Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu le recours, enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat le 18 mars 1988, présenté par le MINISTRE D’ETAT, CHARGE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE LA PRIVATISATION ; le ministre demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler le jugement du 17 décembre 1987 par lequel le tribunal administratif de Besançon a accordé à la société anonyme « Maty » la décharge du complément d’impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre de l’année 1979 ;
2° de remettre ce complément d’impôt sur les sociétés, ainsi que les pénalités y afférentes, à la charge de la société anonyme « Maty » ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;
Vu l’ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
– le rapport de M. Hourdin, Maître des Requêtes,
– les observations de la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat de la société anonyme « Maty »,
– les conclusions de M. Ph. Martin, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que la société anonyme « Maty », qui exerçait, à Besançon, une activité de fabrication et de vente, notamment par correspondance, d’articles d’horlogerie, de bijouterie et de joaillerie, a conclu, le 10 février 1979, avec les actionnaires de la société anonyme « Difor », qui exploitait, à Besançon aussi, une entreprise concurrente de distribution des mêmes catégories de produits, un protocole d’accord par lequel elle s’est engagée à apurer le passif de cette société, tel qu’il avait été homologué par un jugement du tribunal de commerce de Nancy du 8 décembre 1977, ses partenaires acceptant, de leur côté, de lui céder, pour un prix unitaire symbolique de 0,01 F, tel nombre de leurs actions d’une valeur nominale de 100 F, qu’elle souhaiterait acquérir ; qu’ayant acquis aux conditions ainsi convenues, en mars 1979, 7 705 des 10 000 actions composant le capital de la société « Difor », la société « Maty » s’est portée caution, à concurrence d’une somme de 9 419 651 F, du paiement des dettes pour lesquelles la société « Difor » avait obtenu, du tribunal de commerce, un moratoire de trois ans ; que, contrairement aux prévisions du plan de redressement de la société « Difor », sur la base duquel la société « Maty » avait accepté de conclure le protocole d’accord du 10 février 1979, la situation de la société « Difor » a continué de se dégrader ; qu’estimant, dès lors, probable qu’elle devrait, comme caution, payer deux dettes de la société « Difor » d’un montant total de 4 027 700 F venant à échéance en 1980 et que la créance de ce montant qu’elle viendrait en conséquence à détenir sur la société « Difor », serait irrecouvrable, la société « Maty » a inscrit au passif de son bilan de l’exercice clos le 30 septembre 1979 une provision pour perte de 4 027 700 F ; que, regardant cette somme comme un élément du prix d’acquisition de la valeur d’actif constituée par les 7 705 actions de la société « Difor » et non comme une charge déductible des résultats de l’exercice clos en 1979 par la société « Maty », l’administration fiscale a réintégré la provision constituée par celle-ci et l’a assujettie, pour l’année 1979, au supplément d’impôt sur les sociétés correspondant ;
Considérant, en premier lieu, que, compte tenu de la situation déjà lourdement négative de la société « Difor » en février et mars 1979 et du risque corrélativement pris par la société « Maty » en s’engageant à apurer le passif de cette entreprise, le ministre du budget n’établit pas que les 7 705 actions acquises par la société « Maty » n’ont pas été payées à leur juste prix à 0,01 F l’unité ; qu’ainsi la somme de 4 027 700 F ne peut être regardée comme ayant constitué un complément du prix d’achat de ces titres ;
Considérant, en deuxième lieu, que le fait, subsidiairement invoqué par le ministre, que le paiement de la somme de 4 027 700 F que la société « Maty » pouvait être appelée, comme caution, à effectuer aux lieu et place de la société « Difor », ne pouvait la rendre créancière de cette dernière qu’au titre de l’exercice en cours en 1980, ne faisait pas obstacle à la constitution de la provision contestée au titre de l’exercice précédent, dès lors qu’à la date de sa clôture, le 30 septembre 1979, la perte de cette créance apparaissait déjà comme probable ;
Considérant, enfin, que si le ministre du budget soutient, en appel, que la réintégration de la provision pourrait trouver un fondement légal de substitution dans le caractère étranger à une gestion commerciale normale de la caution donnée par la société « Maty », il n’apporte pas, à l’appui de cette allégation, les éléments qui permettraient d’en admettre le bien-fondé ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que le ministre n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a déchargé la société « Maty » du supplément d’impôt sur les sociétés qui lui avait été assigné au titre de l’année 1979 ;
Article 1er : Le recours du MINISTRE D’ETAT, CHARGE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE LA PRIVATISATION est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au ministre de l’économie et des finances et à la société anonyme « Maty ».