posté sur son compte Instagram.

Néanmoins, ainsi qu’il a été précédemment relevé, la notoriété invoquée par Mme [N]-[L] ne peut se déduire de sa qualité de micro-influenceuse. En outre, les pièces qu’elle fournit aux débats n’établissent pas qu’elle est reconnue autrement que par quelques-unes de ses abonnées comme étant à l’origine d’un rituel consistant à se prendre quotidiennement en selfie avec son chien dans son ascenseur pour partager ses tenues vestimentaires, les pièces fournies au débat ne montrant une telle pratique qu’au cours de l’été 2018 et particulièrement les pièces 30 et 36 qui sont des procès-verbaux de constat dressés les 12 janvier 2021 et 11 août 2020 à sa demande par huissier de justice. Il sera à cet égard à nouveau constaté que la pratique du selfie pris dans un ascenseur en compagnie d’un chien était déjà connue parmi d’autres influenceurs depuis 2016. En outre, aucune notoriété de Mme [N]-[L] liée à la photographie dont elle reproche à la société Maje de s’être inspirée n’est caractérisée.

De même, Mme [N]-[L] n’établit pas avoir effectué des investissements liés à ce visuel qui ferait que celui-ci présente une valeur économique individualisée dont la société Maje aurait voulu tirer indûment profit.

Mme [N]-[L] échoue à démontrer une notoriété ou une valeur économique individualisée dans le sillage de laquelle la société Maje se serait placée afin d’en tirer profit, les actes de parasitismes ne pouvant résulter des seules ressemblances existant entre les photographies en cause.

Les agissements parasitaires de la société Maje ne sont en conséquence pas établis par Mme [N]-[L]. Cette dernière sera en conséquence déboutée de ses demandes à ce titre.

Le jugement sera infirmé en ce qu’il a retenu les actes de parasitisme au préjudice de Mme [N]-[L].

– Sur les autres demandes

Mme [N]-[L] échouant en la totalité de ses prétentions sera déboutée de sa demande de paiement des frais d’huissier de justice qu’elle a exposés.

Les dispositions du jugement concernant les dépens et les frais irrépétibles sont également infirmées.

Partie perdante, Mme [N]-[L] sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel et à payer à la société Maje, en application de l’article 700 du code de procédure civile, une indemnité qui sera, en équité, fixée à la somme de 10 000 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement entrepris sauf en sa disposition ayant débouté Mme [N]-[L] de ses demandes fondées sur le droit d’auteur,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Déboute Mme [S] [N]-[L] de l’ensemble de ses demandes au titre de la concurrence déloyale et du parasitisme,

Déboute Mme [S] [N]-[L] de sa demande de paiement des frais d’huissier de justice,

Condamne Mme [S] [N]-[L] à payer à la société Maje la somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel,

Condamne Mme [S] [N]-[L] aux dépens de première instance et d’appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

La Greffière La Présidente

 


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