Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 6 septembre 2005 et 6 janvier 2006, présentés pour la SOCIETE ORGACHIM, dont le siège est 3, rue Octave Fauquet, B.P. n° 7 à Oissel (76350) ; la SOCIETE ORGACHIM demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler l’arrêt du 5 juillet 2005 par lequel la cour administrative d’appel de Douai a rejeté sa requête tendant à l’annulation du jugement du 30 décembre 2002 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté ses demandes tendant à la réduction des cotisations de taxe professionnelle auxquelles elle a été assujettie dans les rôles de la commune d’Oissel au titre des années 1995 à 1997 ;
2°) statuant au fond, de lui accorder la réduction des cotisations de taxe professionnelle en litige ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 4 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 ;
Vu le décret n° 2005-1586 du 19 décembre 2005 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de Mlle Emmanuelle Cortot, Auditeur,
– les observations de la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de la SOCIETE ORGACHIM,
– les conclusions de M. Stéphane Verclytte, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu’en vertu d’un accord en date du 28 décembre 1994, il a été convenu que, par voie d’apport partiel d’actif placé sous le régime de droit commun des apports en nature, seraient transférées à la SOCIETE ORGACHIM, ayant été créée le 9 novembre 1994, d’une part, une unité de fabrication de produits phytosanitaires et de santé animale, et d’autre part, la branche d’activité de production et de commercialisation des dérivés chimiques de la huit-hydroxi-quinoléine, exploitées jusqu’alors par la société anonyme La Quinoléine et ses dérivés ; que la convention d’apport partiel d’actif conclue le 28 décembre 1994 a été approuvée par l’assemblée générale extraordinaire d’actionnaires de la SOCIETE ORGACHIM le 30 décembre 1994 ; qu’à raison de l’unité de fabrication et de la branche d’activité qui lui avaient été ainsi transférées, la SOCIETE ORGACHIM a été assujettie à des cotisations de taxe professionnelle au titre des années 1995 à 1997, qu’elle a contestées par quatre réclamations préalables qui ont été rejetées ; que la SOCIETE ORGACHIM se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 5 juillet 2005 par lequel la cour administrative d’appel de Douai a rejeté sa requête tendant à l’annulation du jugement du 30 décembre 2002 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté ses demandes tendant à la réduction des cotisations de taxe professionnelle susmentionnées ;
Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête ;
Considérant qu’aux termes du I de l’article 1478 du code général des impôts : La taxe professionnelle est due pour l’année entière par le redevable qui exerce l’activité le 1er janvier ; qu’aux termes du IV du même article : En cas de changement d’exploitant, la base d’imposition est calculée pour les deux années suivant celle du changement, dans les conditions définies au deuxième alinéa du II. / Si le changement d’exploitant prend effet le 1er janvier, le nouvel exploitant est imposé pour l’année du changement sur les bases relatives à l’activité de son prédécesseur ; que dans le cas où le patrimoine afférent à l’exercice de l’activité passible de la taxe professionnelle est transmis par voie d’apport partiel d’actif soumis au régime de droit commun des apports en nature, le changement d’exploitant, au sens des dispositions du IV de l’article 1478 du code général des impôts, s’opère à la date de réalisation définitive de cette transmission qui est celle à laquelle l’accord d’apport partiel d’actif a été approuvé par l’assemblée générale extraordinaire d’actionnaires de la société bénéficiaire, à moins que cet accord ou la délibération de cette assemblée n’ait prévu que l’opération prendrait effet à une date postérieure à cette approbation ; que par suite, en estimant que, compte tenu des indices matériels révélant, selon elle, que l’exploitation effective des actifs apportés par la société La Quinoléine et ses dérivés à la SOCIETE ORGACHIM n’avait commencé que le 1er janvier 1995, la date du changement d’exploitant ne pouvait être fixée à la date du 30 décembre 1994 à laquelle la convention d’apport partiel d’actif avait été approuvée par l’assemblée générale extraordinaire d’actionnaires de la SOCIETE ORGACHIM, la cour a commis une erreur de droit ; qu’il suit de là que la SOCIETE ORGACHIM est fondée à demander l’annulation de l’arrêt attaqué ;
Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article L. 821-2 du code de justice administrative, et de régler l’affaire au fond ;
Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens soulevés par la SOCIETE ORGACHIM devant la cour administrative d’appel de Douai ;
Considérant qu’aux termes de l’article R. 613-1 du code de justice administrative : Le président de la formation de jugement peut, par une ordonnance, fixer la date à partir de laquelle l’instruction sera close (…) ; qu’aux termes de l’article R. 613-2 de ce code : Si le président de la formation de jugement n’a pas pris une ordonnance de clôture, l’instruction est close trois jours francs avant la date de l’audience indiquée dans l’avis d’audience prévu à l’article R. 711-2. Cet avis le mentionne (…) ; qu’aux termes de l’article R. 613-3 du même code : Les mémoires produits après la clôture de l’instruction ne donnent pas lieu à communication et ne sont pas examinés par la juridiction (…) ; qu’il résulte de ces dispositions que l’instruction écrite est normalement close dans les conditions fixées par l’article R. 613-1 ou bien, à défaut d’ordonnance de clôture, dans les conditions fixées par l’article R. 613-2 ; que toutefois, lorsque, postérieurement à cette clôture, le juge est saisi d’un mémoire émanant de l’une des parties à l’instance, et conformément au principe selon lequel, devant les juridictions administratives, le juge dirige l’instruction, il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de ce mémoire avant de rendre sa décision, ainsi que de le viser sans l’analyser ;
Considérant qu’il résulte de l’instruction que la SOCIETE ORGACHIM a adressé au tribunal administratif de Rouen des observations écrites après la clôture de l’instruction ; que ce mémoire a été enregistré au greffe du tribunal le 13 décembre 2002, après l’audience publique au cours de laquelle le commissaire du gouvernement a prononcé ses conclusions ; que le jugement attaqué, dont les visas ne font pas mention de ce mémoire, est ainsi entaché d’une irrégularité ; qu’il suit de là que la SOCIETE ORGACHIM est fondée à demander l’annulation du jugement attaqué ;
Considérant qu’il y a lieu d’évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de la SOCIETE ORGACHIM ;
Sur la procédure d’imposition :
Considérant que si l’administration fiscale soutient qu’il n’y a pas lieu de tenir compte, pour l’application du IV de l’article 1478 du code général des impôts, de la date à laquelle la convention d’apport partiel d’actif conclue par la SOCIETE ORGACHIM et la société La Quinoléine et ses dérivés a été approuvée par l’assemblée générale extraordinaire d’actionnaires de la première de ces deux sociétés, elle ne demande en aucun cas au juge de l’impôt que soient écartées les stipulations de cette convention au motif qu’elles auraient été entachées d’un abus de droit ; qu’il suit de là que la SOCIETE ORGACHIM n’est pas fondée à soutenir que l’administration aurait mis en oeuvre la procédure de répression des abus de droit tout en la privant des garanties prévues par l’article L. 64 du livre des procédures fiscales, dont les dispositions n’étaient, au demeurant, pas applicables aux impositions en litige ;
Sur l’application de la loi fiscale :
Considérant, d’une part, qu’ainsi qu’il a été dit ci-dessus, la transmission à la SOCIETE ORGACHIM du patrimoine précédemment exploité par la société La Quinoléine et ses dérivés doit être regardée comme étant intervenue à la date du 30 décembre 1994 à laquelle la convention d’apport partiel d’actif a été approuvée par l’assemblée générale extraordinaire d’actionnaires de la première de ces deux sociétés ; qu’ainsi, en application des dispositions précitées du IV de l’article 1478 du code général des impôts, la base d’imposition de la SOCIETE ORGACHIM pour les deux années suivant celle du changement, c’est-à-dire pour les années 1995 et 1996, doit être calculée dans les conditions définies au deuxième alinéa du II de l’article 1478 du code général des impôts ; qu’aux termes de cet alinéa, dans sa rédaction alors applicable : Pour les deux années suivant celle de la création, la base d’imposition est calculée d’après les immobilisations dont le redevable a disposé au 31 décembre de la première année d’activité et les salaires dus au titre de cette même année ou les recettes réalisées au cours de cette même année. Ces deux éléments sont ajustés pour correspondre à une année pleine ; que le 4° de l’article 1469 du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable, prévoit qu’il n’est pas tenu compte de la valeur locative des biens non passibles d’une taxe foncière pour les redevables sédentaires dont les recettes annuelles n’excèdent pas 400 000 F s’il s’agit de prestataires de services ou de membres de professions libérales et un million de francs dans les autres cas ;
Considérant, d’autre part, qu’aux termes du cinquième alinéa de l’article 1518 B du code général des impôts, dans sa rédaction applicable en l’espèce : Pour les opérations mentionnées au premier alinéa réalisées à compter du 1er janvier 1992, la valeur locative des immobilisations corporelles ne peut être inférieure aux quatre cinquièmes de son montant avant l’opération (…) ; que le premier alinéa de l’article 1518 B du code général des impôts mentionne notamment les opérations d’apport ; qu’il résulte de ces dispositions que la valeur locative à retenir dans les bases de la taxe professionnelle, après un apport, au titre des immobilisations corporelles apportées, ne peut en aucun cas être inférieure aux quatre cinquièmes de la valeur locative retenue dans les bases de la taxe professionnelle, avant l’opération, au titre des mêmes immobilisations corporelles ;
Considérant qu’il résulte de l’instruction que, compte tenu des dégrèvements auxquels a procédé l’administration, la valeur locative retenue dans les bases de la taxe professionnelle de la SOCIETE ORGACHIM pour les années 1995 et 1996, au titre des immobilisations corporelles qui lui ont été apportées par la société La Quinoléine et ses dérivés, a été fixée aux quatre cinquièmes de la valeur locative retenue avant l’opération, au titre des mêmes immobilisations corporelles, dans les bases de la taxe professionnelle de la société La Quinoléine et ses dérivés pour l’année 1994 ; que, d’une part, il résulte des dispositions précitées de l’article 1518 B du code général des impôts, telles qu’interprétées ci-dessus, que la SOCIETE ORGACHIM ne peut utilement se prévaloir du 4° de l’article 1469 du code général des impôts pour demander que la valeur locative des immobilisations corporelles qui lui ont été apportées soit fixée à un montant inférieur à celui qui a finalement été retenu par l’administration par référence à la valeur locative, avant l’opération, des mêmes immobilisations ; que, d’autre part, la SOCIETE ORGACHIM ne soutient pas que la valeur locative, avant l’opération, des immobilisations corporelles qui ont été apportées par la société La Quinoléine et ses dérivés aurait été calculée en méconnaissance des dispositions du 4° de l’article 1469 du code général des impôts ; que dans ces conditions, le moyen que la SOCIETE ORGACHIM tire de ce que les cotisations de taxe professionnelle mises à sa charge au titre des années 1995 et 1996 l’auraient été en méconnaissance des dispositions combinées du IV de l’article 1478 et du 4° de l’article 1469 du code général des impôts, doit être écarté ; qu’il en va de même, par voie de conséquence, du moyen que la SOCIETE ORGACHIM tire de ce que la cotisation de taxe professionnelle mise à sa charge au titre de l’année 1997 l’aurait été en méconnaissance des dispositions de l’article 1469 A bis du code général des impôts, alors en vigueur ;
Sur l’application des articles L. 80 A et L. 80 B du livre des procédures fiscales :
Considérant que la SOCIETE ORGACHIM invoque, d’une part, sur le fondement du premier alinéa de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales, la documentation administrative de base 6-E-2212 dans sa rédaction du 10 septembre 1996 selon laquelle les recettes au sens du 4° de l’article 1469 du code général des impôts sont, lorsqu’il s’agit des deux premières années d’imposition d’une entreprise nouvelle, les recettes de l’année de création ou de la reprise de l’établissement, et d’autre part, sur le fondement de l’article L. 80 B du livre des procédures fiscales, une décision en date du 17 août 1999 par laquelle l’administration aurait admis que le changement d’exploitant résulté de la convention d’apport partiel d’actif conclue entre la SOCIETE ORGACHIM et la société La Quinoléine et ses dérivés aurait eu lieu le 30 décembre 1994 ; que toutefois, la garantie prévue par le premier alinéa de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales, auquel renvoie l’article L. 80 B du même livre, ne peut être invoquée que pour contester les rehaussements d’impositions auxquels procède l’administration ; qu’ainsi, la SOCIETE ORGACHIM ne peut, en tout état de cause, s’en prévaloir utilement pour contester les cotisations de taxe professionnelle en litige, qui n’ont pas le caractère de rehaussements ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE ORGACHIM n’est pas fondée à demander la réduction des cotisations de taxe professionnelle auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1995 à 1997 ;
Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’Etat qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par la SOCIETE ORGACHIM devant le Conseil d’Etat et la cour administrative d’appel de Douai au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Douai en date du 5 juillet 2005 et le jugement du tribunal administratif de Rouen en date du 30 décembre 2002 sont annulés.
Article 2 : La demande présentée par la SOCIETE ORGACHIM devant le tribunal administratif de Rouen est rejetée.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la SOCIETE ORGACHIM devant le Conseil d’Etat et devant la cour administrative d’appel de Douai est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE ORGACHIM et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.