Conseil d’État, 8ème et 3ème sous-sections réunies, 07/07/2006, 277455

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Conseil d’État, 8ème et 3ème sous-sections réunies, 07/07/2006, 277455

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 février et 10 juin 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour Mme Nicole A, demeurant … ; Mme A demande au Conseil d’Etat d’annuler l’arrêt du 13 janvier 2005 par lequel la cour administrative d’appel de Paris a rejeté sa requête tendant à l’annulation du jugement du 29 mars 2001 du tribunal administratif de Versailles rejetant sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre de l’année 1991 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de M. Patrick Quinqueton, Maître des Requêtes,

– les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de Mme A,

– les conclusions de M. Laurent Olléon, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que Mme A et les époux B se sont associés pour créer en mai 1990 la SARL Enercom, dont l’activité est le tourisme technologique, et spécialement la visite de centrales nucléaires ; que cette société s’est prévalue pour les exercices 1991 et 1992 du régime fiscal d’exonération en faveur des entreprises nouvelles prévu par l’article 44 sexies du code général des impôts ; qu’elle a créé une filiale, la SARL Sunset Tours, dont elle est actionnaire à 70 % et qui exerce la même activité commerciale qu’elle mais dans une autre zone géographique ; qu’à la suite de la vérification de comptabilité dont a fait l’objet la SARL Enercom, le service a remis en cause le bénéfice du régime d’exonération des entreprises nouvelles dont elle entendait bénéficier, en raison de la part importante prise dans son bénéfice par les revenus tirés de sa participation dans la société Sunset Tours ; que la SARL Enercom ayant opté à sa création pour le régime d’imposition des sociétés de personnes, Mme A a été assujettie, au titre de l’année 1991, à raison de sa participation dans cette société conformément à l’article 8 du code général des impôts, à une cotisation supplémentaire d’impôt sur le revenu résultant de cette remise en cause ; que, par un arrêt en date du 13 janvier 2005, la cour administrative d’appel de Paris a rejeté sa requête dirigée contre le jugement en date du 29 mars 2001 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande en décharge de cette imposition ;

Sans qu’il soit besoin d’examiner l’autre moyen de la requête ;

Considérant qu’aux termes de l’article 44 sexies du code général des impôts dans sa rédaction applicable aux années d’imposition en litige : Les entreprises créées à compter du 1er octobre 1988 qui exercent une activité commerciale, industrielle ou artisanale (…) sont exonérées d’impôt sur le revenu ou d’impôt sur les sociétés à raison du bénéfice réalisé jusqu’au terme du vingt-troisième mois suivant celui de leur création. (…) Ces dispositions ne s’appliquent pas aux entreprises qui exercent une activité bancaire, financière, d’assurance, de gestion ou de location d’immeuble. (…) ; qu’il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux préparatoires auxquelles elles ont donné lieu, que le législateur n’a entendu exclure du champ de l’exonération les entreprises nouvelles dont les bénéfices proviennent pour partie d’activités d’une nature autre qu’industrielle, commerciale ou artisanale que dans la mesure où ces activités ne constituent pas le complément indissociable d’une activité exonérée ; qu’en particulier, les bénéfices d’une entreprise nouvelle qui perçoit des produits financiers tout en exerçant, à titre principal, une ou plusieurs activités entrant dans le champ de l’exonération ne demeurent exonérés, qu’à la condition que ces produits résultent exclusivement de la gestion de la trésorerie courante nécessaire à l’exercice de cette activité ; que toutefois, lorsque les produits financiers proviennent d’une activité dont l’exercice est indissociable de celui de l’entreprise et est poursuivie à des fins autres que financières, notamment pour assurer son développement, ils ne sauraient par leur seule existence ou à raison de leur comparaison avec les besoins de financement de l’entreprise, qui n’ont pas motivé leur recherche, priver celle-ci du bénéfice des dispositions précitées de l’article 44 sexies du code général des impôts ;

Considérant que pour juger que la prise de participation de la société Enercom dans la société Sunset Tours, à l’origine de la perception de dividendes, relevait d’une activité accessoire dissociable de son activité principale, sans qu’y fasse obstacle la circonstance qu’elle aurait eu pour but de créer des synergies, la cour administrative d’appel de Paris s’est fondée sur la seule circonstance que le montant de ces dividendes excédait celui résultant de la gestion de la trésorerie courante nécessaire à l’exercice de son activité commerciale alors que les frais financiers générés par cette activité étaient déjà partiellement compensés par la perception d’autres revenus de placements ; qu’en ne recherchant pas si, comme s’en prévalait l’entreprise et l’avait reconnu la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires qu’elle avait saisie, la nature et la réalité des synergies invoquées entre l’activité de l’entreprise nouvelle et celle de la filiale qu’elle avait créée, ne conféraient pas à cette participation un caractère indissociable de l’activité principale de l’entreprise exonérée, la cour a commis une erreur de droit ; que, dès lors, Mme A est fondée à demander l’annulation de l’arrêt attaqué ;

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de renvoyer l’affaire devant la cour administrative d’appel de Paris ;

D E C I D E :

————–

Article 1er : L’arrêt en date du 13 janvier 2005 de la cour administrative d’appel de Paris est annulé.

Article 2 : L’affaire est renvoyée devant la cour administrative d’appel de Paris.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme Nicole A et au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.


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