Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête, enregistrée le 20 mars 1998 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée par la SOCIETE CANAL 9, dont le siège social est …, représentée par son président en exercice ; la SOCIETE CANAL 9 demande au Conseil d’Etat d’annuler la décision du 6 janvier 1998 par laquelle le Conseil supérieur de l’audiovisuel a rejeté sa candidature en vue de l’exploitation d’un service de radiodiffusion sonore dénommé « Chante France » dans lez zones du Havre, du Mans, d’Evreux, de Caen et de Rouen ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu l’ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
– le rapport de M. Thiellay, Maître des Requêtes,
– les conclusions de M. Salat-Baroux, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que la SOCIETE CANAL 9 demande l’annulation de la décision du Conseil supérieur de l’audiovisuel du 6 janvier 1998 en tant qu’elle a rejeté la candidature de ladite société en vue de l’exploitation d’un service de radiodiffusion sonore dénommé « Chante France » dans les zones du Havre, du Mans, d’Evreux, de Caen et de Rouen ;
En ce qui concerne la zone d’Evreux :
Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu’en vertu des dispositions de l’article 32 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée : « Les refus d’autorisation sont notifiés aux candidats et motivés » ; que la décision susvisée du 6 janvier 1998 notifiée le 27 janvier, par laquelle le Conseil supérieur de l’audiovisuel a rejeté la demande de la SOCIETE CANAL 9 pour l’ensemble des zones susmentionnées, ne comporte pas de motivation en ce qui concerne la zone d’Evreux ; que la circonstance qu’une nouvelle décision rejetant la candidature de la SOCIETE CANAL 9 dans la zone d’Evreux, en date du 16 juin 1998, notifiée le 6 août 1998 est motivée, est sans influence sur la légalité de la décision intervenue le 6 janvier 1998 ; qu’ainsi, faute de comporter les raisons de fait et de droit justifiant le rejet opposé à la requérante dans cette dernière zone, la décision attaquée doit être annulée en tant qu’elle concerne la zone d’Evreux ;
En ce qui concerne la zone du Havre :
Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête :
Considérant que si la décision attaquée précise les raisons pour lesquelles le Conseil supérieur de l’audiovisuel a, pour trois fréquences sur les cinq qui étaient disponibles dans la zone du Havre, préféré les candidatures de Radio classique, de RTL2 et de Fun radio à celle de la requérante, elle n’indique pas les raisons pour lesquelles aucune des deux autres fréquences disponibles n’a été attribuée à la SOCIETE CANAL 9 ; que celle-ci est dès lors fondée à soutenir que la décision attaquée prise en méconnaissance des dispositions précitées de l’article 32 de la loi du 30 septembre 1986, doit être annulée en tant qu’elle concerne la zone du Havre ;
En ce qui concerne la zone du Mans :
Sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :
Considérant qu’aux termes de l’article 29 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée : « Le Conseil accorde les autorisations en appréciant l’intérêt de chaque projet pour le public, au regard des impératifs prioritaires que sont la sauvegarde du pluralisme des courants d’expression socio-culturels, la diversification des opérateurs, et la nécessité d’éviter les abus de position dominante ainsi que les pratiques entravant le libre exercice de la concurrence. Il tient également compte : 1° de l’expérience acquise par le candidat dans les activités de communication … » ;
Considérant que si le Conseil supérieur de l’audiovisuel, en vertu des dispositions précitées de l’article 29 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée, peut tenir compte, lorsqu’il accorde une autorisation, de l’expérience acquise par le candidat dans les activités de communication, il ne peut légalement déduire de la seule circonstance qu’un candidat n’est pas présent dans les zones concernées qu’il ne satisfait pas au critère précité, lequel est relatif au professionnalisme des opérateurs, ni retenir la candidature d’un autre opérateur pour le seul motif que ce dernier est déjà présent dans ces zones ; qu’il ressort des pièces du dossier que, pour rejeter la candidature de la SOCIETE CANAL 9 dans la zone du Mans, le Conseil supérieur de l’audiovisuel a opposé à celle-ci, non présente sur ladite zone, l’expérience qu’avait acquise dans cette zone un autre opérateur, dont la candidature a été retenue ; que ce motif est, par suite, entaché d’erreur de droit ; qu’ainsi, la société requérante est fondée à demander l’annulation de la décision attaquée en tant qu’elle a rejeté sa candidature pour la zone du Mans ;
En ce qui concerne les zones de Rouen et de Caen :
Considérant que le tableau, extrait du procès-verbal de la séance au cours de laquellela décision en cause a été prise, permet d’identifier ceux des critères énumérés à l’article 29 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée sur lesquels le Conseil supérieur de l’audiovisuel s’est fondé pour rejeter la demande et précise les éléments de fait, tirés notamment des mérites comparés des différents pétitionnaires, que le Conseil a retenus pour estimer que la demande devait être écartée ; qu’ainsi, la décision attaquée satisfait à l’obligation faite par l’article 32 précité au Conseil supérieur de l’audiovisuel de motiver son refus d’autorisation ;
Considérant que le Conseil supérieur de l’audiovisuel pouvait légalement, à l’appui de la décision critiquée, retenir dans ces deux zones le motif tiré de la diversification des programmes et des formats, lequel se rattache au critère de sauvegarde du pluralisme des courants d’expression socio-culturels fixé à l’article 29 précité de la loi du 30 septembre 1986 modifiée, dont il n’a pas été fait une inexacte application ;
Considérant que, contrairement à ce que soutient la société requérante, le Conseil supérieur de l’audiovisuel n’a pas considéré que l’ensemble des radios à dominante musicale constituaient un unique courant d’expression socio-culturel au sens de l’article 29 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée ; que le Conseil n’a pas procédé à une appréciation erronée en estimant que le projet présenté par la société requérante présentait une dominante de variétés musicales ;
Considérant que le détournement de pouvoir allégué n’est pas établi ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE CANAL 9 n’est fondée à demander l’annulation de la décision attaquée qu’en tant qu’elle concerne les zones du Havre, d’Evreux et du Mans ;
Sur les conclusions du Conseil supérieur de l’audiovisuel tendant à l’application des dispositions de l’article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que, la SOCIETE CANAL 9 ne pouvant être regardée, dans la présente instance, comme la partie perdante, les dispositions de l’article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce qu’elle soit condamnée à verser au Conseil supérieur de l’audiovisuel la somme qu’il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La décision susvisée du Conseil supérieur de l’audiovisuel en date du 6 janvier 1998 est annulée en tant qu’elle concerne les zones du Havre, d’Evreux et du Mans.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 3 : Les conclusions du Conseil supérieur de l’audiovisuel tendant à l’application des dispositions de l’article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE CANAL 9, au Conseil supérieur de l’audiovisuel, au Premier ministre et au ministre de la culture et de la communication.