Conseil d’État, 9ème – 10ème chambres réunies, 13/12/2017, 397601

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Conseil d’État, 9ème – 10ème chambres réunies, 13/12/2017, 397601

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

La SAS Boccafin a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle sur cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre de l’exercice clos en 2005. Par un jugement n° 1108353 du 16 mai 2013, le tribunal administratif de Montreuil a fait droit à cette demande.

Par un arrêt n° 13VE02416 du 31 décembre 2015, la cour administrative d’appel de Paris a rejeté le recours du ministre des finances et des comptes publics contre ce jugement.

Par un pourvoi, enregistré le 3 mars 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, le ministre des finances et des comptes publics demande au Conseil d’Etat d’annuler cet arrêt.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

– le code de commerce ;

– le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de Mme Ophélie Champeaux, maître des requêtes en service extraordinaire,

– les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Célice, Soltner, Texidor, Perier, avocat de la société Boccafin ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l’article 223 A du code général des impôts dans sa rédaction applicable au litige :  » Une société peut se constituer seule redevable de l’impôt sur les sociétés dû sur l’ensemble des résultats du groupe formé par elle-même et les sociétés dont elle détient 95 p. 100 au moins du capital (…) « . Les modalités d’application de ces dispositions sont précisées par l’article 46 quater-0 ZF de l’annexe III à ce code, qui disposait alors en son premier alinéa que :  » Pour l’application des dispositions de l’article 223 A du code général des impôts, la détention de 95 p. 100 au moins du capital d’une société s’entend de la détention en pleine propriété de 95 p. 100 au moins des droits à dividendes et de 95 p. 100 au moins des droits de vote attachés aux titres émis par cette société « .

2. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Permal Group, société en commandite par actions créée en 2002, comptait parmi ses commanditaires la société Worms et Cie SA qui détenait plus de 95 % de son capital et avait pour unique commandité la société de droit américain Permal Group LCC. Sur le fondement des dispositions citées au point 1, elle a opté, avec effet au 1er janvier 2004, pour son entrée dans le groupe fiscal intégré dont la mère était la société Worms et Cie SA. A l’issue d’une vérification de comptabilité, l’administration fiscale a notamment remis en cause la validité de cette option au motif que la société Worms et Cie SA ne disposait pas de 95 % des droits de vote au sein de la société commanditée. Elle a, dès lors, imposé la SCA Permal Group sur ses résultats propres au titre de l’exercice clos en 2005. Le ministre des finances et des comptes publics se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 31 décembre 2015 par lequel la cour administrative d’appel de Versailles a rejeté son recours contre le jugement du tribunal administratif de Montreuil du 16 mai 2013 prononçant la décharge des impositions supplémentaires auxquelles la société Boccafin, venant aux droits de la SCA Permal Group, a été assujettie.

3. Aux termes de l’article L. 226-1 du code de commerce :  » La société en commandite par actions, dont le capital est divisé en actions, est constituée entre un ou plusieurs commandités, qui ont la qualité de commerçant et répondent indéfiniment et solidairement des dettes sociales, et des commanditaires, qui ont la qualité d’actionnaires et ne supportent les pertes qu’à concurrence de leurs apports. (…) / Dans la mesure où elles sont compatibles avec les dispositions particulières prévues par le présent chapitre, les règles concernant les sociétés en commandite simple et les sociétés anonymes, à l’exception des articles L. 225-17 à L. 225-93, sont applicables aux sociétés en commandite par actions « .

4. Le ministre soutient que, pour l’appréciation du seuil de détention de 95% des droits de vote prévu par les dispositions de l’article 46 quater-0 ZF de l’annexe III au code général des impôts citées au point 1, il convient, lorsque la société intégrée est une société en commandite par actions, de prendre en compte à la fois les actions détenues par les commanditaires et, directement ou indirectement, les parts sociales des commandités.

5. D’une part, il ressort des termes mêmes de l’article 223 A du code général des impôts cité au point 1 ci-dessus que le bénéfice du régime d’intégration fiscale qu’il prévoit est subordonné à la détention, par la société tête de groupe, de plus de 95 % du capital de la société intégrée. Or, si les dispositions des articles L. 226-1 et suivants du code de commerce relatifs aux sociétés en commandite par actions confèrent des pouvoirs de gestion étendus aux commandités exerçant la gérance de telles sociétés, il résulte de son article L. 226-1 cité au point 3 que le capital d’une société en commandite par actions est composé des actions détenues par les commanditaires, qui ont seuls la qualité d’actionnaires.

6. D’autre part, si les dispositions de l’article 46 quater-0 ZF de l’annexe III au code général des impôts exigent, pour l’appréciation du seuil de 95% de détention du capital, la détention de 95 % au moins des droits de vote attachés aux titres émis par la société intégrée, seuls les commanditaires d’une société en commandite par actions détiennent des titres de capital émis par cette dernière et sont appelés à exprimer des votes lors de ses assemblées générales.

7. Il résulte de ce qui précède que la cour n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant que l’administration fiscale ne pouvait légalement exclure la SCA Permal Group du groupe fiscal intégré dont la société Worms et Cie SA était la tête au motif que cette dernière aurait disposé de moins de 95 % des droits de vote au sein de la société Permal Group LCC, commanditée de la SCA Permal Group. Le ministre des finances et des comptes publics n’est, par suite, pas fondé à demander l’annulation de son arrêt.

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 500 euros à verser à la société Boccafin, venant aux droits de la société Permal Group, au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

————–

Article 1er : Le pourvoi du ministre des finances et des comptes publics est rejeté.

Article 2 : L’Etat versera à la société Boccafin une somme de 3 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l’action et des comptes publics et à la société Boccafin.

ECLI:FR:CECHR:2017:397601.20171213


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