Conseil d’Etat, 7 / 9 SSR, du 29 novembre 1978, 08313, mentionné aux tables du recueil Lebon

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Conseil d’Etat, 7 / 9 SSR, du 29 novembre 1978, 08313, mentionné aux tables du recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête sommaire et le mémoire ampliatif présentés pour la société X… , agissant poursuites et diligence de son président en exercice, dont le siège social est à … , ladite requête et ledit mémoire enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d’Etat respectivement le 28 juin et le 28 octobre 1977 et tendant à ce qu’il plaise au Conseil annuler un jugement en date du 28 avril 1977 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge de l’impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre de l’année 1968 dans un rôle de la ville de … et subsidiairement sa demande en réduction de la même imposition. Vu l’ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ; Vu la loi du 30 décembre 1977 ; Vu le Code général des Impôts.

Considérant que, pour l’application de l’article 38-2 du Code général des Impôts, applicable en matière d’impôt sur les sociétés en vertu de l’article 209 du même Code, et selon lequel le bénéfice net imposable est constitué par la différence entre les valeurs de l’actif net à la clôture et à l’ouverture de l’exercice, il y a lieu de prendre en compte, pour la détermination de l’actif net à la clôture de l’exercice, toutes les créances que la société a acquises sur des tiers ainsi que toutes les dettes qui sont nées à sa charge envers des tiers, si du moins ces créances et ces dettes sont, à la date de la clôture de l’exercice, certaines dans leur principe et dans leur montant. Que, d’autre part, les dispositions de l’article 39-1 du code susvisé aux termes duquel : « le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant … notamment … 5. les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que les évènements en cours rendent probables » permettent aux sociétés de constituer des provisions lorsque, notamment, le recouvrement ultérieur de tout ou partie des créances acquises à la clôture de l’exercice peut être tenu pour douteux ou qu’il est probable que la société sera ultérieurement appelée à supporter des pertes ou charges se rattachant à des opérations antérieures à la clôture de l’exercice, mais n’ayant pas encore à cette date fait naître une dette à la charge de la société ; que la déduction des provisions, même justifiées, est toutefois subordonnée, aux termes de ce même article 39-1-5., à la condition que ces provisions « aient été effectivement constatées dans les écritures de l’exercice et figurent au relevé prévu à l’article 54 ».

Considérant que la société anonyme X…, créée en mars 1968, a pour actionnaires les principaux producteurs français d’engrais azotés qui l’ont chargée de promouvoir et de coordonner leurs ventes ; qu’il a été convenu qu’elle serait rémunérée des services rendus au moyen de redevances mises à la charge des producteurs et proportionnelles au chiffre d’affaires réalisé par chacun d’eux, le taux de la redevance étant fixé chaque année de manière à assurer approximativement l’équilibre de son compte d’exploitation ; que, pour le premier exercice ouvert le 1er mai et clos le 31 décembre 1968, il a été décidé, en septembre 1968, de fixer provisoirement le taux de la redevance à 0,50 % ; que, par la suite, le taux a été, par décision du 24 février 1969 ramené à 0,45 % ; que, pour la détermination des résultats de ce premier exercice, la société a calculé, sur la base de ce dernier taux, le montant de ses créances acquises à la clôture de l’exercice, et fait ainsi apparaître un résultat déficitaire ; qu’à la suite d’une vérification, l’administration a opéré quelques redressements mineurs qui ne sont pas contestés et a, en outre, estimé que les créances acquises devaient être calculées sur la base d’un taux de 0,50 % ce qui dégageait un bénéfice net imposable à raison duquel la société a été assujettie à l’impôt sur les sociétés au titre de l’année 1968, les résultats de l’exercice suivant étant d’ailleurs corrigés en sens inverse ; que la société demande à titre principal, la décharge de cette imposition en arguant essentiellement du caractère incertain de ses créances, qui résulterait de ce que le taux de 0,50 % n’avait été fixé qu’à titre provisoire, et demande à titre subsidiaire une réduction des bases d’imposition fondée sur ce que, même calculé sur la base d’un taux de 0,50 %, le montant des créances acquises devrait être diminué du montant de la taxe sur la valeur ajoutée que la société serait tenue d’acquitter lors de l’encaissement des recettes correspondantes.

Sur les conclusions principales : Considérant que, lorsqu’un bien ou un produit a été vendu ou qu’un service a été rendu au cours d’un exercice moyennant un prix de base contractuellement fixé, ce prix présentant toutefois un caractère provisoire en ce qu’il devra, en vertu du contrat, être majoré ou minoré en fonction d’évènements qui ne surviendront ou d’éléments qui ne pourront être connus ou chiffrés qu’à une date postérieure à la clôture de l’exercice, l’incertitude qui affecte cette majoration ou cette minoration ultérieure éventuelle fait obstacle, d’une part, à ce que cette majoration ou cette minoration soit prise en compte dans le bilan de clôture de l’exercice, sauf par voie de provision au cas où une minoration pouvait à cette date être tenue pour probable, mais ne retire pas, d’autre part, au prix de base, tel qu’il est connu et arrêté à la clôture du bilan, le caractère d’une créance actuellement acquise pour un montant déterminé ; que celle-ci doit donc être prise en compte à ce titre et pour ce montant dans le bilan. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que, le taux de 0,50 % étant le seul qui ait été fixé avant le 31 décembre 1968, c’est à bon droit que la société requérante, qui n’avait pas constitué de provision pour faire face à une minoration, à la supposer probable, de ce taux, a été imposée sur des bases ne tenant pas compte de la minoration, décidée après la clôture de l’exercice.

Sur les conclusions subsidiaires : Considérant qu’aux termes de l’article 39-1 du Code général des Impôts : « le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant … notamment : … 3. … les impôts à la charge de l’entreprise mis en recouvrement au cours de l’exercice … » ; qu’en matière de prestation de services, aux termes de l’article 269-1 du même code : « le fait générateur de la taxe sur la valeur ajoutée est constitué … g par l’encaissement du prix ou de la rémunération … » ; qu’il résulte de ces dispositions que, faute d’avoir encaissé, à la date de la clôture de l’exercice, les redevances qui, comme il a été dit ci-dessus, lui étaient dues, la société n’était pas, à cette date, redevable de la taxe sur la valeur ajoutée afférente à ces redevances ; qu’ainsi, la dette d’impôt correspondante, n’étant pas encore née au 31 décembre 1968, ne pouvait pas être prise en compte comme telle dans le bilan établi à cette date ; que la société requérante, n’ayant pas usé de la faculté de constituer une provision en vue de faire face à la charge fiscale qui ne manquerait pas de lui incomber le moment venu, n’est dès lors pas fondée à prétendre que le montant de ses créances acquises devait être diminué du montant de la taxe sur la valeur ajoutée qu’elle serait tenue d’acquitter lors de l’encaissement des recettes correspondantes. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la société requérante n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions tant principales que subsidiaires.

Décide : ARTICLE 1ER – La requête susvisée de la société anonyme « Société X… , » est rejetée.


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