Conseil en communication : 11 mai 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 23/00226

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Conseil en communication : 11 mai 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 23/00226
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COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 82E

6e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 11 MAI 2023

N° RG 23/00226 –

N° Portalis DBV3-V-B7H-VULP

AFFAIRE :

COMITE SOCIAL ET ECONOMIQUE DU CENTRE TECHNIQUE DE S INDUSTRIES DE LA FONDERIE (CTIF)

C/

Entreprise CENTRE TECHNIQUE INDUSTRIES FONDERIE – CTIF

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 21 Décembre 2022 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de NANTERRE

N° Section :

N° RG : 22/02726

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Véronique BUQUET-ROUSSEL

Me Maryline BUHL

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE ONZE MAI DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant, devant initialement être rendu le 13 avril 2023 et prorogé au 11 mai 2023, les parties en ayant été avisées, dans l’affaire entre :

COMITE SOCIAL ET ECONOMIQUE DU CENTRE TECHNIQUE DES INDUSTRIES DE LA FONDERIE (CTIF)

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentants : Me Véronique BUQUET-ROUSSEL de la SCP BUQUET-ROUSSEL-DE CARFORT, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 462 et Me Thomas HOLLANDE de la SELARL LBBA, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P469

APPELANTE

****************

CENTRE TECHNIQUE INDUSTRIES FONDERIE – CTIF

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Maryline BUHL de la SELAFA AUDIT-CONSEIL-DEFENSE, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

L’affaire a été débattue à l’audience publique du 14 février 2023, Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Catherine BOLTEAU-SERRE, Président,

Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,

Madame Isabelle CHABAL, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier en pré-affectation lors des débats : Madame Domitille GOSSELIN

Rappel des faits constants

Le Centre Technique des Industries de la Fonderie (CTIF), dont le siège social est situé à [Localité 4] dans les Hauts-de-Seine, est spécialisé dans l’amélioration du rendement et dans la garantie de la qualité dans les industries de la fonderie. Il emploie 89 salariés et est doté d’un Comité Social et Économique unique (CSE).

De façon générale, les centres techniques industriels (CTI) exercent des missions d’intérêt général, inscrites dans le code de la recherche et bénéficient d’un statut juridique dédié. Leurs actions portent principalement sur la mutualisation de moyens et de compétences au profit des TPE et PME industrielles, sur la transformation des entreprises et l’anticipation des évolutions du marché. Il existe 12 CTI pour partie financés par une taxe fiscale versée par les entreprises du secteur de l’industrie.

Le CTIF intervient plus particulièrement dans le domaine de la transformation des métaux (fonderie, fabrication additive métallique, affinage, recyclage, etc) et a deux missions : d’une part des actions et travaux mutualisés pour les industries de la fonderie française, d’autre part des prestations de services aux entreprises dans le domaine de la métallurgie et de la transformation des métaux. Son conseil d’administration est composé de membres comprenant des chefs d’entreprise fondeurs ou utilisateurs, des personnalités universitaires ou scientifiques et des représentants des personnels techniques de la profession nommés par arrêté du ministère de tutelle.

L’activité et les objectifs des CTI sont définis par contrat pluriannuel d’objectifs et de performance (COP) conclu avec le ministère de tutelle, le Ministère de l’Économie et des Finances, lequel décline les grandes orientations définies par l’État.

Le CTIF a signé le 7 novembre 2019 le COP sur la période 2020-2023 aux termes duquel était envisagé un rapprochement avec un autre Centre technique, le CETIM.

Après différentes actions préparatoires, un protocole d’entente de rapprochement a été signé entre le CTIF et le CETIM le 14 septembre 2021.

Une procédure de consultation du CSE a alors été engagée par la direction du CTIF, les membres du CSE étant convoqués à une réunion fixée au 15 septembre 2022.

Une nouvelle réunion a été organisée le 19 octobre 2022, à l’occasion de laquelle, le CSE a décidé de recourir à une expertise.

Considérant ne pas disposer des informations nécessaires pour se prononcer sur le projet de fusion, les élus du CSE ont fait assigner le CTIF devant le président du tribunal judiciaire de Nanterre suivant la procédure accélérée au fond, par acte du 9 novembre 2022.

La décision contestée

Le CSE a présenté les demandes suivantes :

– ordonner au centre de lui remettre, sous astreinte de 50 000 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir, un document de réponse aux questions adressées par les élus les 14 septembre et 19 octobre 2022, le contrat de coopération et de transformation du CTIF, le support spécifique établi par un prestataire externe relatif aux modalités d’accompagnement au changement ; le plan de retour à l’équilibre et de génération de cash-flows positifs, une note d’information complète sur le projet de fusion présentant : la justification économique et financière du projet, et notamment un détail des économies envisagées, les conséquences sociales du projet, en matière contractuelle, de statut collectif et de représentation du personnel et une présentation du projet de changement de la localisation de l’activité située à [Localité 4] et de son impact sur le contrat de travail des salariés,

– prolonger le délai de consultation d’un nouveau délai de deux mois courant à compter de la remise de l’ensemble des informations nécessaires à sa complète information,

– suspendre le projet de fusion jusqu’à achèvement de la procédure de consultation sous astreinte de 50 000 euros par « infraction constatée »,

– condamner le CTIF à lui verser la somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts pour entrave,

– condamner le CTIF à lui verser la somme de 6 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Le CTIF a, quant à lui, conclu à titre principal à l’irrecevabilité des demandes et, à titre subsidiaire, à leur rejet, outre à la condamnation du CSE à lui payer la somme de 6 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement contradictoire rendu le 21 décembre 2022, le tribunal judiciaire de Nanterre a :

– rejeté la fin de non-recevoir soulevée par le Centre Technique des Industries de la Fonderie,

– débouté le Comité Social et Économique du Centre Technique des Industries de la Fonderie de l’ensemble de ses demandes,

– mis à la charge du Comité Social et Économique du Centre Technique des Industries de la Fonderie la somme de 2 500 euros à payer au Centre Technique des Industries de la Fonderie en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– mis à la charge du Comité Social et Économique du Centre Technique des Industries de la Fonderie les entiers dépens de l’instance.

La procédure d’appel

Le CSE a interjeté appel du jugement par déclaration du 18 janvier 2023 enregistrée sous le numéro de procédure 23/00226.

Par ordonnance du 25 janvier 2023, le CSE a été autorisé à faire assigner le CTIF à l’audience du 14 février 2023.

Une médiation a été proposée aux parties lors de l’audience de plaidoiries, qui n’a cependant pas été acceptée.

Prétentions du CSE, appelant

Par dernières conclusions adressées par voie électronique le 19 janvier 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, le CSE demande à la cour d’appel de :

– confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par le CTIF,

– infirmer le jugement attaqué pour le surplus et en conséquence statuant à nouveau,

– ordonner au CTIF de lui remettre, sous astreinte de 50 000 euros par jour de retard à compter de la signification de l’arrêt à intervenir :

. un document de réponse aux questions adressées par les élus les 14 septembre et 19 octobre 2022,

. le contrat de coopération et de transformation du CTIF,

. le support spécifique établi par un prestataire externe relatif aux modalités d’accompagnement au changement,

. le plan de retour à l’équilibre et de génération de cash-flows positifs,

. une note d’information complète sur le projet de fusion présentant :

. la justification économique et financière du projet, et notamment un détail des économies envisagées,

. les conséquences sociales du projet, en matière contractuelle et de représentation du personnel,

. une présentation du projet de changement de la localisation de l’activité située à [Localité 4] et de son impact sur le contrat de travail des salariés,

– prolonger son délai de consultation d’un nouveau délai de deux mois courant à compter de la remise de l’ensemble des informations nécessaires à sa complète information sur le projet telles que précitées,

– suspendre sous astreinte de 50 000 euros par infraction constatée, toute mise en ‘uvre du projet de fusion jusqu’à l’achèvement régulier de la procédure de consultation,

– se réserver la liquidation de l’astreinte,

– condamner le CTIF à lui verser la somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts pour entrave,

– condamner le CTIF à lui verser la somme de 6 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner le CTIF aux entiers dépens,

– débouter le CTIF de ses demandes reconventionnelles.

Prétentions du CTIF, intimé

Par dernières conclusions adressées par voie électronique le 9 février 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, le CTIF demande à la cour d’appel de :

à titre principal,

– infirmer la décision du tribunal judiciaire en ce qu’elle a rejeté la fin de non-recevoir qu’il a soulevée,

– juger que le délai de consultation du CSE est fixé à un mois et qu’il a expiré le 5 novembre 2022,

– déclarer la requête du CSE irrecevable car faite après l’expiration du délai de consultation,

à titre subsidiaire,

– confirmer le jugement du tribunal judiciaire en ce qu’il a jugé que le CSE avait été suffisamment informé dans le cadre du projet de fusion,

– débouter le CSE de ses demandes d’informations et de documents complémentaires,

– débouter le CSE de sa demande de prolongation du délai de consultation et de suspension du projet de fusion,

en tout état de cause,

– confirmer le jugement du tribunal judiciaire en ce qu’il a débouté le CSE de ses demandes de dommages-intérêts pour entrave,

– débouter en conséquence le CSE de l’ensemble de ses demandes,

– confirmer le jugement en ce qu’il a condamné le CSE à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner le CSE à lui payer la somme de 6 000 euros à hauteur de cour en application de l’article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE L’ARRÊT

A titre liminaire, il est précisé que les demandes du CSE tendant à obtenir, dans le cadre d’une consultation sur une opération, la communication d’éléments qu’il estime manquants pour émettre un avis, est fondée sur les dispositions de l’article L. 2312-15 du code du travail, lequel énonce : « Le comité social et économique émet des avis et des v’ux dans l’exercice de ses attributions consultatives.

Il dispose à cette fin d’un délai d’examen suffisant et d’informations précises et écrites transmises ou mises à disposition par l’employeur, et de la réponse motivée de l’employeur à ses propres observations.

Il a également accès à l’information utile détenue par les administrations publiques et les organismes agissant pour leur compte, conformément aux dispositions légales relatives à l’accès aux documents administratifs.

Le comité peut, s’il estime ne pas disposer d’éléments suffisants, saisir le président du tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond, pour qu’il ordonne la communication par l’employeur des éléments manquants.

Cette saisine n’a pas pour effet de prolonger le délai dont dispose le comité pour rendre son avis. Toutefois, en cas de difficultés particulières d’accès aux informations nécessaires à la formulation de l’avis motivé du comité, le juge peut décider la prolongation du délai prévu au deuxième alinéa.

L’employeur rend compte, en la motivant, de la suite donnée aux avis et v’ux du comité. »

Sur la recevabilité de l’action du CSE

Le CTIF conclut à titre principal à l’infirmation de la décision du tribunal judiciaire en ce que celui-ci a rejeté la fin de non-recevoir qu’il avait soulevée. Il demande qu’il soit jugé que le délai de consultation du CSE était d’un mois et qu’il a expiré le 5 novembre 2022 et donc de déclarer irrecevable la requête du CSE car faite après l’expiration du délai de consultation.

Le CSE conteste cette demande. Il soutient avoir désigné un expert, ce qui a eu pour effet de porter le délai de consultation à deux mois, rendant ainsi l’action intentée le 9 novembre 2022 recevable.

En application de l’article R. 2312-6 du code du travail, « I.-Pour les consultations mentionnées à l’article R. 2312-5, à défaut d’accord, le comité social et économique est réputé avoir été consulté et avoir rendu un avis négatif à l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date prévue à cet article.

En cas d’intervention d’un expert, le délai mentionné au premier alinéa est porté à deux mois.

Ce délai est porté à trois mois en cas d’intervention d’une ou plusieurs expertises dans le cadre de consultation se déroulant à la fois au niveau du comité social et économique central et d’un ou plusieurs comités sociaux économiques d’établissement.

II.-Lorsqu’il y a lieu de consulter à la fois le comité social et économique central et un ou plusieurs comités d’établissement en application du second alinéa de l’article L. 2316-22, les délais prévus au I s’appliquent au comité social et économique central. Dans ce cas, l’avis de chaque comité d’établissement est rendu et transmis au comité social et économique central au plus tard sept jours avant la date à laquelle ce dernier est réputé avoir été consulté et avoir rendu un avis négatif en application du I. A défaut, l’avis du comité d’établissement est réputé négatif. »

L’article R. 2312-5 du même code dispose : « Pour l’ensemble des consultations mentionnées au présent code pour lesquelles la loi n’a pas fixé de délai spécifique, le délai de consultation du comité social et économique court à compter de la communication par l’employeur des informations prévues par le code du travail pour la consultation ou de l’information par l’employeur de leur mise à disposition dans la base de données économiques, sociales et environnementales dans les conditions prévues aux articles R. 2312-7 et suivants. »

En application de ces textes, il est constant que lorsqu’elle intervient dans le cadre d’une procédure de consultation d’un CSE, la désignation d’un expert porte la durée de celle-ci à deux mois.

Il est admis par les deux parties que le CSE a effectivement désigné le cabinet Coriolink en qualité d’expert dans le cadre de cette consultation.

Le CTIF remet cependant en cause l’effet utile de cette désignation. Il souligne que le cabinet désigné est en réalité une agence de communication, et non un expert en mesure de rendre un rapport éclairé, à laquelle le CSE a fait appel pour mener une campagne de lobbying auprès des médias locaux. Il soutient que le CSE a eu recours à cette agence de communication, uniquement dans un but dilatoire pour pouvoir se prévaloir d’un délai de consultation rallongé.

Toutefois, le CSE pouvait avoir recours, comme l’article L. 2315-81 du code du travail l’y autorise, à une expertise dite « libre », rémunérée par ses soins pour la préparation de ses travaux, par dérogation aux dispositions des articles L. 2315-78 et L. 2315-80 du même code qui prévoient des expertises avec des modalités précises.

Comme le soutient à juste titre le CSE, aucun texte ne précise le type d’expert pouvant être désigné par le CSE et l’article R. 2312-6 du code du travail ne restreint pas la prolongation du délai de consultation aux hypothèses d’expertise légale en excluant l’expertise libre.

Le CSE précise que le cabinet Coriolink est une agence de conseil, spécialisée notamment en affaires publiques, qu’il lui a été adressé une lettre de mission avec deux axes, à savoir accompagner le CSE sur le projet de fusion et investiguer sur l’opportunité d’une localisation de la future entité dans le Grand [Localité 3], que le cabinet a établi des travaux écrits dont certains ont été présentés à la direction, comme un baromètre des risques psychosociaux engendrés par le projet de fusion et une étude sur la relocalisation du site de [Localité 4].

Le CTIF ne rapporte pas la preuve qui lui incombe que c’est dans un but dilatoire que le CSE a fait appel à cette agence.

Au regard de ces éléments, il sera retenu que l’expertise adoptée par le CSE le 15 septembre 2022 sur le fondement de l’article L. 2315-81 du code du travail a porté le délai de consultation à deux mois, conformément aux dispositions des articles R. 2312-5 et R. 2312-6 du même code. La première réunion relative au projet de fusion étant intervenue le 15 septembre 2022, le délai de consultation de deux mois n’était donc pas expiré le 9 novembre 2022, date à laquelle le tribunal a été saisi.

La saisine du tribunal étant intervenue avant l’expiration du délai théorique de consultation, l’action du CSE doit être jugée recevable.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la suffisance des informations communiquées au CSE

Le CSE demande qu’il soit ordonné au CTIF de lui remettre les documents suivants :

– un document de réponse aux questions adressées par les élus les 14 septembre et 19 octobre 2022,

– le contrat de coopération et de transformation du CTIF,

– le support spécifique établi par un prestataire externe relatif aux modalités d’accompagnement au changement,

– le plan de retour à l’équilibre et de génération de cash-flows positifs,

– une note d’information complète sur le projet de fusion présentant :

. la justification économique et financière du projet, et notamment un détail des économies envisagées,

. les conséquences sociales du projet, en matière contractuelle et de représentation du personnel,

. une présentation du projet de changement de la localisation de l’activité située à [Localité 4] et de son impact sur le contrat de travail des salariés.

Le CSE soutient en effet ne pas avoir reçu d’informations suffisantes sur différents aspects du projet, à savoir sur sa justification économique et financière et sur les conséquences sociales, relatives au futur lieu d’activité, à la représentation du personnel et aux probables suppressions d’emploi.

Avant toute réponse, le CTIF explique que, selon lui, la préoccupation principale des élus du CSE n’est pas le projet de fusion mais un second projet mené en parallèle, celui d’une relocalisation du site de [Localité 4], que les locaux de [Localité 4] n’étant plus adaptés à l’activité, la direction mène une réflexion sur une relocalisation, sans avoir à ce stade, établi aucun projet défini susceptible d’être présenté aux élus mais que les élus militent pour une relocalisation dans un périmètre géographique limité. Il indique que, bien que les deux projets (fusion et relocalisation) sont sans lien car le projet de relocalisation aurait été envisagé même en l’absence de la fusion, les élus usent de toutes les voies juridiques à leur disposition pour faire obstacle au projet de fusion et faire entendre leurs revendications sur une relocalisation dans un périmètre géographique proche. Il soutient que, si les revendications des élus du CSE concernant le projet de relocalisation peuvent se comprendre, il est essentiel de bien scinder les deux projets qui sont indépendants l’un de l’autre. Il ajoute enfin à ce sujet qu’au regard de la situation financière catastrophique du CTIF, le projet de fusion devient une nécessité pour éviter une cessation de paiement.

Il convient de rappeler qu’en application de l’article L. 2312-15 du code du travail, afin d’émettre un avis, le CSE doit bénéficier d’informations précises et écrites transmises ou mises à sa disposition par l’employeur et de la réponse motivée de l’employeur à ses propres observations.

Ainsi, la qualité, le caractère complet, la précision et la pertinence de l’information délivrée au CSE doit lui permettre d’émettre un avis en toute connaissance de cause sur le projet qui lui est soumis.

Le CTIF précise que le projet de rapprochement entre le CTIF et le CETIM a été évoqué à l’occasion d’au moins 17 réunions du CSE entre juin 2020 et septembre 2022 et que la direction a informé régulièrement et en toute transparence le CSE sur l’évolution des réflexions menées pour définir les contours du rapprochement avec le CETIM.

Le CSE ne conteste pas que le projet de rapprochement n’était pas tenu secret mais souligne à juste titre que cette information ne saurait dispenser la direction de procéder à une consultation loyale et sérieuse.

Concernant la justification économique et financière du projet

Le CSE indique qu’il résulte du traité de fusion que l’opération est envisagée pour permettre « la réalisation d’économies sur les frais de structure, une réduction des coûts et des charges administratives », qu’au cours de la réunion du 15 septembre 2022, la direction a indiqué que la situation économique du CETIM-CTIF déficitaire était connue depuis plusieurs années et que le projet de rapprochement visait à la sécuriser et la rendre saine.

Il soutient que la note d’information communiquée aux élus est très peu disante sur ce point et demande la communication des informations suivantes :

– Sur quels postes de dépenses des économies sont attendues,

– Quel est le montant des économies envisagées,

– Quels sont les résultats envisagés pour la future entité,

– Quel est le coût de l’opération de fusion.

En réponse, le CTIF explique que des points réguliers ont été faits auprès du CSE sur la situation financière dégradée du Centre, que le rapprochement avec le CETIM a toujours été présenté comme un moyen de redresser la situation du CTIF et d’en assurer l’avenir, que la fusion n’entraîne aucun coût, s’agissant d’une opération strictement juridique et qu’aucun chiffrage des économies attendues n’a été fait.

Il résulte du protocole d’entente et du projet de traité de fusion (pièces 19 et 32 du CTIF) que la fusion avec le CETIM recouvre à la fois un enjeu stratégique et un enjeu financier au regard de la situation financière dégradée du CTIF.

La situation économique du CTIF est nécessairement connue du CSE, qui est, par mission, constamment destinataire d’informations précises à ce sujet.

Le CSE est également informé que le rapprochement entre le CTIF et le CETIM fait partie des objectifs fixés par l’État, financeur des CTI, et s’impose en conséquence au Centre.

Enfin, il est cohérent d’en conclure, ainsi que le soutient le CTIF, que le coût de l’opération, uniquement juridique, est nul.

Il résulte de ces éléments que la justification du projet est avant tout liée à la demande de l’État, qui est le financeur du CTIF, et que cette seule circonstance suffit à valider le projet, de sorte qu’il n’y a pas lieu de faire droit à la demande du CSE tendant à ce que soient présentés les économies réalisées ou les gains envisagés, qui, quoi qu’il en soit, n’ont pas, selon ses dires, été évalués par le CTIF.

Concernant les conséquences sociales du projet

Le CSE allègue encore que les salariés ne parviennent pas à obtenir des informations loyales, écrites et précises sur les conséquences de l’opération plus particulièrement sur leur futur lieu d’activité, la représentation du personnel et les probables suppression d’emploi.

Le futur lieu d’activité

Le CSE indique que la note d’information fait état d’un projet de transfert du lieu de l’activité et que la décision relative à la future relocalisation serait actée « en 2022 », que lors de la réunion du 15 septembre, la direction a tenu un discours ambigu : « La Direction rappelle que la fusion et la nouvelle organisation n’impliquent aucune mutation géographique. Il est toutefois possible que des postes soient ouverts à l’avenir sur d’autres sites et que des opportunités justifient des mutations », que par le passé, elle avait fait état d’un maintien du site à [Localité 4] puisque, lors de la réunion du CSE du 20 avril 2022, à la question des élus « est-ce que le site de [Localité 4] : reste à [Localité 4] ou pas ‘ est déplacé en région parisienne ‘ », elle avait répondu : « tout est ouvert, rien n’est écrit. A court terme, nous restons sur le site de [Localité 4] », que le traité de fusion est en revanche très clair et ne fait que renforcer l’inquiétude des élus puisqu’il y est très clairement inscrit que le maintien de l’activité sur le site de [Localité 4] est impossible et le futur lieu d’activité sera nécessairement « en région ».

Les élus du CSE indiquent qu’ils n’ont pu avoir confirmation de ce que cette notion de « région » s’entend de la région parisienne et non de la province, que les conséquences d’une mobilité pour les salariés concernés ne sont pas précisées et qu’ils ont été informés de ce que le conseil d’administration de la Fédération Forge Fonderie s’était prononcé très largement en faveur d’une localisation à terme du CTIF dans le Grand Est, à [Localité 2].

Le CSE conteste la position de la direction en ce qu’elle soutient qu’il s’agit d’un projet distinct de celui de la fusion. Il fait valoir que, non seulement la non-viabilité du site de [Localité 4] a été évoquée à plusieurs reprises en réunion mais que sa fermeture est à présent inscrite dans le projet de fusion, que c’est ce qui explique que les deux sujets aient été mis à l’ordre du jour de la même réunion le 15 septembre 2022, que, s’ils avaient été distincts et autonomes, il ne fait pas de doute que la direction aurait attendu le terme de la consultation sur la fusion pour faire état d’un projet de déménagement.

Il souligne qu’il s’agit d’un point essentiel pour les élus, ne serait-ce que parce qu’un éloignement géographique ferait perdre à la future structure des compétences précieuses de certains salariés ne pouvant accepter un tel changement de lieu de travail.

Le CTIF répond que cette réflexion est indépendante de la fusion et que le CSE sera informé en temps utile sur un éventuel projet de déménagement et ses conséquences. Il ajoute que cette réflexion aurait été menée même en l’absence de rapprochement avec le CETIM. Elle rappelle qu’elle a été claire sur le fait que la fusion en tant que telle n’impliquait aucune mobilité géographique.

Il résulte de l’ordre du jour de la réunion du 15 septembre 2022 que, s’il est bien prévu à l’ordre du jour de traiter les deux questions, soit le projet de fusion et la localisation du CTIF, seul le projet de fusion était soumis à consultation (pièce 1 du CSE) de sorte que la question de la localisation du CTIF doit être considérée comme non soumise à la présente consultation, même si, comme le soulignent à juste titre les élus du CSE, cette distinction apparaît artificielle à certains égards, plus particulièrement concernant la situation concrète des salariés. En tout état de cause, il résulte des explications de la direction qu’indépendamment de la fusion, la question de la localisation du CTIF restera à traiter au regard de l’état décrit comme dégradé des locaux de [Localité 4].

Le CSE n’est dès lors pas légitime à demander des informations supplémentaires à ce sujet.

La représentation du personnel

Le CSE prétend que les informations communiquées sur les conséquences du projet sur la représentation du personnel sont inexactes et incomplètes.

Il fait valoir que la direction a soutenu, dans un premier temps que la fusion entraînerait une disparition de l’instance et des mandats des représentants du personnel alors que le changement d’employeur ne remet pas en cause, en soi, les mandats représentatifs conformément à l’article L. 2143-10 du code du travail qui prévoit que les mandats et institutions subsistent jusqu’à leur échéance normale si l’entité transférée conserve son autonomie puis a soutenu, dans un deuxième temps, le contraire, à savoir qu’il subsistera un CSE d’établissement.

Il prétend qu’il est essentiel que les élus comprennent comment se justifie l’affirmation péremptoire selon laquelle le CSE et les élus vont perdre leur autonomie après l’opération.

Le CTIF répond que la direction a pris soin d’expliquer aux élus que la fusion entraînerait la disparition du CSE du CTIF et la cessation automatique des mandats des élus, dans la mesure où le CTIF allait perdre toute autonomie juridique ou de fait suite à la fusion conformément aux dispositions de l’article L. 2314-35 du code du travail.

Il résulte en effet du procès-verbal de la réunion du 15 septembre 2022 que la direction a donné ces explications, peu important qu’elle ait changé de position en cours de procédure dès lors que l’information donnée dans le cadre de la consultation est claire et précise.

Par ailleurs, le fait que le CSE ne partage pas l’analyse juridique du CTIF est indifférent à ce stade de la procédure, l’important étant qu’une information a été donnée.

Le CSE n’est pas légitime à demander des explications supplémentaires à ce sujet.

Les probables suppression d’emploi

Le CSE fait valoir à ce sujet que l’article V du traité de fusion indique que la plus-value qui serait réalisée en cas de cession des actifs immobiliers sera affectée « aux frais et coûts de restructuration des activités du CTIF » mais qu’en dépit de leurs demandes, les élus ne sont pas parvenus à obtenir le détail de cette restructuration et notamment ses conséquences sur l’emploi.

Il remet en cause les organigrammes produits par la direction, insuffisants selon lui car valables uniquement jusqu’à décembre 2022, soit avant que l’opération ne soit effective.

Le CTIF rétorque qu’il a donné une information claire à ce sujet, à savoir qu’à ce jour, aucune suppression de poste n’est envisagée.

Il résulte en effet du procès-verbal de la réunion du 15 septembre 2022 que la direction s’est engagée sur le fait que la fusion n’entraîne aucun changement de lieu de travail et ne supprime aucun emploi.

Le CSE ne peut donc utilement demander des informations supplémentaires à ce sujet.

En définitive, il sera constaté la suffisance des informations communiquées par le CTIF dans le cadre de cette procédure de consultation et donc le CSE sera débouté de toutes ses demandes contraires, par confirmation du jugement entrepris.

Sur l’entrave au fonctionnement du CSE

Le CSE sollicite la condamnation du CTIF à lui verser une somme de 50 000 euros en réparation du préjudice qu’il allègue avoir subi du fait de l’entrave apportée à ses fonctions.

Il fait valoir que la direction a refusé de lui transmettre les informations nécessaires pour lui permettre de rendre un avis éclairé sur le projet de fusion, qu’il a également été démontré que la direction avait débuté la mise en ‘uvre du projet bien avant la consultation, en signant dès le mois de septembre 2021 un « protocole de déclaration d’entente pour le rapprochement du CETIM et du CTIF », sans aucune consultation préalable de l’instance et que le conseil d’administration a définitivement approuvé le traité de fusion dès le 6 octobre 2022, soit avant le recueil de son avis, privant ainsi la consultation de tout effet utile.

Le CTIF répond que le protocole de déclaration d’entente et le projet de fusion ne constituent que des actes préparatoires, que la décision définitive n’est pas signée et que la mise en ‘uvre de la fusion a été reportée dans l’attente du résultat du recours engagé par le CSE. Il rappelle que le calendrier des opérations avait été présenté aux élus du CSE lors de la réunion du 15 septembre 2022. Il conclut à l’absence d’entrave.

L’article L. 2317-1 du code du travail dispose : « Le fait d’apporter une entrave soit à la constitution d’un comité social et économique, d’un comité social et économique d’établissement ou d’un comité social et économique central, soit à la libre désignation de leurs membres, notamment par la méconnaissance des dispositions des articles L. 2314-1 à L. 2314-9 est puni d’un emprisonnement d’un an et d’une amende de 7 500 euros. Le fait d’apporter une entrave à leur fonctionnement régulier est puni d’une amende de 7 500 euros. »

Il est par ailleurs constant que l’employeur qui commet un tel délit d’entrave peut être condamné par une juridiction civile à verser des dommages-intérêts au CSE.

En l’espèce toutefois, le refus de transmettre au CSE les informations nécessaires pour lui permettre de rendre un avis éclairé sur le projet de fusion a été écarté précédemment. Le CSE ne démontre par ailleurs pas que la direction avait débuté la mise en ‘uvre du projet avant la consultation. La signature du « protocole de déclaration d’entente pour le rapprochement du CETIM et du CTIF » s’inscrivait dans le cadre des objectifs fixés par l’État et comportait une simple déclaration d’intention permettant de donner un cadre aux démarches préparatoires qui allaient suivre. Enfin, comme l’explique pertinemment le CTIF, le projet de traité de fusion, qui a pour objectifs de préciser les contours pratiques et juridiques de l’opération, ne constitue pas une décision définitive de fusion, laquelle implique un vote du conseil d’administration et la signature d’un arrêté de dissolution.

Il sera relevé que le CSE a été informé de façon transparente à chaque étape de l’opération, ainsi que cela résulte des nombreux procès-verbaux de réunion versés aux débats.

Il résulte enfin d’un courriel de Mme [U] du 19 décembre 2022 (pièce 26 du CSE) que la direction du CTIF a informé les salariés que la fusion initialement prévue pour intervenir le 1er janvier 2023 était reportée à une date ultérieure à la procédure judiciaire et aux éventuels recours engagés contre la décision.

Dans ces circonstances, l’entrave n’est pas établie.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les dépens et les frais irrépétibles de procédure

Compte tenu de la teneur de la décision rendue, le jugement de première instance, en ce qu’il a mis à la charge du CSE les dépens et une somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles de procédure, sera confirmé.

En application des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, le CSE, qui succombe dans ses prétentions, supportera les dépens d’appel tels qu’ils sont définis par l’article 695 du même code.

Le CSE sera en outre condamné à payer au CTIF une indemnité sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, que l’équité et la situation économique respective des parties conduisent à arbitrer à la somme de 2 500 euros et sera débouté de sa propre demande présentée sur le même fondement.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant publiquement, en dernier ressort et par arrêt contradictoire,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Nanterre le 21 décembre 2022,

Y ajoutant,

CONDAMNE le Comité Social et Économique du Centre Technique des Industries de la Fonderie au paiement des dépens d’appel,

CONDAMNE le Comité Social et Économique du Centre Technique des Industries de la Fonderie à payer au Centre Technique des Industries de la Fonderie une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE le Comité Social et Économique du Centre Technique des Industries de la Fonderie de sa demande présentée sur le même fondement.

Arrêt prononcé publiquement à la date indiquée par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Catherine Bolteau-Serre, président, et par Mme Domitille Gosselin, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,

 


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